CHAPITRE 54
Coucou ! Après beaucoup d'attente, encore désolée pour ça, voici la suite des aventures de nos aventuriers. Dernier chapitre à Fort d'Acier !
CHAPITRE 54
Pour une fois, Théo avait bien dormi. C'était assez étonnant étant donné qu'à cause de la perte tragique de son lit, il avait dû se contenter du matelas et des couvertures. Il faisait toujours sombre sous la montagne, mais l'éclairage artificiel lui apprit que midi était passé. Il redressa la tête pour tenter d'apercevoir Balthazar, mais le demi-diable avait déjà quitté la pièce. Ça aussi, c'était étonnant. Habituellement, il ne rechignait jamais devant une grasse matinée, fin du monde ou non. La seule raison qui aurait pu le pousser à quitter la chambre plus tôt se trouvait être l'appel du sexe, et il ne le pensait pas adepte du style nain, quand bien même son choix de conquêtes était large d'ordinaire. Combien de fois s'était-il réveillé avec une femme qu'il ne connaissait pas dans le lit qu'ils partageaient dans les auberges ? A croire qu'il savait que le paladin avait d'habitude le sommeil profond et qu'il en profitait. Un frisson de dégoût remonta le long de son dos. Il avait déjà du mal avec la sexualité, mais le côté libertin de son ami le dérangeait plus que tout.
Il prit quelques secondes pour s'étirer avant de se lever et d'attraper une chemise propre parmi celles qui n'avaient pas été détruites la veille. Un papier était accroché sur la porte. Il s'en approcha et plissa les yeux pour décrypter l'écriture catastrophique de Balthazar.
Parti avec Tesla et Grun' voir la bestiole. La gamine est avec nous. Réveille Shin. - B
Cela expliquait mieux son absence. L'archimage n'avait aucun respect pour les douze heures de sommeil minimum de son apprenti. La dernière partie du message le fit sourire. Il n'y avait pas que Balthazar qui avait le sommeil lourd. Il quitta la pièce sans un bruit et se dirigea d'un pas lourd vers les chambres du fond. Il entra sans frapper dans celle occupée par Shin et Grunlek. L'archer devait dormir avec Mictian à la base, mais sa timidité l'avait poussé dans les appartements du roi où il s'était tout de suite senti plus à l'aise. Comme d'habitude, la partie de Grunlek était propre, soignée et bien organisée. Le nain était comme un petit grand-père, avec sa routine et des choses à faire dans l'ordre. Même absent, il remarqua qu'il avait aligné ses produits de toilette sur son lit, sans doute pour quand il en aurait terminé.
On ne pouvait pas franchement en dire autant de Shin. Allongé en étoile dans son lit, dans le mauvais sens, ses fesses et la couverture largement au sol. Cela ne le dérangeait manifestement pas puisqu'il ronflait toujours aussi fort. Théo ne pensait plus revoir ça un jour. Il ne croyait toujours pas au retour de son ami malgré toute la volonté qu'il y mettait. Derrière le demi-élémentaire, une autre forme bougeait, plus imposante. Eden releva la tête pour observer Théo quelques instants avant de se recoucher comme si de rien était. La louve aussi semblait heureuse de l'avoir retrouvé. Elle poussa un soupir d'aise et s'enfonça dans le matelas plus confortablement.
Théo resta un moment à le contempler avant de se décider à accomplir ce pourquoi il était là en premier lieu.
"Shin, il est l'heure."
Le demi-élémentaire ne bougea pas d'un pouce, son filet de bave toujours au coin des lèvres. Le paladin poussa un soupir. Bien sûr que ça ne suffisait pas. Comme Balthazar, tant que tu ne le jetais pas dans la neige, il ne bougeait pas. Dans un soupir, il s'accroupit à côté de lui et le secoua un peu. Le demi-élémentaire grogna et repoussa sa main. Il se retourna et agrippa les fesses d'Eden qui, mécontente, donna un grand coup de patte dans son visage pour se libérer. Cela eut le mérite de sortir la reine des neiges de son sommeil. Shin posa ses deux mains sur son nez en gémissant de douleur et roula sur le ventre.
"Saleté de clebs ! l'entendit-il grogner de manière étouffée."
Les cheveux en bataille, le demi-élémentaire finit par se redresser. Il regarda autour de lui avant de poser un regard encore ensommeillé sur Théo, complètement perdu. Au lever, il ressemblait vraiment aux sauvages qui composaient son peuple il y avait longtemps songea Théo. Shinddha n'aimait pas son apparence et faisait tout pour se cacher. Il était si rare de voir son visage que les longs mois sans lui avaient presque faits oublié son visage au paladin. Le guerrier resta un long moment à l'observer les bras ballants, sans trop savoir quoi faire de plus.
"Il est déjà tard, remarqua l'archer. Ils sont où les autres ?
— En bas, répondit-il mécaniquement. Ils analysent le truc d'hier apparemment.
— Oh. Je... Je vais m'habiller alors."
Il attrapa sa veste. Elle dégoulina d'un liquide jaunâtre sur le sol. Shinddha fronça les sourcils et fit volte-face vers Eden. La louve se leva, s'étira en baillant aux corneilles et quitta la pièce sans un regard pour lui par la trappe de la porte spécialement installée à son intention. Le demi-élémentaire poussa un soupir.
"Un jour, je vais l'étrangler dans son sommeil, c'est une promesse. Je vais faire sécher mes affaires, je vous rejoins en bas.
— D'accord, répondit simplement Théo en tournant les talons."
Il aurait voulu parler plus, essayer de dissiper le malaise qui s'était installé entre eux ces derniers jours, mais il n'en avait pas le courage. C'était plus fort que lui. A chaque fois qu'il avait l'occasion de laisser parler ses émotions, il bloquait. Il n'y avait bien que Balthazar pour réussir à lui faire cracher ce qu'il avait dans la tête. Le demi-diable avait bien des défauts, mais pour ça, il était plutôt doué.
Pensif, le paladin descendit les marches qui menait à la salle du conseil. Même si elle gardait des traces de l'attaque, celle-ci avait retrouvé son activité habituelle. La plupart des conseillers étaient de retour à leur place ou trainaient près du buffet. L'arrivée du paladin lui valut plusieurs regards mauvais. Les nains ne disaient rien parce que le roi était présent, mais leurs visages fermés parlaient pour eux. Peu sensible à leur sale caractère, Théo se fraya un chemin jusqu'au buffet et enfourna un croissant dans sa bouche sans prendre d'assiette, ce qui outra plusieurs des nobles autour de lui. Il poursuivit sa route vers le centre de la pièce. Balthazar et Mictian étaient accroupis de chaque côté de la bulle magique, un poteau étrange et lourd qu'ils tenaient droits dans leurs mains. Tesla avait les mains tendues devant elle, de fines particules bleues au bout des doigts et l'air concentré. Cyrielle prenait des notes. Quant à Grunlek, il se tenait l'air bête sur le côté, les bras le long du corps. Le nain parut extrêmement soulagé de voir arriver son ami.
"Qu'est-ce qu'ils font ? demanda le guerrier.
— Je n'en ai pas la moindre idée. Elle aboie juste des ordres depuis deux heures et Bob et Mictian s'exécutent sans questionner. Tu as bien dormi ? Tu as l'air en meilleure forme ?
— Ca va, confessa-t-il avec un demi-sourire. Shin est debout. Il nous rejoint après, Eden a pissé sur ses fringues.
— Il lui a sans doute manqué, gloussa-t-il."
Dans la cage magique, la créature d'Enoch continuait de s'agiter furieusement. L'amas de slime allait d'un bord à l'autre, faisant vibrer le sort à chaque fois un peu plus. Le paladin l'observa faire un moment avant de décider d'allers s'asseoir sur les marches à côté du trône. Grunlek le rejoignit, puis Eden, qui avait de toute évidencé fait un tour dans les cuisines pour récupérer quelques saucisses. Grunlek la gratta entre les deux oreilles distraitement.
"D'après Balthazar, on va pouvoir se remettre en route dans l'après-midi, lui apprit-il. J'espère que l'on va bientôt toucher au but. Je n'aime pas cette constante incertitude.
— J'espère aussi. Une fois que Balthazar sera sauvé, il restera à retrouver les Codex, encore une fois. Et après, on sera bon pour quelques mois de repos.
— Ah, comme j'aimerais me reposer, rit Grunlek. Mais comme tu peux le voir, dit-il en pointant les conseillers éparpillés dans la salle, certains ne sont pas de cet avis."
La bête émit un grognement inquiétant qui fit vibrer le sol. Théo se releva et porta instinctivement une main à sa ceinture, oubliant presque que son épée n'y était pas. Il grommela et lança un regard interrogateur à Balthazar. Le mage tapa deux fois son front de sa main valide. Pendant un moment, Théo le dévisagea en se demandant ce qu'il voulait, avant de finalement saisir qu'il voulait ouvrir une connexion mentale. Il hocha la tête et le mage ferma brièvement les yeux.
Une chaleur étrange s'insinua dans l'esprit de Théo, de plus en plus forte, jusqu'à devenir insupportable. Il fut contraint de se rasseoir en grognant et se frotter les tempes jusqu'à ce que la douleur disparaisse. Au regard que le mage posa sur lui, ce n'était clairement pas normal. Le mage ouvrit la bouche et dit quelque chose à voix haute, mais Théo ne l'entendit pas. Sourcils froncés, il essaya de se concentrer sur ses mots, mais c'était comme s'il se trouvait dans une pièce insonorisée. Il bondit quand une main se posa sur son bras. Grunlek le regardait avec inquiétude. Lui aussi lui parlait, mais il ne comprenait pas.
"Déroutant, n'est-ce-pas ? susurra une voix grave dans sa tête, le faisant sursauter. C'est une des nombreuses choses que je peux faire à travers notre nouveau lien, petit paladin."
Autour de lui, tout devint noir, jusqu'à ce qu'il se retrouve seul dans l'obscurité devant Balthazar, allongé dans un fauteuil, un verre de vin à la main d'un rouge un peu trop profond pour être net. A bien le regarder, quelque chose n'allait pas avec le mage. Son sourire était trop crispé, trop froid pour appartenir à son ami.
"Tu comprends vite, se moqua-t-il.
— Tu es le démon de Bob, grogna Théo.
— Ca faisait longtemps, hein ? J'ai profité d'une petite faille ouverte pour venir me présenter. Il est bien gentil, Balthazar, à faire de toi son petit chien et tout ça, mais il oublie un peu trop facilement que ce n'est pas à lui que tu appartiens, mais à moi. Et je t'ai observé ces derniers temps, et je dois dire que niveau fidélité, on a clairement vu mieux."
Théo fronça les sourcils.
"Quoi ? Tu croyais que je n'avais pas remarqué tes petites échappées sauvages avec mon cher papa ? Mais dis-moi, petit esclave, à qui obéis-tu vraiment ? A lui ou à moi ?
— Quoi, tu vas me faire une crise de jalousie là ? On en a déjà parlé quand on s'est retrouvé à deux dans la caboche de l'autre idiot : je ne veux pas collaborer avec toi.
— Oh vraiment ? A genoux."
Les genoux du paladin ployèrent immédiatement et il se retrouva accroupi devant lui. Le démon éclata de rire.
"Pas étonnant qu'il arrive à te manipuler aussi facilement. Tu n'as vraiment aucune résistance mentale ? Je dois vraiment tout faire moi-même. Ce n'est pas contre toi, mais je préfère qu'Enoch ne s'aventure pas sur mon territoire et s'approprie mes larbins.
— Quoi ? T'es en train de m'aider là ?
— T'aider ? Bien sûr que non. Vois ça comme... Un collier avec ton nom pour que les autres sachent à qui tu appartiens. Je n'aime pas qu'on tente de s'approprier mes jouets. Encore plus alors que ça ne fait que quelques jours que je t'ai et que je n'ai pas encore pu voir tout ce que je peux faire de toi. Mais tu sais comment cela fonctionne, Balthazar n'aime pas vraiment partager sa tête. Je me glisse là où je peux. Vois ça comme un paiement pour nous avoir sorti du coma.
— Donc tu m'aides vraiment ?
— Non, grogna le double du mage. Vous les mortels, on vous tend un bonbon et vous mangez le bras tout entier. C'est d'un ennui."
Un long silence suivit sa réplique. Il secoua son verre pour que le liquide se répartisse mieux. Théo regarda autour de lui. Etait-il libre ou cet enquiquineur avait-il encore besoin de lui ?
"Alors comme ça, toi aussi tu aimes le sang ? Je désespérais de voir Balthazar y goûter un jour.
— Hein ? Qu'est-ce que tu baragouines ?
— Oh, c'est vrai, tu ne peux pas voir ce qui se passe, suis-je bête. Pour te résumer la situation, tu viens de sauter au cou de cette casse-couille d'archimage et de la mordre au cou. Balthazar est en train de l'empêcher de te tuer, c'est assez drôle. Pour être honnête, je ne savais pas si je pouvais prendre entièrement le contrôle de ton corps. Mais il se trouve que oui et que c'est encore plus drôle qu'avec Balthazar. Peut-être que je vais rester là un moment, finalement. Au moins, toi, tu acceptes de parler. Lui m'ignore constamment. Quel dommage que tu ne puisses pas te transformer et lancer des flammes, tu aurais fait un bien meilleur réceptacle que ce corps ridicule. Tu sais, je l'ai encouragé à se mettre à la musculation quand il était petit, mais cet idiot s'est cassé le bras lorsque je l'ai forcé à se raccrocher à la branche d'un arbre. Tout ce qu'il sait faire, c'est tirer des flammèches et me blâmer quand ça part en cacahuètes."
"Balthazar" se redressa sur son fauteuil et le dévisagea à la recherche d'une réaction. Toujours à genoux, le paladin patientait. Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait face au double de son ami, et le mage lui avait par ailleurs déjà fait le résumé de ce à quoi il devait s'attendre si ça arrivait : ne pas paniquer et attendre qu'il se lasse. Même si les conseils remontaient du temps où il pouvait encore lancer des éclairs, il les avait gardé précieusement en mémoire pour parer à toute éventualité.
"Tu as fini ? Je peux y aller ? demanda le paladin.
— Hum... Je ne sais pas. Je m'attendais à ce que ton corps réagisse au sang mais pour l'instant, tu te prends des coups sans réagir comme je le veux, c'est décevant. Tu aurais au moins pu développer des griffes. Enfin bon, je ne vais pas t'abîmer maintenant. Je me retire et te laisse la main. Amuse-toi bien !"
Le paysage s'éclaircit petit à petit, jusqu'à ce qu'il se retrouve de nouveau dans la salle du conseil. Immédiatement, il se sentit mal. Il bascula en arrière, surpris et posa une main sur son crâne. Il était couvert de sang, mais il n'était pas certain que ce soit le sien. Dans la salle, des nains paniqués couraient partout en hurlant au meurtre. Complètement confus, Théo mit du temps à réaliser que la douleur qu'il ressentait au ventre avait la forme d'un poing sur sa peau. Grunlek était en position d'attaque, sur la défensive. Balthazar soignait Tesla, retenue tant bien que mal par Mictian alors qu'elle semblait véritablement furieuse. Du sang coulait de son cou et sur sa robe.
"Th... Théo ? appela doucement Grunlek. C'est bon, tu es revenu à toi ?
— Je... Il s'est passé quoi ?
— On en sait rien ! Tu as attaqué Tesla d'un seul coup ! Eden t'as attrapé au bras, je crois que tu saignes."
Peu à peu, le roi reprit une position normale et s'approcha pour regarder les dégâts. Dès qu'il en eut fini avec Tesla, Balthazar les rejoignit. Théo lui lança un regard noir.
"Quoi ? demanda le mage, les yeux plissés.
— Je sais pas, tu n'as pas remarqué que ton démon s'était barré de ta tête peut-être ? l'aggressa Théo. Comment ça se fait qu'il puisse prendre le contrôle comme ça ?
— Oh... Il a dû s'échapper pendant la connexion mentale. Je n'avais pas réalisé. Il ne t'as rien fait ?
— Oh non, la situation l'amusait même beaucoup si tu veux tout savoir."
Le mage croisa les bras, légèrement coupable.
"Désolé. Je vais trouver une solution. En attendant... C'est mieux si tu ne croises plus Tesla aujourd'hui. Elle est un peu en colère. Tu risques aussi de ressentir une grosse fatigue mentale. Va te reposer avant qu'on reprenne la route. Je termine ici et je te rejoins."
Enfin levé, Shin choisit ce moment pour entrer dans la pièce. Il contempla Théo, les yeux ronds, puis Tesla, hystérique.
"Euh... J'ai raté quelque chose ?"
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