CHAPITRE 48
Hey ! On se rapproche à grand pas des 50 chapitres. Je ne sais pas si vous réalisez que c'est ma plus grosse fanfiction jamais écrite. Et que vous n'avez pas fini de souffrir aussi :3 Grosse surprise dans ce chapitre.
CHAPITRE 48
"Silverberg ! Silverberg, ouvrez les yeux !"
La voix trop aiguë de Tesla acheva de tirer Théo de son sommeil. Il poussa un grognement et essaya de repousser les mains de l'archimage un peu trop baladeuses. Elle poussa immédiatement un soupir de soulagement, avant de l'abandonner. Le paladin ouvrit les yeux difficilement, puis redressa le cou. Une potion de soin à moitié vide se trouvait à côté de lui. Il s'appuya sur son coude, déjà en meilleure forme, et s'assit sur le sol, une main sur le crâne. Il tourna la tête vers la source du bruit.
Tesla était penchée sur Balthazar, toujours inconscient, et avait branché de nombreux fils sur sa poitrine, reliés à des tas de machines étranges. Le mage était très pâle, ce qui inquiéta immédiatement le guerrier.
"Silverberg, venez ici et tenez-moi ça."
Le paladin se releva et se traîna vers son ami. Tesla lui confia un drôle de baton gris, relié à sa poitrine à une extrémité et à une feuille blanche de l'autre. Un crayon s'agitait tout seul à l'autre bout à un rythme régulier. Le paladin comprit rapidement que le mécanisme prenait les constantes vitales.
"Il va bien ? demanda-t-il, incertain.
— Il est stable, dit-elle en lui installant une perfusion. Il a eu une rechute en utilisant trop sa magie, mais ça devrait aller. Si vous vous êtes réveillé, il ne devrait pas tarder à en faire de même. Ne bougez pas, je vais chercher des plantes pour essayer de le réveiller."
Elle se leva doucement et quitta la pièce. Théo regarda autour de lui. Le portail avait disparu. Il était coincé ici pour le moment. Il se reconcentra sur Balthazar. Une chose à la fois. Les paupières du mage clignaient, signe d'un réveil imminent. Mais ce fut un autre bruit qui attira Théo, plus profond. Un "boum boum" discret et répété qui lui monta rapidement à la tête. Il comprit vite qu'il entendait les battements de coeur de son ami, et dès que ce fut le cas, il put presque suivre le trajet du sang dans ses veines. Son ventre gargouilla méchamment, et, pendant une seconde, il envisagea sérieusement de croquer dans sa carotide. Choqué par cette pensée aussi fugace qu'innatendue, il se donna une gifle mentale pour sortir de cette espèce de transe. Balthazar disait que cela prendrait plusieurs semaines pour contrôler ses pulsions. Si seulement il pouvait se réveiller pour l'aider à les combattre, maintenant, cela l'aiderait énormément.
La carotide montait et descendait à un rythme régulier. Sans contrôle, Théo sentit deux excroissances pousser de ses gencives. Des crocs, lui répondit sa conscience, catastrophée. Il voulut se forcer à arrêter, mais son cerveau, ou plutôt son estomac, avait décidé de prendre son indépendance et de lui désobéir. "Boum boum". Le bruit affolé du coeur de la proie prise au piège. Ou plutôt de celle qui se sentait observée sans se douter un seul instant qu'un prédateur s'apprêtait à fondre sur lui. Et soudain, il bondit dessus.
Un coude vint se placer sur sa trajectoire et il retomba sur les fesses. Balthazar, réveillé, venait d'effectuer un grand bond en arrière pour s'éloigner des canines un peu trop pointues du paladin.
"Théo ! Reprends-toi !"
La voix cessa net l'appel du sang. Le maître avait parlé. Ce n'était pas l'heure de manger. Le paladin recula brusquement en regardant ses mains, choqué par ce qui venait de se produire. Légèrement paniqué, il lança un regard plein de détresse au mage qui tenta de l'apaiser d'un regard désolé.
"Ce n'est... Ce n'est rien, je sais que c'est un peu compliqué. On va travailler dessus, je te le promets. En attendant, si tu pouvais ranger les canines, ça aiderait beaucoup."
Théo posa une main à sa bouche. Deux longues dents dépassaient de sa lèvre supérieure. Il se leva pour regarder son reflet dans le miroir qui se trouvait au-dessus de la commode de Tesla. Avec ses yeux d'un jaune profond et ses canines, il ressemblait à un animal sauvage. Cette vision le perturba énormément. Etait-il condamné à vivre comme ça désormais ?
Tesla revint dans la pièce une seconde à peine plus tard, les mains chargées. Elle lança un regard suspicieux vers Théo, avant de retourner au chevet de son patient. Balthazar, toujours un peu pâle, la laissa le sermonner sur son irresponsabilité tout en prenant une nouvelle fois ses constantes, ne l'écoutant vraiment que d'une oreille. Le guerrier resta en retrait, incertain.
"Il va bien ? finit-il par demander.
— Oui, grogna Tesla, toujours irritée. Il a puisé dans votre essence vitale pour atténuer les conséquences du malaise, mais ça aurait pu vous tuer, Lennon. Ne refaites plus jamais ça.
— Oui, Tesla, répondit-il comme un enfant, les yeux bas.
— J'ai fermé le portail pour empêcher le démon de gagner Castelblanc, expliqua-t-elle en rangeant ses affaires. Laissez-moi en ouvrir un nouveau dans la pièce d'à côté. Je ne veux pas voir un seul de vous deux debout avant une heure, ou je vous attache à un lit."
Sur ces derniers mots, elle tourna les talons et claqua la porte derrière elle sans leur adresser un regard supplémentaire. Balthazar poussa un soupir et recula pour s'appuyer contre le mur. Théo le suivit du regard sans rien dire, l'air ailleurs.
"Eh, ne te fais pas de faux sang pour ça, le rassura le mage. Tu vas perdre le contrôle et tenter de me défier pendant encore quelques mois. C'est normal. C'est simplement le signe que tes nouveaux instincts se développent.
— Comment tu peux rester aussi calme alors que j'aurais pu te tuer ?
— Tu ne m'as pas tué, c'est le plus important, non ? Eh, on n'a pas de temps pour ça. On a des problèmes plus graves sur les bras pour l'instant, tu ne crois pas ?
— Qu'est-ce qu'il voulait ? Enoch, je veux dire."
Le visage du mage se ferma légèrement.
"Me provoquer ouvertement. Il sait qu'il a tous les pouvoirs et que l'on est dans la panade. Il m'a aussi dit que ta marque...
— Lui sert de signal pour nous trouver, il me l'a dit aussi. Mais à quoi ça l'avance ? Qu'est-ce qu'il cherche ?
— Je crains fort qu'il cherche la même chose que nous et à la minute où l'on aura brisé la source de magie qui nous maintient ta soeur et moi sous le joug de la malédiction, il va s'en emparer pour la détourner. A propos de cela, c'est très probablement la même chose pour Tesla, tu sais. Je ne crois pas une minute à ce soudain élan de bienveillance. Et pour ce que j'en sais, peut-être que Mictian aussi pourrait être là pour ça. Je commence à penser qu'il ne s'agit pas d'une simple malédiction, si tu veux mon avis, et qu'on va devoir affronter quelque chose de puissant.
— On devrait en parler aux autres.
— Non. Je préfère qu'on garde ça pour nous deux pour l'instant. Le palais de Castelblanc est pas sûr. Si pour le peu qu'un espion d'une autre région nous entend, on pourrait déclencher une nouvelle guerre de pouvoir. Et vu comment s'est terminé la dernière, je n'ai pas envie de me relancer là-dedans."
La porte s'entrouvrit. Les deux hommes se turent immédiatement, les yeux plissés. Une petite tête bleue passa son nez dans la pièce, puis trottina vers Balthazar et Théo.
"Icy ! s'enthousiasma le mage. Comment est-ce que tu vas ? Tu as bien surveillé mon puits ?"
La petite créature hocha la tête. Elle changea cependant vite d'air et se mit à triturer ses mains. Elle sautilla jusqu'à l'appareil qui avait pris les constantes de Balthazar, puis le plaça sur sa tête.
"Qu'est-ce qu'elle fait ? demanda Théo.
— Je ne suis pas sûr."
Le stick à l'extrémité se mit à bouger. Icy poussa la feuille devant elle. Sous les yeux inquiets du mage et du paladin, des mots se tracèrent sur la feuille. Un mot, en particulier, répété encore et encore. Un mot qui les fit tous les deux désobéir à Tesla au même moment. Balthazar fut le premier à se jeter contre la porte et partir en courant dans les couloirs, Théo sur les talons, Icy dans les mains. Car ce mot n'était pas n'importe lequel.
Shin.
Le mage poussa la porte de sa chambre. Théo, essoufflé, le rejoignit quelques secondes plus tard. Il s'arrêta net sur le pallier de la chambre. Balthazar était accroupi à côté d'un homme inconscient et entièrement nu à la peau d'un bleu si particulier et familier. Le paladin sentit ses jambes faiblir et il se laissa glisser contre le mur. Sa respiration se fit sifflante et il sentit son rythme cardiaque s'accélérer à mesure que les images prenaient place dans sa tête.
Franz s'écroula au sol, mort. Le regard de Manaril s'écarquilla de surprise et d'incompréhension. Et très vite, un unique sanglot d'horreur remonta le long de sa gorge. Elle tourna la tête vers Shinddha, encore essoufflé par son récent réveil d'entre les morts, Théo à ses côtés, tellement blessé et épuisé qu'il ne parvenait plus à esquisser le moindre geste. Il avait tout donné pour sauver l'archer et tenter cette dernière flèche.
Soudain, Manaril disparut, comme précédemment. Si Théo avait été encore capable de se lever, il se serait jeté sur Shin. Mais trop tard. Le temps qu'il tourne la tête, un liquide rouge et poisseux lui coula sur le visage. Mais ce n'était pas le sien. Quand il releva les yeux, seul le sceptre de Manaril apparut devant ses yeux. Il dépassait de la poitrine de son ami, les yeux écarquillés par la peur et le choc. Elle le retira aussi rapidement qu'elle l'avait enfoncé dans son corps et disparut ailleurs.
Le corps du demi-élémentaire retomba au sol, et tout devint flou autour de Théo. Incapable de réagir, il ne put que regarder l'archer ouvrir et fermer la bouche, un filet de sang au coin des lèvres, puis tendre une main désespérée vers lui, avant que tout ne s'arrête brutalement. Il n'entendit pas Tesla crier, ni Balthazar. Il ne pouvait détourner son regard de son ami et de l'immense flaque de sang qui coulait peu à peu le long du cratère où il se trouvait, avec une seule pensée.
Il avait causé ça. Il avait tué Shinddha.
"Théo... Théo, respire. Regarde-moi."
Le poids dans sa poitrine ne se relâcha pas. Il sentit les larmes couler le long de ses joues, complètement perdu. Il avait tué Shin. Tout était de sa faute. Quand il baissa les yeux sur ses mains, il revit le sang, ses mains dans la blessure, appuyant compulsivement dessus comme si cela pouvait faire la différence. Il était mort. Il avait tué Shinddha.
"Théo ! Théo, regarde-moi ! Non... Chut, ne bouge pas, tu n'es pas en état de te lever. Il... Il va se reprendre."
Le paladin releva les yeux vers Balthazar, qui le regardait encore avec des yeux plein d'espoir. Il devait leur dire. Il ne pouvait pas continuer comme ça. Il sentit les battements de son coeur accélérer. Il sentit un poids énorme lui bloquer la poitrine. Les mots ne sortirent pas. Il se contenta de secouer négativement la tête, puis se laissa tomber sur le côté, abandonnant totalement.
Le paladin s'écroula lourdement sur le plancher et brutalement, sa respiration reprit. L'air lui brûla les poumons et il toussa à en perdre la voix. Il tremblait comme une feuille et ses yeux brûlaient. Il pleurait de manière incontrôlée, incapable de se remettre de la scène. Incapable de voir autre chose que cette scène. Pourtant, comme ce jour-là, il se força à regarder Balthazar.
Le corps de Shinddha ne s'était pas volatilisé. Il le tenait toujours serré contre lui. Le demi-élémentaire bougea faiblement la tête pour le regarder. Shinddha, ses yeux d'un bleu pâle, l'observait avec inquiétude. Il était vivant. Il était vraiment vivant. Balthazar pleurait, lui aussi.
"Les... Les gars, je... Je crois que... Je crois que j'ai plus de pantalon, dit faiblement l'archer."
Théo explosa bruyamment en sanglots, incapable d'y croire. Et pourtant, il devrait bien finir par l'accepter : l'archer était là, et il était vivant.
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