CHAPITRE 35

Coucou ! Après une petite semaine de repos, nous repartons de plus belle en compagnie de nos chers aventuriers. Les choses se compliquent pour notre cher Théo.

CHAPITRE 35

Le voyage s'effectua dans une ambiance tendue. Théo conduisit Lumière en bordure de la forêt qui entourait Gorge Noire. Les deux démons, toujours face à face, ne clignaient pas des yeux. Parfois, Balthazar articulait des mots inintelligibles que Grunlek identifia comme du démonique. Cyrielle répondait de la même manière, mais avec beaucoup plus d'agressivité. La jeune femme se métamorphosait de minutes en minutes. Sa peau était maintenant recouverte d'écailles rouges ternes et deux excroissances poussaient lentement dans son dos. Même s'il luttait, Balthazar ne restait pas insensible à la succube et subissait les même désagréments, moins importants. Deux cornes avaient poussé sur son front et des griffes avaient transpercé ses gants de cuir. Ses écailles s'étendaient elles-aussi, mais à une allure plus modérée.

Théo arrêta sa monture près d'un cours d'eau, après une bonne heure de marche. Il contourna le cheval avec précaution, une main sur le pommeau de son épée, et se rapprocha de Grunlek.

"J'espère que tu sais ce que tu fais, grogna le paladin à l'intention de Balthazar. T'es moche comme un trou de cul, là.

— Tout ira bien, ne vous inquiétez pas. Je vais descendre. Vous allez prendre le cheval et retourner chez ma mère.

— Pardon ? demanda Théo. C'est hors de question que...

— Fais-moi confiance. S'il y a des éléments extérieurs, elle risque de lâcher prise et ça va très mal se passer. Je peux le faire seul, pas besoin de risquer votre vie. Je vous rejoindrai. On fera attention aux paladins, promis."

Très réticent, le paladin resta un long moment immobile à se décider, avant de finalement saisir la bride de son cheval à contre-coeur. Grunlek l'encouragea silencieusement et monta sur l'équidé derrière lui. La bête renâcla, n'appréciant pas le poids du nain sur son derrière, mais finit par avancer à force d'être cravaché aux cuisses par un Théo inflexible. Ils regagnèrent la ville au galop en une demi-heure à peine, sous les regards inquisiteurs des gardes qui n'appréciaient décidément pas leurs petits allers-retours. Le guerrier les ignora copieusement et guida son cheval jusqu'à la maison de Balthazar, où il put le laisser dans la cour arrière, bien plus sûre et confortable que les écuries moisies où les palefreniers l'avaient emmené la veille.

Le nain et le guerrier regagnèrent la maison de Maria Lennon en traînant les pieds, l'esprit chargé de pensées négatives.

"S'il est pas revenu ce soir, je pars le chercher, confia Théo avant de pousser la porte. J'aime vraiment pas ça. Je sais même pas si le laisser utiliser sa magie comme ça dans son état est vraiment conseillé...

— Il sait ce qu'il fait, Théo. Je ne pense pas qu'il soit inconscient au point de risquer sa vie une nouvelle fois.

— Et si les paladins nous ont suivi et lui tombe dessus ?

— Tu l'as entendu, non ? S'il est distrait, il va perdre le contrôle. Si tu veux vraiment mon opinion, je ne suis vraiment pas certain que des paladins inexpérimentés puissent venir à bout de la détermination de son démon. Des paladins de la Lumière ne se seraient jamais laissés battre aussi facilement qu'eux. Il n'y a rien à craindre.

— Humph, grogna le guerrier en esquissant un demi-sourire au compliment."

Dans le salon, Maria Lennon était penchée au-dessus d'une des boîtes du grenier et détaillait son contenu avec attention. Théo repéra immédiatement qu'elle avait descendu les boîtes qui avaient retenu leur attention durant les fouilles avec Balthazar. Curieux, Grunlek promena ses yeux de boîte en boîte avant de finalement s'asseoir sur le canapé en face de la matriarche de la maison qui lui offrit un sourire perturbé.

Elle dévisagea Théo un instant, de toute évidence pas encore tout-à-fait habituée à son armure d'inquisiteur, avant de froncer les sourcils. Elle regarda avec insistance vers la porte, puis vers le guerrier, qui leva les mains en l'air.

"Il est dans la forêt en train de régler... quelque chose, expliqua-t-il avant qu'elle n'ouvre la bouche. Il devrait revenir avant ce soir et il s'excuse de ne pas être là pour le dîner.

— Il aide la petite à faire sa première transformation, expliqua Grunlek sans aucune gêne. Elle est comme lui et elle avait besoin d'aide. Nous les avons éloigné de la ville pour éviter un accident. Je ne vois aucune raison de lui cacher, ajouta-t-il devant les gros yeux de Théo. Elle est au courant pour tout le reste après tout, et vous pouvez avoir confiance en nous. Nous ne voulons que le bien de votre fils, tout comme vous."

Elle posa un regard sombre sur Théo, qui ne partageait définitivement pas l'optimisme du nain, avant de prendre la parole.

"J'espère que vous avez raison et qu'il ne court aucun danger. Je ne peux pas dire que j'approuve vos méthodes ou que je fasse particulièrement confiance aux hommes qui l'ont éloigné de moi, insista-t-elle en pointant Théo de la tête, mais s'il a confiance en vous, alors vous pouvez compter sur moi. Après tout, nous travaillons tous pour le même objectif : sauver mon fils, et il serait idiot de ne pas partager ce que nous savons.

— C'est vrai, répondit Grunlek. En parlant de ça..."

Il posa son sac sur la table et déballa soigneusement les ouvrages empruntés à la bibliothèque. Les livres avaient un peu soufferts suite aux combats mais se trouvaient malgré tout toujours dans un état convenable.

"Nous n'avons trouver aucune information sur Simaë, mais en revanche, on a fait le plein de lectures sur les guerres démoniques et les Codex. Balthazar va être content, ronronna-t-il. Je n'ai absolument rien compris à ce dont ça parle, mais il est plus renseigné que moi sur le sujet. Et de votre côté ?

— On a la confirmation que Enoch et mon père se connaissent bien et qu'ils ont été proches à un moment ou un autre. Mais pas grand chose de plus malheureusement. On a trouvé des armures et quelques lettres, mais rien sur Simaë ou la malédiction de ma soeur et Balthazar.

— J'ai peut-être un moyen de la contacter, les coupa Maria. Simaë, je veux dire. Mais... Je ne suis pas certain que vous apprécierez la méthode employée, paladin. Ce n'est pas exactement une magie autorisée."

Théo fronça les sourcils, méfiant. Elle quitta la pièce pour aller chercher quelque chose à la cave. Le nain et le paladin se regardèrent dans le blanc des yeux pendant quelques secondes avant qu'elle ne revienne avec une épaisse planche de bois décorée de glyphes dans une langue que le paladin identifia immédiatement comme du démonique. Tous ses poils se dressèrent lorsqu'il comprit quelle sorte d'hérésie se trouvait devant ses yeux. Il avait déjà vu ça avant, dans les livres de l'Eglise de la Lumière. Et ça ne lui plaisait pas, vraiment pas.

Curieux, Grunlek se pencha en avant pour étudier les différents symboles, sous le regard bienveillant de Maria.

"Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il.

— Une planche de possession. Je ne me suis pas mariée à un démon sans les conséquences qui en découlent. A quel point êtes-vous familier des pactes de sang, paladin ?

— Assez pour savoir que vous vous apprêtez à faire une grosse bêtise et que ce truc peut avoir des conséquences sur une vie à long terme."

Elle rit doucement avant de tourner sa paume vers eux. Au contact du bois, un petit point noir se forma sur la surface sa peau. Le paladin écarquilla les yeux, choqué.

"Vous avez déjà fait un pacte ? s'inquiéta-t-il. Avec... Avec Enoch ?

— Tout à fait. C'est compliqué, mais les enfants naissent par ce biais. Il doit exister un lien magique entre le mari et sa femme, en plus des liens naturels, pour concevoir un nouvel être. C'est ce qui m'a permis d'avoir Balthazar, entre autres. Je connaissais parfaitement les risques, le fait qu'il se transforme en demi-démon entre autres. Suivant cette logique, Simaë est liée elle aussi à Enoch. Mais aussi à votre père.

— Pardon ?"

Elle rougit, embarrassée.

"Eh bien, mon mari n'était pas le plus fidèle des hommes... Mais votre père non plus. Ils ont tous les deux utilisés cette jouvancelle, elle leur a retourné la tête. Si son fils est effectivement l'engeance d'Enoch, il n'empêche qu'en concevant avec votre père, un pacte a été scellé. Cela signifie que pour retrouver le fils de Simaë, il faut deux sangs purs, celui d'Enoch et celui d'Archibald. Il se trouve que nous avons les deux présents ici.

— Vous voulez que je fasse un pacte avec Balthazar ? réagit vivement Théo. C'est hors de question ! Je... Je veux bien faire tout ce que vous voulez, mais ça, c'est...

— Nous n'avons pas tellement le choix. Une fois le pacte scellé, en vous promenant en ville, votre sang agira comme un émetteur. Dès que vous serez proche de lui, vous le sentirez. Je ne vous oblige pas à le faire, après tout, cela est particulièrement dangereux entre deux êtres d'origines magiques différentes, mais cela me paraît être une solution des plus simples. Si vous tenez vraiment à mon fils, je sais que vous ferez le bon choix."

Elle se leva et retourna à ses occupations, abandonnant Théo au bord du désespoir et Grunlek, complètement perdu. Le paladin se leva et commença à faire les cent pas dans la pièce, comme un lion prisonnier. Le nain hésita un moment, avant de finalement l'interroger.

"Pourquoi est-ce si grave ? demanda-t-il. Ce n'est pas un inconnu, et ça n'aurait pas de conséquences graves, n'est-ce pas ?

— Pour Balthazar, non, pour moi, si, répondit-il d'une voix sombre. En... En scellant un pacte avec un demi-démon, je renonce à ma foi et à mes pouvoirs. Je ne pourrais plus... Je vais devenir un humain ordinaire, et pire, il pourra faire ce qu'il veut de moi, d'où le nom de possession, Grunlek. On ne parle pas de quelques gouttes de sang, j'échange ma vie avec lui. Je lui... Je lui donne le plein contrôle sur mon existence même. De plus, c'est risqué. Lorsque l'échange se fait avec un humain normal, il y a une faible possibilité qu'il meurt sur le coup. Balthazar et moi sommes de nature magique différente. Ce genre de pacte ne s'est encore jamais produit, qui sait quelles conséquences ça pourrait avoir ? Je... Je ne sais pas si je serais capable de le faire. Je... Je..."

Le cri de Balthazar perça ses oreilles alors qu'il réalisait brutalement qu'une épée le traversait de part en part. Encore une fois, il sombra dans l'obscurité et ses jambes se dérobèrent sous lui. Il haleta bruyamment à la recherche d'air, mais il se sentait partir. Tout autour de lui devenait noir.

Et soudain, une énergie violente l'arracha des ténèbres. Il ne la reconnut pas du premier coup, mais lorsqu'elle entra en opposition avec sa propre magie, le choc fut violent et agressif. Le pouvoir démoniaque traversa chacune de ses veines comme un poison. Il voulut hurler mais n'en eut pas l'occasion.

Il sentit sa chair se souder de nouveau, mais à quel prix ? Il se sentait sale, gratté de l'intérieur comme s'il n'était rien. Il ne voulait plus jamais revivre ça de sa vie, et il espéra pouvoir en toucher deux mots à Balthazar à son réveil.

"Doucement... Doucement, respire, tout va bien."

Théo ouvrit les yeux et calma difficilement les battements affolés de son coeur. Il était couché au sol, la tête sur les genoux de Grunlek qui le tenait fermement. Perdu, il cligna des yeux et se redressa difficilement, soutenu par son ami.

"Tu as fait une crise, ça va aller. Désolé d'avoir insisté, culpabilisa-t-il immédiatement. Je ne voulais pas te brusquer. On a encore le temps d'y réfléchir, on n'est pas obligé de le faire si tu n'en as pas envie. On en discutera avec Balthazar quand il rentrera. En attendant, tu vas aller te reposer, ordonna-t-il fermement. Tu n'es pas en état de réfléchir dans cet état."

Le paladin ne répondit pas, le regard dans le vide. Il attendit patiemment que le monde cesse de tourner autour de lui avant d'obtempérer et de se traîner vers le canapé. Grunlek avait raison sur un point : il allait avoir besoin de repos pour l'épreuve qui arrivait, car il était hors de question qu'il laisse passer l'occasion de retrouver rapidement Simaë et son fils. Peu importait le prix, aussi terrible soit-il.

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