Chapitre 20
Simone déprimait. Noa parti, son appartement lui semblait encore plus vide qu'auparavant. Elle ne l'avait même pas croisé depuis que la mère du petit avait refait son apparition l'autre soir et cela la rendait malade. Elle n'avait pas osé se manifester, de peur d'envenimer encore plus la situation. Elle peinait à assimiler les récents évènements, le regard que lui avait lancé la mère de Noa était rempli de haine et semblait l'avoir marquée au fer rouge. Elle s'était mêlée de ce qui ne la regardait pas, ce n'était que juste sanction n'est-ce pas ?
Tout s'était déroulé tellement précipitamment, avec une telle violence que Simone en restait abasourdie. Une seconde avant, elle fêtait l'anniversaire du petit, son cœur se gonflait de joie, et l'instant d'après... Le peu d'affaires de l'adolescent avaient été abandonnées à leur sort, il ne s'était pas manifesté pour venir les récupérer, comme si rien de tout ce que Simone et lui avaient partagé n'avait de sens.
C'était pourtant dans l'ordre des choses, le gamin retrouvait sa mère, c'était peut-être pour le mieux ? Simone ne savait pas à qui elle essayait de faire avaler ces sornettes, mais en tout cas, le tout lui restait en travers de la gorge. Bien simple, cela faisait une bonne semaine qu'elle n'arrivait plus à s'alimenter correctement.
― Oh oui, ça va, pas la peine de me sortir le fameux « je te l'avais bien dit », s'énerva-t-elle devant la tombe de son cher Georges, alors qu'elle était venue se recueillir, comme chaque jeudi.
Simone s'était agenouillée devant la stèle de marbre gris et il lui semblait entendre la voix de son défunt mari à travers l'au-delà. Comme souvent, elle lui tenait une conversation imaginaire.
― Tu aurais fait quoi, toi ?
Elle pestait. D'une main rageuse, elle arracha une touffe de mauvaises herbes qui avait poussé entre deux dalles. L'esprit de Simone était ailleurs. L'arrosoir violet, son préféré, ne trouvait plus grâce à ses yeux. Elle n'avait même plus goût à réciter ses prières, c'est dire. La vie semblait terne et sans saveur.
Le week-end était passé, morne et triste. Fourchette miaulait telle une âme en peine, ce qui avait énervé Simone, traitant le chaton de « sale bestiole » et le mettant dehors, avant de regretter son geste et ses paroles. Le lundi amena une nouvelle semaine tandis qu'un vent d'été chaud s'abattait sur la petite ville. Elle débarqua à l'après midi cartes, sans aucune pâtisseries dans son panier, et se laissa tomber à une table.
― Bien le bonjour, l'apostropha Madeleine en s'asseyant à son tour. Tu as vu la permanente que m'a faite la coiffeuse de la rue principale ? Pas trop moche je trouve, pour une fois que j'en trouve une qui me coiffe correctement, avec les trois cheveux qu'il me reste, je vais la garder je pense ! Puis la couleur, tu as vu ? Ça ne fait pas de reflets violets... Avec les cheveux blancs souvent, c'est une catastrophe. Ben, qu'est-ce qu'il t'arrive Simone ? T'en fais une tête...
La vieille dame venait de se rendre compte que Simone n'avait eu aucune réaction à son arrivée. Au contraire, elle semblait plongée dans ses pensées, les yeux dans le vague. Ouhlala, pensa Madeleine, voilà qu'elle nous fait un AVC ! Elle lui claqua les mains devant le visage.
― Ouh, ouh ! Simone !
Gino venait d'arriver à son tour et interrogea Madeleine du regard, Simone n'avait pas réagi.
― Que se passe-t-il? demanda le papy en remontant son pantalon toujours plus haut.
― Je ne sais pas, elle est comme ça depuis que je suis arrivée, expliqua Madeleine.
Gino posa une main sur l'épaule de Simone, ce qui eut pour effet de la faire sursauter, elle regarda ses congénères à tour de rôle.
― Vous croyez que c'est possible d'avoir le cœur brisé à presque quatre-vingt ans ?
― Tu nous fais une crise cardiaque ? s'affola Madeleine.
― J'avais un petit, mais il est parti... Il est parti... Sa mère, vous voyez...
Madeleine et Gino se regardaient sans comprendre. Il faut dire que les paroles de Simone n'avaient pour eux aucun sens. Gino s'empara de la théière qui trônait au milieu de la table et versa une tasse de liquide bouillant avant de la tendre à Simone.
― Tiens, bois ça Simone, et explique nous...
Alors Simone raconta. Tous les joueurs de belote avaient lâché leur jeu pour se regrouper autour de la vieille dame et l'écouter. Elle expliqua le regard torturé et la rencontre près de la boîte aux lettres, comment elle avait invité Noa à manger de la soupe. Elle déballa les manquements maternels, le fait que le gamin habitait seul et la fois où elle l'avait retrouvé en fâcheuse posture dans sa salle de bains.
― Oh Dieu Jésus tout puissant, s'exclama Louise en faisant son signe de croix.
Simone osa formuler tout haut ses doutes. Avait-elle bien fait de recueillir ce jeune, n'allait-elle pas avoir des ennuis à présent que sa mère était rentrée ? Elle dressa un portrait tout en douceur de Noa. Sa joie lorsqu'un soir, elle s'était pris les pieds dans le sac d'école du gamin qui traînait, car oui, la vie parfois offre ses plaisirs, dissimulés dans des détails anodins, elle avait su que l'adolescent baissait sa garde.
― Vous comprenez, il est abîmé le gamin... Il est abîmé...
Il eut soudain un bruit effroyable. Comme une corne de brume. Simone arrêta son récit pour observer Madeleine se moucher plus que bruyamment.
― Excusez-moi, dit cette dernière, ça me remue moi toutes ces histoires...
― Il nous faut un plan d'attaque ! proposa Gino.
― Un peu mon neveu, renchérit Valentine. Vous savez que j'étais juriste, moi, dans le temps ? Laissez-moi me renseigner...
Tous les retraités acclamèrent. Simone les observait, tour à tour. Son cœur asséché semblait reprendre vie. Le poids qui l'avait habitée toute la semaine s'allégeait quelque peu. Non seulement, ses amis ne l'avait pas jugée, mais en plus, ils offraient leur soutien et leur aide. Enfin, elle ne se sentait plus seule.
Petit chapitre aujourd'hui, à la semaine prochaine, n'hésitez pas à commenter et laisser vos avis! Le prochain chapitre vous réserve quelques surprises, biz
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