CHAPITRE 40
Coucou ! On reprend le fil de l'intrigue avec quelques informations supplémentaires dévoilées dans ce chapitre :)
CHAPITRE 40
Après une nuit de sommeil réparatrice, Théo se sentait un peu mieux. Il était toujours nauséeux, mais le sol ne tanguait plus dès qu'il essayait de se lever, ce qui était plutôt bon signe. Incapable de rester couché plus longtemps, il décida de se lever malgré l'aube à peine naissante. Son horloge interne était réglée de cette façon, il ne pouvait pas la combattre. Il se glissa en dehors de la chambre et descendit les escaliers en essayant de faire le moins de bruit possible. Dans la pénombre du salon, il distingua les silhouettes de Balthazar et de Cyrielle. Le mage ronflait un bras à terre, l'autre replié de manière mélodramatique sur son visage. Son écuyère était plus calme, roulée en boule sous ses draps.
Il passa à côté d'eux sans bruit et se dirigea vers la cuisine. Il avait faim et soif. Il était à peu près certain que la mère de Balthazar ne lui en voudrait pas de piquer quelques biscuits dans les placards. Dans le pire des cas, il pourrait toujours accuser le mage ou le nain et son honneur resterait sauf. Il ouvrit l'armoire et passa en revue les différents bocaux en verre avec envie. Son choix se porta sur de petits biscuits au blé. Il en mangea un, puis deux, puis décida d'emporter le pot dans le petit jardin pour grignoter en s'occupant de son cheval.
L'animal frotta doucement sa tête contre celle du guerrier pour quémander de la nourriture. Le paladin lui donna volontier un morceau de biscuits, ainsi qu'à Eden, qui avait finalement décidé de s'infiltrer en ville. La louve était à moitié enfouie dans la paille, mais l'arrivée des biscuits avaient fini par l'encourager à en sortir. Elle suivit même le paladin à l'intérieur lorsqu'il retourna sur ses pas. Comme par instinct, elle choisit de monter directement à l'étage, sans doute pour rejoindre Grunlek. Balthazar, qui s'éveillait à peine, la regarda passer et bouda un peu lorsqu'elle ignora copieusement la main qu'il avait tendue vers elle. Le mage se tourna vers le guerrier, qui cacha discrètement le bocal désormais vide derrière lui.
"Si tu as mangé les biscuits au blé, ma mère va te tuer, lui annonça-t-il.
— Tu lis encore dans mes pensées, là ? s'énerva le guerrier.
— Non. Tu as des miettes tout autour de ta bouche."
Il fronça les sourcils et passa sa main rapidement pour effacer les traces de son crime. Le mage ricana doucement avant de se lever pour de bon du fauteuil. Il fit craquer chacune de ses articulations , ce que le paladin fit mine d'ignorer. Il détestait ce son et le demi-diable le savait très bien. Le mage se dirigea tranquillement vers la salle d'eau, laissant le guerrier seul avec son écuyère. Le paladin sourit lorsqu'un rayon de soleil lui brûla les yeux. Elle poussa une plainte sourde avant de cacher sa tête sous la couverture.
La porte de la cave s'ouvrit. Maria Lennon lança un regard inquisiteur au paladin avant de raccompagner une jeune femme à la porte. Elle tenait une petite fiole dans ses mains, tandis que la mère du demi-diable avait elle une bourse bien épaisse accrochée à sa ceinture. Il ne savait pas exactement ce qu'elle trafiquait sous la maison, mais le bref aperçu qu'il avait eu de la cave lui avait suffi. Il ne comptait pas remettre les pieds là dedans avant un très, très long moment.
Lorsque tout le monde fut enfin réveillé et plus ou moins prêt à se mettre en route, Balthazar et Théo expliquèrent leur plan aux autres, qui consistait principalement à se promener dans la foule et les marchés les plus bondés, à la recherche du fils de Simaë. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il soit effectivement toujours en ville, ou la situation se compliquerait très rapidement. Ils se donnèrent trois jours pour explorer cette piste. Si elle n'était pas concluante, alors ils devraient réfléchir à quelque chose d'autre. Moins réjouissant, cet échec signifierait également que la nouvelle condition de Théo n'aurait servi à rien, même si personne n'osa le formuler à voix haute.
"On devrait en profiter pour préparer la suite du voyage, intervint Grunlek. Nous allons bien devoir repartir à un moment ou un autre, et nous avons besoin de provisions. J'ai ramené quelques gemmes de Fort d'Acier, dit-il en ouvrant le compartiment de son bras métallique, on pourra également s'acheter des chevaux avec ça.
— Il a raison. J'ai aussi besoin d'une nouvelle robe de mage, dit Balthazar en pointant les divers rafistolages de son vêtement. Si on se prend leur inquisition de fou furieux sur le dos, privilégiez la fuite. Surtout toi, Théo. Tu n'es pas au maximum de tes capacités. N'utilise pas ta magie avant qu'on ait découvert de quoi tu es capable. Pareil pour toi, dit-il à Cyrielle. Ne déclenchez pas d'incendie.
— Rendez-vous ici en soirée, approuva Théo. Grunlek, laisse Eden dans l'écurie. Si jamais un groupe ne revient pas, elle sera utile."
La louve n'apprécia pas d'être enfermée comme un vulgaire cabot et l'exprima clairement en mordant Balthazar à la cuisse lorsqu'il menaça de fermer le loquet. Il décida de laisser ouvert pour qu'elle se promène dans le jardin. Décidément, le contact ne passait pas ce jour-là. Comme eux tous, la louve avait ses bons et ses mauvais jours...
Après un petit déjeuner qui réjouit Théo, les deux groupes se séparèrent en ville. Leur mission sur les traces d'Archibald et d'Enoch pouvait reprendre.
*******
Comme tous les jours, le marché sud de Gorge Noir était bondé. Balthazar épluchait d'un oeil expert les stands d'étoffe, à la recherche de celle pour qui il aurait le coup de foudre. Malheureusement, le sud de la ville était principalement paysan. Si l'on écartait les tissus bas de gammes, on y vendait surtout des poules, des cochons, des vaches, et l'horrible odeur de fumier qui emplissait l'air le témoignait magnifiquement bien.
Grunlek ne paraissait pas s'en soucier. Cela faisait près de cinq minutes qu'il discutait avec un marchand de viandes exotiques à la qualité sanitaire douteuse. L'homme, heureux d'avoir pour public le roi des nains, lui faisait goûter à tous ses mets : bouchées d'orques, cuissot de gobelin, haché de dragon, langue de chat, testicule de taureau... Chaque chose qu'il mettait à sa bouche donnait la nausée au mage. S'il comptait se fournir sur ce stand pour leur voyage, Balthazar n'hésiterait pas une seconde à lui voler sa bourse. Il était hors de question qu'un mage de son acabit s'abaisse à de la malbouffe de pécores. Plutôt mourir de faim !
Il ravala un nouveau haut-le-coeur lorsque le nain mis à sa bouche une bouillie verte étrange, qu'il identifia comme de la "régurgitation de plante carnivore". Le vomi, extrait des plantes, ressemblait à un flan, dans lequel toutes sortes d'insectes finissaient piégés, et parfois même des morceaux d'autres bestioles que le végétal jugeait comestible. Comment le nain pouvait-il seulement mettre ça à sa bouche ? Il frissonna de dégoût et décida de porter son attention sur autre chose.
Il ne fit pas trois pas qu'un "schliiiiift" désagréable se fit entendre sous sa chaussure. Il baissa les yeux. Une gigantesque bouse de vache avait éclaboussé sa robe dans un état déjà plus que pitoyable. Il ferma les yeux et hurla intérieurement. Cette journée sentait la merde. Au sens littéral. Il s'éloigna en essayant d'ignorer le bruit désagréable de bouillie liquide à chacun de ses pas et se concentra sur ce qui l'entourait. Pour le moment, rien ne sortait de l'ordinaire, si ce n'était les bouseux de ce patelin moisi qui dévisageaient le bas de ses vêtements avec un sourire moqueur. Il résistait à l'envie de brûler l'intégralité de ce marché, mais après avoir interdit à Théo et Cyrielle de le faire, il se sentait mal d'en ressentir l'envie. A vrai dire, il n'avait même pas l'impression que cette pensée lui appartenait vraiment.
Se pouvait-il que Théo influe sur ses propres pensées maintenant ? Il n'était pas encore très à l'aise avec la manière dont il était censé utiliser son lien. Le fait que ce soit réciproque le rassurait quelque peu. Les seules choses dont il était à peu près sûr était que le paladin était contraint de lui obéir et qu'il avait une psyché démoniaque en formation bien plus puissante que ce qui était prévu. Tout le reste restait une vaste plaine à découvrir. Il ne se voyait pas vraiment lui apprendre à utiliser des flammes. Il avait déjà promis à Cyrielle de lui apprendre à se contrôler, et la tache représentait déjà beaucoup de travail. Il ne se sentait pas capable de gérer deux sources démoniaques en pleine expansion. Bien sûr, le paladin avait au moins l'avantage de ne pas développer -pour l'instant- de démon intérieur comme lui, mais cela pouvait provoquer de grosses catastrophes s'il n'apprenait pas à contrôler ses pulsions. Le simple fait qu'il ait déjà tenté de manger Grunlek était inquiétant.
Un raclement de gorge le sortit de ses pensées. Il se tourna vers le stand d'une vieille voyante qui cherchait à croiser son regard depuis déjà quelques secondes. Le mage détestait ce genre de magie depuis qu'il y avait été confronté de force. L'oniromancie et la voyance astrale étaient des forces avec lequel il n'était pas bon de jouer. Il n'en sortait que rarement de bonnes choses. Un silence inquiétant prit place autour de lui. Surpris, il regarda les alentours avec suspiçion avant de se figer. Toutes les personnes du marché s'étaient figés en pleine action. Tous, sauf la voyante.
Le mage se mordit la lèvre et s'approcha finalement de la vieille dame. Elle pointa le siège devant elle et commença à battre les cartes sans dire un mot. Balthazar fronça les sourcils.
"Vous êtes une mage du temps ? Comment pouvez-vous... Faire ça ?"
Elle lui répondit par un sourire énigmatique avant de continuer son manège sans se soucier de lui. Elle fit glisser trois cartes sur la table, et les retourna une à une. Le mage se crispa à la vue des images. La première représentait Enoch, entouré d'une armée de démons qui recouvrait ce qu'il identifia comme Fort Tigre. La deuxième représentait Théo, en plein combat avec son père, d'autres paladins à ses côtés. Sur la troisième, Grunlek serrait les Codex contre lui, le corps de Théo et de Balthazar à ses pieds, couverts de sang. Le mage serra les dents et releva la tête vers la femme.
"Qu'est-ce que ça signifie ?"
Elle sourit étrangement avant d'ouvrir la bouche. Elle n'avait plus de langue. Bien sûr. Ce n'était pas exactement comme si elle pouvait leur être utile. Le mage décida d'ignorer les cartes. Il n'aimait pas les prophéties.
"Est-ce que vous savez quelque chose sur le fils d'une certaine Simaë ? C'est très important. Il pourrait nous aider à retrouver les Codex, dit-il en pointant la dernière carte devant lui."
Elle sembla réfléchir, puis tendit sa main, l'air malicieux. Le mage leva les yeux et vida une partie de sa bourse dans sa paume. Satisfaite, la vieille dame battit de nouveau les cartes, puis en tira trois nouvelles. Le mage se figea de stupeur. Sur la première, une jeune femme suppliait Enoch et Archibald Silverberg à genoux, un bébé dans les bras. Son père tenait une dague pointée vers l'enfant, tendit que le paladin s'y opposait. Le seconde montrait la jeune mère en train de fuir vers Gorge Noire. Le jeune enfant était grièvement blessé dans ses bras, la dague d'Enoch dans la poitrine. La troisième la montrait en larmes devant une sorcière aux paupières cousues et à la peau d'une blancheur extrême. Deux jeunes enfants, un auréolé de noir, l'autre de lumière, volaient autour d'elle, avec deux fanions. Un disait "Silverberg", l'autre "Lennon". La jeune mère pointait celui avec son nom. Se pouvait-il que ce soit la malédiction qui le rongeait ?
"Où est-il maintenant ? demanda-t-il en pointant l'enfant."
Elle posa une quatrième carte. Un jeune homme y était dessiné, à moitié-humain et à moitié-démon, assis dans ce qui ressemblait à un atelier de menuiserie, désemparé. Il portait un voile noir, et des orbes mémorielles voletaient autour de lui. Le mage prit la carte pour y voir plus clair, mais elle lui fut arrachée brutalement des mains. Quand il releva la tête, la voyante avait disparu et il ne restait devant lui que des morceaux de papier blanc. Au bout de la rue, les inquisiteurs de l'Eglise du Feu avançaient vers le marché et plusieurs commerçant s'enfuir avec leurs marchandises, effrayés.
"Bob, tout va bien ? demanda Grunlek en le rejoignant. Tu fixes le vide depuis cinq minutes, ça en devient inquiétant.
— Oui... répondit-il, perturbé. Je... Je pense savoir où il est, dit-il avec détermination. Nous devons gagner un atelier de couture de la haute-ville. Une voyante muette me l'a dit.
— Une voyante ? répondit le nain avec perplexité, en regardant derrière lui.
— Je t'expliquerai en route, suis-moi. Nous devons retrouver Théo."
Sans lui laisser le temps d'en placer une de plus. Il le prit par le bras et le tira dans la foule en sens inverse. Les paladins lui lancèrent un regard noir avant de continuer leur route. Ils avaient sans doute de meilleurs chats à fouetter.
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