II. Le Tricheur (Luke)
Assis sur le canapé en face de l'écran mural, Michael et moi choisissions un jeu afin de passer le temps avant la réunion avec tout le monde. A voix haute, je faisais défiler les jeux disponibles. Mon meilleur ami me laissait toujours le choix puisque nous avions les mêmes goûts. C'était comme ça depuis des années maintenant, depuis notre plus tendre enfance à vrai dire.
Nous étions meilleurs amis depuis que nous étions nés. Mes parents connaissaient les siens et nous passions nos journées l'un collé à l'autre. Les années défilant, nous avions grandi et passé de plus en plus de temps ensemble, chez lui, chez moi, à l'école. Nous étions inséparables et il fallait avouer que nous nous complétions parfaitement.
Camarade des pires bêtises, des pires crasses, Michael comptait pour moi plus que n'importe qui en dehors de ma famille.
— Sang % ? C'est quoi ça ? s'enquit Michael, coupant ainsi le cours de mes pensées.
— Je ne sais pas. Un jeu créé par les développeurs de Simulations, je suppose. Attends, on peut le lancer, si tu veux.
— Okay, allons-y pour ça.
Michael me lança une paire de lunettes aux verres transparents et enfila dès lors la sienne. Ces lunettes que mettait Michael à une vitesse vertigineuse, furent d'ailleurs longtemps désapprouvées par les scientifiques et les chercheurs. Elles avaient causé des lésions et des maladies au niveau des yeux – principalement sur le cristallin et la rétine. Aujourd'hui, pourtant, elles étaient sans danger. Modifiées, elles étaient maintenant conçues afin que les images qui se formaient sur les verres des lunettes ressemblent à 99% à notre environnement perçu par l'œil normal.
Le jeu se lança alors et une voix rompit le silence qui venait de s'installer.
— Plongez au cœur d'une guerre civile meurtrière et battez-vous pour sauver vos proches et atteindre un abri.
Michael se racla la gorge.
— Tu penses que c'est basé sur la guerre civile de 2046 ?
— J'en sais rien, répondis-je pensif. Ça se peut... Enfin, tu parles bien de celle qui a causé des centaines de morts dont celles de la famille royale ?
Mon meilleur ami ne me répondit pas. Le jeu venait de commencer.
Depuis plusieurs minutes, j'incarnai un certain Brian et Michael un Josh et nous luttions chacun dans un périmètre différent afin de rester en vie. Et honnêtement, ce jeu me mettait mal à l'aise. Il était à la fois impressionnant et à la fois terrifiant. Il semblait tellement réel. Ces gens qui tombaient autour de nous, ces insultes, ces cris, ces bombes, c'avait été vécu quelque part. C'était pour cette raison que ce jeu était poignant.
— Merde, Luke, je sais pas où je dois aller.
— Josh n'a pas une famille à secourir ?
— Si...
— Alors vas-y ! le coupai-je brutalement.
— Mais c'est une boucherie ! La prochaine avenue grouille de malades mentaux qui n'hésiteront pas à me tirer dessus !
J'avais tendance à oublier que Michael détestait blesser les gens intentionnellement.
— Tu sais quoi ? Tu vas prendre une arme sur un cadavre et tu vas tirer uniquement pour te défendre, okay ?
Juste au moment où j'achevai ma phrase, je reçu une balle dans la jambe. Enfin, Brian cria de douleur tandis que je ne ressentis seulement de la peine. Je ripostai en tirant une seule balle dans la poitrine de mon agresseur et je fis en sorte que Brian aille s'asseoir derrière une poubelle dans une de ces ruelles oubliées afin qu'il se fasse un garrot.
— Dis, Michael, Brian est blessé et il ne pourra plus courir. Peut-être qu'on pourrait se rejoindre quelque part ?
— Pas de problèmes, tu dois aller où ?
— 21 Allen Street...
— C'est là aussi que je dois aller !
Après une dizaine de minutes, Michael et moi arrivâmes à nous retrouver et il fallait avouer que tout était bien plus facile à deux.
— Qu'est-ce que t'es lent, s'impatienta Michael alias Josh.
— Ouais, peut-être, mais je t'ai sauvé plus d'une fois.
— Mec, c'est grâce à...
Une détonation fendit l'air. Michael ne sembla pas l'entendre, néanmoins. Tout ce dont à quoi je pensais était que nous n'étions plus seuls dans ce périmètre que nous pensions sûr. Brian essaya d'accélérer le pas afin de suivre Josh mais soudain, un cri déchirant vint jusqu'à mes oreilles.
— Putain, Luke, tu m'as quand même pas poignardé ?
Josh était couché sur le sol, se vidant de son sang. Son tee-shirt était maculé de ce liquide rougeâtre qui se répandait maintenant en une petite flaque.
— Je te jure que c'est pas moi, Mike !
— Prouve-le-moi !
— D'abord, j'ai pas de couteau, dis-je, pensant qu'il ne pourrait me contredire.
— Mensonge ! Je l'ai vu ! Quand je t'ai rejoins, j'ai vu que tu avais deux armes et un couteau. De plus, il n'y avait personne d'autre que nous ici !
— Mais pourquoi j'aurais fait ça ? Ça servait à quoi de te tuer ?
— Tu as toujours été comme ça ! Même quand on était gamins ! Tu t'amusais presque toujours à être le seul à finir la partie afin de gagner le plus de points... ou tu trouvais toujours un moyen d'avoir l'avantage.
Je ne pouvais réfuter ses arguments. Il disait vrai. Dans notre enfance, j'étais le petit démon qui s'amusait à tricher. Mais plus maintenant. J'utilisai désormais mon cerveau et je rusai pour gagner. C'était tout autre chose.
— Okay, de toute manière, le 21 Allen Street est à deux rues d'ici. Tu vas voir que je ne t'ai pas tué !
Quand la partie fut terminée et que Michael comprit que je ne l'avais pas tué, il me traita tout de même de manipulateur. Parce que je n'avais pas besoin de lui pour survivre comme j'excellais au tir.
Alors que j'enlevai mes lunettes, la lumière me fit cligner des yeux à plusieurs reprises, et je dû m'accommoder à l'éclairage. Je regardai ensuite ma montre, celle que Felicia m'avait donnée, et fus surpris de voir que le temps avait filé si vite.
— On descend pour la réunion ? demanda Michael.
— Vas-y, je te rejoins après, je vais aux toilettes.
Il hocha la tête et posa ses lunettes sur la table avant de se lever.
Quand je sortis, j'aperçu une fille qui venait sûrement d'arriver. Beaucoup plus petite que moi, elle semblait faire dans les 1 mètre 65. Sa montre à son poignet et son regard qui brillait me prouvaient qu'elle ne faisait pas partie du personnel. Elle était une de mes concurrentes. Elle faisait partie des douze participants.
Son regard azur me rappela celui de ma petite sœur et soudain, elle m'apparu fragile. Puis j'eus comme l'impression qu'elle allait me sourire mais elle se ravisa, voyant que très vite, je ne la regardai plus. Je regardai en effet derrière elle. Parce que je n'aimais pas penser à ma sœur malade.
Et maintenant, j'éprouvais une certaine rancœur pour cette fille que j'avais reconnue. La fille qui allait peut-être jeter ma sœur dans sa tombe.
— Alors la rumeur était vraie ! m'écriai-je auprès de Felicia quelques instants plus tard. Sawyer Hawkins fait véritablement partie des douze participants ! Son frère lui aura sûrement donné pleins de conseils et d'anecdotes ! Elle saura probablement mieux se débrouiller que chacun d'entre nous !
Je bouillonnai de rage comme un lion qu'on jetait dans une cage.
— Allons, Luke. Tu tires tes conclusions trop vite ! me reprocha-t-elle avec un air sévère.
— Cette fille n'a aucune chance de gagner. Alors si elle est là, c'est qu'elle est avantagée. Donc elle peut très bien m'empêcher de gagner les fonds nécessaires pour acheter les soins de June.
— D'abord, Sawyer a toutes ses chances de gagner. Comme toi, comme Michael, comme tous les autres. Ensuite, June sait très bien que tu feras tout ton possible pour arriver au bout des Simulations et elle sera très fière de toi.
— Mais les médicaments... commençai-je.
— On verra ça à un autre moment, d'accord ? Il y a d'autres moyens.
D'autres moyens beaucoup plus fastidieux évidemment. Les Simulations étaient pratiquement mon unique chance de soigner ma sœur atteinte d'une maladie causée par les ondes dues à la technologie. Maladie de plus en plus répandue qu'on ne pouvait malheureusement pas soigner sans les fonds nécessaires. Concrètement, les cellules de ma sœur mourraient les unes après les autres. Ainsi, elle avait du mal à se mouvoir trop longtemps et se fatiguait très vite, trop vite... Diagnostiquée à ses deux ans, on avait décrété cette maladie héréditaire. Les médecins semblaient très pessimistes quant à son avenir. Mais moi, je ne voulais pas y croire. Je ne voulais pas croire qu'il ne lui restait pas assez de temps. Il y avait sûrement un moyen de la guérir.
Ma montre et celle de ma cousine sonnèrent en parfaite synchronisation, effaçant toutes mes pensées noires et tristes. Il était alors temps pour moi d'y aller.
— Maintenant, tu vas filer à la réunion avant que je ne te botte les fesses pour penser des sottises pareilles.
Un sourire se dessina sur mes lèvres.
— Tu as raison. Je suis désolé.
Seulement, il était certain que j'allais ruser pour que la sœur de Samuel Hawkins soit la première – ou presque – à être éliminée des Simulations.
Je ne voulais prendre aucun risque.
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