CHAPITRE 61
Hello, hello ! Voici enfin le chapitre 61 et la suite des aventures de nos aventuriers, qui touchent enfin au but après de très nombreuses mésaventures :D
CHAPITRE 61
Vidés de leurs forces, les aventuriers progressaient en silence dans la forêt encore jonchée de restes de cadavres et de troncs brisés. Il faudrait sûrement des années pour réparer les dégâts de la veille naturellement. Par chance, il s'était mis à pleuvoir, ce qui évita les propagations d'incendie. Ce qui n'avait pas été transformé en terrain vague survivrait au moins jusqu'à la prochaine catastrophe.
Comme à son habitude, Théo marchait en tête, Cyrielle à ses côtés. Les yeux cernés et les jambes toujours tremblantes, il faisait de son mieux pour ne rien laisser paraître, ce qui n'avait pas échappé à ses compagnons. Lorsque Balthazar avait tenté de lui demander ce qui n'allait pas, il s'était braqué immédiatement. Ils n'avaient pas besoin de savoir qu'il avait fait des cauchemars toute la nuit, tous plus effroyables les uns que les autres. Le pyromage n'avait pas insisté.
Le paladin tirait les rênes de leur unique cheval survivant, sur lequel Tesla était harnachée tant bien que mal. L'archimage se portait mieux. Éveillée, mais toujours très faible, elle peinait toujours à se maintenir en position assise. Après qu'elle se soit effondrée deux fois sur la chaussée, Grunlek avait sacrifié une de ses cordes pour créer un harnais de sécurité, à défaut de mieux. Triste Pin était perché sur l'encolure de l'animal, lui aussi somnolent.
Shinddha et Balthazar suivaient et discutaient à voix basse, autant que la voix grave du demi-diable le permettait. La nuit n'avait pas réussi à effacer les ailes rouges flamboyantes dans son dos et la grosse voix, ce qui n'était pas normal. Le mage semblait aussi souffrir plus que d'ordinaire, mais, buté, refusait lui aussi de demander de l'aide. Shinddha le surveillait, ne serait-ce que pour le rattraper s'il tombait subitement ou entamait une nouvelle transformation. De temps à autre, Mictian se joignait à eux, mais, plus solitaire, se contentait le plus souvent de marcher à l'arrière avec Grunlek pour couvrir leurs arrières et leurs traces. Le nain essayait de discuter de temps à autre, sans grand succès, et avait rapidement détourné la conversation vers Eden, qui bien que silencieuse, était bien plus bavarde que le demi-frère du demi-diable.
Petit à petit, les arbres devinrent moins épais, comme s'ils étaient touchés par une gangrène magique. Le bois était plus sec, la température plus chaude, et malgré l'humidité causée par la pluie, il leur semblait que la terre était plus aride et sableuse. Après quelques laborieuses heures de marche, ils tombèrent par hasard sur un sentier et, désespérés, décidèrent de le suivre dans l'espoir de tomber sur un village ou une taverne marginale. Quelqu'un devait forcément emprunter ce chemin régulièrement, et ils comptaient bien découvrir qui, en espérant ne pas tomber dans un énième piège tendu par Enoch.
Escarpé, le sentier conduisait plus en profondeur dans la vallée, et les aventuriers eurent bien du mal à éviter les ronces, de plus en plus nombreuses, qui se dressaient sur leur chemin. Leur présence inquiétante remplaçait un peu plus les arbres à chaque nouvelle foulée, comme si, passé un certain point, la végétation avait interdiction de pousser.
Au loin, une grande étendue de sable leur parut bientôt. Elle englobait tout, si bien qu'il était impossible de voir au-delà. Au bout du sentier qu'ils suivaient toujours, un petit village marquait la lisière entre les terres de l'est et de l'ouest. Cependant, à mesure qu'ils s'en approchaient, les aventuriers doutèrent qu'il soit encore habité. Les premières habitations qu'ils croisèrent avaient été brûlées récemment, et certaines fumaient encore. Sur le sol, des traces humides et des armes attestaient de combats récents. Et il y avait ce silence, imperturbable, que seuls les sabots du cheval de Théo semblaient déranger.
« Je n'aime pas ça, gronda Théo. Restez sur vos gardes. »
Les autres prirent son conseil au sérieux. Avant d'entrer dans ce qu'il restait du village, les aventuriers prirent le temps de se préparer. Théo et Cyrielle dégainèrent leurs épées, Shin, son arc. Balthazar fit apparaître une flammèche sur le haut de son bâton, tandis que son demi-frère sortait des couteaux de lancers. Le cheval, sur lequel Tesla se trouvait toujours, fut confié à Grunlek à l'arrière, au cas où il y aurait besoin de les protéger. Eden se tenait fièrement à côté du nain, la langue pendante à cause de la chaleur, mais prête à attaquer au besoin.
Le paladin avança en premier, sur ses gardes. Le village n'était composé que de quelques habitations, réparties en cercle autour de ce qui ressemblait à une place. Théo leva la tête quand il remarqua un mouvement suspect, suivi de tous ses compagnons. Accrochés aux branches d'un grand arbre qui avait lui aussi brûlé, des corps calcinés se balançaient dans le vent, une corde autour du cou. Tous des enfants, à en juger la taille des corps. Les adultes, ou ce qu'il en restait, avaient été découpés et rassemblés en tas : ici les têtes, là les membres, et de l'autre côté les troncs.
Théo échangea un regard avec Balthazar, dont le visage s'était fermé. Ils n'avaient pas besoin de mots. La méthode d'exécution était bien connue des inquisiteurs : il s'agissait de l'œuvre de démons inférieurs. D'ordinaire, ils ne faisaient que des victimes isolées. Pour un tel massacre, il en fallait un groupe important.
« Enoch essaie de nous impressionner, dit le mage, amer. Voyons le bon côté des choses, nous sommes sûrement sur le bon chemin.
— Ce n'est pas ce qui m'inquiète, répliqua Théo. Le nécromancien dans la forêt était déjà puissant. Les démons le sont encore plus. Il m'avait l'air affaibli, mais c'est comme si sa force grandissait à mesure que l'on progresse. Je ne sais pas ce que cache cette sorcière du désert, mais il n'a de toute évidence vraiment pas envie qu'on la trouve.
— Il va continuer à nous mettre des bâtons dans les roues, comprit Grunlek. Et plus on sera proches, plus la menace sera grande. Mais... Autant dans la forêt, même si c'était compliqué, on pouvait gérer. Dans le désert, il n'y a nulle part où se mettre à couvert, et avec la chaleur et le sable, on ne sera pas aux meilleures de nos capacités.
— On n'a pas le choix, grogna le mage. Je n'aime pas ça non plus, mais on ne peut pas s'arrêter maintenant. Ce n'est plus juste à propos de la sœur de Théo ou de moi. Enoch a un plan plus grand derrière la tête, et il faut qu'on l'arrête avant qu'il ne déclenche l'apocalypse une nouvelle fois.
— Moi j'dis que je préfère crever avec vous que sous la main de ce crétin, répliqua Shin avec un grand sourire. Et puis, depuis quand on fait ce que les gens nous disent ? »
Les aventuriers approuvèrent vigoureusement. Malgré les épreuves et les coups bas, il était hors de question de s'arrêter en si bon chemin. Cependant, ils devaient reconnaître qu'ils n'étaient pas assez équipés pour affronter le désert. Ils passèrent l'après-midi à fouiller les ruines à la recherche de vivres, d'eau, de n'importe quoi qui pourrait leur être utile. À la fin de la journée, ils avaient rassemblé assez de pain pour quelques jours, quelques lamelles de viandes à la limite de la carbonisation et quelques réserves d'eau grâce à une petite rivière qui coulait non loin de là.
Shin créa la surprise générale en revenant en dernier, d'énormes animaux harnachés derrière lui. Théo crut encore à une hérésie. Ces créatures ressemblaient à des chevaux, mais avec deux énormes bosses sur le dos, et en beaucoup plus grand. Le paladin n'avait jamais vu de bête aussi moches et terrifiantes de sa vie. Lorsque l'un d'eux poussa un mugissement, le guerrier sursauta et pointa son épée sur la créature.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? Pourquoi tu les as ramenés ?
— C'est des chameaux, s'enthousiasma Shin. Ils étaient attachés dans un enclos plus loin. C'est vachement mieux que des chevaux pour marcher dans le désert !
— Jamais je chevauche ce truc ! Regarde sa... sa bouche ! C'est forcément démoniaque ! »
Curieux, l'un des camélidés s'approcha pour renifler l'épée du paladin. Théo la laissa tomber et recula de plusieurs pas. Il était hors de question que cette chose l'approche. Le guerrier se retourna pour trouver du soutien parmi ses compagnons. Tesla le regardait comme s'il était un idiot fini, Grunlek, Mictian et Balthazar se retenaient de rire, Triste Pin ne se cachait pas pour le faire. Seule Cyrielle restait neutre, sans doute par pitié. Les joues du paladin s'empourprèrent.
« Quoi ? grogna-t-il, agressif.
— Rien, rien, se moqua gentiment Balthazar. Tu es resté à Castelblanc toute ta vie, c'est normal de n'avoir jamais vu de chameau. Ils ne vont pas te bouffer dans ton sommeil, si c'est ça dont tu as peur. Shin a raison. Les chameaux n'ont pas besoin de boire, ça nous fera des économies d'eau et on ira plus vite. »
Le paladin dévisagea l'affreuse bête que Shin lui avait désigné. C'était gros, ça puait, et il n'avait aucune envie de poser un doigt dessus. L'archer en avait ramené cinq. Théo et Cyrielle partageraient le leur, tout comme Grunlek et Shin. La guerre n'avait pas hâte de prendre la route, même si l'idée de ne pas se retrouver seul avec le monstre avait un peu calmé ses appréhensions.
Avant de reprendre la route, les aventuriers décidèrent de prendre une bonne nuit de sommeil, en veillant chacun leur tour. Ils allaient en avoir besoin pour ce qui les attendaient dans l'immense étendue aride.
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La nuit fut tranquille malgré la menace qui pesait sur leurs épaules. Dormir devant des tas de cadavres n'avait pas été des plus réjouissant, mais ils n'avaient pas vraiment eu le choix vu l'état des habitations qui les entoura. Dès les premières lueurs de l'aube, Shin et Balthazar s'occupèrent d'accrocher les sacs aux bosses des camélidés, pour gagner du temps. Grunlek passa du temps avec Eden, à l'écart. La louve ne pourrait pas les accompagner dans le désert, c'est pourquoi le nain lui ordonna de rentrer à Fort d'Acier. La route serait longue pour elle, mais fort heureusement, la forêt n'était pas si loin et elle trouverait de quoi s'y ravitailler. Le nain détestait l'idée de se séparer d'elle une nouvelle fois, mais il ne pouvait lui demander de l'accompagner dans cet enfer.
Théo, Tesla et Mictian revirent l'itinéraire une dernière fois, au cas où le groupe se retrouvait divisé. Il valait mieux ne pas rester seul trop longtemps dans les terres arides. Le risque d'y perdre la vie avant d'arriver à bon port était trop important. Le paladin s'assura également que l'archimage se sentait d'attaque pour entreprendre le trajet. Vexée que l'on doute de ses capacités, elle lui tourna le dos et s'en alla rejoindre Balthazar. Même si elle resta digne, elle eut bien du mal à cacher ses grimaces de douleur et sa boiterie. Théo décida de lui faire confiance. Ils avaient besoin de toutes les mains disponibles pour sortir vivant de ce voyage de toute manière.
Les derniers préparatifs réglés, ils relâchèrent le cheval de Théo, puis se mirent en selle sur les chameaux. De manière ironique, Théo fut le seul à monter sans problème sur le camélidé. Les autres éprouvaient quelques difficultés à se hisser entre les bosses. Théo prit un malin plaisir de se moquer de chacun d'entre eux, avant de se raviser quand Grunlek lui adressa une œillade meurtrière alors qu'il s'apprêtait à blaguer sur la petite taille des nains.
S'il devait être honnête, la traversée fut moins désagréable qu'il le pensait. Certes, la monture puait et lâchait régulièrement d'énormes gaz et tas de crottes, mais la bosse dans son dos lui maintenait le dos droit et lui permettait de se reposer sans craindre de tomber dans le sable. Ce fut d'ailleurs le sentiment général. Après quelques heures de marches, Balthazar ronflait, enlaçant la bosse devant lui, et il n'était pas le seul. La chaleur suffocante n'aidait pas à garder l'esprit clair.
Théo réalisa peu à peu que leur voyage touchait à sa fin. Une fois qu'ils auraient touché à leur objectif, il ne leur resterait plus qu'à rentrer. Son cœur se serra. Il savait que Grunlek repartirait vers sa montagne, il n'avait pas le choix. Mais les autres ? Il espérait que Shin veuille toujours voyager. Ce serait comme au bon vieux temps, lorsqu'il n'y avait que Balthazar et lui sur la route, l'inquisiteur et son premier démon capturé. Il soupira. Il n'avait pas envie que ça s'arrête. Pas comme ça.
Alors que son esprit divaguait, un point noir à l'horizon attira son attention. Puis un deuxième. Il crut d'abord à un mirage, mais plus les secondes passaient, plus les points noirs augmentaient et se rapprochaient. Il se retourna vers Mictian, toujours éveillé, qui semblait avoir lui aussi ralenti l'allure. Tesla se redressa sur son chameau et lança un sort. Devant eux, une espèce de loupe magique leur permit de voir ce qui avançait vers eux.
Des démons. Des centaines de démons convergeaient vers eux, et ils n'avaient nulle part où se cacher pour les éviter. Théo prit une inspiration, puis souffla. Le désert avait tranché : la traversée se ferait au prix de la vie de l'armée d'Enoch... ou de la leur.
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