Noa et l'ordre du Phénix
Noa ouvrit la porte de son appartement du deuxième étage. Il faisait sombre et froid, un frisson lui remonta dans le dos. Il était venu récupérer quelques affaires. Il passa devant la salle de bains et aperçu le tee-shirt dépassant de la corbeille à linge sale. Il était tâché de sang. D'un coup, les souvenirs affluèrent. La crise de panique, la douleur insoutenable, l'envie qu'elle cesse et celle, sournoise, de disparaître. Sa gorge se serra sous l'émotion encore si vive.
Depuis aussi longtemps qu'il s'en souvienne, la douleur l'habitait. Elle prenait corps avec lui. Tantôt en sourdine, parfois acérée comme des griffes. Alors, elle dévorait tout sur son passage et Noa se laissait submerger. Oh, il avait bien tenté de lutter. Cela faisait longtemps qu'il luttait contre d'ailleurs.
Mais, parfois, elle se faisait trop forte, trop violente. Et Noa n'avait trouvé que la douleur physique pour faire diversion. Il savait bien au fond de lui que cela ne réglait rien, rien du tout même. Mais ça lui donnait une impression de contrôle sur sa vie, quand bien même celle-ci se délitait en tous sens. Il n'avait que peu d'estime pour lui-même, se sentant souvent de trop, ne sachant pas bien quel était le but de sa vie. Son existence vie ressemblait à une voie sans issue.
Comment se sentir bien lorsque la personne qui vous a mis au monde vous reproche chaque jour d'exister ? Les remarques acerbes de sa mère gravaient sa peau et son esprit. Il se replongea dans des souvenirs peu glorieux. Comme les nombreuses fois où sa mère avait choisi de l'ignorer au profit d'un autre homme, le reléguant au rang de nuisible.
Une fois, il devait avoir cinq ans peut être, sa mère avait sonné à la porte d'une maison aux murs grisâtres. Noa lui tenait la main, il s'en souvient car elle lui avait écrasé les doigts presque tout le long qu'avait duré la conversation, mais il n'avait pas osé se plaindre. Noa se rappelait des traits fermés d'une femme plus âgée. Il y avait eu une violente dispute à laquelle il n'avait rien compris. Dans sa mémoire, seuls demeuraient l'incompréhension, la peur et le regard de dégoût de cette femme sur lui.
Du passé maternel, il ne savait pas grand-chose finalement. Sa mère ne parlait jamais de sa famille, sauf en termes peu glorieux. Noa croyait savoir qu'elle avait atterri en foyer pour jeunes mères isolées au moment de sa naissance, mais là encore un gros flou demeurait. Pourquoi ses grands parents avaient rejeté leur fille ? Qui était son père ? Quelles étaient les circonstances de sa conception ? Tout cela restait sans réponse, Noa ne saurait peut être jamais. Il secoua la tête, comme pour chasser ses pensées.
Il n'y avait que quelques jours effectivement qu'il avait quitté cet appartement que, déjà, il lui semblait vide et triste. Il prenait d'un coup conscience de l'ampleur de sa solitude et il n'eut qu'une envie, redescendre au rez-de-chaussée, retrouver l'odeur de renfermé de l'appartement de la vieille dame, celle de la soupe aux légumes et des pâtisseries qu'elle ne cessait de lui préparer.
En peu de jours, il s'était habitué à ouvrir la porte du rez-de-chaussée, au remue-ménage discret de Simone, aux senteurs délicieuses de cuisine, à avoir quelqu'un qui le saluait quand il rentrait le soir et qui lui souhaitait de passer une bonne journée. Quelqu'un qui, enfin, se souciait de lui.
Cela était encore étrange pourtant. Il ne se sentait pas vraiment à l'aise parfois, ne savait jamais si il devait prévenir ou non lorsqu'il restait passer la soirée chez Tristan, après tout Simone n'était pas responsable de lui. Puis, elle était toujours antipathique par moments, il ne savait comment se comporter ou bien, pensait qu'il la gênait. Peut-être aurait-elle voulu qu'il retourne chez lui finalement ? A cette pensée, un sentiment acide lui coula dans l'estomac et sa gorge se serra. Pour ne plus réfléchir, il alla dans sa chambre et ouvrit son armoire afin de décider de ce qu'il allait emporter.
Son bras s'allongea pour prendre machinalement un tome des aventures du sorcier à la cicatrice « Harry Potter ». Le cinquième restait son préféré. Il avait économisé pour se les offrir, sa mère ne pensant pas à ce genre de cadeaux. Il avait découvert ce livre une fois chez Tristan, il se souvenait clairement de l'avoir mis dans son sac et dévoré en une nuit. Il avait attendu son premier salaire pour s'acheter la saga complète. Noa se sentait proche du héros, dans ses émotions tourmentées, et le monde de la magie donnait des couleurs à sa vie. Il adorait s'évader, au fil des pages, à Poudlard, l'école de sorcellerie. Tel un doudou, il le glissa dans son sac à dos.
Il farfouilla un moment à la recherche de quelques vêtements de rechange, il faudrait qu'il s'en rachète bientôt, il n'avait pas grand-chose. Peut-être lorsque sa paie tomberait ? À présent qu'il n'avait plus à se soucier de s'acheter à manger, il aurait de quoi s'acheter de quoi se vêtir. Simone avait refusé catégoriquement le moindre centime de sa part. Cette pensée le fit sourire. En quelques minutes, son sac fut prêt.
Au moment de repartir, son regard fut à nouveau attiré par le vêtement souillé dans la corbeille à linge. Il se dirigea vers la cuisine et, dans le tiroir, s'empara d'un grand sac poubelle. Puis, de retour à la salle de bains, il empoigna le tee-shirt avec hargne, le fourra dans le sac, il balança la serviette mauve, tâchée elle aussi et referma le sac de trois tours avec le lien de plastique jaune.
Sans un regard en arrière, il fit de grandes enjambées jusqu'à la porte d'entrée, attrapa son sac de vêtements, sortit et referma la porte derrière lui. Il ouvrit la cage d'escalier, trop impatient pour attendre l'ascenseur, descendit les marches à la volée et couru plus qu'il ne marcha jusqu'au local poubelle. Bam, fit le couvercle de fer en se refermant sur le sac que Noa avait jeté.
Noa se sentait euphorique. Il avait souvent comme ça des sautes d'humeurs, que ce soit positif ou négatif, il avait du mal à se contrôler. Et là, il se sentait joyeux lorsqu'il retourna chez Simone. La vieille dame était assise dans son fauteuil, la télévision allumée sur une émission de jeux.
Noa tira sur les manches de son pull et se racla la gorge.
― Heu... je sors, on va voir un film avec des potes.
Il trouvait encore étrange le fait de devoir rendre plus ou moins des comptes à quelqu'un. La vieille dame tourna la tête pour l'écouter. Noa avait pris une décision, comme ça entre le local poubelle et la porte d'entrée, et il avait envie d'être fixé, son allégresse lui faisait pousser des ailes.
― Et, heu... j'ai bien réfléchi tout ça, j'aimerais heu... je pense que je vais rester ici... enfin, si ça vous dérange pas ?
Simone pivota plus franchement vers lui. Ses yeux marron bordés de rides l'observaient, Noa aurait bien été incapable de déchiffrer son expression.
― Mais j'y comptais bien, dit simplement Simone. Et ne rentre pas plus tard que minuit. Je n'aime pas les retards, tu le sais.
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Merci de vos messages, je prends mon temps pour poster la suite, merci à ceux qui continueront de me lire quand même! Je m'engage à finir, juste que je me mets moins la pression quand à une date de fin ;)
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