XIV. De miroirs et de glaces (Luke)

« Je vous souhaite bonne chance. »

Se moquait-elle de nous ? Jude King était-elle en train de se payer notre tête ? Parce qu'en toute honnêteté, il fallait bien plus que de la chance pour finir en tant qu'ultime survivant des Simulations ou même pour réussir le moindre niveau. C'était tellement plus que ça. Bien plus et elle, elle osait remettre nos capacités en question, les réduire à seulement une fichue chance ? Elle avait beau être présidente, elle avait parfois un problème dans ses discours.

Et maintenant que j'observais le paysage autour de moi, j'avais l'impression que l'on nous avait joué un tour. Ce n'était pas possible autrement.

Un champ. Des fleurs. Un ciel bleu éclatant. Où était le danger ? Où était le premier niveau ?

N'était-ce pas censé être difficile ? Impossible ? Tout semblait beaucoup trop simple, bien plus léger que le lancement de la première édition.

Je regardai autour de moi pour m'assurer que l'on ne me jouait pas un mauvais tour et que tout ceci n'était pas une mauvaise blague.

Mais soudain un signal retentit, me prenant par surprise. Je reconnu le signal, en question puisque je l'avais entendu lors du lancement de la première édition. Cela signifiait donc que ça commençait.

Un décompte apparu sur le miroir, démarrant à une minute. Cinquante-neuf. Cinquante-huit. Cinquante-sept. Les secondes s'écoulaient très lentement. Trop lentement à mon goût.

Je repensais aux premières Simulations. Selon moi, il était impossible de faire mieux que la première édition. La course des joueurs dans les bois était le meilleur lancement possible. Fuir. Ils avaient fuit en effet, mais de quelque chose d'invisible pour les téléspectateurs. Nous n'avions jamais su qui... ou quoi les poursuivaient. Peut-être que Sawyer le savait. Peut-être que Samuel lui avait dit. Et c'était ce que je détestais le plus chez elle. Qu'elle sache des choses que nous ne savions pas.

Quarante-cinq secondes.

Après leur course dans les bois, ils avaient dû montrer du courage et sauter dans le vide. Certains s'étaient arrêtés au bord du gouffre, prenant la peine de respirer et de réfléchir. J'en venais à me demander si je l'aurais fait sans réfléchir. Me serais-je arrêté ? C'était dur de connaître la réponse. Pour sauver June, oui, je ferais n'importe quoi. Tout ce qui était possible. Parce que j'avais un but, quelque chose qui me demandait d'être le meilleur et de faire de mon mieux. Je devais gagner pour pouvoir offrir à ma sœur les soins nécessaires à son rétablissement. Pour pouvoir effacer de nos vies cette sensation de la voir mourir chaque jour.

Elle vivra. Je m'en étais fait la promesse.

Quand le compte à rebours prit fin, le miroir se scinda en deux et s'ouvrit par son milieu dévoilant le premier niveau. Une autre sonnerie se fit entendre et j'avançai de quelques pas. Avant de complètement m'élancer en courant.

Après être totalement entré, et que le miroir fut refermé derrière moi, je remarquai que les parois et les murs étaient tous faits de miroirs et de glaces. Mon reflet était visible partout où je mettais les yeux. Mes propre iris bleus me transperçaient, et peu importait l'endroit où je regardais, ils brillaient différemment. Le plus frappant, c'était probablement mon teint pâle. Il l'était plus que d'ordinaire. C'était sûrement dû à l'aspect que j'avais ce matin, en me regardant dans le miroir. J'avais peut-être gardé cette image de moi en tête.

Mon pied balaya l'herbe rapidement : elle semblait si réelle ! Je me baissai, puis laissai mes doigts glisser sur la pelouse. Totalement incroyable. Si je ne savais pas que j'étais dans un jeu vidéo, je pourrais croire que tout était réel.

Je continuai d'avancer, mais en marchant maintenant, avant d'arriver à une sorte d'intersection. Le corridor principal se séparait ici en trois couloirs différents. Je pris celui du centre, croisant mon propre regard quand je tournai la tête pour m'assurer qu'il n'y avait pas d'autre chemin possible.

C'était à cet instant précis que je compris ce qu'était le premier niveau. Un stupide labyrinthe. Un labyrinthe, certes, mais totalement fait de miroirs et de glaces. Au bout du compte, peut-être que j'avais sous-estimé le premier niveau, et que ça pouvait s'annoncer plus dur que prévu.

Après avoir pris quelques autres chemins différents, l'impression de tourner en rond se dessina très clairement dans mon esprit. De plus, puisqu'aucun soleil n'était présent, il nous était impossible de nous situer. Le ciel bleu immaculé, sans nuages, ne nous permettait pas de prendre de repère. Comment être certain d'aller dans la bonne direction ? Comment être sûr de prendre les bons choix ? Aller à gauche, à droite ? Au final, je m'apercevais que rien ne changeait. Impossible de savoir si je me rapprochais du centre ou si je m'en éloignais.

Soudain, alors que j'étais dans mes pensées, je pris un couloir différent, ne prêtant plus du tout attention aux reflets présents. Cependant, quelque chose attira mon regard sur le « mur » du fond. Une silhouette éloignée, immobile. Impossible que ce fut un reflet. Ce n'était peut-être pas un miroir, après tout. Je m'avançai, doucement, lentement, les yeux rivés sur cette silhouette mystérieuse. Plus la distance entre nous diminuait, plus les détails se dessinaient.

Des cheveux d'un châtain clair. D'une plus petite taille que la mienne. Un garçon. Elyas.

Je souris, content de le voir. Puis, à son tour, ses lèvres s'étirèrent. Avant de m'arrêter en face de lui, je me demandai si nous allions faire un bout de chemin ensemble. Peut-être me le proposera-t-il. Peut-être accepterai-je.

— Salut, dis-je.

Il ne me répondit pas. Comme s'il ne m'avait pas entendu. Je venais alors à me demander si j'avais vraiment parlé.

— Tu m'entends ?

Peut-être que je devenais fou. Peut-être qu'Elyas n'était pas vraiment là. Je frissonnais à cette simple pensée.

J'avançai ensuite mon bras, juste une idée de mon esprit pour essayer de me rassurer. Pour que je fusse certain qu'Elyas était réel, quand je sentirai son tee-shirt sous mes doigts. Mais ces derniers ne frôlèrent que la surface gelée d'une vitre semblable à un miroir. Néanmoins, ce n'en était pas un puisque je ne voyais pas mon reflet à travers. A son tour, il vint poser sa main sur la vitre. Comme une fenêtre. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Pourtant, on aurait pu croire qu'il avait dit quelque chose.

— C'est quoi ce bordel ? demandai-je dans le vide, presque paniqué.

Je me reculai, et pris un autre chemin. Une seule question tournait dans mon esprit : Elyas était-il vraiment derrière la vitre ou était-ce un leurre ? Dans le deuxième cas, c'était incroyablement effrayant !

Impossible de savoir combien de temps s'était écoulé, et l'idée de m'arrêter traversa mes pensées. Cependant, je ne le fis pas. C'était une perte de temps. Une perte de temps inutile, et surtout, qui pouvait m'assurer la défaite.

Maintenant, les miroirs renvoyaient certaines images de personnes que je connaissais. Parmi elles, il y avait Michael. On y voyait certains de mes souvenirs, et certaines de nos bêtises. Je souris, me demandant comment tout se passait pour lui. Y arrivait-il ? Avait-il croisé d'autres joueurs ?

Ensuite, je voyais mes parents et June. Ma sœur avait sept ans dans ce souvenir. Les cheveux volant au gré du vent, elle courait vers moi avant de sauter dans mes bras. C'était pendant les vacances d'été, quand nous étions partis en navette à la plage. Je voyais encore le sable voleter à chacune de ses foulées, juste avant que je ne la serre dans mes bras. Ce jour-là, June était heureuse, et surtout, elle était en vie.

J'entendis un léger bruit, et le souvenir disparut.

A la place, je vis une fille m'observer de loin. Je la reconnus aussitôt.

— Sawyer, dis-je à voix basse, comme pour m'assurer une nouvelle fois que ce n'était pas un mauvais tour des Simulations.

Mais là était la question. Si Elyas n'était peut-être pas réel, comment savoir si Sawyer l'était ?

*

Seriez-vous capable de répondre à cette question ? Est-ce qu'Elyas et Sawyer sont réels ? Les miroirs sont-ils vraiment des miroirs ? C'est là l'effet que je souhaite produire. Luke croit voir des choses, mais est-ce que ce n'est pas un tour des Simulations ? 

J'espère que vous aimez toujours, et que vous appréciez la suite !

De gros bisous !


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