IX. Rencontre (Echo)

IX

RENCONTRE (ECHO)


Je m'étais levée tôt ce matin et ce, avant même que ma montre ne sonne pour m'arracher des bras de Morphée. Il était encore tôt, six heures moins dix pour être précise, et il m'était impossible de rester dans mon lit plus longtemps. Après un léger bâillement – parce que je n'avais pas beaucoup dormi cette nuit –, je m'avançai vers la grande fenêtre et le store s'ouvrit instantanément. Devant moi, le soleil se levait à peine et quelques-uns de ses rayons perçaient le ciel au niveau de l'horizon. Je restai un instant, là, à regarder les alentours. Je me dis que j'aimerais bien sortir, rentrer chez moi, retrouver Samuel... Mais je me dis aussi que même si je voulais quitter le Simulatorium, j'aimerais retrouver Luke, Michael et les autres par la suite.

Je demeurais pensive, un peu trop peut-être, parce que quand j'y réfléchissais bien, mes pensées étaient toutes tournées vers lui. Luke. Pour une raison encore obscure à mes yeux, je n'étais plus indifférente à ses regards, à ses sourires... Et même quand il n'était pas en ma compagnie, mes yeux cherchaient à se poser sur lui. Et quand, par chance, nous étions dans la même pièce, j'espérais qu'il me remarque. Quand ses prunelles n'étaient pas posées sur moi, les miennes semblaient s'agripper à lui dans l'attente d'un sourire, d'un clin d'œil, d'une quelconque attention. Ma conscience s'occupait toujours de trouver le bon prétexte pour penser à lui. N'importe lequel, qu'il fût stupide ou ridicule, ça n'avait pas d'importance. Et mon cœur, lui, ne savait plus quoi faire. Tantôt il battait frénétiquement dans ma poitrine, tantôt il semblait vide, creux et triste. Peut-être parce qu'il savait, au fond, qu'il ne pouvait en demander davantage.

Je me demandais parfois si Luke ressentait la même chose et si c'était la raison pour laquelle il m'avait proposé de rencontrer sa sœur. Qu'il l'ait proposé à Michael relevait d'une évidence ; mais à moi ? C'était étrange. Je ne la connaissais pas, seulement par des petites anecdotes qu'il m'avait partagées. Ainsi j'avais l'impression que ça ne signifiait pas qu'une simple rencontre – c'était peut-être plus que ça. Et au fond de moi, je l'espérai. Je l'espérai vraiment.

J'avais rendez-vous à neuf heures et demi avec Luke et Michael et j'étais arrivée dans le hall en avance. En réalité, je m'étais levée bien trop tôt ce matin ; j'avais à peine petit-déjeuné, mon estomac ne supportant pas d'être rempli, même un minimum ; j'avais passé deux heures sur internet, à chercher ce qu'on disait sur nous ; j'avais même regardé quelques extraits du jeu avant de finalement descendre pour attendre les garçons. Si seulement je m'étais réveillée bien plus tard... ça m'aurait évité tout ce stress que je savais inutile. Et ça m'aurait aussi évité tout cet ennui.

Quelques minutes plus tard, alors que je pensais voir Luke et Michael, ce fut d'autres personnes qui arrivèrent. Trois hommes, habillés tout en noir, un peu à la manière de soldats. Ils me saluèrent d'un hochement de la tête que je rendis, cependant j'étais troublée. Surtout en voyant qu'ils étaient armés. Étaient-ils censés nous accompagner à l'hôpital ? Étions-nous vraiment placés sous protection ? Avant de participer aux Simulations, je n'avais jamais cru qu'avoir une garde rapprochée était possible. Et nous voilà accompagnés de trois soldats. Là, à cet instant, je ne saurais dire si j'étais sereine ou si c'était en fait complètement l'inverse.

Ces hommes, postés non loin de moi, discutaient à voix basse. Et quand bien même j'essayais d'entendre ce qu'ils se disaient, je ne comprenais pas grand-chose. Parfois ils me jetaient un regard en biais et j'imaginais qu'ils parlaient des Simulations ou bien des joueurs. Peut-être s'amusaient-ils à se moquer de nous ou à nous dénigrer ; enfin, dans tous les cas, je ne le saurais jamais.

Mais soudain ils se turent, ce qui d'abord me surpris, et j'aperçus les garçons en suivant leur regard. Felicia était à leurs côtés. Michael m'accorda un grand sourire quand il me vit et accéléra le pas dans ma direction. Luke, quant à lui, semblait plongé dans une discussion importante avec sa cousine et il ne posa même pas ses iris sur moi. Comme si je n'étais pas là.

— Alors, prête à sortir du Simulatorium depuis tout ce temps ? s'enquit Michael en désignant le monde extérieur que l'on pouvait voir grâce aux grandes portes de verre.

J'avais hâte de sortir. Je n'en pouvais plus de rester enfermée au Simulatorium surtout que nos journées étaient souvent creuses.

— Complètement ! J'ai l'impression d'être ici depuis une éternité !

Et encore, l'éternité me semblait beaucoup moins longue.

Lorsque nous nous installâmes dans la navette, je me rendis compte que j'avais raison. Les trois hommes armés s'occupaient bien de notre sécurité. Ils s'assirent sans un mot en face de nous tandis que, sous un silence de plomb, Luke prit place à ma droite.

L'atmosphère à l'intérieur de la navette était pesante. Je n'osais pas prononcer un seul mot. J'avais si peur de dire quelque chose de déplacé ou d'interdit que je commençais à réaliser que ces « soldats » ou « gardes » étaient peut-être là pour autre chose que notre sécurité. Peut-être qu'on nous surveillait aussi.

J'essayai de les oublier en regardant le paysage mais vite il m'apparût que c'était une mauvaise idée. J'allais être malade si mes yeux restaient rivés vers l'extérieur. J'avais une boule à l'estomac et j'avais chaud. J'avais l'impression que j'allais étouffer...

Ainsi, sous les yeux impénétrables des gardes, j'enlevai ma veste.

— Ça va ? me demanda soudainement Luke tout en exerçant une légère pression sur mon bras dénudé.

Je hochai la tête tandis qu'il laissa reposer sa main gauche sur ma cuisse. Un geste que je trouvais adorable de sa part, lui qui n'avait jamais vraiment été très tactile avec moi.

Je m'enquis de son état en retour, parce que je savais que cette sortie comptait énormément à ses yeux. Il allait revoir sa sœur après tout ce temps en sachant que son état avait empiré. Et même si elle était stable et plus ou moins en forme depuis quelques jours, c'était toujours quelque chose de se rendre à l'hôpital pour voir quelqu'un que l'on aimait.

— Ça pourrait être pire comme ça pourrait aller mieux, dit Luke après un léger instant.

Il n'ajouta rien et moi non plus. Et quelquefois, dans mon mutisme, j'observai sa main sur ma jambe qui n'avait pas du tout bougé de tout le trajet.

L'hôpital se dessina rapidement à travers les arbres et la navette commença à ralentir. Tout allait bien jusqu'à ce que l'on descende devant l'entrée principale. Une fois le pied posé à terre, ce fut comme si j'étais de retour dans le jeu. Assaillie par des images des Simulations, je me sentis tout à coup vulnérable et en danger. Parce qu'en effet, nous nous tenions devant le même hôpital. Ce même hôpital où nous avions découvert le corps de Priam, ce même hôpital où j'avais dû être soignée en urgence...

J'étais pétrifiée, incapable de bouger et de suivre les garçons. Je revoyais la neige, le sang... J'entendais de nouveau les cris et les coups de feu... Si bien que je portais ma main sur ma hanche, par précaution. Comme si, par magie, ma blessure allait réapparaître.

— Tout va bien, mademoiselle ?

C'était un des soldats qui m'avait parlé. Il me regardait, légèrement intrigué. Et derrière lui, Luke faisait de même. Quoique... j'avais l'impression qu'il comprenait. Parce qu'il avait été là, lui aussi. Il savait ce que c'était.

— Oui, désolée...

Je finis par accélérer le pas pour me retrouver juste à côté de Luke au moment où nous passâmes les grandes portes. Mais une fois à l'intérieur, c'était encore pire. Je me revis, chancelante, chercher Priam désespérément, me cacher sous les bureaux, sursautant au moindre bruit... C'était affreux. Le pire c'est que cette peur était encore là aujourd'hui. Elle ne m'avait jamais entièrement quittée.

Et si c'était un effet indésirable ? Et si ça ne partait jamais ? Et si...

Je sentis soudain des doigts serrer les miens et sans même baisser les yeux, je savais à qui ils appartenaient. Son contact me réchauffa alors le cœur. Il semblait signifier « Je suis là, je suis avec toi. » et c'était tout ce dont j'avais besoin à cet instant. Et peut-être qu'il en avait besoin lui aussi, que me savoir avec lui, ça lui faisait du bien. Alors je serrai ses doigts un peu plus fort en espérant qu'il comprendrait que moi aussi, j'étais là pour lui.

Dans l'ascenseur, je me sentais déjà plus sereine. La main de Luke serrait toujours la mienne, un peu comme s'il m'empêcher d'être de nouveau assaillie par les souvenirs que je gardais des Simulations. Mais une fois au deuxième étage, devant la porte 231, ses doigts délaissèrent les miens. Et tout redevint comme avant.

— On patientera derrière la porte, nous lança un des hommes.

Le plus grand, lui, attendit que l'on entre dans la chambre de June pour faire demi-tour.

J'étais la dernière à entrer dans la pièce et je ne me sentais pas vraiment à ma place pour être tout à fait honnête. En fait, je me sentais de trop. Luke était en train d'étreindre sa sœur et semblait tout à coup très différent. Presque plus vivant. Ce fut ensuite au tour de Michael de serrer June dans ses bras et quand il se recula, son regard à elle se posa sur moi. Elle était assise sur son lit, une tablette posée sur les cuisses, et semblait particulièrement normale. Ses traits étaient cependant marqués par la fatigue, notamment ses yeux bordés de cernes, ou son teint pâle, mais rien chez elle n'indiquait qu'elle était malade.

Mécaniquement, je lui accordai un sourire plutôt timide tout en m'avançant pour aller lui faire la bise.

— Echo, dis-je pour me présenter même si elle devait très probablement le savoir.

— June.

Et c'est en me reculant que la ressemblance entre elle et moi me sauta aux yeux. Elle n'était pas flagrante au premier coup d'œil, si bien qu'il fallait bien nous connaître pour s'en apercevoir. En effet, elle se cachait dans son attitude comme dans la mienne. Nous avions le même sourire, presque le même regard, et malgré moi, je semblais avoir son âge, cette même insouciance. Et peut-être que nous partagions toutes les deux les mêmes traits de caractère. Maintenant je comprenais mieux pourquoi on m'avait dit que je ressemblais à sa sœur.

En plus, elle avait mes yeux.

— Je suis contente de te rencontrer, m'avoua-t-elle d'une voix douce. Je ne m'attendais pas à ce que Luke t'amène avec lui mais je suis contente qu'il l'ait fait.

Je souris, sincèrement touchée. Le pire aurait été qu'elle ne m'apprécie pas.

— J'admire ton courage pour avoir supporté mon frangin tout ce temps, ajouta-t-elle non sans arrêter de sourire. Toi aussi, Michael. Et je sais qu'il a été plutôt rude lors des Simulations.

— Mais je ne suis pas tout seul à avoir été « rude » comme tu dis ! s'offusqua Luke et à cet instant, il semblait plus jeune que sa sœur.

June passa son temps à raconter ce que c'était de nous voir à la télévision et dans ses yeux brillaient la même admiration que j'avais éprouvé en regardant les exploits de Sam un an plus tôt. Elle nous félicita pour notre place dans le classement et pour certaines choses comme le sauvetage de Luke dans les souterrains. Je me souvins en effet de cet épisode où, sans réfléchir, j'avais décidé de lui venir en aide. J'avais couru jusqu'à lui sans même regarder si les lieux étaient sans danger ou non, puis j'avais planté mon couteau – et je me demandais toujours comment – dans l'abdomen d'une des bestioles qui en était après Michael. Comme tout ça me paraissait si loin maintenant... et si irréel...

On discuta ensuite du second niveau et de Luke qui était venu m'aider avant que je me noie au niveau de la base militaire. La sœur de Luke nous raconta qu'elle avait été certaine depuis le début du jeu que nous allions nous rapprocher à un moment ou un autre. Elle avoua même admirer la façon dont nous avions fait équipe pour échapper aux V2 par la suite.

On parla longuement du dernier niveau, celui que j'avais trouvé le plus éprouvant. Et à vrai dire, nous étions tous du même avis. Ce niveau avec les extrémistes avait été le plus difficile. Largement. Peut-être à cause de cette histoire de réinitialisation, de disparitions et de virus mais aussi parce qu'il avait vraiment été compliqué de survivre dans Londres avec des extrémistes cachés un peu partout et surtout prêts à avoir notre peau.

— Au fait, Echo ! J'admire tellement la façon dont tu t'es agenouillée face à l'extrémiste. J'ai eu l'impression que tu le défiais du regard et j'ai trouvé ça renversant. Franchement, ça m'a chamboulé. Je suis contente que tu sois celle qui soit restée le plus longtemps dans le jeu. Tu méritais vraiment de gagner.

Je n'en étais pas vraiment certaine, mais mes joues avaient très probablement rosi. Je n'aimais pas qu'on parle de cet épisode. D'abord, il n'y avait rien à dire. Si je ne m'étais pas agenouillée, il aurait été moins tendre avec moi. Il m'aurait sûrement tuée avant que les autres viennent m'aider... Enfin, tant de gens étaient morts comme ça et je ne voyais pas l'intérêt de féliciter ceux qui s'en étaient sortis.

Et voyant que cette déclaration me gênait, June engraina sur un autre sujet.

— C'est vraiment une bonne chose que vous ayez fait équipe jusqu'au bout surtout que c'était vachement mal parti au départ.

— Tu m'étonnes, sourit Michael. J'ai bien cru qu'ils ne s'entendraient jamais !

Puis il s'adressa à Luke :

— Heureusement que tu as arrêté de faire l'enfant et que tu as coopéré avec la demoiselle. Autrement... tu n'aurais même pas fait partie des trois finalistes et tout aurait été différent. T'imagines ?

Je ris même si je n'étais pas forcément d'accord avec lui. En réalité, sans Luke, je n'aurais jamais été classée parmi les finalistes. Et pas l'inverse. C'est lui qui aurait dû gagner, pas moi. Alors là, oui, tout aurait été différent. 

*

Et oui ! On a fait un petit bond dans le passé ! Quelques heures avant l'accident avec la navette... ( d'ailleurs ce sera pareil avec le chapitre de Luke)

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De la rencontre avec June ? Des petits rapprochements entre Luke et Echo ? J'espère que ça vous plaît toujours  ❤️

Et je tenais à vous remercier d'être encore là ! Vous êtes les meilleurs lecteurs au monde ! Je vous adoooore ! 

à très vite pour la suite, 

je vous embrase 😘


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