XIV. Te revoir (Luke)

XIV 

TE REVOIR (LUKE)


Echo rentra au Simulatorium dans la nuit.

Je le savais car je ne dormais pas. Je ne pouvais pas, je m'en sentais incapable. Comment dormir alors que les images tournaient en boucle dans ma tête ? Comment dormir avec ce souvenir amer dans la tête ? C'était comme être le spectateur d'un mauvais film.

Allongé dans mon lit, je regardais des extraits des Simulations de cette année sur l'écran mural ; j'étais bien incapable de me sortir les récents événements de la tête. Je ne pensais qu'à l'accident, je ne pensais qu'à Michael, je ne pensais qu'à elle.

Echo... Je savais que Michael se trouvait hors de tout danger, mais Echo ? Je savais ce qu'impliquait une admission au service de réanimation. Je savais. Mais je voulais oublier. Oublier ce qu'il s'était passé, oublier l'accident, oublier qu'ils étaient blessés. Qu'elle était blessée... Mais surtout, je voulais oublier mes sentiments ; les réprimer, les refouler très profondément, les chasser de mon cœur et de mon âme pour ne jamais avoir à les ressentir à nouveau.

Parce que c'était douloureux et que ça me faisait vraiment très peur.

Laisser une personne entrer dans sa vie, entrer dans son cœur, c'est courir le risque de la voir partir. Si je venais à perdre June, je ne supporterais pas de perdre quelqu'un d'autre. Surtout pas elle.

Je ne pouvais pas l'aimer.

Je n'avais pas le droit d'en tomber amoureux.

Echo était rentrée. Je le savais parce que ma montre l'avait détectée. Son marqueur était de retour. Elle était là, quelque part. Elle était en vie.

Où es-tu ?

Je venais d'éteindre l'écran, m'enveloppant dans le silence. Celui-ci berçait mes pensées et m'aidait à réfléchir. Je ne pouvais pas dormir, je ne pouvais pas m'empêcher de songer à eux : Michael et Echo. Mon meilleur ami venait également de rentrer ; je décidai de l'attendre. J'étais anxieux à l'idée de le revoir, d'apprendre ce qui s'était réellement passé dans la navette qu'ils avaient prise, de constater son état, de deviner celui d'Echo...

Enfin, après un moment qui me sembla être une éternité, on frappa à ma porte. Le couvre-feu était dépassé, mais je m'en fichais. J'avais besoin de voir mon meilleur ami.

Quand j'ouvris la porte de ma chambre, la surprise m'envahit. Ce n'était pas Michael qui se tenait devant moi. C'était Ewan ; c'était lui qui s'était occupé du réveil d'Echo après les Simulations.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ?

— Pas le temps de discuter, souffla Ewan en me poussant dans ma chambre pour y entrer à son tour avant de fermer la porte.

Sérieusement, qu'est-ce qu'il faisait là ?

— Michael et Echo sont de retour au Simulatorium, me dit-il.

Évidemment, mais j'étais déjà au courant. Cependant, il n'était pas venu juste pour me le dire. Il y avait certainement autre chose. Mais quoi ?

— Je sais. C'est donc ce qui t'amène ?

Il hocha la tête avant de continuer :

— Demain, quelqu'un viendra pour vous poser des questions. Il est impératif que tu ne parles de rien d'autre que ce que tout le monde sait.

Une enquête était ouverte, bien sûr. Et Ewan, sûrement sous les ordres des dirigeants des Simulations, me demandait de lisser mes souvenirs, de jouer le naïf qui ne savait rien du tout.

— Attends, tu me demandes de mentir ? m'enquis-je tout à coup.

— Non, juste d'omettre certaines choses. Aujourd'hui, il est préférable de ne rien savoir – ou tout du moins, de faire semblant. Fais profil bas, ça te sauvera la vie.

Je ne répondis pas, accusant ses mots. Me sauver la vie ? Il y allait un peu fort, là ! J'étais troublé.

— Suis-je bien clair ?

— Ouais, j'ai bien compris. Ne rien dire. Faire semblant de ne rien savoir. Tu veux que j'ai l'air d'un con aussi ?

— Profil bas, Luke, profil bas. N'oublie pas...

— « Ça te sauvera la vie ». Oui, j'ai compris.

J'étais fatigué, las de ne pas être libre. ; de ce que je fais, dis ou pense. Maintenant, selon Ewan, il fallait cacher la vérité pour avoir une chance de rester de ce monde. Incroyable. Bienvenue dans les Simulations.

— Bon... maintenant que tout est dit... Ça te dit de voir tes amis ?

Mon cœur eut un raté. Bon sang, c'est ce que j'attendais depuis l'accident de la navette.

Te revoir, c'est tout ce que je demande.

*

Nous prîmes les escaliers afin de ne pas trop révéler notre présence dans les couloirs du Simulatorium. Ewan était catégorique là-dessus : le couvre-feu était passé ; il valait mieux se déplacer en douce. Faire profil bas, comme il disait. Dans de telles circonstances, ça ne voulait plus rien dire. J'avais du mal à cerner son personnage et de quel côté il se trouvait. Du nôtre ? Ou était-il du côté du Simulatorium ? J'avais du mal à suivre.

Je n'avais aucune idée du nombre de marches que j'avais grimpées, de couloirs que j'avais visités, de portes que j'avais passées. Je suivais Ewan comme un fantôme. Tout ce que voyaient mes yeux, c'était le bout de chemin qui restait à parcourir jusqu'à eux.

Puis Ewan ralentit ; il finit par s'arrêter devant un mur. Un mur blanc, qui au premier abord, semblait tout à fait ordinaire. Pourtant, je savais qu'il y avait là une porte dissimulée, cachée de nos yeux et du reste du monde.

C'était bien là. Ils étaient là.

Après un bref coup d'œil aux alentours – comme pour vérifier que la voie était libre – Ewan ouvrit la porte à l'aide de sa montre. Puis il me montra un code. Je le mémorisai. E8812.

Echo, je suis là.

J'entrai dans la pièce en premier, Ewan sur les talons. Il me suivait de près. Le soulagement pris possession de mon être quand je vis d'abord Michael, qui était couché dans un fauteuil à côté d'un lit d'hôpital. Il était en vie, de chair et d'os. Il dormait. Mais comme ayant senti notre présence – ou bien avait-il perçu la porte s'ouvrir –, il battit des paupières.

Son regard trouva le mien dans la seconde.

— Luke, souffla-t-il. Tu vas bien ?

Son était empli d'inquiétude, une inquiétude qui lui était bien propre.

Cependant, mes yeux s'éloignèrent de mon meilleur ami pour aller jusqu'au lit. Un frisson me parcourut. C'était si dur de regarder...

— C'est toi qui es allé aux urgences et c'est toi qui t'inquiètes à mon sujet ? Il va falloir que tu revoies le sens de tes priorités, Michael...

Je faillis sourire. Mais je ne pouvais pas.

Echo... Elle était là...

Ewan s'approcha d'elle et je voulus faire de même. Mais mes pieds refusèrent de bouger. J'étais comme tétanisé. Pourtant, j'aurais voulu le suivre, m'enquérir de l'état d'Echo, lui poser davantage de questions... Cependant, je n'en avais pas la force. Et plus je le voyais tourner autour d'elle, poser ses mains sur son corps, et plus j'avais envie de le chasser de cette chambre. Ewan se tourna vers moi et il comprit assez vite que sa présence ici n'était pas ce que je souhaitais le plus au monde :

— Bon, je repasse dans une heure pour surveiller son état. Au moindre soucis, vous me bipez.

Il sortit juste après.

*

— Je vais bien, soutint mon meilleur ami avec un léger sourire quand mes yeux se posèrent à nouveau sur ses bandages.

Il mentait. C'était tout lui, me cacher la vérité pour que je ne me fasse pas de soucis à son sujet.

— Tu m'as l'air quand même vachement amoché.

— Blessures de guerre, comme on dit, murmura Michael.

— Quel est le verdict des médecins ?

— Plusieurs côtes cassées, je pourrais pas te dire combien au juste, j'ai pas voulu savoir. Et mon bras aussi. Mais dans deux semaines, il sera comme neuf. Comme mes côtes, tout sera bientôt réparé.

« Réparé ». Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire. C'était débile.

— Ah, la magie de la médecine de nos jours...

Michael ne répondit pas, il avait saisi l'ironie.

Je décidai de m'approcher du lit médicalisé où reposait Echo. Le monitoring des machines indiquait qu'elle était en vie ; autrement on aurait pu croire tout le contraire. Elle était branchée de partout, perfusée, et avait quelques bandages çà et là. Elle faisait peine à voir. Mais au-delà de ça, elle restait très belle.

Echo me rappela alors ma sœur, June. Les images se superposaient. La réalité et mes souvenirs s'entrechoquaient. Et dire que j'aurais pu perdre les deux... Echo était en train de mourir quand les médecins l'ont réanimée. J'aurais pu ne jamais la revoir... Et cette pensée me déchira le cœur.

Je ne devais pas songer à de telles choses.

C'était terminé. Echo était là, elle était vivante.

— Comment tu te sens ? s'enquit tout à coup Michael, coupant le fil de mes pensées.

Mal, très mal. Cependant, quand même soulagé de vous revoir, toi et Echo.

— On tient le coup.

— Et par rapport à elle ?

Il désigna Echo dont j'effleurai la peau du bout des doigts. C'était comme m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un mirage.

— Quoi, par rapport à elle ?

— Ce que tu ressens pour elle.

Où voulait-il en venir ?

— Tu l'aimes.

Les paroles de Michael me heurtèrent de plein fouet. Ce n'était même pas une question, juste une constatation.

— Non, tu dis des bêtises, Mike. Je ne l'aime pas.

Je ne peux pas l'aimer.

Je ne peux en tomber amoureux.

— Tu en es bien sûr ? insista mon meilleur ami.

Je ne voulais pas qu'il sache. Je voulais garder tout cela secret, ne rien dévoiler. Et puis, oui, j'étais sûr.

— Sérieux, Michael, arrête.

— Non, Luke, toi arrête. Je te connais par cœur.

Peut-être.

— Ça crève les yeux aussi.

Je serrais les poings. Non, ça ne pouvait pas crever les yeux puisque je réprimais tout ce que je pouvais être amené à ressentir. C'était impossible.

— Tes médocs te montent à la tête, Michael, tu vois des choses où il n'y en a pas.

— Tu es tellement têtu, Luke, tellement têtu que tu ne vois pas les choses telles qu'elles sont vraiment.

Je ne répondis pas. Je n'avais pas envie de débattre longtemps sur ce sujet alors que nous étions aussi proches d'Echo. Et si elle nous entendait parler ainsi ?

Soudain, sa montre émit le son d'une notification, ce qui attira mon regard vers cette dernière. Plusieurs messages non lus, plusieurs appels. Peut-être étais-je trop curieux, mais je ne pus m'empêcher d'y jeter un œil.

Rien ne me parut anormal. Sa montre avait reçu mes appels, certains de mes messages, d'autres provenaient des autres joueurs.

Jusqu'à ce que je vois qu'elle avait également reçu un message holographique provenant d'un expéditeur inconnu – juste après l'accident.

Ce n'était sûrement pas une coïncidence.

— Qu'est-ce que c'est ?

— La réponse à plusieurs de nos questions, dis-je.

J'appuyai ensuite sur « lire ».

On allait enfin connaître le fin mot de cette histoire. 

*

Merci d'avoir lu jusque là ! 

Est-ce que ça vous intéresserait d'avoir Simulations 1 en livre format papier? (soit grâce à un concours que j'organiserais peut-être pour Noël, soit en l'achetant) 

Est-ce que vous aimeriez rejoindre un groupe facebook/serveur sur discord pour discuter et pourquoi pas lancer un jeu de rôle autour des Simulations? 

Bisous et à très vite ♥

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