CHAPITRE 44

Coucou ! On repart pour de vrai à l'aventure avec la suite des aventures de Théo et des aventuriers. Ils ne sont pas au bout de leur peine.

CHAPITRE 44

Les chevaux s'ébrouaient d'impatience au soleil pendant que Balthazar, Grunlek et Théo faisaient un dernier point sur leurs provisions à l'arrière du chariot qui transporterait Simaë et Maria Lennon, qui s'était décidée à la dernière minute de les rejoindre. Balthazar n'était pas spécialement ravi que sa maman s'invite pour le voyage, mais il avait eu deux jours pour s'y résigner avec dépit. Après tout, avec l'Eglise du Feu qui avait redoublé de vigilance, il craignait qu'ils s'en prennent à elle à la minute où ils seraient partis. La savoir en sécurité à leurs côtés le rassurait, quand bien même le nombre d'anecdotes gênantes qu'elle pouvait sortir à son sujet.

« On fera un arrêt à Castelblanc pour refaire le plein avant de repartir pour l'est, déclara Théo en refermant les sacs. Victoria a aussi prévu de rentrer pour gérer la ville, maintenant qu'elle est stabilisée. Mani nous rejoindra peut-être là-bas. On pourrait bien avoir besoin de renforts pour la suite du voyage. Comment on se répartit ?

- Mictian voulait conduire le chariot, expliqua Grunlek. Je propose que tu prennes la tête, dit-il à Théo, et je prendrais l'arrière. Balthazar pourra marcher avec toi devant, mais pas trop longtemps. Tesla a dit qu'il fallait éviter de trop le fatiguer, rappela-t-il. Il serait mieux dans le chariot, mais on sait tous les trois qu'il ne voudra pas y aller.

- Tout à fait, répliqua le mage en croisant les bras. Je ne suis pas en sucre. »

Le paladin acquiesça, avant de se diriger vers son étalon. Il lui frotta doucement l'encolure avant de mettre un pied à l'étrier et se mettre en selle. Les autres suivirent le mouvement. Simaë et Maria s'installèrent à l'arrière du chariot, déjà en pleine discussion, alors que Mictian, plus silencieux, prenait sa place derrière les deux chevaux de trait de chariot. Balthazar prit quelques secondes pour invoquer Brasier avant de trotter rejoindre Théo, déjà parti en tête de cortège. Le groupe se mit en marche et Gorge Noire ne tarda pas à finalement disparaître de l'horizon.

« Je suis bien content d'enfin quitter cette foutue ville, s'enthousiasma Balthazar. Trop de mauvais souvenirs qui restent, bougonna-t-il. Je ne sais pas comment tu fais pour toujours revenir vers Castelblanc, dit-il à Théo. Je déteste vivre dans le passé.

— Je n'aime pas beaucoup Castelblanc non plus, tu sais. Mais... Il y a ma sœur, et de vieux amis. Je ne sais pas comment ils réagiraient si je leur annonçais du jour au lendemain que je ne reviendrais plus. »

Le mage haussa les épaules. Mis à part sa mère, il n'avait plus d'attaches depuis fort longtemps, il ne pouvait pas comprendre son ami. Théo avait renoncé à beaucoup pour partir à l'aventure : sa famille, sa foi, ceux qui comptaient sur lui et lui prédisaient un grand avenir dans l'Eglise de la Lumière. La vérité était qu'il avait juste eu peur de se retrouver coincé à jamais avec la réputation de son père et souffrir d'être sans cesse comparé à lui. Avec tout ce qu'il avait découvert récemment, cette impression se confirmait. Il ne voulait pas devenir une copie du patriarche Silverberg. Victoria pouvait assumer ce rôle pour eux deux. Elle avait toujours été la plus douée de toute façon.

A la pensée de sa sœur, une boule se forma dans sa gorge. Il devait arrêter de réfléchir à ce sujet où il lui ferait perdre la tête. Il lança un regard derrière lui. Mictian lisait un livre d'une main, tout en tenant les rênes des chevaux de l'autre. On pouvait entendre les deux femmes de la charrette s'esclaffer sous la tente. Le paladin réalisait peu à peu ce que leur présence signifiait : plus d'infiltration possible, des temps de trajets rallongés et surtout des pauses pipis gênantes. Les aventuriers voyageaient rarement avec des femmes, mais à chaque fois que ça avait été le cas, il y avait eu des problèmes. Il se garda pourtant bien de formuler ses pensées à voix haute. Les enfants des deux femmes se trouvaient dans les parages, et il n'était pas certain de savoir comment au moins l'un des deux réagirait. Il n'avait toujours pas confiance dans le demi-frère de Balthazar. Il n'aimait pas ses manières de petit aristocrate ni les grands airs qu'il prenait lorsqu'il voulait convaincre les autres du bien fondé de ses arguments. Néanmoins, il ne pouvait pas nier qu'il faisait des efforts pour se faire accepter. Mais ça fonctionnait avec Balthazar et Grunlek, pas lui.

Après seulement deux heures de route, Maria et Simaë réclamèrent une pause pour aller se soulager. Théo poussa un grand soupir et arrêta son cheval. Non seulement elles prirent tout leur temps pour descendre, mais en plus elles exigèrent qu'ils se retournent tous. Dans un soupir las, le paladin finit par obéir en grognant.

« Ne fais pas ta sale tête, se moqua Balthazar. Ce n'est pas pour longtemps. Et puis ce sont techniquement nos guides pour le désert.

— Qu'est-ce que tu ne m'auras pas fait faire... soupira-t-il. J'espère que ça vaudra le coup. »

La pause s'éternisa encore quelques minutes avant que les deux femmes ne daignent remonter dans leur chariot. Les aventuriers reprirent la route. Malheureusement, le temps n'était décidément pas avec eux cette fois-ci. Une pluie diluvienne s'abattit bientôt sur la forêt, rendant le terrain glissant. La charrette se bloqua plusieurs fois dans la boue, et les chevaux peinèrent bientôt à progresser. Théo ralentit l'allure pour éviter de perdre une monture stupidement. La nuit les rattrapa par surprise et ils n'avaient pas fait le quart de trajet prévu.

Ils dressèrent le camp dans une grotte ouverte assez large pour que les chevaux puissent y rentrer, et ils en profitèrent pour sécher leurs affaires au coin du feu. Théo décida de prendre le premier tour de garde. Il échangea sa place uniquement avec Grunlek au bout de quelques heures. Il n'avait pas envie de fatiguer Balthazar et n'avait certainement pas assez confiance pour confier sa vie entre les mains de son demi-frère. Au matin, le demi-diable le lui reprocha immédiatement en découvrant les deux énormes poches qu'il avait sous les yeux. Trop tard. Le groupe se remit en marche en milieu de matinée, une fois assurés que le sol avait eu le temps de sécher et avoir nourri les chevaux.

Cette deuxième journée de voyage se passa mieux que la première. Mis à part trois malheureux bandits qui tentèrent leur chance sur leur voiture de transport avant de mourir carbonisé par un Balthazar réveillé de sa sieste de l'après-midi, rien d'autre ne vint perturber la tranquillité de la forêt.

En revanche, le troisième jour s'annonça plus problématique. Les aventuriers venaient à peine de reprendre la route après une pause d'une petite heure pour permettre à tout le monde de se dégourdir les jambes, lorsqu'une forme humaine très rapide passa devant les chevaux. Les animaux se cabrèrent, légèrement paniques, mais Théo calma rapidement les bêtes. Il descendit de cheval, épée à la main et s'avança vers la pise qu'avait laissé le fuyard. Les empreintes de pas qui s'enfonçaient dans les buissons l'alertèrent. Elles n'avaient rien d'humain. Elles tenaient même de la bête. Balthazar les examina lui aussi mais ne sut dire à qui ou à quoi elles appartenaient. En revanche, quoique ce fut, la cible avait disparue.

Les jours suivants, ils le recroisèrent plusieurs fois. Grunlek le surprit involontairement au camp du soir en allant chercher une casserole, mais comme la première fois, la créature disparut dans les buissons. Il confirma néanmoins que ce n'était pas humain, même s'il n'avait pas réussi à percevoir son visage dans l'obscurité. Ils le virent également passer au loin alors qu'ils traversaient une petite rivière, puis aux abords d'un petit village dans lequel ils étaient passés brièvement. La tension monta rapidement pour l'ensemble du groupe et les théories allaient bon train : Mictian pensait à une créature de la forêt, sans doute attirée par la nourriture, Maria pensait elle à un enfant « magique » à la recherche d'attention, puisque la forme n'était pas si grande que ça. Théo et Balthazar optèrent eux pour un nouvel envoyé d'Enoch et considérait sérieusement la chose comme une menace. Elle n'avait pas l'air de rechercher le conflit, mais simplement de les suivre plus ou moins discrètement. Se faisait-elle l'espionne du père de Balthazar ?

« On devrait poser des pièges, proposa Grunlek autour du feu de camp, lors de la pause du soir. Si vous me laissez la journée de demain pour y réfléchir et faire l'inventaire de ce que l'on a, je les dresse à notre prochain arrêt.

— C'est une bonne idée, approuva Balthazar. Je commence à devenir paranoïaque. Cette chose nous regarde même pisser dans les buissons, ça devient vraiment flippant.

— Ce sont les yeux de l'obscurité, intervint Simaë, toujours dans sa bulle. Ils viennent prendre leur dû. »

Sur cette prédiction pas du tout inquiétante, les aventuriers décidèrent d'aller se coucher. Comme promis, le lendemain matin, Grunlek prit la place de Balthazar dans la charrette pour bricoler quelques pièges. Le mage tint bon jusqu'au soir, même si le paladin remarqua qu'il avait tendance à beaucoup somnoler sur sa monture et fixer le vide du regard. Il n'osa pas lui en parler, mais il espérait sincèrement que ce ne soit qu'un peu de fatigue et pas quelque chose qu'il était en train de couver. La chose apparut deux fois ce jour-là. Elle bondit d'un arbre entre la charrette et Théo, surprenant les chevaux de trait qui se lancèrent au galop pour essayer de fuir. Ils évitèrent l'accident de peu, mais les bêtes restèrent nerveuses tout le reste de la journée. Elle réapparut une nouvelle fois peu avant leur arrêt du soir. Un lapin se trouvait sur le chemin, elle l'avait saisi au vol avant de disparaître dans les buissons.

Au moment de dresser le camp, personne n'était serein. Avec la chose dans les parages, ils avaient peu dormi ces derniers jours et faisaient désormais les rondes à deux. Théo n'avait pas réussi à fermer l'œil depuis quelques jours, si ce n'était les courtes siestes qu'il effectuait dans la charrette pendant la journée lorsqu'il ne tenait vraiment plus debout. Grunlek, accompagné par Mictian, s'occupèrent à peine le pied à terre d'aller dresser les pièges. Ils en installèrent tout autour du camp, dans les endroits stratégiques. Les aventuriers s'étaient installés dans une clairière dégagée. Cela les laissait à découvert, certes, mais donnait aussi moins d'occasion à leur suiveur de se camoufler. Le nain avait eu l'idée d'installer les clochettes des harnais des chevaux de trait sur les pièges. Si jamais quelque chose s'y prenait, ils en seraient immédiatement avertis.

« Il ne reste plus qu'à attendre, expliqua le nain en faisant chauffer la marmite où Maria et lui coupaient des morceaux de carottes. Même si on ne capture rien, ça aura au moins l'avantage de nous faire dormir sans trop se soucier de ce qui se trouve à l'extérieur. »

Et c'est ce qu'ils firent. Pour la première fois depuis cinq jours, Théo laissa Mictian monter la garde avec Balthazar, trop fatigué pour le faire lui-même. Il profita de ses quatre longues heures de sommeil avec une joie non-dissimulée. Balthazar le réveilla au milieu de la nuit, le visage cerné pour qu'il prenne son tour de garde. A la lumière du feu de camp, le mage lui parut plus pâle que d'habitude. Le paladin fronça les sourcils.

« T'as une sale tête, plus que d'habitude, l'avertit-il. Tu es sûr que ça va ?

— Un peu de nausée et un mal de crâne tenace, rien de grave, tenta-t-il de le rassurer. Ce n'est rien.

— Tu en es sûr ? »

Théo lui prit le poignet et le leva devant ses yeux. La main du demi-diable tremblait de manière incontrôlée. Il se dégagea d'un geste vif et cacha le problème dans sa robe. Il détourna le regard. Théo soupira.

« Depuis quand ?

— Depuis qu'on a quitté Gorge Noire. Je ne savais pas si c'était lié à cette foutue malédiction, donc je n'ai rien dit. Je... Je vais bien. Ce sont des symptômes faibles, je peux marcher et je ne suis pas au bord de la mort.

— Tu as encore les injections de Tesla ?

— Oui, dans mon sac. Mais... Je préfère les garder pour quand ce sera vraiment extrême. Je maîtrise. Fais-moi confiance. Ce n'est pas si grave, je te le promets. »

Le paladin hésita. Ne serait-ce pas plus sage de le renvoyer auprès de Tesla ? Il pourrait se faire soigner. Les signes du retour de la malédiction n'étaient pas supposés arriver aussi tôt. Le pacte, l'utilisation de la magie à répétition, son démon, le paladin commençait à se demander s'il n'en cachait pas plus qu'il ne le disait. Il voulut réagir à sa dernière remarque, mais un petit tintement retentit dans les buissons derrière eux. Les deux aventuriers se lancèrent un regard.

Le piège avait fonctionné. 

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