XII. Deal (Dawn)
Cole Himmler. Un nom. Un jeu.
Il était le principal développeur des Simulations et avait ainsi participé à la création de la totalité des niveaux auxquels nous allions être confrontés.
Nous venions d'assister à sa vidéo conférence lors de laquelle il expliquait ses études et parlait des années de recherches menées dans le cadre du programme SIMULATOR, dirigé par la présidente Jude King elle-même. Un programme gardé secret pendant de nombreuses années.
Il nous avait même avoué qu'il était le Cole de la Simulation portée sur l'attentat de l'aéroport de Singapour. De plus, il nous avait appris comment il fallait procéder pour la réussir. Une seule personne parmi nous l'avait fait. Une seule personne parmi nous avait empêché l'avion de s'écraser. C'était Thalia.
Comment être plus surprise ? Je m'étais attendue à ce que ce fut Luke, ou Aleksey. Ou bien même Ashton. Mais non, Thalia, la petite rousse âgée de dix-sept ans avait réussi. Même moi je n'avais pas pu empêcher Cole de prendre le contrôle de l'avion. Ce qui voulait dire que cette fille-là avait soit eu de la chance, soit eu les bons réflexes. Dans tous les cas, je devrai me méfier d'elle.
L'échange n'avait duré que quelques instants, mais cette rencontre pourtant brève marquait définitivement le début des festivités. Tout allait très bientôt commencer. Ainsi, quand nous sortîmes de la salle de conférence, les profils disposés çà et là sur le mur nous ramenèrent à la réalité.
— Ça va être dur, hein ?
Je me retournai : me parlait-on ? Puis j'aperçu Luke, un grand blond âgé de dix-huit ans. J'avais toujours tendance à le prendre pour Aleksey. Nulle ressemblance entre les deux ; leurs personnalités se confondaient simplement.
— Ça dépend sur quoi on va tomber.
— Ouais. Ça dépend aussi des alliances créées et des adversaires encore en lice.
Luke parlait avec une nonchalance remarquable mais il était certain qu'il cachait quelque chose.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Rien.
Il sourit, amusé.
— Enfin, je te proposerais bien quelque chose, avoua-t-il après avoir vérifié que personne ne nous écoutait.
Je croisai mes bras sur ma poitrine avant de le regarder dans les yeux.
— Je t'écoute, explique-toi.
— Eh bien, je sais à quel point tu détestes Echo. Ça se voit comme si c'était écrit sur ton profil.
Sur ces mots, il pointa ma « carte d'identité » sur laquelle étaient inscrites quelques informations et où l'on voyait une photo de moi prise ce matin.
— Je ne vois pas pourquoi tu me dis ça.
— Ecoute, je me fiche d'en savoir les raisons. Tu ne l'aimes pas, on ne peut pas aimer tout le monde. Mais le truc, c'est qu'on est sur la même longueur d'onde. Je te propose donc un deal.
— Un deal ?
— Chacun fait tout son possible pour la faire arriver dernière à la fin d'un niveau pour l'éliminer.
— En échange de quoi ? m'enquis-je méfiante.
— La clé c'est une chance de gagner.
— Mais qu'est-ce que ça t'apporte ?
Je ne savais pas que Luke avait si peur d'Echo. Je n'étais pas sûre de lui faire confiance.
— Là n'est pas la question. Alors ?
Luke me proposait donc de tout faire pour empêcher Echo de gagner. Ainsi, si l'on avait la chance de la croiser dans les niveaux, il faudrait ruser pour la ralentir. J'étais d'accord, c'était certain. Si Luke la croisait, je n'aurais rien à faire et alors le chemin de la victoire serait libre. Mais si je la croisais... que ferais-je ?
— Je vais y réfléchir.
Mais dans ma tête, je clamais : « deal ».
J'aurais aimé que mon meilleur ami Vance puisse être ici, il aurait pu me dire quoi faire. Quoi dire. Il s'était inscrit aux sélections... mais n'avait pas été choisi. Je ne jouais pas aux jeux-vidéo. Je n'aimais pas spécialement ça. C'était son œuvre à lui. C'était pourquoi il m'avait fait jouer chaque jour à différents jeux pour m'assurer de comprendre la logique des Simulations (grâce à la première édition que nous avions regardée plusieurs fois) et mon propre instinct. Il avait passé des semaines à m'apprendre à me comprendre.
Nous étions meilleurs amis depuis quelques années, après qu'il ait emménagé juste à côté de chez moi. Bien que nous fussions diamétralement opposés, on s'entendait plutôt bien. Alors j'aurais aimé pouvoir me rassurer en l'ayant à mes côtés. Ce qui était d'ailleurs dommage, c'était qu'aucun contact extérieur n'était autorisé – à moins d'avoir la permission de Felicia. Personne n'avait osé demander. Puis, la journée, on n'avait pas le temps d'y penser. Généralement, je pensais à ma famille et à Vance au soir, au moment d'aller me coucher. C'était sûrement dû au fait que c'était le seul moment de la journée où nous pouvions penser à autre chose qu'aux Simulations.
Vance ressemblait à Kaloni, mais de manière masculine. Ils étaient tous les deux noirs de peau et dégageaient cette même présence. Peut-être était-ce la raison pour laquelle Kaloni et moi s'entendions plutôt bien, sans pour autant dire que nous étions amies. Je l'appréciais un peu. Surtout pour son franc-parler. Moi je disais les choses, mais pour moi-seule. Ce qui était différent.
Ici, nous ne pouvions pas avoir d'amis. Parce que nous ne devions pas trahir nos amis et que nous serons amenés à le faire d'une manière ou d'une autre.
Mais serais-je capable de trahir Kaloni ? Sûrement. Serais-je capable de trahir Vance ?
La réponse me fit peur. Je secouai la tête, voulant penser à autre chose et oublier à quel point ce qu'avait dit Felicia lors de la dernière réunion était vrai.
On changeait quand on jouait, et ce n'était pas bon du tout.
— Dernière ligne droite ! s'exclama Aleksey à table. Qui est prêt pour les Simulations ?
Douze mains se levèrent.
— Excellent ! rit Ashton. Qui est prêt à me voir gagner ?
Le bouclé m'arracha un rire. Je ne levai pas ma main cette fois-ci.
— Mais sérieusement, se lança Astra – la blonde aux cheveux toujours ondulés grâce aux tresses qu'elle se faisait –, on va tomber sur quoi ? Quand on voit les niveaux de la première édition... et quand Felicia nous dit que ça sera plus dur ! Vous imaginez le truc ?
— C'est pour nous faire peur, sûrement. Peut-être que les autres joueurs étaient moins sérieux ?
— Sam et Felicia l'étaient. Je suis sûre que chacun d'entre eux l'étaient. Comme nous. Ils devaient sûrement être presque amis et dès que le jeu a commencé, ils se sont transformés. Comme on nous l'a appris. On doit mener le jeu, pas vrai ? C'est pourquoi on doit tout faire pour mener à bien les Simulations et en ressortir à chaque fois, chose pas si aisée que ça quand on y pense. Quand on veut gagner, on est prêt à faire n'importe quoi, commenta Kaloni.
J'étais d'accord avec elle, comme la plupart d'ailleurs.
— Vous vous souvenez du niveau huit ? C'était affreux à regarder. J'imagine même pas comment ça devait être dur à vivre, continua Thalia.
— Tu parles de l'explosion de la centrale nucléaire ?
— Ouais... le seul moyen de réussir la Simulation était de sortir de la ville sain et sauf.
— Ah oui ! Le plus exposé aux radiations était éliminé !
— Je veux pas vivre un truc du genre, dit Michael. Ça doit te stresser comme pas possible...
— C'est comme si tu avais un chrono...
Je me souvenais de ce niveau. Le niveau huit. L'un des plus durs psychologiquement.
— Et le moment où Sam a frappé Russel ? Mémorable ce crochet du droit ! s'exclama Elyas.
— C'était dans le niveau sept ! Quand je vous dis qu'on est prêt à faire n'importe quoi pour gagner ! renchérit Kaloni, assise à ma gauche.
Pendant tout le diner nous partageâmes quelques petites anecdotes et scènes qui nous avaient marquées. Luke croisa mon regard un instant et je hochai la tête. Après un coup d'œil vers ma droite, où s'était installée Echo, je fus certaine que j'avais pris la bonne décision. Cette fille était dangereuse. Sûrement Vance aurait-il fait le même choix.
— Vous vous attendez à quoi comme genre de niveaux ? demandai-je.
— Quelque chose d'impressionnant, répondit Thalia.
— En tout cas, le premier qui cherche à m'éliminer aura mon poing dans sa face, nous averti Ashton avec un rictus. Et je plaisante pas.
— A peine ! fit Luke.
— Je ne suis même sûre qu'on pourra se préoccuper des autres joueurs. Pourquoi passer du temps à se ralentir et se tuer les uns les autres quand les Simulations s'en chargent déjà ?
— C'est vrai, admit Echo qui n'avait pas pris la parole depuis tout à l'heure.
Michael lui demanda alors :
— Sam ne t'a jamais rien dit ?
— Non, si ce n'est ce que vous savez déjà. Que c'est difficile, éprouvant etc.
Je me demandais parfois si ma haine que je ressentais à son égard était fondée ou non. Elle n'avait pas l'air de savoir grand-chose de plus que nous. Mais je n'en étais pas sûre... elle pouvait très bien mentir. Je n'aimais pas quand je me sentais dépassée par quelqu'un. Surtout par une fille plus jeune que moi.
Mais que ma haine fut fondée ou non, elle était là. Bien présente. Et elle ne disparaitra pas.
* * *
Hello ! Veuillez m'excuser pour ce retard immense! Mais ce chapitre était vraiment dur à écrire et j'espère que ça ne s'est pas ressenti lors de votre lecture ?
Donc c'était le dernier chapitre de la première partie. Le prochain chapitre repart du point du vue d'Echo et donc, ce sera les Simulations ! Oui !
J'espère que vous aimez toujours et que vous êtes prêts pour le jeu !
Parce que mes chers joueurs... ce n'était que le début !
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