CHAPITRE 9
Coucou ! On est de retour avec du bon gros drama sur ce tout nouveau chapitre :D Avec en prime le retour d'un vieil ami.
CHAPITRE 9
Une forte vibration dans les murs tira Théo de son sommeil. L'esprit encore embué, il se redressa sur le lit et chercha la source du bruit des yeux. Deux choses le marquèrent immédiatement : Menki Dal n'était pas là et une épaisse fumée noire flottait au-dessus de Castelblanc. Théo tâtonna difficilement le mur pour trouver son épée et se précipita à l'extérieur en essayant de ne pas céder à la panique. Les couloirs étaient déserts, pas un soldat à l'horizon. Il trouva Menki Dal sur le porche du bâtiment, encore en robe de nuit. Elle avait mis moins longtemps à émerger que lui.
"Qu'est-ce qui se passe ?
— Quelque chose a attaqué un quartier de la Haute-Ville. Les soldats sont tous partis d'un coup, ça a l'air grave."
Théo se renfrogna. Tous les soldats étaient dehors, ce qui signifiait qu'ils étaient seuls. Il fit signe à Menki Dal de le suivre, l'épée toujours à la main, et il se réfugia dans la grande salle des banquets. La reine Timarée, en pleine audience, lui accorda un regard interrogateur, mais il lui fit signe de continuer. Plus il y aurait de témoin dans la pièce, moins le risque d'attaque frontale était important. Menki Dal, inquiète, s'installa sur un des fauteuils près de l'entrée, destiné aux gardes en service.
"C'est Finéas ? demanda-t-elle d'une voix éteinte. Il vient pour moi ?
— Je n'en suis pas certain, tempéra Théo. Il est versé dans la discrétion, pourquoi courir le risque de se révéler de cette façon ?"
Sa question resta sans réponse. Un garde poussa la porte et rentra en trombe. Du sang coulait le long de sa tempe et il prit quelques secondes pour calmer sa respiration. La reine arrêta immédiatement l'audience en comprenant que quelque chose de grave se produisait. Elle descendait de son trône et s'approcha à grands pas.
"Que se passe-t-il ? interrogea-t-elle. D'où vient la vibration ?
— Un démon, madame, annonça gravement le soldat essoufflé. Il a lancé une attaque sur la maison Silverberg. Impossible de l'abattre, il a un bouclier magique et il attaque à vue. Il vous réclame, addressa-t-il à l'attention de Théo."
Le sang du paladin ne fit qu'un tour. Il savait parfaitement de qui il s'agissait. Il serra les poings et se tourna vers Menki Dal et la reine.
"Restez-ici, je m'en charge.
— Seul ? s'inquiéta le soldat. Mais enfin, c'est... C'est un démon majeur, vous ne pouvez pas l'arrêter tout seul, il faut...
— Seul, l'interrompit Théo d'une voix autoritaire."
Interloqué, le garde le regarda passé avec une lueur de scepticisme et d'admiration dans le regard. Théo sortit du palais et s'engagea vers la Haute-Ville avec difficulté, la boule au ventre. Il espérait secrètement que Mani ait réussi la mission qu'il lui avait confié. La situation deviendrait vite complexe dans le cas contraire. Il prit de grandes inspirations sur la route. S'il y avait bien un moment où il ne devait pas se laisser aller à ses envies de violence, c'était maintenant. Le problème devait être réglé pacifiquement ou le démon s'ajouterait à la liste de ses nombreux soucis actuels.
Son cœur se serra lorsqu'il découvrit l'état de sa maison familiale. Effondrée sur elle-même, il n'en restait plus que des ruines. La protection magique n'existait plus. Théo osa penser que peut-être cela s'était produit suite à la disparition des Codex de la ville. Il sentit le démon bien avant de le voir. Ses poils se dressèrent comme si une énergie à l'opposé de la sienne avait pénétré l'air et tentait de l'agresser. Il ferma les yeux. La psyché de l'individu était bien plus forte que celle de Balthazar, et pire, elle était déformée par celle utilisée par le Codex. Même s'il ne l'avait plus en posséssion, Enoch avait payé le prix fort pour son avidité.
Installé sur les débris, une forme humaine le regardait, un rictus mi-sarcastique, mi-douloureux plaqué sur le visage. Théo eut un choc en le voyant. La partie droite de son corps, de son visage jusqu'à ses pieds était intégralement brûlée. La peau était d'un noir charbon, parfois traversée de marques sanguinolentes à force de gratter. L'autre partie était un mélange d'homme et de démon. Ses deux ailes rouges-noirâtres étaient flétries mais ne l'empêchaient malheureusement pas de se déplacer dans les airs. Plusieurs cornes avaient poussé sur son front, et sa peau était partiellement recouverte d'écailles et de cloques purulentes. Il était monstrueux. Instinctivement, Théo plaça une main sur son épée, rassuré par son contact. Même affaibli, le père de Balthazar restait un adversaire redoutable à ne pas sous-estimer.
"Regarde-nous, siffla difficilement Enoch dont la voix avait perdu toute majesté pour quelque chose de discordieux, grave, erreinté. Le paladin boîteux et le pariah des démons. Quel duo d'enfer, ironisa l'homme. Comment en est-on arrivés là, Silverberg ?"
Théo ne répondit pas. Enoch prit appui sur un tas de planches pour se redresser avec difficulté. Il ne tenait plus vraiment droit. La partie brûlée, plus lourde, le forçait à se pencher d'un côté pour avancer. Le paladin eut un mouvement de recul alors que le démon descendait pour le rejoindre. L'énergie qu'il dégageait le répulsait. Elle devait d'ailleurs répulser la plupart des autres espèces. Il dégageait une aura maudite, malfaisante, déformée par un pouvoir qu'il n'avait de toute évidence pas réussi à contrôler. Son physique repoussant ne devait pas franchement aider. Certes, lorsque Balthazar avait attrapé des écailles sous les yeux, il tenait déjà le même discours, mais ces dernières lui paraissaient désormais fort inoffensives par rapport à ce qui se tenait sous ses yeux.
"Quoi ? l'agressa Enoch. Tu n'aimes pas mon nouveau style ? Je t'avoue que la partie cadavre n'est pas simple à gérer tous les jours. Tu vois ces cloques ? C'est le cadeau que vous m'avait laissé lorsque vous m'avez abandonné sur cette île. Des rats ont essayé de me manger les organes."
Il éclata de rire, faisant sursauter Théo.
"N'est-ce pas drôle ? L'homme qui ne voulait pas mourir aimerait finalement ne plus être immortel. Je suis mort, Silverberg. Plus d'essence démoniaque, plus de sensations, plus de besoins vitaux. Je suis une carcasse en putréfaction qui parle et marche toujours. Tu peux donc baisser ta garde. Les flammes, c'était de la poudre aux yeux. N'est-ce pas honteux ? Le dieu des enfers réduit à utiliser des parchemins de qualité discutable pour lancer des flammes.
— Ne faites pas comme si vous n'avez rien à vous reprocher, répondit sèchement Théo. Vous avez joué avec des forces qui vous dépassaient, vous avez perdu. C'est le jeu."
Contrairement aux aventuriers qui avaient eu le droit à l'aide inespérée de Sanguinus après la destruction du Titan sur l'île des intendants, Enoch s'était écrasé comme une bouse au sol. Balthazar l'avait trouvé à moitié mort et avait choisi de l'abandonner à son sort. Théo avait pris grand plaisir à l'attacher à un arbre juste avant qu'ils ne s'échappent vers d'autres aventures. Dans l'esprit des aventuriers, il était de toute façon condamné. Mais il fallait croire que ce n'était pas vraiment le cas. Plusieurs rumeurs par la suite leur avait confirmé que le démon avait survécu, mais ils n'avaient pas encore croisés sa route. Ce jour devait arriver.
"Mon "fils", si on peut l'appeler comme ça après la façon dont il a traité son vieux père, n'est pas là ?"
Il réfléchit avant de poser une main sur sa bouche, faussement choqué.
"Ah non ! C'est vrai ! Il t'a abandonné comme une crotte de cheval au milieu de la route, désolé. Pas trop déçu ? Ca devait bien arriver à un moment ou un autre, non ? Un démon et un paladin, c'est d'un ridicule."
Théo serra le poing à s'en faire blanchir les phalanges. Il ne devait pas céder à la provocation, il s'agissait exactement de ce qu'il cherchait. Enoch parut presque déçu de ne pas avoir réussi à lui faire aussi mal que ce qu'il aurait voulu. Il souffla lourdement.
"Bon, coupons-court, grogna le démon, brutalement plus menaçant. Je sais que tu as fouillé dans le courrier qui ne te regardait pas. Il y avait un seau magique sur cette enveloppe, crétin. Je vais être on ne peut plus clair : si tu cherches à en savoir plus, j'achève ta misérable vie dans la douleur. Le passé doit rester là où il est.
— Vous avez fait tout ce chemin juste pour me menacer ?
— Je ne rigole pas, Silverberg. Ton père n'est pas l'homme que tu crois, tout comme, au fond, tu ne sais absolument rien de moi. Les problèmes dans lesquels il nous a embarqué tous les deux sont de notre ressort, pas du tiens. Et tu ferais mieux de t'y tenir ou les choses ne se passeront pas aussi bien pour tes amis que sur l'île des intendants.
— Je n'ai pas peur de vous.
— Moi non plus."
Enoch commença à quitter les lieux sans plus de cérémonie. Il se tourna vers Théo, le regard toujours sombre.
"Je t'interdis d'en parler à mon fils. Il a bien assez de problème avec son démon pour que tu le mêles à ça. Il n'a pas besoin de toi. Reste en dehors de sa vie.
— C'est ce qu'on verra.
— En effet, approuva Enoch. C'est ce qu'on verra."
Le démon prit de l'élan et s'envola. En quelques secondes, il disparut de son champ de vision. Théo attendit quelques instants avant de courir vers les gravats. Il trouva sans mal l'armoire dans laquelle il avait dissimulé les Codex, partiellement écrasé par un énorme pan de mur. Elle était vide. Un soupir de soulagement s'échappa de sa gorge. C'était au moins ça.
Son regard buta sur un morceau de tissu rouge. Il prit la robe de Balthazar dans ses mains et baissa la tête.
"Dans quelle merde tu m'as encore foutu toi ? Tu fais vraiment chier, Bob."
Il se redressa difficilement et se tourna vers le palais, le regard décidé. Enoch n'aurait pas le dernier mot. Dès que Grunlek arriverait, il lui avouerait tout. Grunlek saurait quoi faire. Il plia soigneusement la robe et l'emmena avec lui. La plupart des boîtes avaient été rapatriées au palais, tout comme les affaires de son père. Tant pis pour la maison.
Alors qu'il s'approchait de la grille du château, quelque chose heurta son dos. Il crut d'abord à un gamin qui venait de lui lancer un caillou, mais quand il se retourna, son regard buta immédiatement sur le corbeau noir mort à ses pieds. Il leva les yeux pour essayer de repérer l'origine du tir. Il eut juste le temps de croiser le regard moqueur de Finéas avant qu'il ne disparaisse dans une ruelle. Le message était clair.
Il allait devoir avertir Grunlek.
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