CHAPITRE 41
Hey :D Après cette parenthèse un peu mystique, on replonge dans l'action ! Go, Théo, go !
CHAPITRE 41
Théo et Cyrielle erraient dans les quartiers riches de la citadelle de Gorge Noire. Après avoir passé près de deux heures à couvrir le marché, le paladin en avait eu assez de ces pucelles de troubadour qui clamaient leur amour à la moindre demoiselle qui passait. Cyrielle s'était fait arrêtée cinq fois par ces musiciens de pacotille aux bourses trop pleine, et il avait fallu que Théo explose le luth de l'un d'entre eux contre une fontaine pour leur couper le sifflet pour de bon. Il avait ensuite préféré s'éloigner, autant parce qu'il était à peu près certain que le jouvenceau à la voix de crécerelle allait se plaindre à la garde, mais aussi parce qu'il ne supportait plus le bruit du marché. Son ouïe était beaucoup plus fine qu'avant et le brouhaha incessant lui donnait mal au crâne.
Ils progressaient désormais dans les quartiers marchands luxueux qui longeaient les remparts du château de Gorge Noire, habité par un des frères de la lignée des royaumes du sud. Théo le connaissait de nom et de réputation, ce dernier étant réputé droit et impitoyable sur la question de l'hérésie, mais cela restait les seuls souvenirs qu'il avait de ses cours sur le sujet. Se pouvait-il même que le gouvernement ait changé depuis ? C'était là le principal problème des nobles : ils mouraient et étaient remplacés en un claquement de doigt. Depuis le temps que Théo trainait sur les routes, la lignée des Molas avait très bien pu s'éteindre, pour ce qu'il en savait.
"Merci pour tout à l'heure, dit calmement son écuyère. J'ai toujours détesté les chanteurs de rue. Lorsqu'ils ne chantent pas comme des casseroles, ils deviennent lourds et arrogants.
— Maintenant que tu es dans les ordres, tu n'as plus à te soucier de ça, je suppose.
— Je n'ai jamais voulu me marier, pour être sincère. S'engager, devenir la propriété d'un homme, ça ne m'a jamais intéressée. L'amour en général n'est qu'une perte de temps."
Théo ne pouvait pas dire qu'il ne pensait pas la même chose. Il n'avait jamais vraiment eu l'impression de se laisser enguirlander par les jeunes femmes de Castelblanc et dans leurs aventures. Balthazar, Shin et même Grunlek n'avaient jamais eu ce problème. Après, peut-être que le fait qu'il était sous serment de foi lui faisait rejeter automatiquement ce genre de choses. Cela n'avait pourtant pas empêcher son père de concevoir Victoria et lui-même. Ou Milich Oppenheimer de s'enticher de Manaril, et cela alors même que leurs royaumes étaient en guerre.
Cyrielle s'arrêta devant une grande vitrine dans laquelle étaient exposées des armures de plates. Le paladin jeta un coup d'œil expert à son ouvrage. L'acier était d'excellente qualité, mais terriblement cher. Cela ne valait cependant pas les armures de Castelblanc, bien plus solides sous les bras. Théo préférait clairement l'armure noire qu'il portait actuellement. Elle était plus discrète que la précédente, moins épaisse et plus intimidante. Le seul défaut qu'il y trouvait était les énormes épaulettes qui lui masquaient partiellement sa vision périphérique. Il n'avait jamais été un grand fan des fioritures pour montrer son rang hiérarchique. Si tant est qu'il en avait encore un.
"J'ai hâte d'avoir mon armure, confessa la jeune fille. Ma vraie armure, pas celle d'écuyer. Même si elle ne brillera jamais et que je n'irais certainement jamais au-delà des gardes de la ville, c'est quand même un grand honneur. Vous vous souvenez du jour où vous avez eu votre armure ?
— Oh oui. Je m'étais empalé sur la lance de mon adversaire dans la joute finale, et je me suis cassé la jambe en tombant. Pourtant, je me suis relevé et j'ai réussi à terrasser mon adversaire, qui était aussi mon seul ami de l'époque. Nous avons reçu nos armures à l'infirmerie tellement nous étions amochés. Il est décédé quelques mois après ça en aidant une vieille femme à s'échapper d'une maison incendiée par des pilleurs. Il a réussi à évacuer la femme, mais le toit s'est effondré sur lui. Toutes ces années d'entraînement gâchées en un clin d'œil. Parfois, ces années me manquent, mais je pense ensuite à tout ce que j'aurais raté si j'avais sagement écouté les conseils des professeurs. Je ne devais pas devenir paladin, mon père me l'avait interdit. Et finalement, je suis devenu aventurier.
— Pourquoi ne voulait-il pas vous laisser entrer dans les ordres ?
— Parce qu'il en est mort, et qu'il ne voulait pas que je subisse le même sort, sans doute. Mais... La vérité, c'est que je n'en ai plus la moindre idée. Peut-être qu'il savait pour Victoria et qu'il ne voulait pas que je sois loin d'elle quand cela se produirait. Peut-être qu'il était juste lâche. Je ne suis plus certain de ses intentions après tout ce qu'on a appris sur lui."
Son écuyère resta silencieuse, et ils reprirent la route. Théo resta songeur. Quelle était la part de vrai dans tout ce qu'il avait appris sur son père ? Sur Enoch ? Il espérait sincèrement découvrir vite de quoi tout ceci retournait, mais il avait pour l'instant plutôt l'impression de patiner et de faire du surplace. Il s'inquiétait aussi pour sa soeur. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas eu de nouvelles d'elle, ni de la Tour des Mages. Trop de sujets lui entravaient l'esprit.
Soudain, quelque chose alerta Théo. Il ne put décrire précisément de quoi il s'agissait, mais il sentait que quelque chose l'appelait, quelque part autour de lui. Il regarda les bâtiments qui l'entouraient à la recherche de ce qui pouvait provoquer cette étrange sensation, quand Cyrielle lui tira la manche et pointa quelque chose derrière lui.
"Quelqu'un nous observe. Un homme, sous une cape noire, avec un masque."
Peu discret, Théo fit volte-face. Il se figea immédiatement en reconnaissant l'homme de la Tour des Mages, celui qui avait une pièce remplie d'orbes mémorielles. Son intuition allait également dans sa direction. Repéré, l'homme détala. Théo décida de ne pas laisser passer sa chance cette fois-ci. Il partit à sa suite en courant, Cyrielle sur les talons, qui comprit rapidement ce qu'il fallait faire. Son écuyère choisit de couper par une ruelle pour essayer de le surprendre plus en avant.
L'homme était rapide, mais sa cape le ralentissait. Il zigzaguait entre les ruelles pour essayer de semer son adversaire, mais c'était sans compter sur la détermination de Théo pour l'arrêter. Le paladin gagna rapidement du terrain sur lui, l'individu étant sans doute moins doué à la course que lui et ses années d'entraînement. Il paniquait et fatiguait. La situation se compliqua pour lui dès que Cyrielle bondit hors d'une ruelle, juste devant lui. L'homme tenta de faire demi-tour, avant de réaliser que Théo lui bloquait la route. Affolé, il regarda autour de lui. Finalement, il sortit une gemme de pouvoir de sa poche et la lança de toutes ses forces sur le paladin. Elle explosa et le guerrier fut repoussé en arrière.
Immédiatement, des hurlements de terreur retentirent dans les maisons qui les entouraient. Des familles entières quittèrent les bâtiments, enfants et petits chiens sous les bras, et se précipitèrent en direction de la place du marché. Une épaisse fumée recouvrait l'endroit et Théo, qui peinait à se remettre debout, n'avait plus aucune visibilité sur la scène. La chute n'avait pas été très douloureuse, mais il sentait la blessure dans son dos tirer de nouveau en contrecoup. Il poussa une vieille dame sur son chemin et avança de nouveau dans la fumée, son épée à la main.
"Cyrielle ! cria-t-il. Tu le vois ?
— Non, répondit-elle quelque part devant lui. Mais je ne l'ai pas vu passer parmi les fuyants.
— Moi non plus, grogna le guerrier."
Lorsque la fumée se dégagea un peu, l'homme avait évidemment disparu. Néanmoins, Théo pouvait encore sentir sa présence, très proche. Se pouvait-il qu'il se soit réfugié dans l'un des bâtiments ? A côté de lui se tenait une très vieille menuiserie reconvertie en atelier de couture, en face, de simples habitations. Les deux bâtiments avait été éventrés par l'explosion, permettant un accès facile à l'intérieur. Le paladin fit signe à son écuyère d'explorer les appartements, pendant que lui fouillait la menuiserie.
Mis à part la façade défoncée et les mannequins de présentation écartelés sur le sol, l'intérieur était plutôt en bon état. Un grand comptoir de bois lui faisait face, derrière lequel se dressait un grand meuble de mercerie un peu brûlé d'où dépassait des tas de tissus colorés et autres bobines de fils. Des piles de vêtements pliés avec rigueur étaient disposés au-dessus.
Théo avança à pas de loup, en évitant de marcher sur le verre brisé qui s'était répandu partout au sol. L'homme n'était pas visible, mais son aura était très proche. Epée à la main, le guerrier scrutait la pièce avec attention. Il n'y avait pas tellement d'endroits pour se cacher ici, il chercha donc après une porte dérobée qui menait vers une cave ou vers l'arrière-boutique. Il repéra rapidement un espace assez grand derrière le meuble des outils de couture. Un passage descendait vers le sous-sol. Il ne lui parut y avoir qu'une issue, ce qui était plutôt bon signe, mais fit quand même tomber le meuble sur les marches dans un boucan de tous les diables, pour être certain qu'il ne puisse pas fuir. Il défonça ensuite la porte à coup de pieds jusqu'à ce qu'elle cède dans un cri plaintif et tombe lourdement au sol.
Pris au piège, le fuyard regarda partout autour de lui avec affolement. Ce n'était clairement pas un sous-sol de mercerie ordinaire à en juger par toutes les orbes mémoriels posées sur les étagères. Une femme âgée se tenait derrière l'homme, l'air inquiet, une boule de feu dans la main, prête à se défendre. Théo garda son épée bien droite et tâcha de garder son sang-froid.
"Vous êtes Simaë ? demanda le paladin."
La femme lui adressa un regard mauvais, avant de lancer son sort. Théo l'esquiva de justesse.
"Ecoutez, je ne suis pas là pour vous tuer. Je suis Théo Silverberg, mes amis et moi, nous vous cherchons vous et votre fils depuis un moment. Je ne suis pas là pour poser de problèmes.
— Silverberg... ? demanda la vieille dame d'une voix hésitante. Comme... Archibald ?
— Je suis son fils."
Elle s'approcha avec lenteur et leva une main vers son visage. Théo se laissa faire avec méfiance. Les pupilles de la vieille dame étaient vides, elle était sans aucun doute aveugle. Son fils, sur ses gardes, resta à bonne distance. Le paladin ne pouvait pas voir son visage, mais il savait qu'il veillait au grain. La dame se mit à pleurer.
"Archibald... Archibald, ça fait si longtemps !
— Moi, c'est Théo, grogna le paladin, un peu perplexe.
— Maman n'a pas toute sa tête, dit l'homme derrière lui. Elle oublie vite. Qu'est-ce que vous voulez ? Pourquoi vous me collez comme ça ? D'abord à la Tour des Mages, maintenant ici.
— Donc c'était bien vous, grogna le paladin, menaçant. Vous avez expérimenté sur mon ami.
— Ce n'est pas ce que vous croyez. Je... cherchais des réponses. Sur mon père. J'ai découvert que nous étions demi-frères et j'avais besoin de savoir comment mon demi-frère pouvait être un demi-diable. Je n'ai jamais voulu lui faire de mal. Mais... Les choses ont mal tourné. Je peux vous expliquer, mais baissez cette arme."
L'homme poussa un soupir et baissa sa capuche. Théo leva un sourcil. Il devait avoir le même âge que Victoria. Une vilaine balafre courait son visage, ancienne. Lui aussi semblait être aveugle d'un œil. Il avait les cheveux blonds comme ceux de sa mère, mais ses traits et son bouc rappelaient Balthazar, et Enoch par conséquent. Il paraissait moins menaçant qu'avec son masque.
"Théo ! Théo, tu es là ? appela une voix familière au-dessus.
— Je propose que nous allions dans un endroit plus calme, dit Théo. Nous pourrons y parler plus tranquillement. Je suis là, Bob !"
L'homme approuva d'un hochement de tête.
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