IV. Hologrammes (Thalia)

J'étais spectatrice de la scène qui se déroulait devant moi, incapable de savoir si le bouclé réussira son premier entraînement ou non. D'ailleurs, Ryker n'avait pas mentionné le nom de cet « exercice », si je pouvais appeler cela de cette manière. Il me semblait qu'il gardait une part de mystère afin de nous maintenir concentrés, attentifs.

Mais nous ne pouvions qu'être attentifs. Ce chien, redressé en une posture peu rassurante, accaparait toute notre attention. Glorieux Ryker, il avait réussi à me faire frissonner, et à prendre peur. Non pas pour moi cependant, mais pour quelqu'un d'autre et par la même occasion, quelqu'un que je ne connaissais pas.

Impressionnant comme le « danger » rapprochait les gens.

Le berger allemand continuait de grogner et ce son m'était devenu presque insupportable. Je m'imaginais très bien à la place d'Ashton, me battant intérieurement afin de garder mon organe vital bien à sa place dans ma cage thoracique. Je m'imaginais à sa place, tremblant de peur, les genoux flageolants, faisant des mouvements et tentatives incertaines.

Gagner la confiance du chien.

Ashton reculait à petits pas à mesure que le berger allemand avançait. Son visage trahissait sa peur. Ses traits, tirés d'inquiétude, montraient qu'il était terrifié. Mais si j'étais capable de m'en apercevoir, le chien avait déjà dû le sentir. Or, je savais qu'il était préférable de ne pas montrer que l'on avait peur.

Ne surtout pas montrer ses faiblesses ou sa soumission.

Ne pas faire de mouvements brusques.

C'était comme si tout ce déroulait au ralenti. Personne ne parlait. Les mouvements étaient plutôt clairs, concis, voire mesurés et contrôlés. Ashton avait compris qu'il devait se ressaisir.

Mais c'était trop tard, le colosse s'était mis à courir et bientôt il atteindra le bouclé sans qu'il n'ait eu le temps de bouger. Mais ce dernier se mit soudainement à prendre la fuite. Or, il était déjà trop tard.

Le chien se jeta sur lui.

Je m'attendis à ce qu'il tombe à cause du choc mais il n'en fit rien. Il s'arrêta simplement. Le chien avait disparu et cela surprit presque tout le monde.

Puis j'entendis des applaudissements et un rire moqueur. Je savais pertinemment d'où ils provenaient et je n'avais pas besoin de lever les yeux sur notre « mentor » pour en être sûre.

— Alors là ! Zéro pointé, Ashton ! Je devrais te tirer mon chapeau pour avoir brillamment raté cet entraînement ! Et dire que les hologrammes ne sont pas les plus difficiles des simulations... enfin... ça aurait pu être pire.

Hologrammes ? Zéro pointé ? Je ne savais plus quoi penser en sachant que j'aurais agis exactement de la même manière.

— C'est à la fois drôle et étonnant comme vous oubliez que rien n'est réel dans ces Simulations. Vous en avez l'impression mais gardez à l'esprit que vous devez rester maître du jeu. Compris ? Bien, j'espère que quelqu'un ici saura comment s'y prendre.

Ryker regarda sa montre et décréta qu'il était temps d'enfiler les tenues et de faire une heure d'entraînement. Il avait raison, il était déjà presque onze heures.

Une fois nos tenues sur nous, – Cette dernière était d'ailleurs d'une texture étrange, élastique. Je n'en avais pas l'habitude. – nous retournâmes dans la salle et Ryker nous dit que nous pouvions tester ce que l'on voulait, dans la mesure du possible. Je pris alors la décision de tester l'hologramme, comme Ashton venait de le faire.

Je posai ma main sur le mur et un écran s'alluma. J'avais le choix entre lancer un hologramme aléatoire ou bien le choisir. Néanmoins, je préférais l'effet de surprise parce que dans les Simulations, je n'aurai pas le choix. Alors j'appuyai sur « Aléatoire ».

Du coin de l'œil, je m'aperçu qu'une fille m'observait. Ses cheveux blonds étaient tressés et son regard me rappelait vaguement quelqu'un. Etait-il possible que nous nous connaissions déjà ?

Elle se tenait appuyée contre le mur en face de moi, attendant sûrement que vienne son tour. Je confirmai donc la simulation et un décompte apparu.

Dix.

Neuf.

Huit.

Sept.

Six.

Je la vis croiser ses bras sur sa poitrine.

Cinq.

Quatre.

Trois.

Le stress monta en moi.

Deux.

Un.

Un chien. Le même chien apparu devant mes yeux et de cet angle de vue, il semblait encore plus impressionnant. Je pris le contrôle de ma respiration afin qu'il ne ressente aucunement ma nervosité et je repensai à ce qu'avait dit Ryker. Ce chien n'était pas réel. La peur quitta rapidement mon corps et je commençai à avancer. J'avançai vers le chien qui n'avait toujours pas bougé. Je n'avais même pas remarqué qu'il avait arrêté de grogner à ma vue. C'était enfin une bonne chose. Un sourire discret vint détendre mes lèvres et arrivée à quelques mètres du chien, je tendis le bras.

Le chien fit quelques pas en ma direction et soudain, il courba son dos et se coucha. Il semblait tellement réel, c'était extraordinaire. La façon dont il se mouvait, son regard, son poil, tout semblait vrai.

Puis il disparut.

— Bravo, fit la fille tout en avançant gaiement vers moi.

— Merci, dis-je avec un sourire.

J'étais heureuse d'avoir réussi. Je partais confiante.

— Contenir sa peur et la cacher, y faire face comme on ferait face à un ennemi. Bien joué ! Une première leçon d'apprise !

Je souris. J'étais fière de moi.

— Au fait, je m'appelle Astra, se présenta-t-elle avec une voix douce tout en tendant sa main.

— Thalia, dis-je en retour tout en serrant sa main.

— Je sais, souffla-t-elle mystérieuse.

Je la regardai, surprise.

— Tu sais ? la repris-je.

Astra sourit, dévoilant toutes ses dents et vint se placer plus loin, afin de lancer son propre hologramme.

— On a été dans le même collège.

C'était donc pour cette raison que son visage me disait quelque chose.

— En fait, continua-t-elle, j'étais en dernière année quand tu es arrivée. On se croisait juste de temps en temps.

— Oh, d'accord.

Quand elle fut complètement dos à moi, j'aperçu un tatouage avec des ailes dans sa nuque. Ce qui fit remonter quelques souvenirs.

Je rentrais chez moi à pied, habitant à quelques rues du collège, d'un pas plutôt rapide parce que je n'aimais pas rentrer seule. Il faisait déjà presque nuit, c'était l'hiver et il faisait incroyablement froid. Seuls les lampadaires éclairaient les routes, chemins cachés dans l'obscurité.

Puis des voix se rapprochèrent trop rapidement. C'étaient celles de Clyde, Connor et Coleen. La bande des 3C. Ils venaient toujours m'embêter, m'humilier devant tout le monde et surtout, ils faisaient en sorte de rendre ma vie impossible.

Ce soir, comme tous les autres, ils allaient certainement me mettre au plus bas.

Une amie m'avait déjà conseillé d'en parler à mes parents mais je n'en avais pas le courage. Les 3C disaient qu'ils allaient tout amplifier ou alors trouver d'autres victimes. Et je ne voulais pas être la cause des malheurs des autres. Alors je me taisais, comme toujours.

— Comment ça va, Tally ? demanda Coleen avec un sourire moqueur que l'obscurité rendait effrayant.

— C'est Thalia, pas Tally, dis-je de manière insolente.

— On s'en fout, rétorqua Clyde qui était visiblement de très mauvaise humeur.

Il s'approcha dangereusement de moi et je sentis son souffle sur ma peau. J'avais envie de pleurer.

— Clyde ! Tu vas encore embêter cette fille ? s'écria une personne derrière eux.

A cet instant, il m'était impossible de savoir si cette personne était de leur côté ou non. Quelques secondes à peine plus tard, cette même personne que je pensai être une fille s'approcha jusqu'à être à notre hauteur, suivie d'une autre silhouette, un garçon peut-être.

— T'imagine même pas ce que ça ferait si malencontreusement j'appelais les flics pour harcèlement.

— Tu ferais pas ça, As.

Clyde s'éloigna pour se poster en face de « As », celle qui venait de me sauver, littéralement. Il voulait lui faire peur. Elle lui colla soudainement une gifle et il était prêt à la frapper à son tour quand, sorti de l'ombre, le garçon le repoussa avec force contre un mur.

— Tu la touches et t'es mort, compris ?

— Okay, okay, fais pas ta brute, frangin.

— Ça vaut aussi pour Thalia, Clyde.

Il avait insisté sur son prénom de manière exagérée et insolente, ce qui devait sûrement énerver ce dernier.

— Si j'apprends que tu l'emmerdes encore, c'est toi qui auras des ennuis, compris ? continua le frère de Clyde – si j'avais bien compris.

Clyde hocha la tête avant de cracher à terre – dieu, que je détestai cette manie.

Coleen et Connor qui étaient restés en retrait partirent en passant juste devant moi.

— Désolé, entendis-je alors que le son était presque inaudible.

Connor se retourna et je baissai la tête. Au fond, il ne m'avait jamais rien fait. Mais il ne m'avait jamais aidée.

Puis Clyde réajusta son bonnet sur sa tête avant de quitter les lieux, à son tour.

— Merci beaucoup, dis-je timidement. Vous m'avez carrément sauvé la vie.

As sourit et le garçon s'assura que j'allais bien avant qu'ils ne rentrent chez eux à leur tour. Avant qu'elle ne disparût de mon champ de vision, je remarquai que derrière ses cheveux coiffés en une tresse, étaient dessinées deux ailes magnifiques sur sa nuque dénudée.

As était, quelque part, mon ange-gardien.

— C'était donc toi avec ce garçon ? Cette nuit-là, tu m'as aidée et je ne saurais comment te remercier...

— Tu sais, Thalia, ça remonte maintenant. Tu n'es pas obligée de me remercier. Tu l'as déjà fait.

— Mais Clyde et sa bande ne m'ont jamais embêtée par la suite. C'est grâce à vous tout ça ! D'ailleurs, qui était le garçon avec toi ?

— Mon petit-ami, Deniel. Aussi le frère de Clyde.

— Vous êtes encore ensemble ?

Astra sourit. Je compris que ma question était un peu déplacée.

— Excuse-moi ! Je ne voulais pas être indiscrète !

— Non, ce n'est pas indiscret. Oui, on est même fiancés.

Elle me montra sa bague, un magnifique petit anneau doré.

— Félicitations !

Astra sourit de nouveau – à croire qu'elle souriait tout le temps.

Je souris à mon tour. Peut-être que je n'étais pas seule après tout, et que j'avais une chance.

Astra lança son hologramme.

Devant elle se tenait un garçon qui devait avoir son âge, la vingtaine d'années. Il était grand et avait les cheveux blonds, lui aussi. A sa vue, je devinai qu'il s'agissait de Deniel. Il portait d'ailleurs un anneau doré, le même que détenait Astra.

Puis une étrange détonation, pareille à un coup de feu, retentit. Astra perdit même le sourire qui la caractérisait tant. Le tee-shirt de Deniel fit apparaître une tâche rougeâtre, obscure.

On lui avait tiré dessus.



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top