CHAPITRE 39

Coucou :D Un chapitre un peu plus calme cette semaine pour vous laisser le temps de souffler avant la reprise de l'action !

CHAPITRE 39

Théo avait passé une nuit atroce. Outre les vomissements à répétition qui l'avaient maintenu éveillé une bonne partie de la nuit, il avait la terrible impression qu'on lui avait arraché quelque chose d'important. Il se sentait souillé, sali par le mal alors même qu'il était à l'origine de sa propre misère. Il avait froid, puis trop chaud, et son corps tout entier semblait hurler à l'agonie. Dans un moment de conscience, il avait accepté de boire une des horribles tisanes de la mère de Balthazar. Elle avait soulagé la douleur quelques heures, mais elle repartait de plus belle maintenant que le jour se levait. Il avait l'impression que quelque chose l'empêchait de mourir et le retenait prisonnier dans ce monde pour qu'il continue à souffrir le martyr. Quand la douleur prendrait-elle enfin fin ? Quand pourrait-il enfin se reposer ?

Il se retourna une nouvelle fois dans son lit en serrant son ventre de ses deux bras. Il poussa une plainte sonore avant de saisir maladroitement le verre d'eau laissé à son attention sur la table de chevet. Il ne savait même plus qui l'avait posé ici. Quelqu'un était-il rentré dans sa chambre les dernières heures ? Il se souvenait vaguement avoir été déplacé à l'étage, dans la chambre de Cyrielle qui venait à peine de se réveiller. C'était surtout une question de sécurité, pour éviter que les paladins de l'Eglise du Feu ne posent trop de questions. Le Troisième de la Lumière qui embrasse la voie de l'hérésie et volontairement, qui plus est, ça passerait difficilement inaperçu.

La porte grinça doucement. Grunlek lui adressa un sourire triste avant de s'approcher de lui. Il ramassa une serviette en boule sur le sol, avant de poser sur sa tête un nouveau linge humide.

"Comment tu te sens ?

— Comme un rat crevé, avoua-t-il d'une voix faible."

Il attrapa le tabouret qui traînait dans le coin de la pièce et s'installa à côté de lui. Le guerrier évita son regard, mal à l'aise. Il pouvait sentir sa pitié à des kilomètres. Ça, et le sang qui pulsait dans ses veines. Il fronça les sourcils à cette pensée parasite et secoua légèrement la tête pour se concentrer sur autre chose. Peine perdue. Il ne voyait plus que ça. Cette sensation étrange le prit bientôt aux tripes, jusqu'à devenir obsessionnelle. Grunlek parlait, il l'entendait bien, mais il ne parvenait pas à comprendre un seul de ses mots. Si seulement il pouvait juste... Goûter ? D'où lui venait cette pensée ? Il poussa un gémissement et se frotta les tempes pour essayer de concentrer son attention sur autre chose.

"Tu as réussi à dormir un peu ? Tu as une mine horrible."

Le paladin ne répondit pas. Il ressentait une faim irrépressible qui l'appelait, de plus en plus fort. Il ne pouvait plus le supporter. Il devait l'étancher. Son regard se posa sur la jugulaire de Grunlek. Le nain eut un mouvement de recul. Théo suivit les pulsations du sang jusqu'à la poitrine. Avait-il assez de force pour arracher un cœur ? Il n'en avait aucune idée. Mais la toute-puissance qu'il ressentait lui donnait envie d'essayer.

D'un coup, il bondit sur Grunlek. Le nain le vit arriver de loin et l'esquiva sans difficulté. Il plaqua le guerrier à terre et lui maintint le bras derrière le dos pour l'empêcher de l'attaquer. Son bras mécanique lui empêchait de se rebeller et ne souffrait d'aucune faille. Il était coincé.

Théo ressentit soudain une présence en approche, bien supérieure à la sienne. Il poussa un cri de détresse et recula brutalement contre le mur, entraînant Grunlek avec lui. La porte s'ouvrit sur Balthazar. Il écarquilla les yeux de surprise devant la position incongrue du nain et du paladin.

"Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Je ne veux pas t'alerter, répliqua le nain d'une voix doucereuse, mais je suis à peu près certain qu'il a essayé de me manger.

— Oh... C'est un des effets secondaires possibles, grimaça le mage. Ça lui passera d'ici quelques jours. En attendant, ne laisse pas traîner ta jugulaire dans les parages. Il a des crocs, maintenant, dit-il en baissant la voix.

— J'ai quoi ? s'alarma immédiatement le paladin en ouvrant grand la bouche.

— Du calme, c'est le seul truc bizarre, le rassura le mage. Tu n'as pas d'écailles ou de cornes, et ce n'est pas prévu au programme. Mais le sang de démon fait pousser les canines et peut te faire presque passer pour un vampire pendant quelques jours. Ton organisme lutte toujours contre la mutation, tu risques d'avoir quelques petits problèmes de dualités le temps que ça se tasse. Je suis aussi là pour t'aider à les gérer."

Le guerrier lui lança un regard incertain. Il ne l'avait pas prévenu de ça. Pouvait-il lui seulement lui faire entièrement confiance ? Il n'aimait pas beaucoup que le mage en sache plus sur lui que lui-même. Trop de points faibles exposés. Trop de risques de manipulation. Il garda le silence, mais cette pensée resta férocement ancrée dans sa tête.

"Tu tiens sur tes jambes ? demanda le demi-démon en changeant le sujet. J'avoue que je ne sais pas vraiment à quoi m'attendre et que ça m'effraie un peu. Tout ceci est encore nouveau.

— Je pense... répliqua le paladin. Je suis encore fatigué, mais pas au point d'être dorloté comme une princesse.

— Ravi de l'entendre."

Le mage s'étira. Cyrielle passa discrètement la tête de derrière la porte. Elle finit par entrer en s'apercevant que Théo l'avait repérée. Elle aussi avait l'air extrêmement fatiguée. D'immenses poches noires tombaient sous ses yeux et ses cheveux gardaient encore les stigmates de leur aventure dans la forêt. Le demi-diable lui offrit un grand sourire charmeur qui fit plisser le guerrier des yeux.

"Je suis contente de voir que vous êtes réveillé, monsieur. Je suis désolée d'avoir...

— Tout va bien, ce n'est pas de ta faute, la rassura le paladin. J'ai déjà vécu pire, dit-il avec une pointe d'accusation à l'attention de Balthazar. Entre une citadelle et un morceau de bois moisi, je préfère que tu crames le bois moisi. Et puis au moins, tu as échappé aux écailles, toi.

— Et moi qui pensais que Grincheux était parti, se moqua gentiment le mage, légèrement vexé."

Mis à part les canines, le paladin se surprit à penser que finalement, ce n'était pas si terrible que ça. Du moins jusqu'à ce que Balthazar n'ouvre de nouveau la bouche.

"Alors, tu as commencé à tester tes nouvelles capacités ? Je suis curieux de voir de quoi tu as hérité. Je te préviens, si tu te mets à cracher des flammes, j'explose de rire.

— Parce que ça pourrait arriver ?

— Peut-être. Tu n'es pas un humain normal, il y a donc des chances que tu aies gardé des pouvoirs malgré tout. Même si tu n'as plus ta foudre, tu as sans doute obtenu de nouveaux cadeaux.

— Ma psyché, réalisa brutalement le paladin. Je ne la sens plus ! paniqua-t-il.

— Du calme, elle est toujours là. Ce n'est juste plus celle à laquelle tu es habituée. Tu as de la psyché de démon maintenant, tu sais, celle que tu n'arrivais plus à supporter il y a à peine quelques jours. Elle est très différente de celle de la Lumière, ou de celle de Grunlek. Tu devrais pouvoir le sentir maintenant que tes perceptions sont plus aiguisées. Nous allons travailler tout ça, ne t'en fais pas."

Il posa une main sur son épaule. Pour une quelconque raison, Théo ne se sentit pas en confiance et se dégagea. Ce n'était pas spécialement de son propre fait, mais plus... Comme si son esprit sentait que l'être qui se tenait en face de lui pouvait mettre fin à sa vie d'un claquement de doigts. Il savait Balthazar incapable de ça, bien sûr, mais son instinct lui dictait le contraire. Et le sang de Grunlek qui continuait de lui monter à la tête ! Il lança un regard vers le cou du nain.

"Non, lui interdit Balthazar avec autorité."

Presque immédiatement, le paladin recula en se tenant la tête et en gémissant. Balthazar posa ses deux mains sur sa bouche et s'insulta mentalement.

"Désolé, grogna le mage. Ton corps réagit à mes ordres. Je ne sais pas encore comment contrôler ça. C'est un des problèmes du lien. Ça et le fait que je peux partiellement lire dans tes pensées.

— Quoi ?! s'énerva le guerrier. Mais je ne te veux pas dans ma tête !

— Je ne le contrôle pas ! s'excusa le mage. Chez les démons, il y a une échelle hiérarchique. Tu es situé plus bas que moi, donc mes ordres outrepassent ton libre arbitre. Si ça peut te rassurer, c'est la même chose pour Cyrielle. Je suis issu d'un démon supérieur, je ne peux pas faire autrement ! Je te promets de ne pas en abuser, sauf en cas d'urgence.

— Ce n'était pas un cas d'urgence !

— Tu voulais manger Grunlek !"

Le paladin croisa les bras, boudeur. Grunlek lança un regard au mage, puis au paladin, légèrement nerveux. Il recula d'un pas en prenant conscience qu'il était entouré de demi-démons (ou presque-demi-démon, dans le cas de Théo). Maria Lennon poussa son fils, un plateau de soupe dans les mains, qu'elle déposa sur le lit. Elle sourit au guerrier.

"Ne vous inquiétez pas, moi aussi j'ai tenté de manger Balthazar le jour de sa naissance. Ce n'est que temporaire."

Le mage se tapa le visage du plat de la main en soupirant. Cela eut au moins pour effet de détendre un peu l'atmosphère. Théo se jeta sur la nourriture et n'en laissa pas une miette. Seul Balthazar resta à ses côtés pour lui faire la conversation et discuter de la suite du plan. Maintenant qu'ils avaient un moyen de localiser le fils de Simaë, ils allaient devoir parcourir la ville de long en large. Sans oublier la créature toujours enfermée dans l'Eglise du Feu avec laquelle il allait bien falloir procéder à un moment ou un autre. Balthazar n'avait de plus pas confiance en Falbra et s'inquiéta de laisser la bête entre ses mains. S'il la relâchait accidentellement, la situation deviendrait plus complexe maintenant que le paladin ne pouvait plus l'abattre en plein vol avec sa foudre. Il craignait aussi qu'il expérimente des choses dessus et s'approprient des savoirs un peu trop dangereux, ce qui serait le pire des scénarios possibles. Ils avaient assez donné dans les fanatiques qui jouent avec des forces qui les dépassent, comme en témoignaient les Codex, désormais dans les mains d'Enoch.

Puisque Balthazar et Théo pouvaient tous les deux localiser la cible, ils décidèrent de se répartir la tâche dès le lendemain matin. Cyrielle et Théo partiraient au nord, Balthazar et Grunlek au sud de la ville. Ils ne pourraient sans doute pas couvrir l'ensemble de la ville en une journée, mais ce serait un début. Ils n'avaient pas tellement d'autre choix de toute manière.

"Mais quelque chose me chiffonne, dit Balthazar. Enoch a démontré depuis le temps avoir la puissance de feu pour nous anéantir. Pourquoi ne le fait-il pas ?

— Il attend peut-être qu'on fasse quelque chose pour lui, je l'ai aussi envisagé, répondit le guerrier. Il aurait pu facilement me tuer dans la forêt avant la Tour des Mages, mais il ne l'a pas fait.

— Je mentirais si je disais que ce n'était pas inquiétant. Enoch laisse rarement les choses au hasard, il l'a déjà prouvé."

Ils gardèrent le silence, avant que le mage ne se redresse, songeur.

"Je te laisse te reposer. On se donne rendez-vous en bas en soirée pour les derniers détails. A tout à l'heure.

— Pourquoi pas maintenant ?

— Je... Dois regarder les orbes une nouvelle fois. J'ai peut-être une piste. Je t'en dirais plus si elle mène quelque part. Et dors pour de vrai, cette fois. Ton corps a besoin de repos.

— Oui, maman."

Le mage roula des yeux avant de quitter la pièce, laissant Théo seul. Le paladin leva la tête vers la fenêtre, nerveux. Ils avaient encore du pain sur la planche avant de pouvoir se reposer pour de bon. Autant obéir au mage. Il se glissa dans ses draps et se recoucha.

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