X. Petite soeur (Luke)

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PETITE SOEUR (LUKE)


Je soupirai en observant le paysage à travers la vitre de la navette. Echo, à côté de moi, suivit mon regard. Cependant, j'avais l'impression que je ne voyais pas les mêmes choses qu'elle. En fait, des images du dernier niveau me revinrent en mémoire, m'éloignant à chaque fois un peu plus de la réalité. Et à mesure que nous traversions les rues de Londres, j'entendais les coups de feu, les cris... Je voyais le sang... Puis c'était Echo, agenouillée, prête à se faire fusiller... Je finis par baisser la tête pour fixer mes chaussures. Il fallait que j'efface tout ça de ma tête. Et vite.

Pour me changer les idées, je me mis à réfléchir sur tout ce qui s'était passé au Simulatorium depuis notre réveil. C'était facile, il ne s'agissait entre autres que de découvertes sur la réinitialisation. La réinitialisation... Les mots de Felicia résonnèrent à nouveau dans mon esprit : La personne responsable du virus travaillait au Simulatorium. Je n'arrivais pas à m'enlever ses paroles de ma tête, elles se répétaient sans cesse. Le ou la responsable du virus et de la réinitialisation faisait partie du personnel du Simulatorium... Et je ne l'avais toujours pas dit à Echo. Pourtant je savais que je devais le faire. Je ne voulais rien lui cacher. Surtout si je soupçonnais son frère.

Je voulais terriblement lui dire mais j'avais peur qu'elle le prenne mal. Et si elle m'en voulait de penser que son frère ait pu être le responsable ? Je n'avais jamais été très tendre avec elle à cause de lui et voilà que je le remettais sur le tapis. Et pourtant, c'est vrai, il y avait de grandes chances qu'il ait un rapport avec le virus. Nous ne l'avions pas revu depuis notre réveil, chose assez étrange en sachant qu'en tant que premier vainqueur, il aurait dû assister au premier Live. D'autant plus qu'Echo m'avait assuré qu'il l'avait prévenue de sortir du jeu avant qu'il ne soit trop tard... Et ça, malheureusement, c'était une preuve irréfutable.

Cependant, je n'avais pas eu la force de lui dire hier. J'aurais voulu le faire là, maintenant, mais il en était hors de question. Pas devant les soldats. Tout d'abord, ce n'étaient pas leurs affaires et ensuite, j'étais convaincu qu'ils nous accompagnaient dans le seul but de nous surveiller. Je n'étais pas dupe. Felicia croyait me rouler mais j'étais assez intelligent pour me rendre compte que ces soldats ici n'étaient pas là seulement pour s'assurer de notre protection. Je le voyais à leur manière de nous fixer. Il y avait quelque chose dans leur regard qui me mettait mal à l'aise. Et je savais que si l'un de nous disait quoi que ce soit d'étrange... on serait fichu.

Quand Echo enleva sa veste dans un soupir, me ramenant dans la réalité, je me tournai vers elle. Est-ce que quelque chose n'allait pas ? Peut-être ne voulait-elle pas être ici ? Naturellement, ma main vint se glisser sur son bras et je lui demandai :

— Ça va ?

Elle hocha la tête tandis que je fis glisser ma mes doigts au-dessus de son genou. Je voulais lui montrer que même si nous ne pouvions pas parler à cause des soldats, j'étais là si quelque chose n'allait pas.

— Et toi ? s'enquit-elle en retour.

Je ne répondis pas immédiatement, ne sachant pas quoi dire. En effet, la réponse n'était pas évidente à donner. Et je ne voulais pas l'embêter.

— Ça pourrait être pire comme ça pourrait aller mieux.

Lorsque nous arrivâmes à l'hôpital et que nous descendîmes de la navette, j'eus comme un point au niveau de ma cage thoracique. La dernière fois que j'étais venu ici, j'avais retrouvé Echo terriblement blessée durant les Simulations. Et la fois d'avant, June avait atterri ici en urgence...

Non, stop, Luke. Arrête de penser à ça. June va bien. Tout le monde va bien.

Un des gardes – ou soldats, je ne savais pas comment les appeler – parla mais je ne compris pas. C'est quand je me retournai que j'aperçus Echo, immobile un peu plus loin, la respiration haletante, les yeux brillants.

Elle finit par presser le pas pour se retrouver à côté de moi. Et du coin de l'œil, je voyais bien son air contrarié ; quelque chose n'allait pas. Elle paraissait même ailleurs. Est-ce qu'elle aussi subissait des flashs du jeu ? Était-elle prise d'assaut par ces souvenirs désagréables des Simulations ? Presque naturellement, mes doigts glissèrent vers siens que je serrai délicatement, tout en douceur. C'était la première fois que je faisais ça avec elle. D'ordinaire, j'étais plutôt distant. Mais j'avais envie qu'elle sache que j'étais là pour elle, qu'elle pouvait compter sur moi. C'était la moindre des choses après tout ! Elle m'avait tant aidé par le passé... Maintenant, c'était à mon tour de le faire. Mais je savais que ce n'était pas la seule raison pour laquelle ma main serrait la sienne de cette manière.

C'est parce que je m'en voulais.

Je m'en voulais pour un tas de choses, c'est vrai, et surtout pour mon attitude que j'avais eu envers elle que je trouvais maintenant dénuée de sens et complètement stupide. J'avais eu tellement de préjugés à son égard que je nous avais compliqué l'aventure. Tout aurait été plus simple si j'avais essayé de la connaître avant de la juger. Et peut-être que tout aurait été différent.

Et aujourd'hui, je m'en voulais de lui cacher des choses. Et je m'en voulais aussi pour ressentir ce que je ressentais. Quelque chose autant inexpliqué qu'inexplicable. Quelque chose que j'aimerais pouvoir oublier et dissimuler.

Alors une fois au deuxième étage, devant la porte 231, mes doigts délaissèrent les siens.

Parce que j'avais la certitude qu'un jour, elle aussi finirait par partir.

*

Revoir June me fit le plus grand bien. La voir aussi rayonnante malgré Vorthenger relevait du miracle. Peut-être était-ce dû à de nouveaux traitements ? Il arrivait parfois que certains symptômes disparaissent. Mais ce plaisir ne durait jamais assez longtemps que d'autres survenaient avec plus d'intensité. Toujours est-il que j'étais heureux de la voir « en forme ». Ma petite sœur aussi semblait contente. Et comme je l'avais espéré, elle s'entendait plutôt bien avec Echo et plaisantait beaucoup avec cette dernière pour la mettre à l'aise. Quand, vers midi, j'étais descendu chercher à manger avec Michael, June avait demandé à rester avec Echo. Connaissant ma petite sœur, elle manigançait quelque chose. Mais quoi ? Je n'en avais aucune idée. Peut-être qu'Echo me le dira plus tard ? Je notai mentalement de la questionner à ce sujet de retour au Simulatorium.

Aux alentours de quatorze heures, je pris la décision de contacter Felicia pour négocier l'heure à laquelle nous devions rentrer parce que j'avais envie de passer encore un peu de temps avec ma petite sœur. Ma cousine accepta mais Michael et Echo devaient retourner au Simulatorium. Au fond, ce n'était pas plus mal comme ça, j'étais heureux de pouvoir me retrouver seul avec mon petit ange.

Quand la porte fût finalement refermée, nous laissant seuls, j'entendis ma sœur soupirer. Je me tournai alors vers elle, intrigué.

— C'était cool de revoir Michael !

C'est vrai que tous les deux s'entendaient très bien. Michael et elle partageaient un lien très fort. Un peu comme s'il était aussi son meilleur ami. Ou son grand frère.

— Ah ! Et ses cheveux ! Violets ! J'y crois pas ! La dernière fois que je l'ai vu, ils étaient verts ! Et tu sais ce qu'il m'a dit ? Qu'il les fera arc-en-ciel dès son retour chez lui... T'imagines ?

Elle pouffa de rire comme si elle s'était retenue tout ce temps tandis que je m'installai en face d'elle au bout du lit. Comme quand nous étions petits.

— Ah... et puis Echo est trop gentille ! C'est ta copine ? Parce que moi ça ne me dérange pas !

Je secouai la tête. Non, elle n'était pas ma copine. Pourquoi croyait-elle ça ? Mais sa remarque me fit sourire.

— Alors ça ne saurait tarder ! me lança-t-elle avec un grand sourire.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça, au juste ?

— Mhm... intuition féminine ! affirma-t-elle avant de claquer sa langue sur son palet. Mais plus sérieusement, je suis contente que tu lui aies proposé de venir ! Ça m'a surpris, je te le cache pas, mais c'était franchement une bonne idée ! C'est une chouette fille.

Je souris tout en hochant la tête. Oui, Echo était une personne formidable.

— Et toi ! Bon sang ! Je suis trop, trop, trop contente de te revoir ! Et ne pense jamais que je ne suis pas fière de toi ! Tu as été admirable dans les Simulations. Je suis vraiment fière de toi. Et je t'assure que je ne suis pas la seule à le penser.

Si elle continuait à me dire toutes ces choses, j'allais finir par pleurer. Et repenser à toutes les choses que m'avaient dites Echo quand je l'avais aidée dans le dernier niveau n'aidait pas à retenir mes larmes...

« Tu ne sais pas ce que ça fait d'avoir un grand frère ! Je sais ce que ça fait de voir son aîné à la télévision, dans les Simulations. Elle est fière de toi, de ton parcours, de tes choix. Elle t'aime et te soutient. Malgré tout. Malgré les erreurs que tu as pu faire, malgré les mauvaises décisions que tu as pu prendre. Si tu en es là aujourd'hui, c'est que tu le mérites. Et elle le sait aussi bien que moi. »

— Echo avait raison, tu sais ! Si tu es arrivé au bout, c'est que tu le méritais ! me dit June comme si elle lisait dans mes pensées.

Après un moment, elle ajouta :

— C'est d'ailleurs grâce à toi que je vais aussi bien aujourd'hui.

Je fronçai les sourcils, incapable de deviner ce que ça voulait dire exactement. Comment ça, c'était grâce à moi qu'elle allait bien ? Je n'avais rien fait... je n'étais même pas premier !

— Après tout ce que tu as révélé à Echo... tu sais... comme c'était diffusé... des gens ont... commencé une récolte de dons.

— Tu veux dire que...

— Des milliers de gens ont contribué... c'est incroyable ! Les parents n'en reviennent pas non plus. J'ai pu avoir un nouveau traitement grâce à toi !

Je souris tandis que ma vue se brouillait. Un nouveau traitement... C'était incroyable !

— Bon, Vort est toujours là mais je me sens mieux pour l'instant ! Et c'est tout ce qui compte !

Je ne pus contenir mes larmes davantage. June avait un nouveau traitement ! Vort avait reculé ! Je n'avais pas les mots nécessaires pour exprimer mon bonheur actuel. J'étais plus que soulagé. Ça voulait dire tellement chose ! Plus de temps et plus de chances aussi. Mon petit ange avait une chance de s'en sortir face à Vorthenger... C'était le plus beau cadeau au monde.

Elle se redressa ensuite et s'approcha de moi pour enrouler ses petites mains dans mon dos et appuyer sa tête contre mon torse. J'entrepris de la bercer contre moi.

— Tu m'as manqué, tu sais, lui avouai-je en chuchotant.

— Je t'aime tellement, Luke...

— June, je t'aime mille fois plus... lui dis-je avant d'embrasser le haut de son crâne, comme quand nous étions petits. Promets-moi que je ne te perdrai pas....

Mais c'était une promesse que malheureusement, elle ne pourra pas tenir. J'avais beau prier tous les jours pour un miracle, on finira par me la prendre. Et ce, malgré les traitements, l'argent et les recherches. Et je crois qu'au fond, elle le savait mieux que moi.

*

Je sus que quelque chose n'allait pas quand un des gardes fit irruption dans la chambre sans frapper. June s'étant assoupie dans mes bras, je me défis de son étreinte en essayant de ne pas la réveiller. Je me redressai ensuite en vitesse, de plus en plus inquiet, quand le garde se précipita à la fenêtre pour fermer les stores. Il se dirigea ensuite vers la télévision qu'il alluma rapidement. Quelque chose ne tournait pas rond.

— Qu'est-ce qu'il y a ? me risquai-je à demander.

Son attitude était des plus étrange. Comme s'il s'était passé quelque chose de grave. Et tout à coup, je ne me sentis pas très bien. J'eus comme un mauvais pressentiment.

— Reste-là et tais-toi, m'ordonna-t-il comme si j'étais un gosse.

June, à côté de moi, ne bougeait pas. Heureusement, elle était encore dans les bras de Morphée.

Mes yeux fixaient le garde et je ne pus m'empêcher de penser qu'il y avait quelque chose dans son attitude qui montrait qu'il s'était vraiment passé quelque chose. Quelque chose d'imprévu. Mais surtout quelque chose de très, très mauvais.

— Je veux savoir, exigeai-je tout en me levant.

Le soldat qui s'occupait de changer de chaînes se retourna tout à coup vers moi :

— Tiens, regarde !

Tout d'abord, je ne compris pas ce dont il s'agissait. Puis je me laissai retomber sur le lit quand des images plus explicites apparurent à l'écran.

Une navette. Des débris partout. L'emblème du Simulatorium. Un hélicoptère. Des gens tout autour... Un sentiment de panique s'empara de tout mon être.

La navette qu'avaient pris Michael et Echo était presque entièrement détruite. Comment était-ce possible ? Que s'était-il passé ?

— La navette qui est partie de l'hôpital St Thomas n'a pas ralenti aux arrêts prévus...

Mes pensées n'étaient plus très claires à partir de ce moment. Je regardai la télévision comme si j'étais en état de choc. Je voyais les véhicules de secours, les gyrophares, les forces de l'ordre... mais aucun blessé. Aucun survivant. Et s'ils étaient tous morts ?

Et derrière la journaliste, la navette semblait complètement retournée. Comment survivre à ça ?

— À son bord, principalement des adolescents. On reporte actuellement deux morts et dix blessés, dont trois graves.

D'abord, je me sentis soulagé. Deux morts... ce n'était pas grand-chose... Il y avait peu de risques qu'il s'agisse de mes amis. Mais... si les deux morts étaient Echo et Michael ? Et si je ne les revoyais jamais ? Et dire que j'aurais pu être avec eux... J'aurais dû être avec eux...

— Prend tes affaires, Luke, m'ordonna le soldat. On te fait sortir.

Mais comme je ne bougeai pas, il répéta :

— Prend tes affaires, j'ai dit !

Cependant, je ne l'écoutai toujours pas. Je cherchai plutôt un moyen de m'assurer qu'ils étaient toujours en vie. Mais comment être sûr ? Comment savoir s'ils étaient sains et saufs ?

Ça va devenir une habitude qu'on s'appelle le soir avant de se coucher ?

La voix d'Echo résonnait dans ma tête et je dus batailler pour ne pas pleurer. Mais au moins, je savais quoi faire.

D'une main tremblante, je l'appelai. J'attendais péniblement avec un poids qui écrasait ma poitrine avec une force qui m'était presque inconnue, étouffant autant mon cœur que mes espoirs.

La première sonnerie retentit. J'avais encore espoir. Il fallait rester positif et optimiste. Ils allaient s'en sortir. C'était obligé.

Une deuxième sonnerie et aucun hologramme. Aucune réponse. Je me sentis soudain si faible que j'avais l'impression que je pouvais tomber à tout moment.

Une troisième...

Et rien. Rien. Rien. Je recommençai plusieurs fois et jamais je n'eus de réponse. Je voulus faire la même chose avec Michael mais on m'en empêcha.

— Luke, il faut y aller maintenant ! reprit un soldat avec fermeté.

Je finis par quitter June. Et péniblement, je suivais les soldats. Je ne pensais plus clairement. Mes réflexions se mélangeaient toutes, se coupant les unes les autres... Mes jambes tremblaient autant que mes mains. J'étais comme dans un état second. Parce que je commençai à réaliser que je n'étais pas dans les Simulations. C'était le monde réel. Ce n'était plus de la fiction, ce n'était plus un jeu et peut-être qu'au fond, ça ne l'avait jamais été.

— C'était encore une attaque ? s'enquit un premier garde tandis que l'autre hochait la tête.

Bon sang... une attaque ! Ce n'était pas un accident... C'était encore pire de savoir que c'était un acte délibéré. Et si... à cause de ce sabotage je ne revoyais jamais Michael... ou Echo... ? Que ce soit l'un ou l'autre ou bien les deux, je ne le supporterais pas.

Mais ce qui me faisait le plus peur, c'était ce mot que le soldat avait prononcé : encore.

Encore une attaque. Ça voulait dire que ce n'était pas la première. Ça voulait aussi dire qu'il pouvait y en avoir d'autres.

*

Outch. Luke a peur... et moi aussi ! Qui est mort ? Qui est blessé ? Est-ce qu'ils vont bien ? Pleins de questions et toujours presque pas de réponses ! 

J'ai écrit ce chapitre dans un état d'esprit un peu spécial, je dois dire, j'espère qu'il vous plaît ! 

Prochain chapitre du point de vue d'Aleksey très bientôt avec notamment plusieurs réponses et des nouvelles de Michael et Echo ! 

Pleins de bisous 😘❤️


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