Maman?


Noa fut surpris et son cœur s'arrêta un instant dans sa poitrine lorsqu'il se rendit compte que la porte d'entrée n'était pas verrouillée. Il arrivait du fast-food où il avait fait la fermeture et était exténué. Les clients avaient été assez casse-pieds ce soir et son patron lui avait fait récurer la salle de fond en comble avant de pourvoir partir, ce qui l'avait exaspéré, même s'il n'avait rien lassé paraître. Il n'aspirait qu'au calme et au repos. Il abaissa la poignée et entra dans l'appartement. La lumière était allumée, signalant la présence d'une autre personne.

― Maman ? lança Noa.

Il détesta d'office l'espoir soudain qui enfla dans sa poitrine. Il reconnut le sac à main de cuir noir balancé sur la table du salon, cachant une partie des factures et rappels d'huissiers. Un parfum capitonneux qu'il connaissait bien emplissait la pièce. Du bruit provenait de la chambre et Noa s'y dirigea.

Elle était là. Sa mère. Elle portait une mini-jupe de cuir et sur son visage bien trop de maquillage. Elle avait relevé ses cheveux noirs en une haute queue de cheval. Occupée à vider la grande armoire de son contenu, elle n'avait pas entendu arriver Noa.

― Maman, répéta-t-il plus fort. Tu es rentrée ?

― Ah t'es là, dit-elle sans même le regarder.

Elle continuait de fouiller l'armoire, visiblement à la recherche d'un objet disparu.

― Où est le grand sac ? demanda-t-elle.

Noa l'observait, n'osant se réjouir ou non de sa présence. Il avait de nouveau cinq ans, se délectait de la voir, sentir son odeur même si son parfum avait un côté un peu écœurant. Il souriait. Il aurait aimé la prendre dans ses bras mais il savait qu'il n'en serait pas question.

― Oh, je t'ai posé une question, ne me fixe pas de cet air idiot ! Où est le grand sac ? Tu sais le bleu en toile, de voyage ?

― Je ne sais pas, avoua-t-il redoutant ainsi de la décevoir par sa réponse.

Elle passa à côté de lui, l'effleurant de son épaule pour sortir de la chambre. Noa la suivit, presque mécaniquement. Elle continuait ses recherches dans le placard de l'entrée à présent et poussa un petit cri victorieux quand, enfin, elle mit la main sur ce qu'elle cherchait.

― Patrick m'emmène sur la Côte, l'informa-t-elle

Noa n'avait aucune idée de qui pouvait bien être Patrick, mais à en douter par les minauderies de sa mère et son ton de gamine enjouée, cela ne laissait planer aucun doute. Elle parlait de lui d'une voix excitée, il allait lui présenter « du monde », faire d'elle une star du show business.

― J't'aurai bien emmené mais, Patrick n'aime pas les enfants.

― D'accord, répondit-il docilement.

D'accord, ton mec n'aime pas les enfants, d'accord je ne viens pas avec toi. D'accord maman. Noa aurait voulu poser une autre question. Était-elle rentrée pour lui ? Pour le voir ? Elle retournait à présent dans la chambre et Noa la suivait. Elle lui montra toute sorte de robes qu'elle voulait emporter. Que pensait-il de celle-là ? Puis ce chapeau ? Elle tournait sur elle-même, le tissu dans les bras et riant de ce rire perlé que Noa aimait tant. Il la trouvait belle. Puis il osa :

― Tu restes un peu ici ?

― Ici ?

Elle se mit à rire à gorge déployée et Noa hésita à la rejoindre. Il savait que ce serait mal perçu.

― Mon lapin... bien sûr que non.

Elle insista bien sur le dernier mot. Et Noa se prit un uppercut. Qu'il encaissa sans broncher. Elle s'approcha de lui et lui ébouriffa les cheveux. Puis elle continua de préparer son sac. Noa était fatigué à présent. Très fatigué. Il aurait aimé se coucher, mais sa mère était dans la chambre, l'en empêchant. Elle ne le regardait déjà plus.

Tout doucement, il sortit de la pièce, s'interdisant de ressentir quoi que ce soit. Il se sentait lasse, un trou à la place du cœur. Il s'allongea sur le canapé. Il se détesta d'aimer entendre le bruit familier de la présence de sa mère dans la pièce à côté, ressentit l'acide habituel couler dans son ventre et finalement sombra dans un sommeil profond et agité.

Un rayon de soleil en provenance de la fenêtre du salon l'éveilla le lendemain matin, son portable indiquait sept heures du matin. La première chose qu'il discerna fut le silence. Le silence habituel et pesant de sa vie. Malgré cela, il se leva et fit le tour de l'appartement. Vide. Sa mère était partie. Il prit une douche rapide, attrapa quelques affaires dans la chambre, essayant de ne plus sentir l'odeur de la personne absente, ni voir le capharnaüm qu'elle avait laissé. Vite, il sortit en claquant la porte et prit le chemin du lycée.

Il n'était pas vraiment dans son assiette lorsqu'il arriva au lycée. Par moments, laisser paraître un visage normal alors qu'à l'intérieur de lui, il était dévasté, lui semblait tellement dur. Heureusement, un double cours de maths l'attendait et se plonger dans les calculs l'empêcha de trop penser. Il se demanda comment il avait réussi à survivre à la journée et se retrouver assis dans la chambre de Tristan à jouer aux jeux vidéo.

La mère de ce dernier passa la tête dans l'entrebâillement de la porte de la chambre.

― Tristan ? Ah tiens, tu es là Noa ? Ta mère travaille ce soir ? Veux-tu rester manger avec nous ?

― Ah ouais reste, dit son pote.

― D'accord, acquiesça Noa. C'est gentil, merci.

― Aucun souci, ça nous fait plaisir de t'avoir, dit la quadragénaire.

Puis elle referma la porte. Noa avait la gorge serrée sans trop savoir pourquoi. Tristan lui mis un coup de coude pour reprendre la partie du jeu qu'il avait mis sur pause à l'interruption de sa mère.


*****

Un tout petit chapitre... mais qui remue bien, j'espère qu'il vous plaira.

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