CHAPITRE 52
Coucou ! Avec un chouillas de retard, nous voici pour le chapitre 52 de Silverberg ! J'espère que vous êtes prêts parce qu'on attaque Fort d'Acier... Littéralement. Bonne lecture !
CHAPITRE 52
Les grandes statues à l'entrée de Fort d'Acier avaient beaucoup changé depuis leur départ. Toutes avaient maintenant un seul œil et un bras mécanique. Grunlek rougit fortement aux compliments de ses amis, leur assurant qu'il n'avait jamais demandé à les voir érigées comme ça. Il fallait croire que les nains appréciaient finalement beaucoup leur nouveau roi, malgré son début chaotique et la gestion de crise tendue qui avait suivi le début de son mandat. Balthazar s'extasia une nouvelle fois sur l'entrée aux teintes dorées. Théo, qui voyait la montagne pour la première fois, resta un long moment la tête levée vers les statues, impressionné.
Ils arrêtèrent les chevaux dans l'entrée de la citadelle. Des écuyers vinrent spontanément récupérer les montures et les décharger. Grunlek leur assura que leurs effets seraient livrés au palais avant même qu'ils n'arrivent, comme d'habitude. Thagor et Gargrim étaient-là, eux aussi, patientant à l'entrée de la ville. Ils s'inclinèrent tous les deux devant Grunlek, qui se contenta de leur donner une accolade virile. Accompagnés des deux conseillers, les aventuriers entrèrent en ville.
"Que s'est-il passé pendant mon absence ? s'enquit immédiatement Grunlek.
— Pas grand-chose, votre Majesté, répondit Gargrim. Deux nouveaux accords commerciaux ont été signés avec Lorimar. Nous leur avons autorisé le minage contre dix pourcents des revenus de la compagnie. Un groupe d'elfes s'est présenté la semaine passée pour faire une proposition d'alliance. C'est encore en discussion, mais les choses vont bon train.
— Et en ville ? Thagor ?
— La rénovation de la cité basse se poursuit. Une école a été ouverte, ainsi qu'une église à la foi libre, à la demande des partisans de certaines églises. Le conseil campe sur ses positions et refuse toujours de payer leurs impôts du fait de leur rang, je les ai menacés de leur supprimer leurs privilèges. Il y a aussi eu un accrochage entre marchands et nobles il y a quelques jours à propos de la répartition des habitations et la naissance de la classe bourgeoise, mais nous avons réussi à régler la situation pacifiquement. Des ambassadeurs des montagnes du sud logent actuellement au palais, en prévision de l'anniversaire de notre alliance. Le banquet aura lieu demain et votre présence serait très appréciée.
— J'y serai. Mes amis aussi, considérez-les comme invités d'honneur.
— Bien sûr, votre Majesté."
Il s'inclina et disparut dans une ruelle. Gargrim resta auprès d'eux. Partout autour, des nains sortaient des maisons pour saluer le retour de leur roi, à tel point qu'une véritable foule les accompagna bientôt. Mal à l'aise, Shinddha se rapprocha légèrement de Théo pour profiter de son aura imposante et respirer plus librement. Cyrielle était loin de ces considérations. Une jeune naine venait de lui offrir une fleur et elle s'était arrêtée pour discuter un peu avec elle, accroupie à ses côtés. De leurs côtés, Tesla et Balthazar gardaient la tête haute. L'archimage en particulier, Balthazar ne faisait que l'imiter et il finit d'ailleurs par rater une marche et s'affaler au sol à force de regarder en l'air, sous le soupir dédaigneux de sa supérieure qui lui adressa un regard noir. Quant à Mictian, il marchait à l'arrière, admirant le paysage, Triste Chêne dans son sac-à-dos, un doigt dans le nez.
Théo était moins expressif, ennuyé par la foule plus qu'autre chose. Il avait hâte de rejoindre le palais pour enfin avoir l'occasion de se reposer un peu. La route avait été longue et ils avaient refusé de faire une pause pour arriver plus vite à Fort d'Acier. Il se contentait de marcher auprès de Grunlek et lever un sourcil menaçant quand quelqu'un s'approchait trop près pour tenter de l'aggriper. Cyrielle ne tarda pas à le rejoindre après un dernier sourire à la petite fille, la fleur dans les cheveux.
"J'aime beaucoup votre ville, Messire Grunlek, dit-elle avec le sourire.
— Les choses sont beaucoup mieux maintenant, grimaça-t-il. Les nains commencent à se dérider, mais je peux t'assurer que l'accueil n'était pas le même il y a quelques mois. Je suppose que nous avons bien travaillé. Il y a encore énormément de choses à faire, mais c'est un début.
— Je pensais pas qu'on pouvait caser autant de gens sous une montagne, se moqua gentiment Théo. La dernière fois qu'on s'est trouvé là, c'était face à cette horreur d'homme-araignée à la rapière. Il n'y avait personne. Il n'y a jamais d'accidents ?
— Quelques rares éboulements, répondit Grunlek, mais l'architecture naine est plus solide que celles des hommes. Ceci explique cela.
— Quand j'étais petite, ma maman me racontait souvent des histoires sur Fort d'Acier et ses grands bâtiments, confia Cyrielle. Elle a passé son enfance ici. Des marchands nains l'ont trouvée au bord de la route et l'ont élevée ici. Elle est partie ensuite lorsque ses pouvoirs ont commencé à se manifester, de peur de blesser quelqu'un, raconta-t-elle, amère. J'aurais beaucoup aimé grandir ici.
— Si tu ne sais pas où t'installer une fois ton paladinat en poche, tu sais où me trouver, répondit Grunlek avec un clin d'oeil. Il y a toujours de la place pour les amis ici. Et ça vaut aussi pour toi, Théo."
Le paladin grogna et détourna le regard. Il tenait définitivement à sa proposition de mercenariat. Pourquoi pas pendant un temps, ou les hivers quand ils ne pouvaient pas voyager, mais il avait de plus en plus de mal avec les grandes villes et leur atmosphère étouffante. Peut-être que les années l'avaient rendu frileux comme Shinddha. Après avoir côtoyé le pire de l'humanité pendant des années, il était compliqué de trouver encore une once d'espoir dans les grandes capitales.
Les aventuriers arrivèrent enfin au palais après une longue escalade. Le brouhaha de la foule s'éclaircit peu à peu à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les épais murs des fortifications. Des domestiques vinrent récupérer leurs armes et armures, et ils purent enfin entrer dans la salle du trône. Les conseillers du roi se trouvaient tous là, à moitié affalés dans l'hémicycle qui longeait les murs, certains même en train de jouer aux échecs. Dès qu'ils aperçurent le roi, ils se levèrent tous d'un seul homme, certains réveillant leurs voisins endormis d'une frappe vigoureuse. Plusieurs regards hostiles ou méfiants parcoururent le rang des accompagnateurs du roi. Malgré le changement de pouvoir, les grandes familles continuaient d'accompagner Grunlek, et certaines avec une opinion bien tranchée sur les étrangers. Leur ami les ignora copieusement pour se diriger vers le trône.
Confortablement installée, les quatre pattes en l'air et la tête pendant dans le vide, une louve blanche était avachie sur le trône. Eden ronflait, les pattes agitées de spasmes alors qu'elle chassait sûrement un lapin dans son rêve. Grunlek hésita, puis décida finalement de s'asseoir sur une des marches qui menait au fauteuil royal, rechignant à déranger son amie poilue. Après tout, même si elle était arrivée avant eux, elle aussi avait fait un long voyage.
Une vague de murmures outrés retentirent parmi les membres du conseil, n'appréciant visiblement pas la nouvelle excentricité de leur dirigeant, qui se contenta de sourire malicieusement à ses compagnons, fier de sa provocation.
"J'ai des affaires à régler ici, s'excusa Grunlek. Vous pouvez prendre cette porte, juste derrière. Des serviteurs vont s'occuper de vous et vous conduire à vos chambres. On se retrouve au dîner dans une heure et demi, si ça vous convient."
Les aventuriers obéirent et empruntèrent la direction pointée par leur ami. A peine eurent-ils passé la porte qu'un brouhaha de voix s'excita derrière eux. Comme prévu, des domestiques les attendaient et les accompagnèrent vers les chambres à l'étage. Comme d'habitude, Théo et Balthazar se retrouvèrent à partager la leur. Cyrielle et Tesla prirent la suivante, et enfin Mictian et Triste Chêne, considéré apparemment lui aussi comme un invité malgré son odeur déplaisante et ses manières discutables.
A peine entré dans la chambre, Balthazar se laissa tomber dans un des deux lits avec un soupir d'aise.
"Confort, cher confort, que tu m'as manqué, geignit-il en caressant sensuellement le gros oreiller derrière lui."
Théo leva les yeux au ciel et alla s'installer sur celui d'à côté. Le temps qu'il pose ses affaires, Balthazar avait déjà pris la direction de la salle d'eau, cul nu, où le bain attendait. Il entendit simplement un grand "splash" et chuchota une prière pour le pauvre serviteur qui devrait nettoyer derrière lui. Son regard se perdit sur la robe rouge et le caleçon abandonné devant son lit.
"Tu as bien pris des vêtements de rechange ? s'inquiéta le paladin. Ou une serviette ?
— Pourquoi, tu as peur de voir le plus puissant de mes dons ? se moqua le demi-diable. Je te rappelle que les démons n'ont aucune pudeur, et t'en est un à moitié maintenant. Tu vas pouvoir te dérider et te promener les fesses à l'air toi aussi.
— Jamais de la vie. Mets un putain de pantalon en sortant ou je te jette mon sac à la gueule."
Un rire gras accueillit sa remarque. Le paladin poussa un grognement de mécontentement et s'installa sur son lit. Un panier avec quelques friandises avait été laissé à son attention sur la table de chevet. Des gâteaux, du réglisse... Un petit sourire étira son visage. Il récupéra tous les bonbons au réglisse, les jeta dans le panier de Balthazar et récupéra ses gâteaux à la place. Le mage avait horreur du goût de ces sucreries. Il l'avait bien cherché. Profitant de son encas, Théo fouilla dans son sac à la recherche d'une tunique propre pour mettre au dîner.
Quelque chose cogna contre la vitre, le faisant sursauter. Il se releva et s'approcha de la fenêtre. Sur le balcon, quelque chose gisait, immobile. Le paladin ouvrit la porte et s'accroupit devant une espèce de boule noire visqueuse. La chose bougeait légèrement et émettait comme des bulles. La chose se déplaça vers un pot de fleur. Elle s'élargit brusquement et l'avala tout entier. Théo bondit en arrière alors que la créature grossissait à vue d'oeil, avant de prendre l'apparence de la plante. Le paladin resta sur ses gardes. Qu'est-ce que c'était que ça encore ? Le pot de plante s'agita, puis sur le pot, des signes commencèrent à apparaître. Le paladin avait assez de notions d'inquisiteur pour comprendre qu'il s'agissait de démonique.
"Enoch, grogna-t-il."
La plante cracha brutalement une boule de feu de nulle part. Théo l'esquiva de justesse, mais elle traversa entièrement la pièce pour s'encastrer dans la porte.
"Euh... Théo ? C'était quoi ? appela la voix de Balthazar depuis la salle de bain."
Le paladin se tourna avec appréhension vers la "plante", retransformée en chose visqueuse. Un "Ploc !" sonore se fit entendre derrière lui. Il eut juste le temps de voir une autre de ces choses s'enfuir sous la moquette de la chambre. Le paladin se pencha depuis le balcon pour regarder d'où il venait. Il déchanta très rapidement en comprenant que les créatures étaient partout sur le toit du palais. Ils allaient avoir un gros problème.
"Bob ! cria le paladin. Dégage de là, on est attaqués par Enoch !"
Le mage sortit à toute vitesse de la salle de bain, toujours nu, et se tourna vers le paladin. La vicieuse créature cachée sur le lit fit un gigantesque bond et rata de peur sa tête. Le mage recula, alors que la créature avalait son lit. Le couchage vibra, puis chargea vers les deux aventuriers.
Ils étaient encore dans de beaux draps.
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