CHAPITRE 36

Coucou ! Petit chapitre de discussion avant le début des festivités 😊 Les choses sont sur le point de devenir folles :3

CHAPITRE 36

Assis sur le canapé, Théo avait le regard vissé sur la plaque de possession. Grunlek et Maria Lennon étaient partis se coucher depuis bien longtemps, mais lui n'était pas parvenu à trouver le sommeil. Trop de choses tournaient dans son esprit, à commencer par l'absence toujours notable de Balthazar et Cyrielle. La lune était haute dans le ciel désormais et il commençait à s'inquiéter de ne pas les voir revenir. Il avait promis d'aller le récupérer s'il tardait trop. Alors pourquoi ne bougeait-il pas ? Depuis la dernière crise, il se sentait mal. La douleur dans sa jambe était revenu brutalement alors qu'elle avait disparu presque magiquement depuis Castelblanc et il avait la nausée. Ses mains tremblaient et il ne parvenait pas à tenir plus de quelques secondes debout, sans qu'il ne sache d'où ce phénomène provenait.

Parfois, une image fugace passait devant ses yeux. Des scènes qu'il ne voulait pas revivre, dans cette salle sombre où il avait passé les pires semaines de sa vie. Mais pourquoi revenaient-elles le hanter maintenant ? Il se savait en sécurité. Il ne pouvait pas céder à la peur. Encore moins maintenant.

A sa grande surprise, la porte du jardin s'ouvrit. Balthazar, les vêtements en lambeaux, boîta jusqu'au fauteuil et y déposa Cyrielle, dans le même état que lui. La jeune fille dormait en apparence paisiblement, mais les grandes griffures et les écailles qui parsemaient encore son visage témoignaient de la violence de ce qui s'était passé. Le mage se laissa tomber sur le canapé en face de Théo et poussa une plainte en se tenant le flanc. A bien y regarder, quelque chose en dépassait. Le paladin écarquilla les yeux.

"C'est une flèche ?!

— On s'est fait attaqué, répondit-il d'une voix tremblante. Tes petits amis de l'Eglise du Feu n'ont pas tenu parole très longtemps. Mais ces idiots n'ont rien compris au transformations démoniaques. Elle s'est jeté sur eux, ça a été un massacre. A défaut, ça l'a calmé et elle est tombée dans les vapes. J'ai pris le plus gros du reste de l'attaque. Aucun survivant.

— Laisse-moi t'aider."

Théo se releva. La pièce tanga autour de lui et il se rassit immédiatement. Balthazar fronça les sourcils, mais comme il ne dît rien, il ne fit pas de commentaire. Il se contenta de se traîner jusqu'au fauteuil du paladin. Le guerrier lui fit lever les restes de sa robe et inspecta le bout de bois. Il fit une pression sur l'épaule du mage qui comprit le signal et serra les dents. Il tira d'un coup sec avant de coller sa main sur la plaie. Une magie jaunâtre rentra dans la plaie. Mais elle ne fit pas que ça.

Le paladin se crispa lorsque sa magie rentra en contact avec le sang démoniaque de son ami. Mais très vite, une vive douleur le prit au coeur et l'obligea à arrêter net les soins. Il se mit à tousser fortement avant de s'effondrer au sol. Alerte, le mage se jeta à son chevet pour amortir sa chute. Il posa une main sur son front et incanta quelque chose. A ses pieds, le paladin cessa de se débattre et sombra dans les ténèbres.

*********

"Il dort encore. Depuis quand n'a-t-il pas dormi ? Pour qu'il soit à ce point dans les vapes, ça doit faire plusieurs jours.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Je ne sais pas. Il a fait une réaction à ma magie, comme d'habitude, mais ce n'était pas... C'était plus fort. De jeunes mages font parfois des phénomènes similaires. A la rencontre de magies opposées, une surcharge se crée et peut conduire à un malaise. J'espère que ce n'est que ça... Ce serait la meilleure des possibilités.

— Pourquoi, il y en a une autre ?

— Il n'avait pas l'air bien quand je suis rentré, ça a sans doute un lien. Il faudrait que j'étudie plus en détails ce qu'ils lui ont fait dans cette foutue cellule, ça a forcément affecté sa psyché d'une manière ou d'une autre. L'autre possibilité est qu'ils ont tellement touché à sa magie qu'elle est désormais dysfonctionnelle. Ou alors que sa blessure liée aux Codex est en train de modifier son code génétique, ce qui serait la pire chose possible.

— Pourquoi ?

— Lorsqu'il est revenu de la montagne, son code génétique avait été modifié. Nous avons vu où ça a mené. Ces distorsions de l'âme sont des phénomènes courants mais qui échappent encore entièrement à notre contrôle. Dans le cas du Codex, nous ne savons rien de la magie à l'oeuvre dans l'artefact. Si quelque chose de mal se passe à cause de ça, il y aurait tellement de possibilités de causes et d'effets que je serais incapable de l'aider."

Le paladin cligna des yeux pour s'habituer à la forte luminosité de la pièce. Grunlek et Balthazar étaient assis sur le canapé d'en face, flous. Il essaya de se redresser mais une douleur vive dans sa poitrine l'en dissuada immédiatement.

"Et la petite ?

— Elle dort. Elle va sans doute dormir quelques jours. Les premières transformations sont souvent compliquées, et la sienne a été très mouvementée. Il a arrêté de ronfler depuis cinq minutes, je pense qu'il ne va pas tarder à reprendre conscience."

Théo ouvrit les yeux et tourna la tête vers eux. Balthazar agita sa main depuis le fauteuil pour le saluer, tandis que Grunlek lui sourit avec une inquiétude mal dissimulée. Le paladin s'appuya sur ses bras pour tenter une nouvelle fois de se redresser. Il poussa un grognement de douleur et se laissa retomber sur les coussins. Le mage s'avança vers lui, les sourcils froncés.

"Tu as mal quelque part ? La tisane de ma mère devrait avoir effacé les effets de la douleur, c'est inquiétant.

— J'ai mal à la poitrine, articula le paladin difficilement.

— Merde. Grunlek, aide-moi à le lever, il faut que je vérifie quelque chose."

Le nain se rapprocha et le souleva délicatement. Balthazar souleva sa chemise et se dirigea vers son dos. A la grimace qu'il tira, ce n'était pas beau à voir. Il hésita quelques secondes, puis posa sa main sur la plaie. Théo se cabra immédiatement de douleur et l'insulta entre ses dents. Le mage ne s'en offusqua pas et fit signe au nain de le lâcher.

"J'ai une mauvaise nouvelle. Ta blessure est toujours fermée, ce n'est pas le problème, mais elle est plus sensible à l'énergie démoniaque. C'est certainement à cause du sort de soin d'hier. Je ne sais pas comment soigner ça, la magie de mon père couplée à la mienne a "infecté" ta plaie et risque de causer quelques soucis.

— Quels genres ?

— Défaillances magiques, défaillances corporelles... Difficile à dire. J'ai à peine commencé à éplucher les livres que Grunlek a ramené et il est compliqué d'appréhender les effets des Codex uniquement via des légendes. Ton cas est beaucoup plus concret. Je vais activer un masque magique autour de moi pour masquer mon aura, ça devrait limiter les désagréments."

Il se concentra et une fine pellicule le recouvrit avant de devenir invisible. Presque instantanément, le mal de Théo s'envola. Perplexe, le paladin se redressa et toucha sa poitrine. Le mage poussa un soupir, puis ses yeux se posèrent sur la table de possession. Théo se renfrogna, mal à l'aise. Il en avait presque oublié cet objet.

"Ma mère m'a dit qu'elle t'as parlé de...ça. Je ne suis pas très à l'aise avec ce type de magie, et je sais les conséquences qu'elle peut avoir sur toi tout particulièrement. Je ne m'y oppose pas si tu veux tenter l'expérience, mais je ne compte pas te forcer la main si tu ne le veux pas. Il y a d'autres moyens de retrouver cette Simaë. Nous ne sommes qu'au début de nos recherches. Je sais aussi que tu as du mal avec la gestion de mon énergie, on vient d'en avoir une belle preuve, même si ce "pacte" pourrait arranger tous tes problèmes... Ou les empirer, pour ce que j'en sais.

— J'ai besoin de temps pour y réfléchir, répondit Théo. Je... Je ne sais pas si je pourrais encore être utile si je n'ai plus de pouvoirs pour vous défendre.

— Oh, tu en auras toujours, dit le mage, gêné. Ils seront juste... différents de ceux que tu utilises habituellement. Plus démoniaques..."

Le paladin resta silencieux. Grunlek posa une main rassurante sur l'épaule de Théo, pour l'encourager. Il n'y avait pas à tergiverser, il avait de toute manière déjà pris sa décision. Au fond de lui, il savait qu'il aurait de toute façon à faire ce choix tôt ou tard : l'Église de la Lumière ou sa famille, son rang hiérarchique... ou sa vie d'aventurier. Tout était indubitablement d'actualité.

Il poussa un soupir et passa ses mains sur son visage pour noye"r temporairement son malaise. Il avait l'impression de trahir Victoria, mais ne l'avait-il pas déjà fait en repartant à l'aventure alors qu'il avait promis de ne plus quitter les ordres ? Ou même lorsqu'il avait désobéi à son père en promettant qu'il ne lui ressemblerait jamais ? Plus que jamais, il se sentait perdu. Perdu dans sa nature, perdu dans ses objectifs, perdu face à tout ce qu'il risquait de perdre s'il ne faisait pas ce foutu pacte. Combien de temps encore allait-il pouvoir marcher sur le fil avant de tomber dans le vide pour de bon ?

"Je vais le faire."

Les mots étaient sortis sans qu'il ne les contrôle. Balthazar lui lança un regard à la fois inquiet et admiratif. Il pouvait l'être. Il allait foutre toute sa vie en l'air pour sauver son cul de demi-diable. A quel point était-il tombé pour embrasser l'hérésie à deux mains depuis qu'il l'avait rencontré ?

"Si je dois crever à la guerre, je préfère que ce soit avec toi que pour une religion à laquelle je n'adhère plus depuis longtemps.

— Je te promets que je n'abuserais pas de mes pouvoirs et que je ne ferais rien contre ton gré. On n'utilise ce procédé uniquement pour retrouver cette femme. Si on trouve un moyen de faire machine arrière ensuite, on le fera. Je ne veux pas... Je ne veux pas que tu te sentes prisonnier à cause de moi.

— Eh, au moins, on sera quitte sur ce point là. J'ai été ton bourreau il y a bien longtemps, tu ne fais que me rendre la pareille."

Il sourit à cette pensée fugace, vestige d'il y avait une éternité maintenant, lorsque tout était beaucoup plus simple. Le mage se releva et saisit la planche délicatement. Ses doigts passèrent un instant sur les symboles.

"Le rituel doit se tenir à minuit précisément, c'est un truc... de démons. Si tu changes d'avis d'ici-là ou si quelqu'un a une idée lumineuse pour retrouver cette foutue femme, faites-le savoir. D'ici là... Je vais préparer ce truc dans la cave. Veillez sur la gamine, il y a une faible possibilité qu'elle se retransforme dans son sommeil. Appelez-moi si ça se produit."

Le guerrier hocha la tête et le laissa partir. Grunlek se tourna vers lui. Le paladin le dévisagea, il cherchait ses mots. Mais il n'y avait rien à dire. Le nain prenait simplement peu à peu conscience de ce qui allait se passer. Dans quelques heures, il deviendrait un esclave démoniaque comme tant d'autres avant lui. C'était un risque auquel tout paladin devait se préparer plus jeune. Il n'avait simplement pas prévu de le faire de manière volontaire à l'époque. La situation pouvait être pire, il aurait pu être asservi à un démon beaucoup moins compatissant, mais il ne pouvait s'empêcher de songer aux conséquences de cet acte. Il deviendrait bientôt un traître de la Lumière, ce qui pourrait le conduire à son tour sur le bûcher.

"Quand j'étais plus jeune, mon père m'a dit qu'un grand sacrifice vaut cent discours, récita Grunlek. Tu es fort Théo, tu passeras au-dessus de ça. Et puis, tu sais que nous sommes là pour toi en cas de problèmes, pas vrai ?

— Oui.

— Ma proposition tient toujours, tu sais. Après tout ça, si tu le veux, il y aura toujours une place à Fort d'Acier pour toi. Ni moi, ni Balthazar n'allons t'abandonner dans cet état. On va battre Enoch, on va sauver Balthazar, et on va montrer à tout le monde que l'on peut être différent et avoir un bon fond. Bienvenue chez les hérésies."

Le paladin lâcha un petit rire amer. Il avait raison, quelque part. Grunlek se leva et prit la direction des escaliers, pour aller veiller Cyrielle. Il s'arrêta sur la première marche et se tourna vers le paladin, un grand sourire aux lèvres.

"N'abandonne pas, Théo. Car là, tout proche, il y a quelqu'un qui tient à toi."

Le paladin se laissa tomber dans le fauteuil. Son regard buta sur son épée. Un fin sourire éclaira son visage. Lui aussi tenait à quelqu'un, c'était vrai. Il se leva et se dirigea tranquillement vers son armure. Il avait encore des choses à régler avec certains paladins de l'Eglise du Feu. S'il devait vivre ses dernières heures de paladin de la Lumière, ce serait à l'image de sa carrière : un incroyable bordel.

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