XXIX. Blessures (Echo)
Chapitre 29
BLESSURES (ECHO)
À une vingtaine de mètres, il y avait un petit groupe de personnes. Ils étaient cinq. Ou peut-être plus, je n'étais pas sûre. Je n'avais pas un très bon angle de vue d'ici. Cachée derrière un petit muret, je les entendais discuter sans pour autant comprendre ce qu'ils se disaient. Deux d'entre eux étaient appuyés contre une sorte de grosse Jeep, tandis que les trois autres se tenaient plus loin. Les premiers semblaient assez jeunes et ils étaient tous vêtus d'habits sombres. Peut-être arriverai-je à passer sans qu'ils ne me voient ? J'avais une chance. Enfin, j'osai le croire.
Je me levai et reculai de quelques pas, cependant, je heurtai quelque chose. Je vis la poubelle frapper le sol sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit. À ce moment-là, le plus jeune me remarqua. Je pris aussitôt peur. Il fit signe à son ami de regarder dans ma direction. J'étais comme paralysée, mon cerveau était incapable d'ordonner à mes membres de bouger. Un homme attrapa alors ce qui me semblait être une arme. Mon sang se glaça.
J'étais stupide, je n'allais pas réussir à passer. Je m'étais jetée aux portes de la mort – encore. Je m'étais jetée dans la gueule du loup sans réfléchir ! Ces gens-là allaient me tuer ! Que pensera Samuel quand il verra ça ? Il se dira certainement que mon imprudence finira par me tuer – ce que je pensais aussi.
Au moment le plus critique, je réussis à prendre la fuite.
— Attrapez-la ! gronda quelqu'un derrière moi.
Je courais. Je courais comme je n'avais jamais couru avant. Mon cœur battait si vite que j'avais la nette impression qu'il finirait par traverser ma cage thoracique. L'adrénaline se propageait dans mes veines à une vitesse ahurissante. Mais alors que j'accélérai pour éviter qu'ils ne me rattrapent, je glissai et perdis l'équilibre. Mes genoux et mes mains s'écrasèrent sur une plaque de verglas. Non ! Non ! Non ! Ils allaient me rattraper ! Un furtif coup d'œil en arrière me suffit pour réaliser que j'avais perdu. J'allais être éliminée. Ils étaient trop près.
Je me relevais rapidement, cherchant de l'aide du regard. Non, tous les rideaux étaient tirés, les volets étaient baissés. Je n'existais pas. Rien n'existait. Plus personne n'était là pour m'aider. Tout à coup, un des hommes tira plusieurs fois dans le but de mettre fin à ma vie. Une première balle frôla ma jambe droite et une autre traversa le haut de ma hanche. Néanmoins, je ne sentis pas la douleur quand elle déchira mes vêtements pour venir se fourrer dans ma chair. Je posai ma main sur la blessure qui ne me semblait même pas réelle. Non, ça ne m'était pas arrivé ! avais-je envie de croire. Pourtant, le sang coulait bel et bien.
— Si tu bouges, on te bute, me lança celui qui avait tiré.
Une larme roula sur ma joue tandis qu'il marchait vers moi, son arme braquée dans ma direction.
Je savais que j'allais mourir, que je bouge ou non. L'homme fut ensuite rapidement à ma hauteur et il lut la peur dans mon regard. De ses doigts sales, il vint agripper mon menton pour que je le regarde dans les yeux.
— À genoux !
Il me força à obéir, me faisant tomber devant lui, la neige me mordant les jambes. Ce simple mouvement réveilla la douleur. Un gémissement m'échappa et il m'asséna un coup de pied dans le ventre qui sembla me déchirer, coupant ma respiration. Je posai mes mains à plat sur la neige à cause de la douleur. Mon souffle était saccadé. J'allais mourir.
— Regarde-moi !
Je relevais les yeux pour rencontrer les siens. Il n'y avait que de la haine dans son regard. Je ne connaissais même pas cet homme. Lui-même ne me connaissait sûrement pas. Et pourtant, il allait me tuer. Sans raison. Était-il un soldat ? Un terroriste ?
Il pointa alors son fusil sur mon front, et je le sentis contre ma peau. Il n'avait plus qu'à appuyer sur la gâchette.
Autant rester brave jusqu'au bout, me souffla ma conscience tandis que je ne baissai pas les yeux.
Je n'avais pas tant peur de mourir puisque je me savais être dans une Simulation. Ce n'était pas une fin – ma fin, et pourtant, je me sentais faible et effrayée à l'idée de le vivre. Vraiment.
Mais sans que je ne m'y attende, une balle traversa son crâne avant qu'il ne m'abatte. Il tomba aussitôt à terre, dans un bruit sourd. Quelques mètres plus loin, le même schéma. Des balles volèrent jusqu'aux autres hommes qui tombèrent à leur tour. C'était assurément l'œuvre d'un sniper. Bon sang ! J'avais une chance inouïe !
— Vous pouvez bouger ? fit une voix derrière moi tandis que je fixais le corps immobile devant moi.
Je hochai la tête, incapable de parler. En essayant de me relever, je remarquai que mes mains tremblaient.
— Bien, vous voyez l'immeuble sur votre gauche ?
Je hochai de nouveau la tête.
— Vous allez entrer à l'intérieur, quelqu'un va vous aider. Je vous couvre.
*
— Il lui faut des soins, dit une première voix comme si je n'étais pas là.
— Mais on n'en a plus, rétorqua celle qui inspectait ma hanche.
— Voilà pourquoi je propose de l'amener à Priam. Il saura quoi faire.
— Mais c'est du suicide ! s'exclama le sniper à côté de moi. Elle ne tiendra pas le coup et elle nous ralentira !
Quelques minutes s'écoulèrent, dont une dans un silence pesant.
— Je le fais, abdiqua quelqu'un. Je l'emmène à Priam et je vous rapporte des trousses de soins et des médicaments.
C'était un jeune homme qui venait de se proposer. Je ne pus m'empêcher de penser que si je mourrais, ça n'avait pas d'importance, contrairement à lui. Je me sentis alors coupable de mettre quelqu'un en danger, même si ce n'était qu'une Simulation.
— Tu es sûr, Riley ? demanda le sniper.
— Absolument ! En plus, ça fait des jours qu'il nous manque ces maudits médocs.
— Si vous partez maintenant, vous serez sûrement de retour avant la nuit.
Si on avait de la chance, se garda-t-il de prononcer.
Pour atteindre l'hôpital, nous devions passer dans des ruelles sombres et étroites, contourner les grands carrefours et surtout, rester dans l'ombre. Il n'était pas question de se faire remarquer.
En faisant tout ce chemin avec Riley, qui semblait avoir le même âge que moi, je fus forcée d'admirer son courage, sa détermination, et bien-sûr, son sens de l'orientation. Il était doué. Indéniablement doué. Il savait où aller, où passer ; et à l'inverse, les endroits à éviter. De plus, il savait se montrer aussi prévenant et n'hésitait pas à m'aider ou à ralentir. Même si j'avais ingurgité des médicaments, les derniers me semblait-il, la douleur était encore et toujours présente.
— Qui est Priam ? demandai-je soudainement.
Je devinai que j'avais extirpé Riley de ses pensées.
— Un étudiant en médecine. Il est à sa sixième année. On l'a croisé une fois quand on est allé chercher des médocs. C'est un gars génial qui ne se laisse pas abattre. Un des plus courageux que je connaisse. Malgré le danger, il reste disponible pour soigner les blessés. Il est un des seuls à être restés.
Bientôt, nous vîmes l'hôpital à quelques centaines de mètres, une vague de soulagement m'enveloppa toute entière. Le supplice allait enfin s'arrêter.
On avança lentement, à l'affût du moindre bruit, du moindre mouvement, tout en restant sagement dans l'ombre.
— Regarde, murmura Riley en tendant son bras en direction de l'entrée principale.
Des gardes, devinai-je.
— Viens, on va faire le tour et passer par les urgences.
Heureusement, les urgences n'étaient pas surveillées. Mais ça me semblait presque trop simple. Trop facile. Et si quelqu'un nous attendait à l'intérieur ?
Riley, lui, ne sembla aucunement préoccupé par les mêmes craintes. Il ouvrit la porte et entra le premier. Je le suivis.
Il faisait un peu moins froid qu'à l'extérieur mais il faisait plutôt sombre parce que certains néons ne fonctionnaient pas.
Je repensai alors aux multiples fois où j'étais venue dans ce même hôpital. Il ne semblait pas si différent.
— Bien, prononça soudainement Riley. Il ne faut pas perdre de temps. Je vais chercher le nécessaire et toi, tu rejoins Priam.
— Toute seule ? m'enquis-je presque dans un murmure.
— Il est caché au niveau -1, tu le trouveras facilement.
Et s'il n'y était pas ?
— Va dans la lingerie. Je te rejoins après avoir tout récupéré.
Mais il hésita un instant en posant ses yeux sur moi.
— Écoute... Au pire, reste ici. Je reviens dans quelques minutes. Et ne t'inquiète pas : normalement, il n'y a personne.
Normalement ?
J'acquiesçai toutefois sans poser de question.
L'attente depuis que Riley était parti me semblait si longue que j'en venais à imaginer qu'il s'était passé quelque chose ou qu'il m'avait abandonnée. Dans les deux cas, ça n'annonçait rien de très joyeux. Je me mis ensuite à réfléchir et à essayer de comprendre la Simulation actuelle. Pourquoi revenir dans une période aussi sombre de l'Histoire ? Et quel était le but de cette Simulation ? Que fallait-il faire ?
En jetant un œil au classement, je remarquai que j'étais dernière, parce que j'étais blessée. Mais pour une raison ou une autre, quelque chose clochait. Le classement n'était pas comme d'habitude. Puisque je ne l'avais pas encore consulté dans ce niveau, je ne savais pas si c'était normal ou non.
Puis je réalisai. Il n'affichait plus que six noms.
Les autres avaient disparu.
Six noms ? répétai-je dans ma tête. Il manquait quelqu'un ! Aleksey... Reyna... Luke... Elyas... Ashton... moi... Il manquait Thalia. Mais pourquoi ? Elle n'avait pas été éliminée ! Pas encore...
Soudain, un coup de feu retentit et résonna jusque dans le hall des urgences, où je me trouvais actuellement. J'éteignis le classement par précaution et filai me cacher sous un des bureaux de l'accueil quand j'entendis des voix. Mon Dieu ! J'étais fichue !
— Tu as entendu ? prononça une voix grave.
Mon cœur battait si vite... J'allais me faire repérer ! Je dus mettre ma main devant ma bouche pour étouffer le bruit de ma respiration.
Heureusement, j'étais passée inaperçue. Les bruits de pas s'éloignèrent jusqu'à devenir complètement inaudibles. Il s'en était encore une fois fallu de peu.
Ne voyant pas Riley revenir, je devinai qu'il lui était arrivé quelque chose. Je pris donc les premiers escaliers pour me rendre là où je trouverai Priam. Peut-être était-ce imprudent de ma part d'y aller seule, mais je sentais que si j'attendais encore ici, je risquais davantage de mourir.
Une fois en bas, je m'approchai d'un plan pour savoir où se trouvait précisément la lingerie.
Je soupirai quand je vis que c'était la pièce la plus éloignée des escaliers. Je n'étais pas rassurée.
— Allez, susurrai-je pour moi-même, tu as déjà fait pire.
Les souterrains, par exemple, étaient bien plus angoissants.
Et alors que je m'approchai du fond, je discernai une silhouette. Surprise, je m'immobilisai une seconde avant de le reconnaître. Lui et ses yeux bleus si froids qu'ils semblaient capable de me geler sur place.
— Luke, soufflai-je.
Cependant, à ce stade du jeu, je ne savais pas si je devais être soulagée ou non.
— Qu'est-ce que tu fais là, Hawkins ? me lança-t-il froidement.
Il me détailla un instant, s'attardant sur ma hanche et mes vêtements tachés de sang. Que pensait-il ?
— Toi, qu'est-ce que tu fais là ? lui demandai-je en retour.
— Pas tes affaires, me dit-il en croisant ses bras.
Je le toisai un moment, le trouvant quelque peu suspect, avant de rétorquer :
— Dans ce cas-là, ce que je fais ici ne te concerne pas.
Il soupira. C'est à ce moment que je remarquai l'arme qu'il tenait dans sa main. Je réalisai que s'il l'avait voulu, il aurait pu me tuer. Je me demandai alors si cette idée avait traversé son esprit et pourquoi il ne le faisait pas. C'est vrai, pensai-je, à ce stade du jeu, il n'était plus question de faire de cadeaux. Et je connaissais très bien la profondeur de mépris, de haine ou ne sais-je encore qu'il ressentait à mon égard. Il ne m'aimait pas et rien ne l'empêchait de me faire recommencer ce niveau. Pourtant, j'étais encore là et son arme n'était pas pointée sur moi. Quelque chose avait peut-être changé. Ou alors, Luke n'était pas le genre à agir comme Aleksey, même si toutefois, il s'amusait à le faire croire.
Sans m'attarder davantage dans le couloir, je voulus passer devant lui pour me rendre dans la lingerie. Luke m'arrêta en attrapant mon bras.
— Tu ne trouveras rien ici, m'informa-t-il.
— Mais de quoi tu parles ?
Il me montra la porte de la lingerie.
— Tu es blessée, dit-il comme une évidence.
— Et ? voulus-je savoir.
Il ne me répondit pas et j'ouvris la porte avant de m'aventurer à l'intérieur.
Sur les murs étaient écrits en lettres capitales, sûrement à l'aide de peinture, ces quelques mots : « Nous n'avons pas peur »
J'avançai.
— Je t'avais prévenue, commenta Luke dans mon dos quand mes yeux se posèrent sur un cadavre.
Je portai mes mains à mes lèvres, étouffant un « Oh mon Dieu ». Priam avait été tué.
* * *
Sachez tout d'abord que je suis désolée du retard que j'ai pris ! J'espère pouvoir reprendre un rythme régulier, surtout que l'on arrive à la fin du premier tome.
Qu'avez-vous pensé du chapitre ? Qui a tué Priam ? Luke ou quelqu'un d'autre ?
Ah, vous sentez les moments Luke/Echo arriver ? Parce que moi, oui ! Ils vont être amenés à se côtoyer un petit moment à partir de maintenant... donc ça risque de vous plaire, je pense.
J'aimerais finir cette note d'auteur en envoyant mes pensées aux victimes et proches des personnes touchées par ce qu'il s'est passé hier soir. Pray for the World.
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