CHAPITRE 46
Coucou ! Petit retour à Castelblanc pour Théo et les aventuriers :D Un accueil en fanfare ? Plus ou moins.
CHAPITRE 46
L'entrée de Castelblanc avait bien changée depuis le départ de Théo, il y avait déjà presque trois mois de cela. Des structures en bois sur lesquels s'affairaient des ouvriers maintenaient l'imposant mur plus ou moins droit. Plusieurs pans des ramparts manquaient néanmoins toujours à l'appel et ne réapparaîtraient sans doute jamais. Castelblanc la Glorieuse n'avait plus de glorieux que le nom. Les bâtiments de l'entrée, encore partiellement brûlés, avaient été depuis longtemps désertés par les habitants. Ce qu'il en restait, en tout cas. Après l'attaque de Manaril, ceux qui n'avaient pas péri avaient choisi l'exil loin de la capitale. Seuls ceux qui n'en avaient pas les moyens étaient revenus. La Basse Ville n'existait plus vraiment. Certes, ici et là, on essayait de reconstruire avec les restes, mais l'ambiance n'était plus la même. Plus froide. Plus morte.
Les aventuriers n'avaient pas eu grand mal à rentrer. Les rares gardes qui montaient la garde avaient mieux à faire que de surveiller l'entrée. Ils leur adressèrent à peine un regard, l'insigne de la Lumière flottant sur l'armure de Théo suffisant à détourner leur attention. Un coup de chance, songea le paladin. Si la garde locale ne pouvait sentir les petits changements de son aura, convaincre les autres paladins s'avérerait une toute autre histoire. Derrière les cheveux du guerrier et de Balthazar, la charrette avançait péniblement, toujours dirigée par Mictian. L'homme s'extasiait de la grandeur des bâtiments, malgré leur état pathétique. Les têtes de Simaë et Maria dépassaient du drap qui recouvrait leur moyen de transport et les femmes y allaient de leurs commentaires pour tout et n'importe quoi. Loin derrière, Cyrielle et Grunlek avançaient à leur rythme, en grande conversation avec Triste Chêne, confortablement installé devant la paladine. Théo n'appréciait toujours pas ce truc, ce lutin, se corrigea-t-il mentalement. Il n'était pas méchant et loin d'être une menace, mais il s'arrangeait toujours pour traîner dans des endroits incongrus. Pas plus tard qu'une heure plus tôt, ils avaient été contraints de faire une pause "toilettes" pour les dames. Il était revenu des fourrés avec... Eh bien, leurs déjections qu'il s'était empressé d'avaler devant eux. Le paladin avait senti ses tripes se retourner, extrêmement mal à l'aise.
"Où est-ce qu'on va ? demanda Balthazar. Je pensais qu'il ne restait plus rien de l'Eglise de la Lumière ?
— C'est le cas. On a nos quartiers dans le palais royal.
— Dans le... le... palais ro-royal... ? Mais enfin, t'as vu notre tenue ! On dirait des ploucs ! Je ne compte pas me présenter devant la reine dans cet état, j'ai des morales !
— Ne t'inquiètes pas, il y a quelque chose comme trois cents salles d'eau dans ce bâtiment, tu vas pouvoir toutes les essayer et te faire maquiller comme une princesse. Je te verrais bien avec les joues toutes roses, comme une poupée. La reine s'en fiche, tu sais."
Le mage ne parut pas forcément convaincu par son argument.
"Et ça ne va pas poser problème pour... notre condition ? demanda-t-il plus sérieusement. Les monarques ne sont pas forcément les plus ouverts d'esprit.
— Ha, ha, répondit Théo. Celle-ci est exceptionnelle. Et éventuellement, c'est une demie-élémentaire.
— Sérieusement ? Et personne ne dit rien ? J'ai connu Castelblanc plus... inquisitrice.
— Ils n'en savent rien. Elle est affiliée à l'air, on ne voit pas vraiment la différence avec un humain classique. Elle l'est devenue en tenant tête à Manaril. Cette femme va peut-être faire bouger les choses en ville.
— Dis-donc, tu m'as l'air bien passionné. J'en serais presque jaloux."
Théo rougit légèrement et poussa un grognement intelligible pour toute réponse. Ils s'engagèrent vers la Porte de la Justice, où tout du moins, ici encore, ce qu'il en restait. Balthazar tira une légère grimace et frotta les côtes, là où une méchante brûlure continuait de lui rappeler de mauvais souvenirs. C'était compréhensible. Peu de personnes, et en particulier issu d'essence démoniaque, pouvaient se vanter d'avoir tenu tête aussi longtemps à une légion de Coeurs Ardents, l'élite des gardes de la cité, l'escorte du roi et les fidèles de Milich. Victoria avait démembré leur ordre à la minute où elle avait obtenu les pleins pouvoirs. Ceux qui n'avaient pas déjà fui la ville ou été exécutés par le peuple en colère croupissaient désormais dans les geôles de la ville pour haute-trahison. Ils l'avaient bien mérité.
La grille de la Porte de la Justice ne tenait plus que sur un gond, à moitié brûlé. Des structures en métal l'empêchaient de s'effondrer sur la place du marché, mais il y avait fort à parier qu'elle ne puisse plus empêcher quiconque d'accéder dans la Haute Ville. Si elle était un peu plus sauvegardée que la partie moins riche, elle en restait balafrée à jamais. Les incendies avaient relativement épargnés cette partie de la ville, mais pas l'armée d'élémentaires envoyée par Manaril. Ici et là, des tâches brunâtres que seul le temps effaceraient étaient encore visibles sur les pavés immaculés qui menaient aux ruines du Temple Blanc. L'énorme structure avait été comme soufflée de l'intérieur. Les murs avaient étaient comme aspirés par le puits magique de la Chambre du Premier et plus rien n'était sauvable. Les rares murs encore debout penchaient dangereusement sous la brise, et des pavés se décrochaient de temps à autre pour rejoindre l'imposant tas de gravats qui s'étalait au-dessus des escaliers. Le symbole de la puissance de Castelblanc n'existait plus. Certains architectes prévoyaient déjà de se pencher sur la question, mais cela prendrait plusieurs dizaines d'années avant de lui redonner vie.
La route dévia vers le monument le plus haut-placé de la ville : le palais. Si l'on écartait l'aile est complètement explosée, il avait tenu le choc. Les réparations allaient par ailleurs plus vite que dans le reste de la ville. Les murs étaient déjà reconstruits. Il ne restait que les trous des fenêtres à combre par de nouvelles vitres. Sur le grand perron de marbre, cinq personnes les attendaient.
Ils reconnurent Mani de loin. Outre sa grande taille, il sautillait sur place en leur adressant de grands signes de bras. Menki Dal, exaspérée, se tenait à côté de lui sur ses béquilles et essayaient d'éviter un coup. D'une allure beaucoup plus calme et noble, la reine Timarée souriait discrètement. Tesla se trouvait droite à ses côté, ses longs cheveux blonds lâchés dans la brise. Et il y avait Victoria, enfin, visiblement en meilleure forme que la dernière fois qu'ils l'avaient vue. Théo descendit de cheval pour aller la prendre dans ses bras. Elle l'enlaça tendrement, même s'il put sentir une certaine crispation. Menki Dal vint elle aussi donner l'accolade au paladin grognon, un peu gêné par tant d'effusion en public.
Les autres mirent à leur tour pied à terre pour venir saluer leurs vieux amis. Mictian s'attira immédiatement un regard nerveux de Tesla. L'archimage, d'ordinaire si fière d'elle, se fit immédiatement toute petite. Balthazar, au contraire, commença immédiatement à faire du charme à la reine. Elle riait nerveusement, mais Théo lut rapidement dans ses yeux que le mage n'avait aucune chance.
"Votre Majesté, intervint Grunlek. C'est un immense plaisir de vous revoir.
— Moi de même, monsieur Von Krayn, répondit-elle en rougissant étrangement."
Balthazar écarquilla les yeux de surprise. Il lança un regard vers le nain, puis vers la reine, et encore une fois vers le nain. En effet, les joues de Grunlek avaient également pris une teinte rouge cramoisie. Se pouvait-il que le roi des nains est un petit faible pour la reine de Castelblanc ? Cyrielle fut la seule à aider Maria et Simaë à descendre. La matriarche Lennon bomba légèrement le torse, et Théo se surprit à penser qu'elle avait quelques airs de Balthazar. L'archimage lança un regard au demi-diable avant de s'approcher d'elle.
"Madame Lennon, je suppose ? Enchantée de vous rencontrer. Je suis Tesla, la supérieure hiérarchique de votre fils."
Balthazar blémit lorsqu'elles se mirent de discuter joyeusement de tout et de rien avant de rentrer comme si elles étaient les meilleures amies du monde en seulement cinq minutes. Tesla allait-elle soudoyer sa mère pour obtenir des informations compromettantes sur lui ? Plus discrète, Simaë resta auprès de son fils. Victoria alla la remercier chaleureusement de sa présence et se présenta au passage à Mictian. Le contact passa beaucoup plus facilement qu'avec le mage et le paladin. Ce n'était pas si surprenant : Victoria avait toujours été plus douée pour la diplomatie, contrairement à lui.
Dès qu'il mit pied à terre, Triste Chêne resta caché derrière Cyrielle, avec qui il s'était de toute évidence lié d'amitié. La reine lui adressa un regard interloqué, avant d'interroger Théo du regard.
"Longue histoire, répondit le paladin. C'est notre guide. C'est un lutin.
— Un lutin, hein ? répondit Mani, derrière lui, suspicieux.
— Quoi ?
— Quoi, quoi ? Oh, reprit-il. C'est juste que je ne lui ferais pas forcément confiance si j'étais vous. Il y a encore quelques dizaines d'années, ils étaient utilisés en tant qu'espion.
— Comment tu sais ça ?
— Parce que la Mêta Lignée en utilise encore."
Cette nouvelle information renforça la suspicion de Théo. Il ne répondit rien, mais décida de garder ça à l'esprit. Les aventuriers se répartirent dans les différentes chambres de l'aile des visiteurs, à l'exception de Théo qui avait déjà ses propres quartiers et Grunlek, qui fut invité dans les appartements les plus proche de Sa Majesté du fait de son rang. Il en fut gêné au premier abord, mais refusa catégoriquement d'en sortir lorsque Timarée lui annonça qu'elle pouvait lui donner une autre chambre s'il le voulait. Balthazar... Balthazar toqua à la porte de Théo quelques minutes après à peine, son matelas derrière lui.
Il le posa dans un coin de la pièce et commença à faire son lit sous le regard du paladin, un peu déboussolé.
"Qu'est-ce que tu fous là ?
— Nous avons eu le droit à une chambre commune. Je refuse de dormir avec ma mère, dit-il énergiquement. Et puis en plus, je suis tout seul avec des femmes. Mictian a sa propre chambre.
— Parce que ça te dérange maintenant ? se moqua le paladin."
Il se contenta de lui tirer la langue pour toute réponse. Le paladin ne dit rien, cependant. Il était même rassuré d'avoir un peu de compagnie dans cette grande chambre vide dans laquelle il n'avait pas spécialement que de bons souvenirs. Le peu de temps qu'il avait passé ici, il avait été confronté à ses crises, à ses devoirs, puis à Enoch et à une blessure assez grave, les premiers signes de la malédiction de Victoria. Les bruits de la vie quotidienne, les plaintes du mage sur le matelas trop raide donnaient une autre atmosphère à la pièce, plus vivante.
Sa chambre ne tarda d'ailleurs pas à se transformer en quatier général de mission. Une fois installé, tout le monde se retrouva sur les matelas, les chaises et la table pour discuter des mois écoulés. Tesla commença par examiner Balthazar et l'avancement de sa maladie. Elle ne manqua pas de lui hurler dessus une nouvelle fois pour le risque idiot qu'il avait pris en faisant un pacte démoniaque dans son état. Théo raconta pendant ce temps-là leurs aventures à Gorge Noire, leurs recherches, les problèmes rencontrés sur la route et bien sûr comment, à la fin, ils avaient fini par retrouver Simaë et son fils.
"Je ne peux juger ce que tu as fait, lui dit Victoria après coup, parce que je ne suis pas certaine que j'aurais fait mieux. Cependant, tu réalises bien que ce n'est pas quelque chose que l'on peut effacer d'un claquement de doigt. Tu es lié à vie à lui, ce qui signifie que s'il.... S'il tombe avec la malédiction, tu tombes avec lui.
— Une bonne raison pour ne pas échouer dans ce cas, répondit gentiment le paladin. Je sais que ma décision paraît égoïste, mais j'en ai accepté les conséquences. Personnelles... Comme religieuses.
— Je sais que je ne devrais pas avoir mon mot à dire, intervint Maria Lennon, mais je trouve pour ma part sa décision courageuse. Et puis, ça a fonctionné, non ? Même si ça lui retombe dessus plus tard, plus tard, c'est loin. Laissez-lui ça.
— Bien sûr, répondit Victoria, plus douce. Mais cela va bien plus loin que juste toi, Théo. Le conseil me demande des comptes, et je ne compte plus le nombre de paladins nerveux croisés dans les couloirs à la minute où tu es arrivé dans la cour.
— Je m'en fiche, répondit Théo. Je suis un aventurier avant tout, petite soeur. Et... Je ne pense pas être à ma place en tant que Troisième de la Lumière. Je sais que ça te tiens à coeur, que ça tenait à coeur à beaucoup de gens, mais tu m'as vu ? Il a fallu de deux mois d'enfermement pour que je perde à moitié la tête. Je ne pourrais jamais être heureux si je me retrouve coincé ici. Et puis, je vais juste causer des problèmes. Grunlek m'a déjà proposé de faire du travail de mercenaire à Fort d'Acier, et..."
Elle posa une main douce sur sa joue.
"Tu n'as pas à te justifier, Toto, dit-elle gentiment. Si c'est ce que tu veux, je ne compte pas te garder prisonnier ici. C'est ton choix. Ta vie."
Il sourit, rassuré. Tesla attira l'attention sur elle en poussant un lourd soupir et en levant les yeux au ciel.
"C'est bien mignon tout ça, mais pouvons nous en savoir plus ce que vous comptez faire désormais ?
— Aller dans le désert, répondit Balthazar, pour trouver la maison de la sorcière. Elle est morte, mais il y a peut-être moyen de briser le sceau avec ce qu'il y a dedans.
— Nous devons aussi retrouver les Codex, ajouta Grunlek, et arrêter une nouvelle fois Enoch. Cela fait un moment que nous n'avons pas eu de nouvelles de lui, restons méfiants."
Tesla garda les mains derrière son dos et adressa un regard à Simaë et Maria Lennon.
"Lennon, vous êtes fragiles, et elles aussi. Comment comptez-vous...
— Votre Majesté, demanda Théo, puisse solliciter votre hospitalité pour elle ? Tesla a raison sur ce point. Regardez comment on a galéré avec la charrette, dans le désert, ce sera un cauchemar.
— Il a raison, approuva Mictian. Je préférerais savoir ma mère en sécurité ici plutôt que dans les bois.
— Ce sera un immense plaisir, répondit la reine Timarée."
Balthazar nota que l'archimage avait toujours l'air troublée. Elle se gratta le bras nerveusement, toc qu'elle avait lorsque qu'elle faisait face à un dilemme. Le mage prit soudainement peur. Et si elle venait avec eux ? Ce serait pire que d'avoir sa mère sur le dos !
"Les scorpions, ce n'est pas ma tasse de thé, grogna-t-elle. Cependant, je connais davantage de sorts que Lennon, et je pourrais potentiellement localiser les Codex pour vous. Si vous voulez bien de moi.
— Toute aide est appréciée, approuva Théo, avant que le mage ouvre la bouche. Mani ?
— Oh non, répondit l'elfe, désolé. Je dois rester, pour Menki. Mais je veillerais sur vos mamans, vous pouvez compter sur moi.
— Entendu."
Les aventuriers décidèrent ensuite de profiter d'une semaine entière de repos, afin de permettre à Tesla de rassembler des affaires, de récupérer des vivres et de se remettre de leurs dernières aventures. Un choix qui fut accepté à l'unisson.
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