CHAPITRE 5
Hey :D Nouveau chapitre tout gentil tout mignon avant le début des emmerdes et le retour du drama !
CHAPITRE 5
Les chevaux blancs défilaient dans les rues de la Haute-Ville. Perché sur un muret avec sa sœur, Théo les regardaient partir vers la guerre. Il ne savait pas exactement où est-ce que c'était, la guerre, mais ça avait l'air assez important pour que l'intégralité des paladins s'en aillent en même temps. Victoria reniflait bruyamment derrière lui, et il ne comprenait pas pourquoi. Personne n'avait jugé bon de lui expliquer ce qui se passait, même pas elle.
Soudain, un homme aux larges épaulettes d'acier leur adressa un signe de la main. Le visage du garçon s'éclaira lorsqu'il reconnut son père sous la visière soulevée. Il lui adressa de grands signes, contrairement à Victoria qui se mit à pleurer à chaudes larmes. Le visage de son papa se fit soucieux en la voyant.
"Arrête de pleurer, grogna Théo en la frappant au bras. Tu fais de la peine à Papa !"
Elle ne lui obéit pas. Elle s'en alla et le laissa seul devant le défilé. Archibald ne le quitta pas des yeux jusqu'à ce qu'il passe les portes de la ville. Ce fut la dernière fois que Théo le vit.
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Théo sursauta sur sa chaise, les muscles engourdis. Il était finalement parvenu à dormir un peu, contre toute attente. Il jeta un regard pâteux autour de lui : Menki Dal s'était accaparée le lit et dormait paisiblement. Le soleil baissait derrière les fenêtres, il serait bientôt l'heure de descendre.
Le paladin se releva et se dirigea vers la salle d'eau. Déjà habillé, il voulait profiter des quelques minutes de liberté qu'il lui restait pour remettre ses cheveux en état. Le miroir lui renvoya un reflet qui le paralysa. Les vêtements lui allaient plutôt bien, il s'était même taillé la barbe pour l'occasion. Mais il ne ressemblait plus vraiment au guerrier féroce qui arpentait les routes quelques mois plus tôt. Amaigri, des cicatrices visibles partout où sa peau était dénudée, il faisait peur à voir. Il ne se reconnaissait plus vraiment, comme s'il avait échangé son corps avec celui d'un autre. Il détourna rapidement les yeux et saisit le peigne pour arranger ses cheveux. Lorsqu'il sortit, Menki Dal était réveillée et souriante. Elle le regarda de haut en bas, impressionnée par ce changement de style radical.
"Ca te va plutôt bien, le pourpoint. C'est déjà mieux que l'armure ou les bandages. Je n'ai jamais réussi à convaincre Mani d'en porter un. Je crois qu'il se serait roulé dans la boue juste pour me contrarier."
Théo rougit furieusement mais ne répondit pas, gêné et peu habitué aux compliments. Une servante ne tarda pas à se présenter à la porte pour le récupérer. Il s'assura que sa colocataire était en sécurité avant de suivre la femme dans le couloir nerveusement.
Le palais n'avait rien d'exceptionnel. Il était même plutôt petit par rapport à ceux qu'il avait eu l'occasion de visiter. La peinture s'écaillait, plusieurs fissures traversaient les murs et les portraits royaux. Il croisa peu de paladins sur le chemin, la plupart sagement retranchés dans leur chambre ou encore en ville, ce qui l'arrangea. Sa popularité ne faisait que croître maintenant que les rumeurs sur sa place de Troisième avaient fait le tour de la ville. Toute l'après-midi, des hommes étaient venu lui lécher les bottes pour obtenir des ordres, des faveurs, lui offrir des choses dont il n'avait pas besoin. Et ce statut commençait sérieusement à l'oppresser. Certes, il était prestigieux, il n'aurait jamais imaginé en arriver là un jour, mais les conséquences lui déplaisaient de plus en plus.
La salle des banquets se trouvait au rez-de-chaussée. Il était l'un des premiers invités. Les bardes peinaient à monter leurs instruments sous l'estrade, le chef cuisinier hurlait des ordres aux serveurs qui couraient dans tous les sens. Il chercha du regard les autres convives, rassemblés autour du buffet apéritif, un verre à la main. Il préféra ne pas se mêler à eux immédiatement. Il s'agissait de grands noms de l'Eglise de la Lumière : des généraux, des maîtres d'armes, des forgerons, certains présents depuis deux à trois fois plus longtemps que lui. Plusieurs lui adressèrent des regards méfiants, d'autre plus curieux. Malgré la renommée de son père, sa soudaine élévation dans l'échelle sociale pouvait très bien être vue comme de l'opportunisme. Personne ne se doutait une seconde qu'il n'avait pas eu son mot à dire. Un de ses vieux précepteurs finit par venir à sa rencontre en s'apercevant qu'il restait à l'écart.
"Monsieur Silverberg ! Ravi de vous voir nous rejoindre. Nous avons tous entendu parler de vos récents exploits et de la manière dont vous avez terrassé cette hérésie de niveau cinq là haut.
— Je l'ai pas fait seul, corrigea le paladin.
— Oui, oui, soit, soit. Mais venez donc ! Vous devez être déboussolé par votre nouvelle fonction. Je vais vous présenter aux autres, aux personnes que vous côtoierez beaucoup plus désormais. Vous devez être soulagé de ne plus avoir à vous coltiner des soldats de basse-classe incompétents."
Théo serra les poings. Il prit sur lui pour ne pas provoquer d'accident diplomatique face au mépris évident que ce richard se permettait d'afficher à l'encontre de "la chair à canon", ces gamins que lui voyaient toutes les nuits dans ses cauchemars mais que ces grands des ordres, qui n'avaient jamais mis un pied en dehors de leur quartier, se permettaient de juger. On le présenta à l'archevêque suprême, qui l'analysa comme une bête de foire, à des hauts-paladins qui s'enquirent plus de la renommée de son père que de lui, et, la goutte de vin qui fit déborder le vase, au chef des bourreaux qui lui adressa des mots qu'il eut beaucoup de mal à encaisser :
"Comment osez-vous prétendre à cette place alors que vos fréquentations sont... hérétiques. Le nain et l'elfe, passe encore. Mais ce demi-démon... Et ce.... Ce monstre élémentaire... J'espère que leur perte vous a soulagé, quel enfer vous avez dû vivre. Je ne comprends même pas que l'Eglise protège ces choses."
Théo serra tellement la prise sur son verre qu'il explosa dans ses mains. Plusieurs serviteurs se jetèrent à ses pieds pour nettoyer. Les regards s'étaient braqués sur lui, choqués et outrés.
"Il s'appelait Shinddha, cria-t-il à l'attention de son interlocuteur. Il s'est battu pour que vos petits culs de bien-pensants soient toujours ici aujourd'hui. Vous aviez peut-être du pouvoir avant, mais je peux vous garantir que ça va changer très bientôt. Je veux plus voir vos sales gueules dans les parages, et je m'assurerais que vous terminiez tous dans des fermes à travailler comme jamais auparavant. Vous me dégoûtez."
Il s'éloigna à grand pas vers l'autre côté de la salle, sous les regards médusés des convives. Alors qu'il s'apprêtait à sortir, une jeune femme brune d'une trentaine d'années se trouvait de l'autre côté de la porte, prête à entrer. Théo hésita, avant de finalement s'agenouiller devant la reine Timarée. Elle lui sourit, avant de l'inviter à se relever. Elle se tourna vers les invités.
"Vous avez entendu monsieur Silverberg. Sortez d'ici."
Théo écarquilla les yeux de surprise avant de rougir, un peu gêné. Les convives sortirent en silence, dans des messes basses mauvaises et méprisantes. Le paladin les défia fièrement du regard, avant de suivre la reine en direction de la table, ravi de ne plus avoir à rendre de compte aux vieilles peaux des ordres. Timarée l'invita à s'asseoir en face d'elle, il obéit. Elle était charmante, à n'en point douter. Ses longs cheveux bruns étaient tressés autour de sa tête et sa robe bleue brillait, sans qu'il ne réussisse à dire si cet effet était magique ou simplement le reflet des vitraux sur les parties métalliques qui recouvraient ses épaules et ses coudes.
"Je suis désolé de vous avoir fait assister à ce spectacle, s'excusa Théo. Je ne voulais pas manquer de respect à votre maison ou...
— Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas aussi rigide que mon père sur les bonnes manières. Et tout comme vous, je n'ai jamais pu voir ces hommes en peinture. Ils sont cruels, froids et bornés de mauvaises intentions. Mais je ne pense pas que ce soit votre cas. J'ai beaucoup entendu parler de vous et de vos compagnons. Je dirais même que vos exploits résonnent dans toutes les grandes cours du Cratère. Mon cousin, en particulier, semble vous tenir en grande estime. Vendis ne vous est pas étrangé, je suppose."
Un sourire s'étira sur les lèvres de Théo. Le prince du royaume du sud avait beaucoup voyagé avec les aventuriers, d'abord par crainte de sa nature élémentaire et du regard de son père dessus, puis pour apprendre à maîtriser ses dons. Il s'apprêtait lui aussi à devenir roi bientôt, et Théo lui avait promis d'être celui qui lui mettra la couronne sur la tête.
"Oui, en effet, répondit Théo. Il compte beaucoup pour moi, et je sais qu'il sera un bon roi ensuite, juste et tolérant. J'aimerais qu'il en soit ainsi partout. Enfin... Sans vous vexer ou...
— Oh, ne vous inquiétez pas. Je sais parfaitement que la situation est compliquée ici. Depuis le décès de mon père, mon autorité est sans cesse sapée à cause de mon sexe ou à cause de l'Eglise de la Lumière. C'est aussi pour cette raison que j'ai accueilli votre soeur à sa tête avec joie. Nous nous sommes déjà rencontrées plusieurs fois et sa vision de Castelblanc se rapproche de la mienne. Je suis certaine que nous pourrons réussir bientôt à aider cette ville pour le mieux, à effacer les cicatrices du passé pour de nouvelles bases plus saines. Votre place n'est pas le fruit du hasard. Vous avez beaucoup voyagé, et je sais que vos inspirations et idéaux sont loin de ce que l'on trouve ici. Et j'aimerais beaucoup développer cette vision des choses. Je suis assez las de voir sans cesse les même rengaines ronger les entrailles de cette ville."
Le premier plat fut posé devant lui. Il s'agissait d'une cuisse de poulet qui sentait fort les épices du sud, sur un lit de légumes. Le ventre de Théo émit une plainte étouffée rapidement par le paladin. Il n'avait pas eu de vrai repas depuis si longtemps qu'il était prêt à dévorer intégralement l'assiette. Il attendit que la reine commence à manger avant de couper la viande à son tour.
"Je ne suis pas sûr d'être l'homme qu'il vous faut, vous savez, reprit le paladin. J'ai jamais été très versé dans la politique et ce milieu, tout ça, ça me fait peur. J'ai... Je sais que la renommée de mon père est importante, mais je ne suis pas lui. Pour tout vous dire, jusqu'à encore quelques semaines, j'étais considéré comme un élément problématique dans ma propre faction, à cause de mes "fréquentations", comme ils disent.
—J'en suis la première navrée. Je ne vous ai même pas présenter mes condoléances pour votre ami. Je ne l'ai pas connu, mais je suis sûr qu'il était quelqu'un de bon. Je me suis rendue à son enterrement, la semaine passée. Vous étiez si ému que je n'ai pas osé vous déranger à ce moment-là. Je suis vraiment désolée pour votre perte, ce qui est arrivé est terrible. J'ai moi-même perdu mon maître d'armes dans cette bataille. Il est mort pour m'empêcher de le tuer accidentellement."
Théo fronça les sourcils.
"Vous êtes...
— Oui. Je suis une demi-élémentaire d'air et comme vous, j'ai été touchée par le cataclysme. Enfin... Je suis devenue demi-élémentaire pendant ces événements, après avoir tenu tête à Manaril en personne alors qu'elle tentait de prendre le palais. Fort heureusement, ma couverture n'a pas été révélée au monde et, comme vous le voyez, personne n'est au courant mis à part votre sœur et vous, maintenant. Je peine toujours à maîtriser mes pouvoirs, mais votre sœur m'a recommandé à Vendis qui me donne des cours chaque semaine depuis. Tout comme vous, je suis également touchée par ce qui arrive aux non-humains en ville. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les exécutions ne cessent pas et des innocents sont tués chaque jour par volonté de trouver un souffre-douleur. Votre sœur et moi-même espérons que vous allez pouvoir nous aider à changer les mentalités. Dehors, le peuple n'écoute plus les figures d'autorité depuis fort longtemps, en revanche, tout le monde connait votre nom et celui de vos compagnons. Tout le monde ici sait ce que vous avez fait pour la ville. Ils vous écouteront, vous."
Théo ne répondit pas vraiment. L'idée de devenir une icone populaire ne lui plaisait pas plus que celle de devenir une sorte de visionnaire de l'Eglise de la Lumière. Il se sentait pris en étau.
"Ne vous inquiétez pas, intervint la jeune femme. Je ne vous demande pas de choisir maintenant, vous avez tout le temps de vous remettre. Les dernières semaines ont été compliquées pour tout le monde et vous avez vous aussi le droit de vous reconstruire et d'apprendre vos fonctions. Nous resterons en contact, nous avons beaucoup de choses à voir ensemble, mais nous attendrons votre soeur pour en discuter. J'ai cru comprendre qu'elle vous avez donné du travail à faire. Je peux mettre des hommes à votre disposition si vous avez besoin d'aide.
— Elle m'a chargée de faire un état des lieux de la Haute-Ville. Et de chez moi, dans l'est du quartier marchand.
— Ah oui. Votre demeure est l'une des rares encore debout. Un incendie a léché le toit, mais les dégâts sont minimes. Elle est d'ailleurs gardée au moment où je vous parle. Votre sœur a embauché plusieurs paladins pour la surveiller pour éviter les pillages. J'ai pu me rendre sur les lieux dernièrement."
Cette nouvelle rassura le guerrier. Tout était intact, il n'aurait pas à fouiller des ruines à la recherche de vieux souvenirs.
"Je peux vous y conduire demain matin, si vous le désirez. Nous pourrions faire le tour de la Haute-Ville ensemble afin que je vous montre les dégâts. Cela nous permettra de faire plus ample connaissance."
Théo hocha la tête. Pour son plus grand plaisir, la jeune femme changea ensuite de sujet. Ils discutèrent longuement de ses aventures, de ses amis, et en particulier de Grunlek avec qui Timarée souhaitait se lier d'amitié pour des accords commerciaux. La fin de la soirée se passa dans le calme, et finalement, le paladin ne vit pas le temps passer. Quand il regagna sa chambre au milieu de la nuit, pour la première fois depuis fort longtemps, il souriait.
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