XII. Lutter contre la société (Thalia)

XII

LUTTER CONTRE LA SOCIÉTÉ (THALIA)


Ils sont en vie.

Je respirais enfin. Cette nouvelle réchauffa mon cœur en même temps qu'elle remplit mes poumons vides et asphyxiés.

Ils sont en vie.

Echo et Michael ont réussi à s'en sortir finalement, les attaquants n'ont pas gagné. Pas encore, tout du moins.

Ils sont en vie. Mais à quel prix ? Echo était en service de réanimation et Michael, toujours aux urgences. Et bien que Felicia tendait à nous faire croire que tout allait bien, que tout allait pour le mieux, j'avais l'impression que c'était loin d'être le cas. C'était beaucoup plus grave que ce qu'elle souhaitait nous faire croire.

Tout d'abord, c'était bel et bien une attaque et non un simple et vulgaire accident comme elle le disait plus tôt. Ensuite, il y a eu des morts. Des vies ont été prises. Heureusement, et je savais à quel point c'était dur de dire de telles choses, ce ne furent pas celles de Michael et Echo. Mais les savoir à l'hôpital, aux urgences, dans des services aux noms barbares, ça faisait mal, ça me rappelait tant de mauvais souvenirs. Et surtout, ça me faisait peur. Parce que ça aurait pu être n'importes lesquels d'entre nous. Ça aurait pu être moi. J'aurais pu subir cette attaque. J'aurais pu mourir. Ils auraient pu ne pas en sortir vivants.

Les yeux rivés sur Luke, je pris le temps de l'observer, me demandant comment il allait. Il souriait, mais son regard semblait en même temps si vide, si meurtri. Je ne savais pas comment j'aurais réagi à sa place. Sûrement très mal. Et si Echo ou Michael était mort, j'aurais été dévastée. Même sans être aussi proche d'eux que Luke ne l'était. Parce qu'au fil du temps, ils s'étaient fait une place dans mon cœur. Ils avaient beau être des adversaires, nos relations allaient au-delà de ce titre. Nous étions amis. Je n'osai alors pas songer à la douleur que pouvait ressentir Luke face à la crainte de perdre son meilleur ami. Ils se connaissaient depuis le berceau, étaient si complices qu'il était difficile de concevoir que l'un n'allait pas avec l'autre. Plus que des amis, ils étaient des frères. Leurs âmes s'étaient trouvées. Comme des âmes-sœurs.

— Ça va aller ? voulut s'assurer Ashton.

Non. Luke ne peut pas aller bien.

Et c'est pour cette raison que le principal concerné ne répondit pas. Il ne pouvait pas mentir.

Plus tard dans la journée, j'appris que des journalistes étaient présents au Simulatorium pour recueillir des informations et des réponses. Ils étaient là, brandissant leurs airs faussement inquiets, faussement apitoyés, faussement compréhensifs ; mais ils n'étaient là que pour nous voler ce qui nous restait de plus cher au monde, ce que nous gardions au plus profond de nous. Nos peurs, nos doutes, nos espoirs. Nos sentiments et nos émotions. Et s'ils nous les prenaient, alors ils nous auraient tout volé. Les Simulations nous avaient déjà mis sur les devants de la scène, pas la peine de tout leur donner. Il nous fallait, ou tout du moins, il me fallait de l'intimité.

Ainsi, il était hors de question de répondre à leurs demandes. Même s'il fallait pour cela les supporter toute la journée.

— Bon sang, rouspétai-je tandis que j'entrai dans une salle de détente, au premier étage. Ils sont tellement chiants !

Puisqu'ils avaient obtenu l'autorisation de rester avec nous pendant quelques heures, ils ne se gênaient pas pour nous mitrailler. Actuellement, je ne savais pas ce qui était le pire. Les flashs ou les questions ?

Astra releva la tête et plongea son regard dans le mien.

— Encore quelques heures à tenir et ils seront partis.

— J'ai l'impression que ça fait une éternité...

En effet, cette journée semblait durer dans le temps. Elle paraissait si longue, si éreintante en même temps... J'avais grandement hâte que tout soit fini et que tout cela demeure derrière moi.

— Personnellement, je pense que l'éternité doit être plus supportable que ça... renchérit Ashton que je n'avais jusqu'alors pas remarqué.

En effet, il était assis par terre, à ma droite. Pour le voir, j'aurais dû tourner la tête dans sa direction, ce que je n'avais pas fait.

— Ils n'arrêtent pas de poser les mêmes questions, soupira le bouclé. Comment allez-vous ? Que pensez-vous de l'accident ? Est-ce que Michael et la sœur de Samuel Hawkins sont encore en vie ? Que savez-vous à leur sujet ? Que pensez-vous des Simulations ? Pensez-vous que l'accident ait un rapport avec le jeu ?

Je soupirai à mon tour.

— Avez-vous peur ? Est-ce que vous comptez rompre votre contrat qui vous lie au programme Simulator ?

— Tous, sans exception, tous posent les mêmes questions... dis-je blasée. J'ai eu le droit aux mêmes.

— Ce serait tellement mieux s'ils me demandaient comme je fais pour entretenir mes boucles, parce que j'avoue que c'est la merde. Genre... quel shampoing est-ce que j'utilise, quel type de brosse... Non, mais c'est vrai les filles ! Ce serait plutôt amusant. Ou alors, comment est-ce qu'on a fait pour avoir l'air aussi cool dans les Simulations ! Faut avouer qu'on ressemblait à des dieux !

Je souris. Astra aussi.

— Vous voyez, mon éternité à moi se dissipe un peu. J'espère que c'est le cas pour vous aussi.

Ça l'était presque.

En début de soirée, tout le monde se dirigea vers le réfectoire. Les journalistes étaient partis. Notre appétit aussi. Il m'était difficile d'avaler quoi que ce soit, ou ne serait-ce que désirer un bon petit plat. J'avais tellement mal au ventre que rien ne passait. Et c'était le cas pour bon nombre d'entre nous.

Luke avait l'air triste ce soir. Pas un mot. Pas un sourire. D'ailleurs, ses yeux arctiques avaient perdu tout leur éclat. La chaise qu'occupait Michael, à sa gauche, était vide. Ses amis étaient encore à l'hôpital. Ils se battaient encore. Peut-être que Felicia nous avait menti. Peut-être qu'ils n'étaient pas encore sortis d'affaire. Cela expliquerait pourquoi est-ce que Luke semblait si empli de tristesse. Comme si, pour lui, le monde s'était écroulé. Comme si les étoiles ne brilleraient plus jamais.

C'est peut-être pour cette raison que la réalité virtuelle nous semblait si préférable.

Soudain, il brisa le silence qui s'était attablé avec nous.

— J'ai obtenu l'accord de Felicia pour rendre visite à Michael et Echo demain à l'hôpital.

Personne ne répondit, préférant probablement le laisser continuer.

— C'était compliqué parce que nous sommes censés rester au Simulatorium pour notre sécurité.

Alors il s'agissait bel et bien d'une attaque qui nous visait nous...

— Mais j'ai insisté. Parce que ce sont nos camarades et parce que ce sont mes amis.

Il se mit aussitôt à sourire.

— Felicia n'a pas un cœur de pierre, continua-t-il. Mais les règles sont claires, et elle se doit de nous les faire respecter. Alors avoir son accord a été très difficile. Parce qu'elle ne décide pas de tout et qu'elle se porte ainsi garante de nous. S'il nous arrive quelque chose, elle peut avoir des problèmes.

Je comprenais mieux pourquoi Felicia demeurait aussi intransigeante et ferme dans de telles situations.

— Rien que divulguer des informations confidentielles peut lui porter préjudice. C'est pourquoi elle ne nous apprend rien de nouveau et de concret lors des conférences et réunions.

C'était juste.

— C'est pour cette raison qu'elle a préféré taire certaines informations. Parce qu'elle le sait, ma cousine, qu'il ne s'agissait pas d'un simple accident.

J'avais peur d'entendre la suite. Peur des mots qui franchiront ses lèvres. Peur de la vérité écrasante qui ira asphyxier nos poumons et compresser notre cœur.

— Michael et Echo ont été victimes d'un attentat. Un attentat qui a été revendiqué.

Voilà pourquoi le monde réel était aussi détestable.

Voilà pourquoi les jeux vidéo étaient aussi populaires de nos jours.

Parce qu'ils étaient considérés comme un échappatoire à cette société gangrénée et corrompue jusqu'à l'os.

Voilà pourquoi je désirais lutter à mon tour, m'engager, rejoindre des ONG.

Je voulais sauver les vies qui étaient menacées d'être prises, volées, enlevées.

Je souhaitais plus que tout au monde être en position d'offrir une seconde chance à quiconque en éprouverait le besoin.

C'est pourquoi je pris la décision de rejoindre l'association WE ARE afin d'aider les jeunes à se battre contre le harcèlement. Parce que je voulais défendre la différence – l'origine et le noyau de tous nos problèmes actuels. 

*

J'ai beaucoup aimé écrire ce chapitre ! Je trouve le point de vue de Thalia intéressant à exploiter ! 

J'espère que vous avez aimé  et que la suite saura vous charmer également ! 

Le prochain chapitre sera du point de vue d'Echo ! J'ai hâte de vous le poster ! Ainsi on en saura davantage sur l'attentat ! 

En attendant, avez-vous des théories? 

Enfin, je tenais à vous remercier d'être aussi présents ! Simulations a dépassé les 100 000 lectures grâce à vous ! On en a fait du chemin depuis 2015 ! Merci, mille fois merci ! ♥



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