XIII. L'attentat (Echo)
XIII
L'ATTENTAT (ECHO)
C'était l'heure de rentrer au Simulatorium.
Luke était resté avec June. Michael et moi devions les laisser seuls afin qu'ils puissent se retrouver avec toute l'intimité que cela demandait. Ils en avaient bien besoin, l'un comme l'autre. Luke, notamment, devait absolument être rassuré à propos de l'état de June. Elle allait mieux. Elle était sur la voie de la guérison, ou tout du moins, son état n'empirait pas. Ainsi, la participation de Luke aux Simulations n'avait pas été inutile. Tout au contraire. Et Luke devait impérativement s'en persuader. En effet, il devait arrêter de se sentir coupable et de culpabiliser. Il devait à tout prix arrêter de croire qu'il n'avait rien pu faire pour elle. Parce que c'était plutôt tout l'inverse. Il s'était battu pour sa sœur, il lui avait donné de l'espoir. Il lui avait montré à quel point il l'aimait. Et s'il y avait bien une chose que j'admirais particulièrement chez Luke, c'était la façon dont il agissait avec et pour sa petite sœur. Il se surpassait pour elle. Il était prêt à tout pour elle.
Serait-il prêt à tout pour moi ?
–– Parfois la réalité me semble bien fade par rapport aux Simulations, me dit tout à coup Michael, brisant le silence qui venait de s'installer entre nous.
–– C'est bien mieux comme ça, crois-moi, lui répondis-je avec un sourire.
En effet, je pensais toujours qu'il valait mieux vivre paisiblement et en toute tranquillité que de risquer de mourir à chaque instant – par des araignées géantes ou par des terroristes, cela importait peu. Je préférais une vie simple à une vie dangereuse. Si la réalité était semblable aux Simulations, par exemple, cela signifiait que j'avais un risque bien trop élevé de perdre mon grand frère Samuel. Ce serait trop épouvantable. Ou je pourrais perdre Luke, mes parents, mes amis... Non, je ne voulais pas y penser.
–– Je pense quand même que les Simulations nous ont permis de vivre des choses incroyables, continua le garçon aux cheveux colorés.
Il marquait un point.
— Tu as raison.
— Tu regrettes ?
Mon regard alla à la rencontre du sien. Ses grands yeux me fixaient avec une certaine curiosité. Comme un enfant.
— Regretter quoi ? De m'être inscrite ?
Je n'avais pas eu le choix de toute manière...
Michael hocha la tête. Je commençai alors à peser le pour et le contre. Si on ne m'avait pas poussée à participer, l'aurais-je fait ? Probablement pas. Je n'aurais donc pas rencontré les joueurs de cette deuxième édition. Je n'aurais pas eu l'immense privilège de participer à un jeu d'une telle envergure... Et surtout, mon chemin n'aurait jamais croisé celui de Luke. Luke... jamais je ne regretterai notre rencontre, même si elle fut hasardeuse et compliquée. Jamais je ne regretterai notre relation malgré toutes les maladresses dont nous avions fait preuve. Et puis je sentais malgré tout, malgré le dysfonctionnement du jeu, malgré les problèmes, malgré l'absence de Samuel, que ma place était ici. Pas ailleurs. Ici.
— Non, jamais. Si c'était à refaire, je le referais sans hésiter. Et toi ? m'enquis-je.
Mais j'étais sûre qu'il serait du même avis.
— Si j'ai participé aux Simulations, c'est pour accompagner Luke dans cette aventure. Donc je ne regrette pas. Je ne l'ai pas vraiment fait pour moi.
— Je comprends, soufflai-je. Vous êtes tellement proches. Luke a de la chance de t'avoir.
Michael sourit. Cependant, ses yeux trahirent une certaine tristesse.
— Je pense que de nous deux, c'est moi le plus chanceux, m'avoua-t-il. Ce n'est pas Luke qui a besoin de moi ; c'est moi qui ai besoin de lui.
J'aurais voulu lui répondre, le rassurer, mais les mots ne vinrent pas. Je ne savais pas quoi lui dire. J'avais l'impression, au fond de moi, que Michael ne me disait pas tout ; que quelque chose pesait sur son cœur et que ce quelque chose le brûlait tout entier. Est-ce qu'il l'aimait ? Non... Ils étaient meilleurs amis, c'est ce que Luke m'avait toujours dit !
J'observai alors le garçon à côté de moi un léger instant, sans qu'il ne s'en aperçoive. Sa façon de parler de Luke, de le regarder parfois... peut-être ressentait-il autre chose que de l'amitié ?
— Tu l'aimes ? lui demandai-je tout à coup.
Je me surpris moi-même.
Michael releva les yeux vers moi, surpris lui aussi. Peut-être que je n'aurais pas dû lui poser la question. Il allait néanmoins me répondre quand on entendit un bruit sourd qui l'en empêcha. La navette se mit alors à trembler. Et l'alarme de sécurité retentit. Elle était si forte que j'étais forcée de boucher mes oreilles. Que se passait-il ? Je regardai autour de moi, la navette allait si vite, trop vite.
Un message d'alerte tournait en boucle, presque douloureux à entendre :
— Tous les passagers sont priés de rester assis et d'enclencher leur ceinture de sécurité. Tous les passagers sont priés de rester assis et d'enclencher leur ceinture de sécurité. Tous les passagers...
Michael posa sa main sur la mienne et la serra doucement. Nous n'étions pas seuls dans la navette. Quelques autres personnes se trouvaient là également. Au mauvais endroit, au mauvais moment. Des enfants, des adultes qui rentraient du travail ; des personnes qui avaient tout comme nous une vie, un avenir.
Et si on allait mourir ?
La navette ne s'arrêtait pas aux arrêts prévus. Au contraire, elle gagnait de la vitesse. Etait-ce une erreur de l'ordinateur de bord ? Etait-ce un piratage informatique ? Ou pire ?
Et si je ne revoyais jamais mon frère ? Et Luke ?
Michael n'avait peut-être pas tort finalement ; peut-être aurait-il mieux fallu rester dans les Simulations. Au moins, nous aurions pu courir tous les risques du monde, nous resterions en vie.
Parce que là, maintenant, j'avais peur. Je ne voulais pas mourir.
Et puis soudain, les freins de la navette s'enclenchèrent ; on entendit des cris, des pleurs, le crissement des rails. Puis je ne distinguai plus rien. Mes oreilles se mirent à bourdonner et mon cœur à tambouriner dans ma poitrine, si bien que je le sentais sur mes tempes. La main de Michael perdit la mienne ; ou peut-être était-ce l'inverse.
Et il y eut le choc. Puis plus rien.
J'avais l'impression de flotter.
Ou de tomber.
Dans les deux cas, j'avais perdu toute sensation de mon corps. Comme s'il n'avait plus aucune consistance, ou bien de matière. C'était comme être un nuage.
Pourtant je ne me sentais pas légère. Je ne me sentais pas bien. Alors c'était peut-être comme un de ces nuages de tempêtes ; ceux qui mangeaient le ciel avant de noyer la terre.
Je ne savais pas où j'étais, ni depuis combien de temps je me trouvais dans cet endroit inconnu. J'avais terriblement du mal à me souvenir de ce qui s'était passé auparavant. Mes souvenirs se bousculaient. Ils n'étaient pas bien rangés, pas à leur place. Je me souvenais de l'hôpital. Je me souvenais de l'interview. Je me souvenais de Luke. Mais rien ne m'indiquait ce qui s'était passé. Je n'avais pas d'indice.
Peut-être que j'étais en train de rêver.
Ou en train de mourir.
Pourquoi est-ce que je n'arrivais pas à ouvrir les yeux ? Pourquoi est-ce que je ne parvenais pas à soulever mes paupières ? Etais-je dans une Simulation ? Etait-je de nouveau dans le jeu ? Non... ce n'était pas possible...si ?
— Vite, le défibrillateur !
Je sentis une douleur atroce traverser ma poitrine.
J'étais en train de mourir. Je le savais.
— Encore une fois !
Je sentis ma poitrine se soulever. J'avais l'impression que ma cage thoracique était en train de brûler. Bientôt, le feu atteindrait ma conscience et réduirait tout en cendres.
Une nouvelle douleur. Plus forte encore. Mais je ne pouvais pas bouger, je n'étais pas capable de parler. Il m'était impossible de leur faire savoir que j'étais bien là, que j'étais réveillée, que je n'étais pas morte.
Mais ils recommencèrent. Cette fois fut plus horrible encore. Je perdis tout espoir. Je brûlais, je brûlais, et c'est eux qui alimentaient le feu qui décimait mon âme.
Arrêtez, laissez-moi partir.
*
Merci de m'avoir attendue.
En espérant que vous aimez toujours l'histoire,
J'espère vous publier la suite assez vite !
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