CHAPITRE 58
Bonjour ! Nouveau chapitre de Silverberg :D On plonge dans l'avant-dernière partie de ce gros texte qui va nous emmener dans des sphères un peu plus horrifiques et sombres :3 Et du drama, parce que ce n'est pas drôle sinon !
CHAPITRE 58
Théo somnolait, bercé par les crépitements du feu. L'eau, la marche dans la boue étaient venue à bout de sa force. Il avait perdu toute notion de temps, et ne savait plus vraiment depuis combien d'heures il veillait sur Balthazar et Tesla. L'archimage se portait mieux. Sa fièvre avait baissé et elle semblait plus apaisée. Balthazar profitait de la présence du paladin pour récupérer, roulé en boule tout près du feu. Théo en aurait fait de même s'il n'avait pas craint que quelque chose lui bondisse dessus à la seconde où il fermerait les yeux.
Des pas non loin lui firent redresser la tête. Il posa une main sur son épée, à terre, juste à côté de lui, mais la relâcha en apercevant le capuchon bleu marine de Shinddha. L'archer se fraya un chemin dans les fourrés, le cheval de Théo sur les talons. Cyrielle le montait, et lui adressa un faible sourire. Elle avait déjà meilleure mine. Grunlek fermait la marche et soutenait Mictian, une partie du visage en sang.
"Désolé du retard, dit le demi-élémentaire d'eau en aidant Cyrielle à descendre. On est tombé sur le demi-frère de Bob sur la route, en train de se faire attaquer par une sale bestiole.
— Il est blessé ? demanda Théo.
— Il allait bien avant que Shin ne rate la grosse bestiole et lui envoie un caillou dans la tête, râla Grunlek.
— J'ai dit que j'étais désolé ! Tu comptes me le reprocher encore longtemps comme ça ?
— Je ne sais pas, c'était quand la dernière fois que tu as réussi à tirer correctement sur quelque chose ? On en parle de Frantz ?
— Alors ça, c'est juste mesquin, bouda l'archer."
Il se laissa tomber à côté du feu, les joues gonflées comme celles d'un hamster et les bras croisés. Grunlek posa un doigt sur sa joue et appuya pour le forcer à relâcher l'air. Shin tomba dramatiquement sur le côté et resta couché au sol, sur les jambes de Balthazar qui le couvrit défensivement de ses bras pour le « protéger » du nain. Les aventuriers rirent nerveusement, ce qui eut au moins pour effet de détendre un peu l'atmosphère pesante qui avait suivi l'attaque des araignées. Malgré tout ce qui s'était passé, ils étaient tous vivants, et pour la majorité, en bon état.
Théo s'occupa rapidement de Mictian. Un simple sort de soin et un peu de sommeil suffit à le remettre sur pieds. Grunlek s'occupa un peu plus du bras de Cyrielle. Il avait confectionné un plâtre maison à partir de vieilles briques dénichées dans un coin de la forêt. C'était bon signe. Les briques signifiaient que des constructions humaines ou en tout cas, de créatures intelligentes, étaient passées par là. Peut-être auraient-ils encore l'occasion de se poser avant d'atteindre le désert.
Mais d'ici-là, le cas de Tesla restait le plus préoccupant. Même si la fièvre avait baissé, l'archimage ne s'était toujours pas réveillée. Elle avait l'air plus paisible, mais aussi plus pâle, ce qui inquiétait le paladin. Cela lui rappelait de mauvais souvenirs du début de leur aventure, où il avait accidentellement tué cette druidesse en criant trop fort. Il n'aimait pas savoir la vie de personnes importantes entre ses mains, d'une manière ou d'une autre, cela finissait mal. De plus, tuer une druidesse recluse dans la forêt par accident était une chose, mais là, on parlait d'une archimage dont la renommée dépassait les frontières du Cratère. Si elle mourait, ils auraient non seulement l'Académie des Mages sur le dos, mais aussi certainement tous les érudits de la région. Ce ne serait pas bon pour leur réputation déjà jugée problématique par de nombreuses personnes.
Et puis, même s'il ne l'avouerait jamais, Théo l'aimait bien. Elle avait un caractère franchement imbuvable et la grosse tête, mais elle était l'une des rares à ne jamais leur avoir tourné le dos lors des périodes de grosses crises, comme à Castelblanc. C'était une femme de parole, et l'honnêteté était un trait trop rare ici-bas pour être gâché par une stupide infection.
"Je vais l'examiner, annonça Grunlek à côté de lui. Qu'est-ce que vous avez fait jusqu'à présent ?
— Plusieurs sorts de soin, et Balthazar a mis des plantes dessus pour faire désenfler. Elle avait de la fièvre, elle n'en a plus, mais ça n'a toujours pas l'air de s'améliorer.
— C'est vrai qu'elle a l'air un peu pâle. Qu'est-ce qui l'a attaquée ?"
Théo réfléchit un moment, cherchant à remettre des images sur ce qu'il avait vu dans la forêt la veille.
"Si c'est la même chose qui a bouffé son cheval, c'était un poulet-lézard géant.
— Une cocatrix ? demanda Balthazar.
— Non, sa tête était plus longue. Comme un dragon, mais en petit. Et avec seulement deux pattes.
— Une wyvern, grogna le mage. Et tu ne pouvais pas le dire avant ?
— Tu ne l'as pas demandé, s'offusqua le paladin. En quoi c'est important ?
— Les wyverns sont venimeuses, expliqua Balthazar. Mais par chance, je sais comment faire l'antipoison. Laissez-moi dix minutes et je vous fais ça. C'est simple à faire.
— Simple simple ou simple comme tirer une boule de feu droit devant toi, manquer la cible et incendier la forêt ?
— Eh, au moins, si c'est la forêt, ce n'est pas le nain.
— Ça ne répond pas à ma question, mais soit. Dépêche-toi."
Il hocha la tête et partit fouiller son sac. Théo ne comprit pas vraiment ce qu'il fit. De son point de vue, il jetait de l'herbe et des feuilles dans un pot au-dessus du feu, et tapait dedans pour faire de la fumée rose. La magie était si obscure parfois. Ou peut-être n'y connaissait-il simplement rien. Quoi qu'il en fût, après dix minutes, il réussit comme prévu à en sortir quelque chose et lui faire boire. Cela ne réveilla pas l'archimage pour autant.
Après une heure à poireauter, Théo décida d'aller faire un tour pour surveiller les alentours et chasser avec Shinddha. Il fallait mieux rester prudent, et tous les deux commençaient à s'ennuyer ferme. Ils proposèrent à Mictian de les accompagner, mais le demi-frère de Balthazar avait eu sa dose d'aventure pour un bon moment et préféra garder le camp avec Grunlek, Bob et Cyrielle. À défaut, ce fut Triste Pin qui les accompagna. Cela n'enchanta pas spécialement le paladin, mais il ne trouva pas de raison pour l'en dissuader malgré la vitesse à laquelle son cerveau chercha une excuse.
Ils s'éloignèrent à pied et s'enfoncèrent rapidement dans l'étendue verte et humide. Cette partie du Cratère semblait inhabitée et devait donc regorger de grand gibier. L'archer paraissait très excité à l'idée de chasser quelque chose de grand et dangereux, ce qui n'était pas franchement le cas du paladin. Et puis, qui savait ce qui était venimeux ou non ici. Ils avaient évité un nouveau ragoût d'araignée, ce n'était pas pour mourir empoisonné avec quelque chose d'autre. S'ils devaient ramener quelque chose, ce serait des lapins, des perdrix ou un cochon sauvage. Il ne toucherait à rien d'autre.
Alors qu'ils progressaient toujours plus loin, des petits bruits de pas accoururent bientôt devant eux, affolés. Triste Pin sauta sur la jambe de Théo et s'y accrocha à califourchon.
"Maître Théo ! Triste Pin a vu... Triste Pin a vu quelque chose d'horrible !
— Lâche-moi, grogna le guerrier en secouant sa jambe. Qu'est-ce que tu as vu ?
— J'étais en train de manger un délicieux repas, sans doute les déjections d'un ours ou d'un tigre à dents de sapin, mais il y en avait trop peu, alors j'ai commencé à chercher et...
— Abrège !
— Il y avait plein de mouches, et je me suis dit que c'était peut-être une crotte d'éléphant, mais non, c'était pire que ça ! C'était un cadavre ! Un cadavre humain, j'entends.
— Probablement un glandu qui s'est fait bouffer, pas de quoi en faire un drame.
— Non ! Maître Théo, vous devez aller voir ! Il n'y en avait pas qu'un ! Il y en avait des dizaines ! Il y a quelque chose de très bizarre. Ils sentent la magie. La magie noire, comme celle de maître Balthazar."
Théo et Shinddha échangèrent un regard inquiet. D'un signe de tête, le paladin lui fit signe d'ouvrir la voix. Triste Pin descendit et les entraîna derrière lui à travers les bois. Plus ils approchèrent de la scène et moins ils avaient envie d'y aller. L'odeur de décomposition les frappa bien avant de voir les corps. Le lutin avait raison cependant, il y avait une autre odeur qui les accompagnait. Il n'aurait su la décrire, mais les instincts qu'il avait hérité de Balthazar s'excitèrent tous à la fois, lui donnant un vilain mal de crâne.
Lorsqu'ils débouchèrent sur l'endroit découvert par Triste Pin, ce qu'ils virent dépassa tout ce qu'ils avaient pu imaginer : dans les ruines d'un village primitif, une épaisse couche de cadavres recouvrait tout. Théo en dénombra une centaine et s'arrêta-là, incapable de regarder plus longtemps. Il s'agissait d'elfes, sans doute une espèce sauvage qui vivait ici. Leur peau était de couleur plus sombre que celle de Mani et ils avaient des dents pointues, comme si elles avaient été taillées.
"Vu leur expression, ce qui a fait ça les a pris par surprise, dit Shinddha, plus loin. Certains corps sont méconnaissables, ça ne peut pas avoir été fait par des humains. Ou par une seule créature, aussi grosse soit-elle. Mais ce n'est pas tout. Tu vois leurs colliers ?
— Oui, répondit Théo. Il y en a de différentes formes et couleurs.
— Je connais ces signes. Ce sont des signes de vénérations d'anciennes divinités, le genre qu'on priait à mon époque. Plusieurs de ces signes ne collent pas, parce qu'ils correspondent à des dieux similaires mais qui n'ont pas le même nom, parce qu'ils sont dans deux régions différentes du Cratère. Il n'y a pas qu'une seule tribu. Je dirais quatre ou cinq. Soit ils s'étaient réunis pour une raison ou une autre, soit...
— Soit quelqu'un les a amenés ici, comprit Théo. Mais pourquoi faire ? Qui aurait besoin d'autant de cadavres ?
— Je ne sais pas, mais certains sont plus récents que d'autres. Ceux les plus en dessous sont là depuis trois semaines, je dirais. Ceux les plus en haut... Quelques heures, tout au plus. Peut-être moins, regarde, certains saignent encore."
Un frisson remonta le long de l'échine de Théo. Ce n'était pas bon signe. Il prit sur lui et avança vers les restes de cabanes. Il n'y avait pas de porte, et le toit semblait avoir été arraché. Comme partout, des cadavres y étaient empilés entre les différents objets. Théo fouilla les tiroirs, observa attentivement les cadres, mais rien ne lui importa d'information sur ce qui avait vécu ici. Un cri les fit sursauter. Shin attrapa Triste Pin et courut rejoindre Théo dans la cabane, juste à temps. Ils se cachèrent dans une armoire et attendirent.
Les corps commencèrent à pleuvoir du ciel après seulement quelques secondes. Plusieurs s'écrasèrent devant leur cachette dans un bruit spongieux caractéristique. Théo entrouvrit l'armoire pour avoir une vue sur ce qui les survolait. Ailes rouges, griffes longues, formes humaines. Il n'avait pas besoin d'en voir plus.
"Ce sont des démons, chuchota-t-il à Shin. Une cinquantaine, sans doute des sbires d'Enoch.
— Mais qu'est-ce qu'ils font ici ? On est en plein milieu de nulle part !"
Comme pour répondre à leurs questions, un homme s'avança au milieu du charnier, dans une robe bleu-nuit. Théo creusa dans sa tête pour repérer à quelle école de magie il appartenait. Il avait déjà vu ce capuchon dans un livre de Balthazar, il en était certain. Malheureusement, quand il s'en souvint, il était trop tard.
Le mage-nécromancien qu'ils avaient sous les yeux avait commencé à incanter.
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