CHAPITRE 64

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CHAPITRE 64

Théo ne sut combien de temps il tomba. Plusieurs minutes ? Plusieurs heures ? Parfois, une lumière étrange apparaissait au loin et laissait échapper une voix qu'il ne reconnaissait pas. D'autres fois, des images fugaces se dessinaient devant ses yeux. Il avait l'impression d'être retourné des années en arrière, lorsqu'il s'était sacrifié sous cette maudite montagne. Lorsque l'obscurité l'avait avalé tout entier, puis rejeté comme s'il n'était rien.

Le noir l'oppressait et le rendait somnolent. Avant même qu'il ne puisse faire quoi que ce soit, il perdit connaissance.

Il ne sut combien de temps s'écoula lorsqu'il s'éveilla au beau milieu de la forêt. Il se prit appui sur son épaule pour se redresser, et regarda autour de lui. Un jeune garçon avait les yeux braqués sur lui, la tête légèrement penchée sur le côté. Il avait des traits familiers, sans qu'il ne sut exactement lesquels.

« Vous êtes quoi ? demanda l'enfant. Je n'ai jamais vu quelqu'un comme vous par ici.

— Je... Je suis où ?

— Dans la forêt de mon peuple. On n'aime pas trop les étrangers ici alors vous devriez partir et vite. Surtout les personnes avec des armures. »

Les accents de sa voix étaient trop familiers. Théo fronça les sourcils pour essayer de se remémorer d'où il les connaissait. Ses yeux s'écarquillèrent soudain. La voix de l'enfant était plus aiguë qu'à son époque, mais il n'y avait pas de doute possible.

« Shinddha ? »

L'enfant fronça les sourcils et recula d'un pas. Il dégaina un arc à la vitesse de la lumière et pointa une flèche, bien en bois, directement à son visage.

« Comment vous connaissez mon nom ? Vous êtes qui ?

— Ce n'est... Pas important, je crois. »

Il avait encore en mémoire le récit de Balthazar sur la magie du temps et comment ils avaient presque modifié le présent en se rencontrant eux-mêmes. Il se trouvait dans le passé. Était-ce ce qu'il devait faire ? Trouver la Sorcière qui avait maudit sa soeur et le demi-démon avant qu'elle ne puisse le faire ? Mais... Shinddha était « mort » pour la première fois des centaines d'années avant leur rencontre. Qu'est-ce qu'il faisait aussi loin dans le temps ?

Il se redressa. Shinddha continua de le braquer, les sourcils froncés. La peau plus foncée qu'il ne l'aurait cru, les cheveux et les yeux ébène, il devait avoir une douzaine d'années tout au plus. Il était quelque part rassuré, il n'aurait pas à le voir mourir encore une fois.

Mais alors quoi ?

« Tu connais une sorcière ? » demanda-t-il de but en blanc.

L'enfant, sur la défensive, ne répondit pas.

« Je ne veux pas lui faire de mal, seulement parler. C'est très important. Je sais que tu ne me fais pas confiance, mais j'ai vraiment besoin que tu m'aides. »

Shin décocha la flèche, elle se planta entre deux interstices de son armure. Théo grogna de douleur. La cotte de maille en dessous avait amorti le choc et empêchait le morceau de bois de pénétrer la chair, mais il aurait un bleu. Il se prépara à insulter copieusement l'enfant quand il se rendit compte qu'il avait disparu. Évaporé. Pas une seule trace de pas au sol.

Il serra les poings, en colère. Le gosse était intelligent et était sans doute parti prévenir la sorcière de ses questions étranges. Il devait absolument le rattraper avant qu'il ne lui cause du tort. Mais comment ? Shinddha était bien plus rapide que lui, et il était sans doute déjà loin. Il se contenta d'avancer dans l'épaisse forêt, dans l'espoir de tomber sur lui.

Théo ne tarda pas à apercevoir quelques huttes au loin, sûrement le village de son ami. Le paladin s'accroupit dans les fourrés pour avoir une vue sur le lieu, et essayer de repérer les allées et venues. Il voulait éviter d'intervenir s'il en avait l'occasion. Il ne devait pas changer l'histoire de Shinddha avant l'heure.

Perdu dans son observation, il ne vit pas, perché au-dessus de lui, l'enfant qui l'observait, visiblement mécontent qu'il ait trouvé le village. Shinddha dégaina une dague et plongea sur le dos du guerrier, surpris. Théo ne dut sa survie qu'à son entraînement et réussit à dévier le bras de l'archer avant que la dague n'atteigne sa gorge. L'arme vola dans les fourrés et, d'un geste expert, il plaqua Shin au sol, une main derrière sa tête, l'autre retenant son bras derrière le dos. L'enfant grogna et se débattit violemment, et tenta même de lui mordre la main, en vain. Il n'avait pas assez de force pour lutter contre la poigne écrasante du paladin.

« Tu fais moins le malin, là ? Hein ? »

Théo s'attendait à beaucoup de choses, mais pas à l'entendre siffler. En quelques secondes, des tas de villageois se précipitèrent vers le bosquet et il se retrouva braqué de partout, des arcs et des haches pointées sur lui.

Lentement, il relâcha Shin et leva les mains en l'air pacifiquement. L'enfant donna un coup de pied dans son menton, puis se dégagea avec hâte.

« Je ne vous veux pas de mal. Je vous jure que ce n'est pas ce que vous croyez.

— Il a tenté de me tuer ! hurla Shin, qui courut se cacher derrière un homme imposant, sans doute son père. »

Théo sentit son sang bouillir. Pourquoi est-ce que ça finissait toujours comme ça avec les enfants ? Si ça se trouvait, lui aussi était maudit. Quoi qu'il en fut, la pique de l'enfant ne parut pas plaire aux habitants du village, qui redoublèrent de vigilance. Le paladin soupira lorsque l'un d'eux s'approcha avec une corde et ne résista pas lorsqu'on lui attacha les mains derrière le dos. Si c'était le prix à payer pour s'approcher plus rapidement de la sorcière, ou de la raison pour laquelle il se trouvait ici, autant l'accepter tout de suite et ne pas faire plus de vagues.

Dans un silence pesant, on le poussa vers le centre du village où trois grand poteaux étaient dressés. Une jeune fille était attachée à l'un d'eux, assoupie. Théo sentit son coeur battre plus fort. Serait-ce elle ? Mais comment pouvait-elle être déjà en vie ?

Il n'eut pas le temps de parler. Un homme lui donna un violent coup de pied à l'arrière du genou, qui le força à s'asseoir à terre. Ses mains se retrouvèrent sans surprise attachées derrière le piquet de bois. Ce qui devait être un guerrier s'éloigna ensuite et l'abandonna à son sort, pour l'instant.

Théo testa la solidité des liens quelques secondes, sans douter une seconde résultat. Shin était très doué pour attacher des otages, et ça ne venait sans doute pas de nulle part. Il était complètement coincé. Quitte à devoir trouver une solution, il préféra s'adresser au problème le plus urgent pour le moment.

Il glissa ses jambes sur la gauche pour avoir un meilleur point de vue sur la petite fille à ses côtés. Un filet de sang coulait le long de son visage tuméfié. Le peuple de la forêt n'avait pas été tendre avec elle. Elle portrait une longue robe rouge, un peu similaire à celles de Balthazar. Peut-être un signe ? Après tout, Mictian l'avait appelée la Sorcière Rouge, ce qui signifiait qu'elle devait porter du rouge.

Il siffla, pour essayer d'attirer son attention. La jeune fille resta immobile. Avait-elle été assommée ? Ça n'arrangeait pas ses affaires. Toutefois, elle était à portée de jambe. Il opta donc pour une approche plus direct et donna un grand coup dans sa cuisse pour la faire réagir.

La jeune fille sursauta et ouvrit les yeux, paniquée. Elle regarda partout autour d'elle et commença à se débattre avec ses liens, la respiration haletante.

« Eh, tout va bien ! tenta de la rassurer Théo. Désolé pour le réveil brutal, je ne voulais pas vous faire peur.

— Qui êtes-vous ? Pourquoi je suis attachée ?

— Je ne sais pas pourquoi vous êtes là, mais je suis là pour aider. Je recherche la Sorcière Rouge, c'est vous ?

— Je ne suis pas une sorcière ! Je ne voulais pas le tuer ! Les villageois, ils ont... Oh non, ils vont me faire de mal. Pitié, dites-leur que je ne suis pas une sorcière ! Il voulait me faire du mal, je ne l'ai pas fait exprès !

— Doucement, de quoi est-ce que vous parlez ? Vous avez tué quelqu'un ? »

Elle éclata en sanglots. Théo n'avait jamais très à l'aise pour réconforter les gens, il se contenta de la dévisager fixement dans l'espoir qu'elle arrête de chouiner et crache le morceau. Surprenamment, sa technique finit par porter ses fruits. La fillette prit de grandes inspirations et sembla retrouver un semblant de contrôle sur elle-même.

« J'ai l'âge de marier, expliqua-t-elle. »

Théo fronça les sourcils. Elle n'avait même pas huit ans !

« J'ai été promise au chaman. Je lui ai dit que je ne voulais pas être touchée avant ma majorité, mais il a refusé de m'écouter. Il a commencé à me déshabiller, et je le suppliais d'arrêter et... Je ne sais pas. J'ai fait quelque chose, et il est mort. Je ne voulais pas. Ensuite, les autres villageois sont arrivés et ils ont vu le corps. Ils ont dit que j'étais une sorcière, et que j'allais être tuée. Et ils m'ont attachée ici. Je ne me souviens plus de rien après. J'ai peur... Pitié, aidez-moi... »

Théo serra les poings, en colère. Il aurait fait la même chose. Il savait bien que les moeurs étaient très différente à cette époque... Peu importe de quelle époque il s'agissait, mais il ne pouvait pas laisser une gamine dans cet état. Elle n'avait fait que défendre sa vie !

« Comment est-ce que tu t'appelles ?

— Yazmina. Et vous ?

— Théo. Tu n'as pas à payer, ce que tu as fait été juste. Ne t'excuse jamais de commettre des atrocités pour sauver ta vie. Tu me fais confiance ? Je vais me libérer, et ensuite je vais te libérer, et on ira se cacher dans la forêt pour discuter un peu. Je crois... Que tu es la personne que je recherche. Je ne comprends pas tout ce qui se passe pour l'instant, mais on va trouver une solution.

— Je ne comprends rien à ce que vous dîtes, sir Théo.

— Ce n'est pas grave. »

Il prit sur lui. Il sentait qu'il touchait au but et qu'il avait trouvé la bonne personne. Peut-être qu'il devait la convaincre aujourd'hui de ne pas maudire sa soeur et Balthazar plus tard ? Il nageait dans le brouillard, il ne s'attendait pas à s'adresser à une enfant. Mais comme d'habitude, il ferait avec.

Ces idiots avaient oublié de lui retirer son épée, et ils sous-estimaient sa souplesse. Théo se dandina pour rapprocher son fourreau de ses mains. Il dut s'y prendre à plusieurs fois pour trouver un morceau du tranchant de la lame. Il n'eut qu'à glisser ses mains le long de la poignée pour l'atteindre, puis commença à scier la corde. En quelques secondes, il était libre.

Il observa les alentours. La place était déserte. Ne perdant pas de temps, il se redressa et courut vers la fillette. Il trancha ses liens, puis la balança sur son épaule comme un vieux sac à patates. Surprise, Yazmina émit un petit cri de surprise, mais s'accrocha de toutes ses forces à son sauveur.

Avant que quelqu'un ne les remarque, ils tracèrent à travers la forêt, loin du village.

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