Dix sept ans

Image Harry Strauss - Pixabay

(j'ai failli écrire, dix-sept ans et toutes tes dents... hahah humour pourri, ok, je sors!)




Simone fit le tour de la table, scrutant son gâteau qui venait de sortir du four.

― Passe-moi le sucre glace, petit.

Noa lui tendit l'ingrédient et d'une main experte, elle saupoudra la tarte aux poires qu'elle avait passé la matinée à confectionner. Elle essuya ses mains sur son tablier à carreaux bleus et blancs. Elle s'agitait, se balançant d'un pied sur l'autre.

― Prend donc les tasses de thé, ne reste pas planté là ! Mais non, pas celles-là ! réprimanda-t-elle Noa alors qu'il lui donnait les tasses qu'ils utilisaient en temps habituel pour le petit déjeuner.

La vieille dame le rejoignit devant le placard en deux enjambées que le jeune trouva drôlement agiles pour son âge. Elle se pencha vers le vaisselier, farfouillant dans le meuble en râlant.

― Mais où est-ce que je les ai mises ? Ce n'est pas possible ? Rooo... Puis va falloir mettre la nappe... J'ai oublié de la repasser, mais quelle tête en l'air !

― Ne vous donnez pas tout ce mal Simone, c'est déjà très bien...

― Que nenni ! Quand je reçois, je veux que ce soit bien fait ! Puis ce n'est pas tous les jours qu'on fête ses dix-sept ans ! Bon, pousse-toi de là, tu m'embarrasses plus qu'autre chose ! Va attendre ton invitée devant l'immeuble tiens, ça me fera de l'air !

Ce disant, elle le chassa doucement mais fermement hors de sa cuisine. Noa sortit de l'appartement, le sourire aux lèvres, non sans avoir attribué une caresse à Fourchette qui ronronnait sur le canapé tel un bien heureux. Noa se sentait bien, insouciant. Il s'adossa au mur devant le vieux bâtiment. L'air commençait à se charger d'effluves estivaux, doux et sucrés. Des enfants étaient assis un peu plus loin à l'ombre sur la placette devant l'immeuble et jouaient aux petites voitures.

Il arracha une brindille qui dépassait du mur, entre les vieilles pierres et la mit dans sa bouche pour la mâchouiller, laissant son esprit divaguer. De loin, il la vit arriver. Elle portait une robe légère à fleurs, accompagnée de grosses chaussures de cuir montantes d'une couleur jaune criarde. Noa la trouva jolie même si il aurait nié en bloc si quelqu'un l'avait interrogé à ce propos.

Isaia lui planta une bise sur la joue en se mettant sur la pointe des pieds.

― Bon anniv, lui dit la jeune fille.

― Merci, répondit-il embarrassé et se grattant la tête.

Ils restèrent un petit moment dehors à discuter.

― Tu vas voir, Simone a fait les choses en grand ! Depuis ce matin, elle n'a pas arrêté, alors que je lui avais dit de ne pas faire grand-chose...

― Hâte de la rencontrer ! Depuis le temps que tu m'en parles !

Isaia semblait enthousiaste, tapant dans ses mains. Noa avait pris son courage à deux mains et demandé à Simone s'il pouvait fêter son anniversaire. Il ne l'avait jamais fait. Dans son enfance, la date était oubliée une fois sur deux par sa mère. Il avait eu quelques fois des anniversaires fêtés en classe, mais c'est tout. Le fait que la vieille dame prenne le temps de lui confectionner un gâteau, préparer une jolie table le touchait énormément. Il avait d'ailleurs une petite boule dans la gorge depuis le matin sans trop savoir pourquoi.

Il avait souhaité partager ce moment avec Isaia. Depuis leur sortie à vélo, ils s'étaient rapprochés, s'envoyant régulièrement des messages, essayant de se voir de temps à autre. Oh, ils n'avaient pas échangé de nouveau baiser, ils semblaient vouloir se découvrir. Noa se sentait lui-même, Isaia lui apportait la fraîcheur qui manquait à sa vie. Bien sûr, Adam et Tristan râlaient de moins le voir, surtout ce dernier d'ailleurs qui n'avait pas de petite amie avec qui passer son temps libre.

Isaia pris sa main. Petite et chaude, elle s'imbriquait parfaitement dans celle de Noa. De son pouce, il caressa la peau satinée. Il se sentait un peu nerveux et, de sa main libre tira sur les pans de la chemise que Simone lui avait forcée à mettre. Elle avait précisé que les jeans troués, ça faisait mauvais genre et que, pour un anniversaire, on se devait d'être présentable. Tout juste si elle n'avait pas essayé de le coiffer de force.

Il passa encore la main dans ses cheveux sentant tour à tour sous ses doigts les petits cheveux rasés avant de mettre sa longue mèche sur le côté. Il jeta un coup d'œil à Isaia avant de pousser la porte d'entrée. Il fit du bruit pour annoncer leur arrivée.

― Simone, on est là !

La vieille dame râla qu'on ne lui avait pas laissé le temps de poser son tablier. Elle y frotta ses mains pleines de farine avant de serrer la main de la jeune fille. Il y eu des salutations, des effusions, des échanges de banalités et des sourires. Celui de Noa ne quittait pas son visage. Il avait posé Fourchette sur ses genoux et observait devant lui les échanges entre Isaia et Simone.

― J'ai apporté de quoi boire, dit-elle en posant une bouteille de mousseux sur la vieille table de formica vert, laquelle avait été recouverte d'une nappe blanche brodée pour l'occasion.

― Parfait ! Alors trinquons jeunes gens ! lança Simone.

Elle leur servit deux parts de tarte si énormes que Noa savait qu'il ne pourrait rien avaler au dîner de ce soir. Isaia ne se laissa pas abattre et, une fois la première avalée, se resservit une deuxième fois.

― Ah voilà qui me plait, commenta Simone. Les jeunes filles de nos jours ne savent plus ce qui est bon, toujours en train de surveiller leur ligne.

― Oh ben, ça risque pas avec moi, répondit Isaia la bouche pleine.

L'après-midi se déroula presque comme dans un rêve. Un sentiment de légèreté envahissait Noa, ou peut-être était-ce l'effet du mousseux ? Toujours est-il qu'il vivait là peut être le meilleur anniversaire de sa vie. Fourchette lécha la main de Noa de sa petite langue râpeuse puis sauta sur les genoux d'Isaia.

― On dirait qu'elle t'a adoptée, remarqua Noa.

Isaia gratta la tête du chaton puis elle tapa dans ses mains, faisant sursauter la boule de poils sur ses genoux, qui s'enfuit non sans avoir poussé un miaulement de protestation :

― Les cadeaux, les cadeaux ! Le mien d'abord ! dit-elle en lui tendant un paquet carré et plat.

Les doigts un peu tremblants, Noa ouvrit le paquet. Il y trouva un carnet de dessins, rempli de petits personnages d'encre ressemblant étrangement à ceux qu'Isaia avait sur les bras. Il eut le souffle coupé en feuilletant les pages. La jeune fille avait ajouté quelques bulles de dialogues incisifs, telle une bande dessinée. La boule dans sa gorge refit son apparition.

― Merci, souffla-t-il sans trouver d'autres mots.

Simone lui tendit un paquet mou dans lequel il trouva une chemise affreusement vintage, qu'il était absolument certain de ne jamais porter et pourtant il se leva pour faire le tour de la table et serrer la vieille femme contre son cœur. Cette dernière, mal à l'aise, se racla la gorge.

― Bon, bon, qui veut encore du gâteau ? proposa-t-elle.

― Si je mange une part de plus, je vais exploser, objecta Isaia.

L'après-midi toucha à sa fin. Il y eut encore plus d'embrassades, de promesses de revenir très vite. Puis, Isaia rentra chez elle, non sans avoir emporté un généreux morceau de tarte. « Si, si, ça me fait plaisir », avait dit Simone. Peut-être quelques minutes après son départ, la sonnette de la porte d'entrée retentit.

― J'y vais ! dit Noa, scrutant la pièce autour de lui. Isaia a dû oublier quelque chose.

D'un pas léger, le sourire aux lèvres, il se dirigea vers l'entrée et ouvrit grand la porte.

Son sourire se fana quasi instantanément lorsqu'il reconnut la personne devant lui. Une femme, en jupe de cuir noire, ses cheveux bruns relevés en une haute queue de cheval, s'avança. Un air mauvais s'étalait sur ses traits. Le sang de Noa se figea dans ses veines, sa main se crispa sur la poignée.

― Maman ?

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