Chapitre 2 : Le "Pearl Essence"
POINT DE VUE DE BYRON
Assis à l'une des tables de l'auberge, j'attendais impatiemment que ce foutu tavernier revienne. Il avait plutôt intérêt à me trouver un bateau sur lequel embarquer rapidement, parce que je n'allais pas pouvoir contenir ma colère très longtemps. Mes hommes étaient non loin, entre-eux. Ils me connaissaient assez pour savoir qu'ils risquaient gros à venir m'emmerder dans un moment pareil.
Qu'elle idée était donc passée par la tête de cette idiote pour aller se mettre dans une situation pareille ? Je lui avais pourtant bien dis de ne pas aller sauver cette sirène ! Mais pourquoi m'écouterait-elle une fois dans sa vie ?! Résultat, elle a disparu je ne sais où, embarquée par ces pirates, et nous sommes bloqués ici sans moyen de la retrouver le temps que ce tavernier daigne pointer le bout de son nez. Il allait regretter de me faire attendre celui-là.
La veille au soir, mes hommes et moi avions été blessés, mais rien nous empêchant de continuer notre voyage aujourd'hui. Nous étions des soldats, des chevaliers, avions connu bien pire et n'étions probablement pas au bout de nos peines avec Breena. La plus grosse blessure dont je souffrais était une profonde entaille le long de ma clavicule droite. Cela allait rendre plus difficile le maniement de mes armes, mais pas impossible. De plus, la douleur qu'elle provoquait me rappelait constamment mon objectif face à ces hors-la-loi. Quelques minutes après l'enlèvement de cette idiote, ils s'étaient enfuis, nous pensant trop blessés pour les poursuivre. Ils avaient en partie raison. En revanche, ce n'étaient pas des modèles d'obéissance puisqu'ils étaient censés nous « terminer » d'après leur capitaine. Ils auraient probablement dû, ils allaient le regretter.
Les doigts croisés sous le menton, le regard fixe vers la porte d'entrée, la jambe s'agitant d'impatience sous cette table, j'attendais.
— Du nouveau ? vint me demander Edwin, sans que je ne détourne le regard de ma focalisation.
— Si j'avais du nouveau, crois-tu réellement que je serais encore en train d'attendre ici ?! m'énervais-je.
— Byron... Calme-toi.
Je tournais brusquement la tête vers lui, le fusillant du regard, avant d'articuler, très lentement :
— Pardon ?
Il eût un léger mouvement de recul, minime mais perceptible. Il était en train de traverser la ligne rouge, celle qui risquait de faire céder toutes mes barrières et il s'en rendait compte.
— Hum... Rien, laisse tomber.
Ravi qu'il ait compris son erreur, je refocalisais mon attention sur mon but premier. Du coin de l'œil, je le vis esquisser un mouvement pour s'en aller avant de revenir vers moi :
— Et... Votre lien ? tenta-t-il a nouveau.
Il était persévérant... Ce n'était pas pour rien qu'il était l'un de mes lieutenants. Je fermais les yeux, inspirant fortement pour faire redescendre la pression qui commençait à me dominer. Il venait de poser une des questions qui mettait mes nerfs à rude épreuve depuis cette nuit. Je secouais la tête.
— Rien ? insista-t-il.
— Il est toujours présent, mais est ténu. Elle est vivante je le sais. Mais je ne sais pas si le lien est faible parce qu'elle est blessée ou parce qu'elle s'éloigne de moi. Probablement les deux... Je ne ressens même plus ses émotions ! m'emportais-je, faisant venir vers moi mes autres lieutenants.
— Nous allons la retrouver, m'assura Ulric.
— J'y compte bien. Et ces abrutis vont regretter de l'avoir emmenée loin de moi. S'ils ont touché à un seul de ses cheveux... commençais-je.
— Nous leur ferons payer au centuple, finit Mahaut.
Dans ce genre de moment, mon cœur se gonflait de fierté d'avoir à mes côtés d'aussi bons lieutenants et amis. Je savais qu'ils me suivraient et m'aideraient où que j'aille et quoi que je fasse. Le capitaine de ce navire pouvait-il en dire autant ? Visiblement pas après la fuite de ses hommes.
Breena était ma mission, ma priorité, la clef de notre survie à tous. Et on me l'avait prise. Ce n'était pas concevable. J'avais failli à ma mission dès son commencement, et cela avait le don de m'énerver quelques peu. Je ne ratais pas de mission. Je n'échouais pas. Jamais. Et ce n'était pas aujourd'hui que ça allait commencer. J'allais retrouver Breena, faire payer ses ravisseurs, et cette petite effrontée allait comprendre ce qu'il en coûtait de me désobéir une fois de plus.
Le soleil s'était levé depuis peu lorsque le tavernier revint enfin dans son auberge. Je me levais d'un bond et le rejoins rapidement, à grandes enjambées.
Il voulut aller se cacher derrière son comptoir mais j'étais plus rapide que lui. L'attrapant par le col de sa chemise, je le plaquais contre le mur devant moi. Il couina sous l'impact, mais peu importait.
— Trouvez-moi un bateau sur lequel embarquer immédiatement.
— Vous m'faites mal, dit-il, la respiration lourde.
— Croyez-moi, vous allez comprendre le réel sens de ce mot si je le décide. Là ce n'est rien. Trouvez-moi un foutu bateau ! éclatais-je en le claquant une nouvelle fois contre le mur.
Le bois derrière son corps craqua sous l'impulsion.
— Je... Lâchez- moi qu'j'regarde.
Inspirant fortement, je le relâchais. Il s'écrasa au sol. Il était plus petit que moi et je l'avais soulevé à ma hauteur. Tant mieux. Il comprendrait ce qu'il en coûte de se mettre en travers de mon chemin. Il se faufila jusqu'à son comptoir sous ma surveillance. Il pensait probablement que cela constituait une protection suffisante contre moi. Soit. Si cela le soulageait.
— On dirait bien qu'le bateau dont j'vous ai parlé, le « Pearl Essence », arrive dans quelqu'heures.
— Parfait, nous serons dessus. Il serait judicieux de me faire prévenir lorsqu'il sera présent, compris ?
— Oui m'sieur.
Je hochais la tête.
— J'vous avais dit que j'voulais pas d'embrouilles ici, eût-t-il le courage de me dire alors que j'allais partir.
— Tout ça n'est rien à côté du carnage que je compte faire quand j'aurais retrouvé la demoiselle qui était à mes côtés. Estimez-vous heureux de ne pas en faire partie. D'ailleurs, si vous revoyez l'un ou l'autre des membres d'équipages de ce bateau, faites leur bien savoir que je suis sur leur traces, dis-je avec un léger sourire.
Je passais les quelques heures suivantes avec mes lieutenants à préparer nos affaires et nos provisions. Nous nous nettoyâmes ainsi que tout notre équipement. Un émissaire était venu une heure plus tôt nous apporter des documents trouvés par Garence au château. Nous les étudierons en route. Pour le moment j'avais un autre but en tête.
Nous étions assis non loin du port. Je tenais dans mes mains les dagues offertes à ma protégée, je les fis tournoyer et les soupesais. Je ne comprenais pas pourquoi ils ne les avaient pas prises. Généralement ce type d'armes intéressait grandement les pirates. Visiblement tout ce qu'ils voulaient était Breena. Je ne savais pas ce qu'ils comptaient faire d'elle mais il valait mieux qu'ils évitent de lui faire du mal.
Cela me tuait littéralement d'attendre. Mais nous n'avions pas d'autre choix. Nous devions embarquer pour espérer pouvoir la retrouver. J'allais essayer de soudoyer le capitaine du « Pearl Essence » pour qu'il nous permette de nous éloigner un peu de son trajet, à la recherche de Breena. J'avais espoir qu'une fois sur l'eau notre lien se réactive et me permette de la retrouver. Je ne savais comment, mais depuis quelques temps j'avais la possibilité de repérer les endroits où elle se trouvait, plus ou moins. Notre lien avait évolué avec le temps. Tout comme cette communication, qu'elle semblait capable d'établir avec moi. C'était étrange et cela ne s'était pas reproduit depuis son affrontement avec Adson. Et pour une fois j'espérais qu'elle s'en serve pour me contacter, que je sache ce qu'il se passe, où elle se trouve, si elle est blessée...
— M'sieur ? vint m'interpeller un jeune garçon.
— Hum ?
— L'tavernier m'envoie vous dire qu'votre bateau est là.
— Très bien. Merci.
Il ne se fit pas prier et déguerpit aussi vite qu'il était venu.
— Allons-y, dis-je à mes hommes en me levant.
Accompagné du tavernier qui nous guida, nous rejoignîmes le fameux bateau. Il était massif et visiblement assez luxueux. Le capitaine avait déjà été prévenu de notre arrivée par l'aubergiste.
Le capitaine devait avoir mon âge et ne semblait pas mauvais. J'allais tout de même rester sur mes gardes. Les pirates savaient créer des alliances partout, avec tout le monde. Même s'ils semblaient être solitaires.
Nous nous saluâmes. Il s'appelait Frem Dawkins.
— Montez, dit-il simplement.
Une fois à bord, nous attendîmes qu'il revienne. Je souhaitais parler du paiement. Il vint alors vers nous, j'allais entamer la conversation lorsqu'il m'interrompit :
— Ne dites rien. Je sais déjà ce qu'il s'est passé ici hier soir.
— Comment ?
— J'ai mes sources. Je vous emmène, et vous n'aurez rien à payer. Nous retrouverons votre demoiselle.
C'était trop facile. Beaucoup trop facile.
— Puis-je me permettre de vous demander pourquoi ?
— Je sais contre qui vous vous êtes battus. J'ai quelques griefs contre Jack Ren et c'est pour moi l'occasion de lui faire payer.
— Jack Ren ? Ce nom me dit quelque chose.
— Il est aussi appelé le Serpent des Mers, le pire pillard que nous connaissions.
— Je vois.
— Un dortoir est en train de vous être préparé. Nous partirons dans peu de temps, nous devons charger une autre cargaison. D'ailleurs, Capitaine, il faudrait que vous me suiviez, quelqu'un veut vous voir, me dit-il.
— Qui ?
Il ne répondit pas et me guida jusqu'à sa cabine, qui lui servait également de bureau. Mes lieutenants m'avaient suivi.
Une fois entrés, j'observais Frem refermer derrière nous avant de me rendre compte que personne ne se trouvait dans cette pièce. Sans savoir pourquoi, j'avais la désagréable impression que je n'allais pas apprécier la rencontre qui allait suivre. Je fixais le capitaine, dans l'expectative, mais il n'eût pas le temps de me parler qu'une voix, que je ne connaissais que trop bien, retentit dans mon dos :
— Bonjour grand frère.
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