CHAPITRE 56

Bonjour à tous ! Joyeuses fêtes de fin d'année ! On se retrouve pour le dernier chapitre de 2020 avec de l'action et pas mal de problèmes pour nos aventuriers.

CHAPITRE 56

Les sabots des chevaux martelaient le sol, soulevant un grand nuage de poussière. Ils allaient aussi vite qu'ils le pouvaient, mais l'endurance naturelle de certaines bêtes arrivait à ses limites. Ils avaient déjà perdu le poney de Grunlek, secouru in extremis par Shinddha, et la masse noire continuait de se rapprocher, inexorablement. L'étalon de Théo et la jument de Cyrielle, entraînés pour la guerre, tenaient le rythme, secondés par l'invocation magique de Balthazar qui n'avait pas vraiment besoin de reprendre son souffle. Les autres traînaient de la patte, en particulier les palefrois de Tesla et de Shinddha. Le poids du nain ralentissait forcément l'allure de l'animal, tandis que celui de Tesla, chargé comme un baudet et légèrement enrobé, peinait à garder le rythme. La magicienne le rouait de coup de pieds dans les côtes, sans grande amélioration. S'ils voulaient s'en tirer, ils allaient devoir improviser et vite.

"Bob, lance une boule de feu dans le tas !

— Quoi ? Mais ils sont tous derrière ! Et puis t'as vu combien il y en a ?

— Tu vois autre chose à faire ?"

Le mage grogna et pivota sur sa monture. Il décrocha son bâton de la selle tant bien que mal et le braqua derrière lui. Instinctivement, ses compagnons s'écartèrent du chemin. Balthazar fut légèrement vexé du manque de confiance évident qu'ils avaient en lui. Mais peut-être... Peut-être valait-il mieux, en fin de compte. Il gonfla une énorme boule de feu au bout de son bâton, mais son démon, fatigué des derniers jours, décida de "l'aider" un peu en la transformant en véritable météorite. Paniqué et incapable de la tenir plus longtemps, Balthazar ferma les yeux et la jeta droit devant lui. La boule explosa au sol, créant un gigantesque mur de flammes entre les chevaux et les araignées. Effrayé par l'explosion, les chevaux de Shinddha et Tesla paniquèrent. Celui de l'archimage rua, l'envoyant au sol, avant de continuer sa route. La monture de Shinddha accéléra simplement la cadence, mais l'archer n'avait plus aucun contrôle sur elle. Théo, habitué à manœuvrer dans les scènes de conflits, réussit à faire demi-tour pour récupérer Tesla.

Le feu ralentit temporairement l'avancée des créatures, mais elles trouvèrent vite un moyen de le contourner pour reprendre la course. Balthazar, paniqué, essayait tant bien que mal d'empêcher la pousse de ses cornes alors que ses mains continuaient de cracher du feu de manière incontrôlable. Cyrielle tenta de lui venir en aide, pour au moins garder sa monture sur le bon chemin, mais le mage manqua de mettre le feu à son cheval en se retournant, surpris. Il s'excusa d'une voix grave, mais au froncement de sourcils de la jeune femme, il comprit rapidement qu'il s'exprimait désormais en démonique et qu'il valait mieux qu'il se taise.

"Là ! Un ravin ! hurla Shinddha. Je sens de l'eau en bas ! Sautez, je vais amortir notre chute !

— Hein ? hurla Théo. On va pas sauter dans le vide, t'as complètement perdu la tête !

— On n'a pas le choix ! cria Cyrielle. Si on tourne, c'est un cul-de-sac !

— Vous faites tous chier ! hurla le paladin."

Les chevaux tentèrent de ralentir à l'approche du vide, mais la panique et la peur de se faire dévorer l'emporta et ils se jetèrent dans le vide. Les aventuriers hurlèrent à gorge déployée alors qu'ils chutaient inexorablement. Les yeux de Shinddha brillèrent et soudait, l'eau de la rivière s'éleva vers eux, les emportant tous vers le sol de manière moins abrupte. L'atterrissage fut rude, comme un plongeon d'une hauteur élevée. L'armure de Théo s'écrasa violemment jusqu'au fond de la rivière. Il agita les mains pour atteindre la surface, mais le courant, trop fort, ne cessait de le repousser.

Il essaya de ne pas céder à la panique et pris appui sur un gros rocher. Il put prendre une goulée d'air pendant quelques secondes avant d'être poussé de nouveau dans le courant. Il ne voyait rien, n'entendait rien, et avait la forte impression de n'être qu'un caillou traîné par l'eau. Ses mains tentèrent d'agripper en vain la terre, et puis le sol s'ouvrit sous ses pieds. L'air lui brûla la gorge avant qu'il ne réalise qu'il était en chute libre dans une cascade gigantesque. A cette hauteur, il n'y avait qu'une issue : la mort. Paniqué, il tenta de faire appel à sa forme élémentaire, mais une masse énorme lui tomba sur le dos, l'entraînant dans la chute. Il frappa la surface de l'eau avec force et perdit connaissance.

**********

L'eau fraîche sur son visage le ramena doucement à la réalité. Théo ouvrit un oeil et poussa un grognement. Il tenta de s'appuyer sur un coude pour se redresser, mais toute force semblait l'avoir abandonné. Il toussa difficilement et recracha un peu d'eau de ses poumons. Dans un immense effort, il prit appui contre un rocher glissant et s'appuya contre lui pour se redresser, haletant. Il était encerclé par une forêt claire, trempé et complètement frigorifié. Ses bras et ses jambes tremblaient, sans qu'il ne sache de s'il s'agissait d'un contre-coup de l'adrénaline ou du froid.

"Putain de merde, jura-t-il en se remettant sur ses jambes. Conneries d'araignées, connerie de mage raté, connerie de mission suicide..."

Il regarda autour de lui. Il n'avait pas la moindre idée d'où il se trouvait. Il ne connaissait pas cette partie du Cratère et il ne savait pas à quoi s'attendre. Son instinct de paladin reprit vite le dessus pour rationaliser la situation. Il devait retrouver les autres, les chevaux, leurs vivres. Ça, c'était rationnel. Il ne pouvait pas céder à la panique. Avec un peu de chance, il était le seul à avoir dérivé et ils étaient déjà à sa recherche.

Une masse attira son regard, plus loin dans les fourrés. Il s'approcha lentement, sur ses gardes, avant de déchanter. Le cheval de Tesla gisait dans les fourrés, à moitié dévoré, le regard vide. Théo prit sur lui et s'accroupit. Pelage mouillé, jambes intactes, ce n'était pas la chute qui l'avait tué, mais plutôt la créature qui l'avait mordu à la jugulaire, à en juger aux crocs. Ou plutôt les créatures, devina-t-il aux autres marques sur les jambes de l'animal. La mort était récente, une ou deux heures à peine. Il était sûr d'une chose : ça chassait en meute, mais ce n'était pas des loups. Il avait déjà vu des morsures de loups, ça ne ressemblait pas à ça, et la meute ne laisserait jamais une carcasse encore pleine derrière elle.

Un sifflement aigu le figea sur place. Il fit volte-face.

"Oh... merde."

Un draconnide de trois mètres de haut le regardait, ses deux petits cachés derrière lui. Une wyvern, jugea-t-il à l'absence des deux pattes avant qui caractérisaient les dragons. L'immense lézard n'était pas content du tout. Il cracha comme un gros chat en colère et fit un pas en avant, clairement pour l'impressionner. C'était une bonne chose. Si elle n'attaquait pas, elle avait peur de lui. Théo décida de ne pas tenter sa chance. Il saisit au vol des pochettes et un sac encore intact et recula lentement. La bête le suivit du regard mais se désintéressa rapidement de lui. C'était le cheval qui l'intéressait, par chance.

Théo regagna la rivière et décida de la remonter, dans l'espoir de tomber sur quelqu'un qui avait eu la même idée que lui. Quelle catastrophe. Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait séparé des autres lors d'un voyage, mais cela n'était encore jamais arrivé de manière aussi brutale. A mesure qu'il avançait, il commençait à angoisser. Son armure avait amorti une grande partie du choc, et même avec, il se demandait s'il n'avait pas une ou deux côtes cassées. Mais les autres ? Ils n'en avaient pas. A cette hauteur, comment auraient-ils pu survivre ? La chute devait bien faire quinze mètres de haut !

Son regard s'arrêta sur une empreinte de pied après une trentaine de minutes de marche. La piste était fraîche, mais hésitante, et provenait de la rivière. Elle remontait le courant. Quelqu'un avait eu la même idée que lui. Il suivit la piste pendant près d'une heure avant que les empreintes ne deviennent plus fébriles. La personne boitait, et la situation ne s'arrangeait pas. Et finalement, il trouva enfin Cyrielle, affalée sur le sol, inconsciente. Théo courut vers elle et la souleva délicatement. La jeune femme était dans un piteux état. Son bras était brisé net et laissait dépasser l'os. Elle avait visiblement tenté de le remettre en place, mais sans succès. Instinctivement, Théo plaça ses mains pour la soigner avant de se raviser. Il ne le pouvait plus à cause de son pacte de sang. Frustré, il décida néanmoins d'aller la mettre en sécurité, un peu plus loin. Il alluma un feu pour la réchauffer et fouilla dans le sac de Tesla. Il y trouva de quoi faire un bandage suffisamment solide, et puisa dans sa mémoire pour se rappeler de la manière de remettre un os en place. Deux heures plus tard, son bras était entièrement bandé et il était plutôt fier de lui. La jeune femme ne s'était pas réveillée, mais Théo ne s'en inquiétait pas pour autant. Après l'effort qu'avaient demandé la fuite et ce plongeon forcé après la froideur des montagnes naines, elle devait être exténuée. Lui aussi l'était.

Il se sentait un peu coupable, également. Il était censé veiller sur elle, et elle venait de manquer de mourir par sa faute. Encore une fois. Il n'était pas un très bon mentor. Mais l'apitoiement attendrait. Il se débarrassa de son armure et la mit elle aussi à sécher près du feu. En attendant le réveil de Cyrielle, il débusqua deux gros lapins d'un terrier. La chasse à l'épée avait quelque chose de barbare, mais s'ils voulaient survivre quelques jours, elle était nécessaire. Shinddha et Grunlek auraient hurlé en voyant comment il avait saccagé la viande. Il retira la peau, les planta sur un pic et les mit à rôtir au-dessus des flammes. L'odeur alléchante tira finalement Cyrielle de son sommeil.

La jeune l'observa un moment, un peu perdue, avant de souffler de soulagement. Elle s'appuya sur son bras valide pour se relever et se rapprocha un peu du feu.

"Je suis désolée, dit-elle d'une voix chevrotante. J'aurais dû continuer à marcher, mais je me suis endormie.

— C'est normal, l'eau et le froid font rarement bon ménage. Je ne suis pas en forme non plus. Repose-toi. On repartira demain matin.

— Mais... Et les autres ?

— Je ne sais pas où ils sont. Mais il va faire nuit bientôt, et ils sont sur la route depuis assez longtemps pour savoir que ça ne sert à rien d'errer dans le noir tout seul. Je suis sûr qu'ils vont bien."

C'était un gros mensonge, et elle le décela elle aussi. Théo décrocha un des lapins et lui tendit. Il était un peu trop cuit, mais il avait fait ce qu'il avait pu. Il n'avait pas exactement le talent de Grunlek pour la cuisine. Ils mangèrent en discutant à voix basse des recettes du nain avant qu'un craquement de branche ne les alerte. Le dit-nain se trouvait-là, la barbe et les cheveux ébouriffés, accompagné de Shinddha et de l'étalon de Théo, sur lequel Triste Pin, plus triste que jamais, somnolait.

"Elle a quoi ma cuisine ? grogna Grunlek.

— Messire Grunlek ! Shin ! s'exclama Cyrielle. Vous allez bien ?

— Un peu... mouillé, répondit l'archer en s'effondrant à côté du feu dans un "spoush spoush" peu gracieux.

— On était installé plus loin et on a vu du feu, expliqua Grunlek. Je suis content de voir que vous allez bien. On a perdu notre cheval, mais on a trouvé le tiens en route. Des nouvelles de Balthazar, Tesla et Mictian ?

— Non, répondit Théo. On ne les a pas croisés.

— J'espère qu'ils ont trouvé un abri pour la nuit..."

Le nain s'installa à côté de Cyrielle, et machinalement, se mit à inspecter son bras. Le reste de la soirée se fit plus calmement. Après avoir donné une potion contre la douleur à la jeune femme, tout le monde décida d'aller se coucher. Grunlek, Théo et Shinddha décidèrent de veiller à tour de rôle sur leur petit camp, au cas où quelqu'un viendrait, mais au petit matin, rien de nouveau.

Grunlek, qui avait pris le dernier tour de garde, décida de rester au camp avec Cyrielle. Shinddha et Théo partirent eux dès le petit matin à la recherche des autres. Avec un peu de chance, ils tomberaient sur eux bientôt. Ils l'espéraient, en tout cas.

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