Chapitre 19
Noa ne savait plus très bien comment il s'était retrouvé dans son ancien appartement. Sa mère avait commencé par lui hurler dessus :
― J'y crois pas ! T'es allé faire tes plaintes à la vieille du dessous ? Tu veux nous attirer des ennuis, t'as aucune conscience ?
Elle se dirigeait vers la cuisine en lui tirant sur le bras, l'entraînant à sa suite. Ses ongles manucurés se plantaient dans la peau de Noa. Elle ouvrit le frigo et Noa ne put que constater que l'ensemble de ce qui s'y trouvait était complètement moisi.
― Ça fait combien de temps que t'es là-bas ? Réponds-moi ! cria-t-elle. Non, tu sais quoi, me réponds pas, t'es vraiment le dernier des débiles ! T'es pas capable de te débrouiller seul ? Mais qu'est-ce qu'il t'a pris ? Putain, je rentre et je vois que t'as déserté ! Et depuis combien de temps ? Elle t'a menacée la vieille ? Je la sentais pas c'te vieille peau !
Elle continuait de crier, de faire son cinéma et Noa décrochait le plus possible de la conversation, ses anciens automatismes refaisaient surface. Il détesta l'entendre parler de Simone de la sorte, et pourtant il ne se rebella pas. Ne pas répondre, ne pas faire de vagues, la laisser hurler, ça va se calmer. Attendre que l'orage passe, ne rien dire, faire le dos rond.
Combien de temps cela dura-t-il ? Il n'aurait su dire. Ensuite, elle s'effondra sans ses bras, Patrick l'avait lâché, il s'était foutu d'elle. Personne ne l'aimait, pas même Noa, cet indigne, « regarde dans quel état tu me mets ! ». Puis, elle s'accrochait à lui comme une huître à son rocher, voulait lui faire des câlins à l'étouffer. Noa accepta tout sans broncher. Mais au fond de lui une bulle enflait jusqu'à prendre toute la place.
Pendant plus d'un mois, il avait connu la bienveillance, avait réussi à s'ouvrir aux autres, à donner de sa confiance. Il s'apercevait clairement que quelque chose ne tournait pas rond dans sa relation avec sa mère. Il aurait voulu redescendre voir Simone, se lover dans le canapé devant un feuilleton niais, manger le bon repas qu'elle avait préparé pour eux et qu'elle mangerait certainement seule, serrer Fourchette dans ses bras. Il avait laissé ses cadeaux sur la table. Toute l'euphorie de sa journée d'anniversaire avait disparu.
Au lieu de ça, il se retrouvait dans cet appartement sinistre, assis sur le canapé à ruminer ses pensées, une envie de vomir le prenait. Il était tard, la nuit tombée avait amené plus de noirceur encore dans le logement. Personne n'avait pensé à allumer. Sa mère avait fini par aller se coucher, s'attribuant la chambre. Pour la première fois de son existence, Noa souhaitait au fond de lui que, demain, elle soit repartie. Mais il savait bien qu'il n'en serait rien. Plus de Patrick, plus de mec à suivre aveuglément, elle resterait ici tant qu'elle n'aurait pas rencontré de nouveau pigeon à déplumer. Une larme silencieuse coula le long de sa joue.
****
Tristan observait Noa du coin de l'œil. Il n'était pas le plus doué pour décoder les sentiments de ses semblables, mais il avait bien remarqué que quelque chose ne tournait pas rond chez son ami. S'il avait dû décrire Noa, les qualificatifs « intense » ou « éteint » semblaient le mieux correspondre. Son ami était tour à tour « trop », comme souvent en soirée ou bien, à l'inverse, inexistant. Et dernièrement, Noa s'était complètement renfermé sur lui-même. Le côté secret, réservé avait refait surface. En même temps, Tristan lui-même sentait le stress monter à l'approche des épreuves du Bac. C'était peut-être la même chose pour Noa ? Il ne devait pas s'en faire pour ça, il était l'un des meilleurs de leur classe, même si il avait décidé de se mettre la pression pour obtenir une bourse au mérite.
Depuis le temps qu'ils se fréquentaient, Tristan avait quand même compris que Noa et sa famille ne roulaient pas sur l'or. Tristan se demandait parfois comment son ami pouvait enchaîner son boulot et les cours sans craquer. Enfin, pour être honnête, il ne s'était jamais réellement posé la question jusqu'à ce jour, un peu trop centré sur son propre nombril et ses hormones en ébullition pour réellement prêter attention aux autres. Il se racla la gorge :
― Tu stresses pour le bac ? demanda-t-il de but en blanc.
― Hein ? quoi ? dit Noa sortant de sa torpeur.
― Vas-y zigouille le ! cria Tristan en parlant du zombi sur l'écran avant de reprendre plus sérieusement. T'inquiète, tu vas l'avoir le bac!
Noa mit un grand coup de coude, tirant sur la manette comme si le fait d'accompagner le geste allait l'aider à mieux jouer. Trop tard, son zombi s'aplatit sur le sol en une lamentable crêpe, le tout accompagné d'un bruit de défaite intersidérale.
― Ah merde ! Je perds un point de vie, fais chier ! Non, non j'stresse pas. Enfin p'être un peu, normal quoi !
Tristan se leva et éteignit la console, ce qui était pour le moins inhabituel, du moins sans l'intervention de sa mère.
― Tu peux me dire si y'a un truc, un problème, répéta Tristan.
Noa le fixait de son regard hagard. Il semblait à mille lieux d'ici. Tristan lui avait déjà vu ce regard auparavant, mais depuis un moment, son ami avait semblé mieux. Il ne comprenait pas ce changement de situation. Le petit brun à lunettes se gratta le sommet du crâne. Noa secoua la tête :
― Nan, y'a rien, t'inquiète...
― Enfin, j'veux dire, si tu stresses pour le bac y'a vraiment pas de quoi ! Si toi tu l'as pas, j'aime autant te dire que personne d'autre de la classe l'aura !
Noa se leva et attrapa son sac qui traînait sur la moquette bleue épaisse dans un coin de la chambre de Tristan. Il se dirigeait vers la sortie de la chambre.
― Merci, ça va j'te dis. Allez, à demain, j'me tire !
― Mais tu manges pas là du coup ?
― Non... non. Excuse-moi auprès de ta mère.
― Ok ? Bye !
Tristan écouta les pasde Noa s'évanouir dans l'escalier puis la porte d'entrée claquer. Il se grattaencore le crâne, perplexe, puis ralluma la console. Une fois dans la rue, Noareprit sa respiration. Merde, il se sentait tellement mal. Sa mère étaitrentrée, c'était tout ce qu'il avait désiré depuis si longtemps. Pour quelleraison alors ça ne tournait pas rond ? Il se sentait à présent pris aupiège, tous ses doutes refaisaient surface. Les murs de sa vie se resserraientautour de lui, le menant dans une impasse. Un frisson le prit, il neconnaissait que trop bien la sensation, celle de ne n'avoir aucune option,celle qui le menait à se mutiler, à avoir envie d'en finir, une bonne fois pourtoutes.
Une fois n'est pas coutume, j'ai ajouté le point de vue de Tristan dans l'histoire. Elle vous plait la maman de Noa, sympathique n'est ce pas?
Prochain chapitre dimanche prochain!
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