XVII. J'ai eu si peur (Echo)
XVII
J'AI EU SI PEUR (ECHO)
J'ouvris les yeux difficilement.
D'abord tout était flou. Puis, petit à petit, je perçus plus nettement ce qui m'entourait. Mais la lumière continuait de m'aveugler. Elle me forçait à refermer les yeux. Pourtant je ne voulais pas les refermer. Je voulais que mes paupières restent ouvertes. Je ne voulais pas dormir. Je ne voulais pas repartir. Je ne voulais pas mourir. Je voulais rester éveillée. Vivante.
Soudain, une douleur lancinante envahit mes membres, les ankylosa. J'avais l'impression d'être broyée de l'intérieur. De brûler. Je voulus crier à l'aide, mais aucun son ne réussit à passer mes lèvres. J'étais plongée dans une sorte de mutisme forcé. J'avais envie de tousser. J'avais besoin d'air. J'étais sur le point de cracher mes poumons.
Mais je suis en vie.
Si j'ai mal, c'est que je suis en vie.
J'avais envie de pleurer, mais même ça, ça me paraissait impossible.
— Ne tente pas de parler tout de suite, entendis-je. Tu as été intubée. Ça risque de te faire mal un petit moment.
Cette voix, je la reconnaissais, mais je n'arrivais pas à la rapprocher d'un nom. Tout ce que je savais, c'est que ce n'était pas Samuel. Je n'avais aucune idée de l'endroit où je me trouvais et de qui était avec moi. J'avais l'impression d'être sans repères. J'étais perdue et j'avais peur. J'étais confuse. Les Simulations étaient terminées, ça je m'en souvenais. Après, tout se confondait. Mes souvenirs n'étaient pas linéaires. Je n'avais plus aucune certitude.
Mes yeux s'ouvrirent de nouveau. Cette fois, je les laissais s'habituer à la lumière avant de parcourir la pièce du regard. Je n'étais pas à l'hôpital. Étais-je déjà de retour au Simulatorium ?
À côté de moi, un garçon était assis. Je pouvais sentir son regard sur moi. Je me rappelai de sa voix et de son nom. Évidemment, ça ne pouvait être que lui. J'eus envie de sourire.
J'essayai de me redresser pour m'asseoir et m'offrir une certaine contenance. Malheureusement, cela m'était impossible. Je dus faire une grimace car cela eut l'air d'alarmer le garçon.
— Oulà, doucement !
Le blondinet s'empressa de venir m'aider. Son contact sembla m'apaiser.
Mais je fus prise d'une quinte de toux. Ma poitrine était encore si douloureuse. Chaque respiration était difficile, comme si un poids se trouvait sur ma cage thoracique pour comprimer mes organes vitaux. Et mon coeur, et mes poumons. Il me fallait faire des efforts pour respirer quasiment normalement.
Je voulus prononcer son nom. Comme si j'avais besoin de vérifier que tout cela était vrai. Qu'il était vraiment là, avec moi. Mais je n'y parvins pas. À la place, un son incompréhensible, même pour moi-même, franchit mes lèvres. Alors je réitérai. Encore. Et encore.
— Luke ?
Ses yeux azurés sur posèrent sur moi. Son regard pourtant souvent si froid et fermé paraissait bercé de douceurs et d'inquiétudes. Ses lèvres dessinèrent même l'esquisse d'un sourire.
— Je suis vivante ?
Je ne me souvenais pas de tout. Tout était brumeux dans mon esprit. Néanmoins, je pouvais encore me rappeler de la peur que j'avais ressenti avant de fermer les yeux. J'avais cru les fermer pour toujours.
Je fus prise d'une nouvelle quinte de toux. Cela permit à ma voix de s'éclaircir un peu. J'avais l'impression qu'elle était moins rauque.
— Et Michael ? Comment va-t-il ?
Luke allait me répondre quand je repris la parole :
— Oh mon dieu, j'espère qu'il ne lui est rien arrivé. Je ne sais pas du tout ce qui s'est passé, mais s'il est mort, oh mon dieu, Michael... Luke, dis-moi qu'il va bien. Et que toi tu vas bien...
Luke prit place sur le rebord du lit. Il prit mes mains dans les siennes, prêtant attention aux fils qui me reliaient aux nombreuses machines. Sa peau était douce et chaude. Son contact, réconfortant et rassurant.
— Echo, tout le monde va bien. Michael s'en est très bien sorti.
Je ne pus retenir mes larmes.
— Chut, ça va aller. Tout va bien. Tu vas bien, c'est le principal, me susurra Luke à mon oreille tandis qu'il portait ses mains à mes joues pour essuyer les larmes qui s'y déversaient.
— Tu n'as pas été blessé, toi ?
Luke secoua la tête. Il allait bien. Lui et Michael étaient vivants. J'étais si soulagée. Mais il me manquait toujours mon frère. J'étais sans nouvelles de Samuel depuis trop longtemps. Et ne pas le voir à mon chevet m'inquiétait beaucoup.
— Mais dis-moi, qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ?
— Nous avons été rendre visite à June à l'hôpital.
Grâce à ses mots, j'eus comme des flashs, des images, des souvenirs. J'arrivais finalement à visualiser le trajet en navette, notre rapprochement, l'hôpital, June... Oui, je me souvenais. Je me souvenais de ce qu'il s'était passé avant.
— Je suis resté quand toi et Michael êtes repartis en direction du Simulatorium.
Je me rappelais qu'il avait voulu rester un peu plus longtemps. Sa soeur lui manquait terriblement. J'étais alors repartie avec Michael. De toute façon, nous avions l'ordre de rentrer.
— Puis il y a eu l'accident.
— La navette ?
Luke hocha la tête, l'air grave.
La peur était de retour. Elle prit racine dans mes tripes et tendit tout le reste de mon corps. Je fermai les yeux un court instant et c'est comme si je revivais ces derniers instants. Non, non, non, je ne veux pas mourir.
Je revis les regards effrayés des autres passagers, celui de Michael, le mien dans le reflet de la vitre. J'entendais encore les cris horrifiés qui, là encore, agressaient mes tympans. Comme des voix spectrales, j'entendais tout. En boucle.
— Tu sais, je m'en veux énormément pour ce qui vous est arrivé à Michael et à toi. Si nous n'étions pas sortis de l'hôpital, rien de tout cela ne serait arrivé et...
Je le coupai avant qu'il ne puisse terminer sa phrase :
— Luke, je t'interdis de dire ça. Tu n'as pas le droit de t'en vouloir. Rien n'est de ta faute. On ne pouvait pas savoir. Voir ta soeur, c'est ce qu'il te fallait. Tu n'es coupable de rien du tout.
Je refusais totalement qu'il se rejette la faute sur lui-même. C'était arrivé, c'était un accident. Nous étions simplement au mauvais endroit au mauvais moment.
— Mais j'ai eu si peur de te perdre, de vous perdre tous les deux. Entendre qu'il vous était arrivé quelque chose, ça m'a anéanti. J'ai cru mourir, moi-aussi. Echo, je n'avais jamais ressenti cette peur auparavant. Je l'ai déjà ressentie pour ma soeur, oui, mais pour personne d'autre que June. Tout mon monde tournait autour d'elle. Entendre qu'il y a eu un accident, ça m'a donné l'impression qu'on m'arrachait le coeur. Je refuse de vous perdre, toi, et Michael. Je risque déjà de perdre ma petite-soeur, ma petite étoile à moi, je ne peux pas vous dire au revoir également.
J'aurais voulu répondre, mais les mots ne me venaient pas. J'étais incapable de parler.
— J'ai eu si peur, Echo. Je t'ai appelée, mais tu ne répondais pas. J'ai cru que tu étais partie. Que tu n'étais plus là, que je ne te verrai plus jamais. J'ai voulu te retrouver, mais on me l'a interdit. Je ne pouvais rien faire et ça me tuait. J'ai vécu les pires heures de toute ma vie.
Durant les Simulations, nous nous étions beaucoup rapprochés, mais je n'aurais jamais imaginé que Luke se serait autant inquiété pour moi. Au bout du compte, j'étais sa plus grande rivale.
— Toi et Michael, toi et mon meilleur ami... Vous perdre, c'était impensable. Vous perdre tous les deux, ne pas pouvoir vous dire adieu... Cela m'aurait tué. Je ne sais pas ce que j'aurais fait. Sans lui. Sans toi.
Sans lui. Sans moi.
Étais-je si importante à ses yeux ?
— Pendant les Simulations, j'ai fait comme si tu me rendais indifférent. J'ai tout fait pour te détester. Pour que tu me détestes. Mais tu lui ressembles – enfin, tu lui ressemblais tellement. Puis, je crois que je suis tombé amoureux de toi quand j'ai compris que ce n'était pas vrai. Que j'avais tort sur toute la ligne.
Luke caressait le dos de ma main à l'aide de son pouce et traçait des cercles et des formes invisibles sur ma peau.
— Echo, tu n'es pas elle. Tu es toi. Tu es unique. Et j'ai eu si peur de te perdre sans pouvoir te le dire. J'y ai pensé toute la nuit. Je te dois tellement d'excuses.
— Luke... soufflai-je.
— Je pensais devoir m'interdire de m'attacher à qui que ce soit. Mais tu es arrivée dans ma vie, tu m'as fait tout remettre en question. Tu m'as poussé avec une telle force dans mes retranchements. Et tu t'es toujours battue pour que je te regarde pour la personne que tu es vraiment. Et tu es si belle. Je suis désolé de ne pas l'avoir vu plus tôt, si désolé.
Soudain un signal se fit entendre. La porte de la pièce s'ouvrit. Luke se détacha de moi rapidement. Il fit plusieurs pas en arrière. Et avant qu'il ne détourne son regard, je pus me perdre dans ses yeux si bleus et si tristes. À cet instant, tout mon être me hurlait de lui répondre. De lui faire savoir que je ne lui en voulais pas. Que je n'étais pas insensible à ses regards, à ses mots ou bien même à sa présence.
Je mourais d'envie de lui dire de m'embrasser, là, maintenant. Parce que j'étais en vie. Parce que nous étions vivants.
Mais nous n'étions plus seuls et le moment semblait dorénavant beaucoup moins opportun. Deux hommes en uniforme de police venaient d'entrer.
— Mademoiselle Hawkins, on aimerait vous poser quelques questions.
*
Je crois qu'il s'agit de mon chapitre favori omg ♥
Je l'ai écrit tellement vite, j'avais si hâte de faire ces retrouvailles !
J'espère que vous avez aimé !
Qu'attendez-vous pour la suite ?
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