CHAPITRE 8

Coucou ! Un nouveau chapitre un peu plus calme avant un peu plus d'actions. Bonne lecture, j'espère que ça vous plaira !

CHAPITRE 8

L'aube pointa enfin à l'horizon et sortit Théo de la torpeur dans laquelle il s'était trouvé une partie de la nuit. Accoudé à la fenêtre, perdu dans ses pensées, il avait tenu à rester éveillé pour surveiller Menki Dal. La jeune femme dormait encore paisiblement, inconsciente du danger qu'elle risquait à cause de Mani. L'elfe était censé avoir réglé le problème, mais le fait qu'il ne soit pas venu de la nuit l'inquiétait. Avait-il seulement réussi à s'en tirer vivant ? Il l'espérait. S'il devait se débarrasser lui-même des Codex, l'affaire deviendrait plus compliquée encore et il n'était pas certain de pouvoir l'assumer seul. Certes, il restait l'option de le confier à Grunlek, mais mettre en danger Fort d'Acier si tôt après son couronnement lui vaudrait sans doute des difficultés à assumer son autorité. Aucune option ne lui paraissait plus satisfaisante qu'une autre.

Un bruit à la porte le fit sursauter. Une main sur le pommeau de son épée, il fit volteface, prêt à se battre si l'intrus s'avérait menaçant. Il se calma cependant bien rapidement lorsqu'il reconnut la personne à la porte. Victoria lui offrit un sourire maternel et vint le serrer dans ses bras. Il se laissa faire, tendu.

"Tu es arrivée quand ? lui demanda Théo, surpris.

— A l'instant. On a préféré voyager de nuit pour rejoindre Castelblanc. On n'a plus besoin de haut-gradés à Fort Tigre, les relations semblent enfin s'être apaisées avec Kirov. Du moins pour l'instant. J'ai été autorisée à prendre mes quartiers. Je serais intronisée Seconde de l'Eglise de la Lumière dans deux jours. Et toi aussi, tu devras y aller pour recevoir officiellement ton nouveau grade. 

— Sympa de prévenir. Je... Je ne sais pas si je serais à la hauteur. J'ai même pas commencé qu'on me critique déjà, on scrute le moindre de mes gestes et j'aime pas ça. Tout ça, ajouta-t-il en montrant sa chambre de la main, c'est pas pour moi. Je suis pas un général, je suis... Je ne sais même plus vraiment ce que je suis."

Le regard de Victoria se voila d'inquiétude. Elle recula légèrement pour lui faire face et le dévisager de haut en bas. Elle plissa les yeux.

"Qu'est-ce qui ne va pas, Théo ? Dans quelle affaire tu t'es encore embarqué ?"

Pris au piège, le paladin sut qu'il ne servait à rien d'essayer de trouver des excuses. Si Victoria était montée si haut dans les rangs du paladinat, c'était en partie pour son flair. Elle repérait le mensonge avec une facilité déconcertante et ne lâchait pas le morceau tant que la vérité n'éclatait pas. Théo tira une chaise sur la table du salon et se laissa tomber dessus. Il joua un peu avec ses mains avant de relever ses yeux bleus vers sa soeur.

"Finéas est en ville. Il menace de s'en prendre à Grunlek si je ne lui livre pas Mani. Mani devait s'occuper de lui, ce soir, mais il n'est pas réapparu depuis. S'il est mort, il va s'en prendre à Menki Dal, et peut-être à d'autres personnes. Je ne sais pas quoi faire pour aider. Si je bouge, je mets la vie de quelqu'un en danger, si je ne bouge pas, d'autres personnes sont en danger. 

— Mais ce n'est pas nouveau. Mani a toujours aimé jouer avec le feu, c'est pour ça qu'on l'a recruté, il y a quelques années. Il est peut-être... étrange dans sa conception de la psychologie humaine, mais il est loin d'être bête. C'est un espion, un des meilleurs assassins qu'on a jamais eu. Je ne m'en fais pas pour lui. Il trouvera une solution."

Théo n'en était pas si sûr. Il comprit au regard de sa soeur que ce n'était pas ce qu'elle attendait comme explication. Pris au dépourvu, il hésita. Devait-il tout lui dire ? Une voix au fond de lui hurlait qu'elle avait le droit de savoir, mais une autre le lui interdisait. A quelques jours de sa prise de grade, cela pourrait avoir un effet dévastateur et lui faire perdre contenance. Il se mordit la joue et choisit de mâcher la vérité.

"J'ai découvert... Certaines choses sur Papa, en fouillant le grenier."

Elle souleva un sourcil, intéressée, et s'installa sur la chaise en face de lui. Théo chercha ses mots un instant.

"J'ai trouvé des lettres dans la vieille malle qu'on nous a légué après sa mort. J'y avais jamais fait attention avant. Mais ce sont des correspondances avec un certain Enoch.

— Enoch, comme... Enoch Lennon ? demanda-t-elle, aussi surprise que lui.

— J'ai douté aussi, mais une autre lettre me l'a confirmé. Ils étaient très proches à l'époque. J'ai du mal à le croire. Mais... Ce n'est pas tout."

Il se creusa la tête pour éviter de lui révéler l'information qu'il ne devait absolument pas lui dire.

"Lors d'une aventure, ils ont violé une femme, tous les deux. Elle a maudit leur descendance. Ton sang en particulier est lié à celui de Balthazar.

— Et ? En quoi est-ce dérangeant ?"

Il se sentit bête. Bien sûr qu'elle n'allait pas se contenter de cette nouvelle. Elle était troublée, certes, mais ne voyait toujours pas où il voulait en venir. Alors il craqua. Le secret était trop lourd à porter de toute façon.

"Apparemment, tu es condamnée à mourir aux alentours de quarante ans. Mais ce sera dans la souffrance. Et le seul moyen de te libérer de ce mal, c'est de sacrifier Balthazar à ta place."

Elle encaissa le coup, impassible. Elle ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche, cherchant ses mots. Théo s'attendait à ce qu'elle lui reproche son manque de tact, mais ça ne fonctionnait pas comme ça chez les Silverberg. On disait tout ou on ne disait rien, jamais d'entre deux ou de non-dit. Son père disait souvent qu'il fallait mieux connaître la vérité plutôt que d'offrir une version bridée qui aurait des conséquences tôt ou tard. 

Victoria se leva et fit un tour de la pièce, en pleine réflexion. Elle s'arrêta brièvement près de son lit où Menki Dal dormait toujours, avant de se tourner vers lui.

"Et Balthazar, qu'est-ce qu'il en pense ? Il sera aussi touché ou... ?"

L'idée n'avait même pas effleuré l'esprit de Théo. Son père était décidé à tuer Balthazar, mais peut-être que le sacrifice de Victoria serait aussi nécessaire pour le libérer lui s'il était atteint du mal. Son estomac se serra violemment alors qu'il réalisait qu'il n'avait lui-même qu'une version de la vérité. Il ne voulait pas faire ce choix. Il ne voulait pas les voir souffrir, aucun des deux.

"Je ne l'ai pas dit à Balthazar, avoua Théo. Je... Je n'ose pas. Je n'arrive pas à lui écrire, j'ai peur qu'il interprète mal mes propos.

— Alors va le voir et convainc-le de venir ici. On sera plus efficace pour y réfléchir à trois. Il est mage, il sait peut-être comment briser des malédictions."

Théo admira son sang froid et eut presque honte de sa crise de panique. La voix de Victoria tremblait légèrement, mais elle ne se démontait pas. Sa dernière phrase sonnait comme un ordre, et quand bien même il se le refusait intérieurement, il savait que tôt ou tard, il devrait forcément y passer. Elle ne lâcherait pas l'affaire. Le paladin posa ses coudes sur la table et enfouit son visage dans ses mains.

"Quand ? finit-il par demander. Je ne peux pas quitter Castelblanc alors que la cérémonie arrive, ensuite Grunlek vient et j'aurais des choses à lui dire. Je ne pourrais pas partir avant quelques temps. Je ne sais même pas si j'aurais la force de repartir après tout ça.

— Toto, tu ne vas pas rester à te morfondre ici, si c'est de ça dont tu as peur. En tant que Troisième, tu auras la même liberté qu'avant avec simplement plus de règles à respecter. Je sais très bien que tu ne deviendras jamais le général idéal, et ce n'est pas ce que je te demande. Je veux que tu sois là pour m'épauler dans les décisions importantes. Je ne te retiens pas ici. Je commence à te connaître et tu as besoin de partir. Ce que je te demande, c'est pas une contrainte. Je te tend la main pour t'encourager à aller de l'avant. Alors saisis-la bon sang et casse-toi de cette foutue ville."

Elle recula, alors que lui restait songeur.

"Prends le temps de parler à Grunlek. Si je ne peux pas te convaincre, lui le fera."

Elle lui sourit tendrement avant de l'embrasser sur le front et de lui ébourriffer les cheveux, lui arrachant un grognement de mécontentement. Alors qu'elle s'apprêtait à partir, quelque chose fut lancé dans le salon depuis la pièce ouverte et rebondit sur le dos de Théo. Le paladin se retourna brusquement avant de bondir en arrière, surpris. Il s'agissait d'un corbeau mort. Il le ramassa et courut vers la fenêtre. Il eut juste le temps de voir une ombre bondir au-dessus des grilles qui entouraient le palais pour s'échapper. 

"C'est un message ? demanda Victoria, nerveuse. Qu'est-ce qui se passe ?

— Mani a échoué, dit-il d'une voix grave.

— Il est... Mort ? appela la voix mal-réveillée de Menki Dal."

Les larmes aux yeux et les mains tremblantes, elle s'approcha de Théo pour regarder le cadavre du volatile. Le paladin l'empêcha de le prendre et le jeta par la fenêtre. Il prit son amie par les épaules.

"Il est peut-être toujours en vie. Il a dit que s'il n'arrivait pas à battre Finéas, il quitterait la ville avec... Avec quelque chose que je lui ai demandé d'emporter le plus loin possible d'ici."

Menki Dal écarquilla les yeux de surprise.

"Tu l'as revu ?

— Oui, avoua Théo. Hier. Finéas m'a menacé de s'en prendre à Grunlek et à toi si jamais je ne lui remettais pas Mani. Mais Mani a tout entendu et m'a assuré être capable de régler la situation lui-même."

Un peu trahie et vexée d'avoir été tenue à l'écart, elle finit par retrouver son attitude anxieuse.

"De quel objet parles-tu ? demanda Victoria, suspicieuse.

— Chez moi, nous, corrigea-t-il, on a planqué les Codex."

Victoria, choquée, dévisagea son frère de haut en bas.

"Mais qu'est-ce qui va pas chez vous ?! Vous imaginez le danger que vous avez fait peser sur la ville ?! Et si... Et si Manaril l'avait trouvé ? Qu'est-ce qu'on aurait fait ? Est-on même certain que le retour de la magie n'a rien à voir avec ça ? Pourquoi tu veux lui faire quitter la ville maintenant ?

— Enoch me cherche. Et aussi bête soit-il, il est fourbe et peut détecter des sources magiques à de longues distances. J'ai préféré le confier à quelqu'un de confiance."

Pas vraiment rassurée, Victoria reprit contenance.

"Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Si Finéas n'est pas mort, c'est toujours un problème.

— On va finir le travail de Mani, répondit le paladin d'une voix ferme. Je vais lui proposer un échange."

Il se tourna vers Menki Dal.

"Bravo, tu es désormais un appât."

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