CHAPITRE 37
Coucou ! Désolée pour la petite absence de la semaine passée :D Voici le chapitre du jour !
CHAPITRE 37
Le paladin avançait seul dans les rues bondées de Gorge Noire. Son armure brillait comme un phare aveuglant et il poussait à coup d'épaules tout obstacle qui se trouvait sur sa route : hommes, femmes, enfants. Il n'en avait plus rien à faire. Tout ce qu'il voulait, c'était rendre justice, avoir un dernier moment de folie avant de rendre ses pouvoirs à la Lumière. Les autres allaient sûrement se demander où il avait disparu, mais si le plan qu'il avait en tête arrivait à terme, ils l'acclameraient en rentrant.
Il en avait marre de cette ville. Marre de ses secrets, marre de ses marchés où on ne pouvait pas faire deux mètres sans foncer dans quelqu'un, marre de son église hérétique et de ses gouvernants hypocrites, marre d'être toujours traîné dans des situations pas possibles et surtout marre d'être pris pour un abruti. Il leur avait laissé une chance de ne pas se mettre sur son chemin, ils n'en avaient fait qu'à leur tête. Tant pis pour eux.
Il marchait vers la cathédrale du centre-ville. Il la trouvait hideuse. Au moins, les paladins de la Lumière savaient allier classe et religion. Sur le parvis, deux rangées de paladins montaient la garde, le dos droit et lance à la main. Plusieurs lui lancèrent un regard hostile alors qu'il montait les marches dans l'intention évidente de rentrer de force. Alors qu'il atteignait la porte, deux lances se croisèrent pour lui barrer le chemin. Les soldats ne dirent rien, le regard toujours bien droit, mais le message était clair.
"Je suis le Troisième de l'ordre de la Lumière, déclara calmement Théo. Si vous ne voulez pas d'emmerdes, je vous conseille de me laisser passer.
— Vous n'avez pas autorité ici. Les règles sont les règles, répondit l'un des soldats d'une voix intransigeante. Reculez."
Théo sourit, puis le poussa de toutes ses forces. Le garde claqua contre le mur dans un bruit de métal avant de glisser pitoyablement vers le sol. Les gardes braquèrent tous leurs armes vers lui.
"Ce n'était pas une question, grogna le paladin. Laissez-moi passer ou je vous mets tous à terre. Vous vous rappelez de vos petits copains de la taverne ?
— Ces hommes avaient des familles, s'outra le garde, en retenant difficilement sa haine. L'un des gardes que vous avez tué était mon frère.
— Oups ! se moqua le paladin en haussant les épaules."
Le visage de l'homme vira au rouge. Crispé sur son arme, il hésitait entre son professionnalisme et son envie de vengeance. Il ne tint pas longtemps avant de se jeter pour le guerrier qui l'esquiva et le poussa dans le dos. Le garde dévala les marches de cathédrale et atterrit en bas la nuque brisée. Les autres restèrent immobiles mais nerveux. Aucun ne tenta de l'arrêter de nouveau lorsqu'il passa les imposantes portes en bois de l'église. Ils ne savaient pas que dans son état, le paladin n'avait aucune chance contre eux, mais sa petite démonstration de force avait fait suffisamment mouche pour les dissuader d'approcher.
L'intérieur de la bâtisse était gigantesque. Si l'ambiance était terne et sombre, les lumières rougeoyantes des vitraux laissaient peser des touches sanguines sur le marbre froid. Deux rangées de bancs vides encadraient un autel de marbre noir richement décoré, sans doute pas juste avec les piécettes des fidèles, qui trônait fièrement au-dessus de vingt-sept marches de la même couleur. L'archevêque Falbra se tenait à genoux derrière lui, les mains jointes. Ses lèvres marmonnets des verserts de son Eglise et il ne semblait pas encore avoir remarqué le guerrier qui s'avançait dangereusement vers lui.
Ou plutôt, Théo ne vit pas le champ magnétique qui entourait le prêtre, l'autel et les marches. Il se cogna violemment le nez contre le sort et poussa un juron en reculant d'un pas. Cela lui donnait une raison supplémentaire de haïr cette foutue église et ses stupides règles archaïques. Qui mettait un champ de force autour de son autel ? Il craignait que ses fidèles le tuent ? ... Ou était-ce juste une protection contre lui ? Avec le recul, peut-être que les paladins à l'entrée ne l'avait fait rentrer que parce qu'ils savaient que cela arriverait. Crétins.
"Que voulez-vous, Silverberg ? demanda l'archevêque sans bouger. Votre aura de colère trouble ma méditation. Il y a un problème ?
— Un problème ? se moqua le paladin. Vous voulez parler du moment où vous avez tenté de massacrer le roi des nains à la sortie des Archives et malgré notre accord ? Ou peut-être de comment vous vous en êtes pris à mon ami mage dans la forêt alors qu'il essayait de réparer vos conneries ?
— J'avais demandé à ce qu'il reste enfermé.
— Et vous m'avez donné votre accord pour accéder aux archives. Ne jouez pas à l'idiot avec moi, vous risqueriez de vous brûler, Falbra."
L'homme tiqua, agacé, avant de se relever gracieusement. Il s'approcha de la limite du champ de force et vint faire face au guerrier.
"Votre écuyère à l'essence démoniaque ne faisait pas partie de l'accord, reprit-il d'un ton neutre. C'est une honte pour un paladin de votre rang de s'enticher de pareille hérésie. Vous semblez bien loin de la foi que vous défendez, mon enfant.
— Mêlez-vous de votre cul."
La réplique eut le mérite de lui fermer temporairement le clapet. L'homme aux cheveux gris ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois pour répondre, mais rien ne sortit. Théo donna un nouveau coup dans le bouclier magique. L'homme tira la grimace, ce qui confirma l'hypothèse du guerrier. Il sourit méchamment, puis dégaina son épée. Il la planta de toutes ses forces dans le sort. Une grande fissure apparut à la surface du sort avant qu'il ne cède dans un éclat de verre brisé. La panique se lut dans les yeux de l'archevêque, qui invoqua immédiatement des flammes pour faire reculer son opposant.
"Je vous préviens, Silverberg, si vous ne reculez pas, je serais contraint de vous tuer.
— J'aimerais bien voir ça, se moqua le paladin."
Il leva son épée, mais fut interrompu par une ombre massive qui se rapprochait derrière les vitraux de la cathédrale. Une créature noire brisa le verre et se posa à l'intérieur de l'Eglise, ses deux ailes noires dans le dos. Les deux chefs des ordres braquèrent leurs armes vers lui d'un seul homme. La vengeance pouvait attendre, pas ça.
La bête respirait difficilement, le flanc déjà traversé de nombreuses flèches. Comme les autres créatures envoyées par Enoch, elle était difforme : il s'agissait d'une masse noire qui ressemblait vaguement à un griffon, enveloppé d'une substance noire visqueuse qui coulait le long de son corps dans jamais tomber. Théo sentit sa psyché s'affoler et il fut presque immédiatement fut pris de vertiges, comme si cette chose siphonnait son essence vitale. La créature feula avec menace dans leur direction, les ailes redressées à la manière d'un cobra. Plusieurs paladins s'aventurèrent prudemment dans la cathédrale, épées à la main, pour rejoindre leur archevêque.
"Qu'est-ce que c'est ? demanda Falbra, horrifié.
— J'en ai pas la moindre idée. Si c'est la même saloperie qu'à la Tour des Mages, on est dans la merde, répondit Théo. Il y a aussi de fortes chances qu'elle soit immunisée au feu, étant donné sa nature démoniaque. Votre église sert vraiment à rien.
— Eh bien agissez au lieu de geindre ! ordonna le vieil homme.
— Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? Cette chose est criblée de flèche et est toujours capable de voler !
— Vous l'avez ramené ici !"
La bête poussa un cri rauque et fit un bond en avant. Théo et Falbra reculèrent d'un pas, sur leurs gardes.
"Le toit est solide ? demanda Théo.
— Il est en réparation, mais pourquoi..."
Un grondement sourd se fit entendre au-dessus d'eux. Les yeux de Théo virèrent au jaune doré et deux grandes ailes blanches poussèrent dans son dos. Abasourdi, Falbra l'abandonna lâchement pour aller se planquer derrière ses soldats. Les généraux fuyaient toujours les premiers, songea Théo, amer. Il l'ignora pour se recentrer sur l'immense créature qui lui faisait désormais face, ses ailes déployées dans le dos. Elle piétinait, rechignant à attaquer, comme si elle présentait ce qui allait se passer.
"Théo ! Tu vas bien ? appela une voix familière."
Il tourna la tête vers Grunlek et Balthazar, qui venaient d'arriver, essouflés. Le paladin ne leur répondit pas et se recentra sur la bête qui en avait profité pour faire un pas vers lui. Elle poussa un feulement et gonfla l'échine, avant de se mettre en position d'attaque. Elle bondit d'un coup sur lui. Théo planta son épée dans son torse et la fit basculer sur le côté, ce qui dévia l'attaque. Il perdit son arme dans l'opération, profondément enfoncée dans la poitrine de la bête qui ne sembla même pas le remarquer. Elle tomba lourdement sur le flanc mais se redressa presque immédiatement, yeux dans les yeux avec Théo, maintenant désarmé. Elle voulut le charger de nouveau, mais le poing métallique du nain la cueillit au vol et la fit chuter quelques mètres plus loin.
"Elle se relève, grogna Grunlek. Je ne suis pas sûr de lui avoir fait de dégâts. Bob, tu peux essayer de l'avoir aux flammes ?
— Ca ne fonctionnera pas, répondit le mage. Elle pue l'énergie démoniaque, elle est immunisée au feu. Théo, ne reste pas trop près d'elle, je ne sais pas encore ce que sa psyché pourrait te faire.
— Tu crois que j'ai le choix peut-être ?"
Il voulut se tourner vers les paladins de l'Eglise du feu pour leur hurler de se bouger, mais le dernier fuyait par la porte avec l'archevêque. Bien sûr. Il réfreina difficilement l'envie de massacrer ces incompétents pour se recentrer sur des problèmes plus urgents. La créature rampait de nouveau dans leur direction, les yeux rouges de rage. Balthazar recula d'un pas, nerveux.
"Je vais essayer de la foudroyer, avertit-il ses compagnons. Allez vous mettre à couvert, le toit va s'effondrer, et j'espère bien l'intégralité de leur église de merde avec.
— Ah, il m'avait manqué ce paladin-là, rit Balthazar en obéissant, Grunlek à sa suite."
Théo concentra toute la psyché qu'il pouvait au-dessus de lui. Le premier éclair frappa de plein fouet la structure, créant un large trou dans le toit. Plusieurs débris tombèrent autour du paladin qui se contenta de les esquiver, tout comme la créature. Le second la toucha de plein fouet alors qu'elle s'apprêtait à bondir sur Théo. La bête tomba au sol et se mit à pousser des cris horribles alors que le paladin maintenait le sort sur elle, implacable. Il puisa jusqu'à la dernière once de psyché avant de brutalement lâcher prise et de tomber à genoux, épuisé.
La bête ne bougeait plus et fumait, complètement calcinée, écrasée sur elle-même. Grunlek arma son arbalète et s'approcha lentement. Il donna un coup de pied dans la bête, elle bougea légèrement la patte.
"Merde, grogna le paladin en tirant le nain en arrière. Cette chose est toujours en vie ! Qu'est-ce qu'on fait ?
— On ne peut pas la laisser là, elle va s'attaquer au village, réfléchit le mage.
— Nous allons nous en charger, intervint une voix derrière eux."
Falbra s'approcha et activa un champ de force autour de la bête. Il lança un regard noir à Balthazar avant de s'avancer vers son oeuvre. Il invoqua des verrous sous le cercle pour bloquer la créature pour de bon, le temps de décider quoi en faire. Il vérifia la stabilité du sort puis se tourna vers les aventuriers. Théo serra les dents. Tant pis pour sa vengeance, il était trop tard pour ça maintenant.
"Des remerciements s'imposent, je suppose.
— Il faut dire que vous avez été d'une grande efficacité, répliqua sèchement Théo.
— Il faut garder cette chose sous cloche, intervint Balthazar. Si on me laisse un peu de temps, je peux extraire l'énergie démoniaque pour localiser Enoch.
— Hors de question que vous remettez les pieds dans mon église, grogna Falbra.
— C'est ça ou vos idioties provoquent la perte de la ville, répondit le mage d'un ton hautain. Vous croyez qu'il va s'arrêter là ? Il veut nous abattre parce qu'il sait que nous sommes sur sa piste, et donc sur le bon chemin. Ce n'est pas l'affaire de juste votre Eglise, on parle de la survie du Cratère. Croyez-moi, vous ne voulez pas être du mauvais côté lorsque la crise sera passée et que le peuple cherchera des coupables. Ce sont les personnes comme vous qui tomberont les premières. Laissez-nous faire notre travail."
Il claqua de la langue, agacé, avant de se rétracter et d'approuver d'un signe de tête à contre-coeur. Balthazar le remercia d'un grand sourire hypocrite avant de traîner le paladin et le nain en dehors du bâtiment. Théo se laissa faire sans réagir, toujours en colère contre cet idiot.
"Mais à quoi tu pensais ? le réprimanda le mage dès qu'ils furent dans la rue. Qu'est-ce que tu foutais là-bas tout seul ?
— J'allais le tuer, et je compte toujours le faire. Cet homme est une ordure et je ne compte pas lui laisser l'honneur de s'en tirer à bon compte.
— On a besoin de lui.
— Je sais."
Le mage poussa un soupir, las.
"Le rituel est prêt, changea-t-il de sujet. Il nous reste quelques heures devant nous. Tu devrais aller te reposer pendant que je réfléchis à quoi faire de cette créature. Grunlek, viens, il faut que je te parle."
Le paladin plissa les yeux, mais finit par obéir. Il savait que la conversation tournerait autour de lui, et il n'en avait plus rien à faire. Il adviendrait ce qu'il adviendra. Au moins, il avait utilisé sa magie à bon escient pour la dernière fois de sa carrière de paladin.
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