CHAPITRE 34
Coucou ! C'est parti pour le chapitre 34. On avance un peu dans l'intrigue aujourd'hui :D
CHAPITRE 34
Le nain et la demi-diablesse poursuivirent leur route vers l'imposante bibliothèque de Gorge Noire, située dans le cœur historique de la ville. Ils avaient passé la matinée à interroger des paysans à la recherche d'informations sur Simaë et son fils, mais leurs pistes ne menaient plus à rien depuis quelques heures. Certains disaient l'avoir connu, d'autres qu'il n'y avait jamais eu telle personne en ce lieu. Ils jugèrent les rares témoins, des ivrognes, trop inaptes à répondre à leurs questions pour risquer de perdre plus de temps. S'ils voulaient des informations, ils allaient devoir les trouver par eux-même au coeur des archives de la ville.
Le bâtiment était accolé à la mairie de Gorge Noire, dans une grande tour illuminée par les lanternes disposées aux différents étages. Grunlek en compta au moins six et s'inquiéta immédiatement de la faisabilité de leur mission. Non pas que tous ces livres ne l'intéressaient pas, mais les chances de tomber sur celui dont ils avaient besoin s'amoindrissaient considérablement. Il masqua son angoisse derrière un sourire cordial et s'avança vers le bureau d'accueil où une vieille femme somnolait. Elle adressa un regard méfiant au nain et le dévisagea de haut en bas, l'air mauvais et peu amène.
"C'est pour quoi ? demanda-t-elle sèchement d'une voix qui ne plut pas du tout à Grunlek. C'est un établissement respectable ici, on ne laisse pas passer les... créatures comme vous.
— Je me présente, Grunlek von Krayn, Sa Majesté des Runes, répondit le nain d'une voix autoritaire."
Le yeux de la vieille s'écarquillèrent et elle se redressa prestement sur sa chaise en balbutiant des excuses. Le nain sourit à Cyrielle. Il n'aimait pas abuser de sa position, mais il devait reconnaître que détenir le plus haut rang de son peuple avait tendance à ouvrir des portes bien plus facilement. Grunlek ne s'attarda pas et expliqua à demi-voix la raison de sa venue. S'il omit soigneusement de mentionner Balthazar, il exprima son souhait d'avoir accès aux ouvrages traitant des dernières grandes guerres démoniques, ceux parlant des Codex, et si possible un registre de la ville, pour chercher leur cible principale. Elle les invita à entrer dans une salle de réunion et à se servir en thé pendant qu'elle partait à la chasse aux informations.
Cyrielle, intimidée par la grandeur de la pièce, s'assit à côté de son nouvel ami. Ils se trouvaient à l'intérieur d'une grande chapelle. Une gigantesque fresque recouvrait le mur qui leur faisait face. Elle représentait l'arrivée du panthéon des dieux dans le Cratère et leurs engeances. Etonnamment, les démons y figuraient, ce qui était habituellement interdit par la plupart des religions. Néanmoins, le portrait peu flatteur qui était fait d'eux pouvait justifier ce choix : ils sortaient de la terre et étaient représentés en train de dévorer et violer des femmes. A croire que la vision de ces derniers ne se résumait qu'à cela. Cyrielle baissa les yeux sur la table, mal à l'aise.
"Si ça peut te rassurer, la représentation des nains n'est pas plus flatteuse, rit Grunlek en pointant de la tête la scène représentant son peuple."
Les nains étaient représentés comme de gros bébés potelés et nus aux longues barbes blanches, et semblaient flotter mystérieusement au-dessus de plusieurs montagnes. Ils avaient soit une hache, soit une bière à la main, et avaient tous les nez rouge. Cyrielle éclata de rire. Il était vrai que niveau clichés, le pauvre nain n'avait pas non plus été épargné.
Ils furent interrompus par l'ouverture de la porte. La femme de l'accueil poussa un grand chariot rempli de livres. Elle était suivi par un homme à la bedaine de bon-vivant et aux lunettes rondes qui triturait ses mains de manière anxieuse. Il se présenta comme l'archiviste de la bibliothèque et leur offrit ses services dans leur recherche. Grunlek le remercia chaleureusement, puis ils se mirent au travail. Cyrielle commença à éplucher les annuaires de la ville, tandis que Grunlek se penchait sur les documents traitant des guerres démoniques.
Si les registres ne donnèrent rien de concret, les livres de Grunlek permirent d'en savoir un peu plus sur Archibald Silverberg. Général des armées de l'époque, il était connu pour avoir réussi à percer les lignes ennemis et offrir ainsi une victoire décisive aux paladins. Le texte restait assez flou en revanche sur les conditions de sa mort. Certains disaient qu'il était mort au combat, comme beaucoup, d'autres qu'il était décédé suite à un duel avec Enoch Lennon, chef des armées démones. Mais le livre supposait aussi que le démon avait été tué dans la bataille, ce qui n'était vraisemblablement pas le cas. En revanche, rien ne faisait mention d'une possible alliance entre eux, ou d'un crime commun. Les livres sur le Codex était trop complexes pour qu'il puisse y comprendre grand chose. Il les emprunta pour les laisser aux mains de Balthazar qui saurait certainement mieux quoi en faire que lui. Malheureusement, la piste de Simaë ne continuait pas plus dans les textes.
"Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demanda Cyrielle. Nous n'avons plus d'indices pour progresser. Tout semble mener à un mur.
— Nous allons devoir chercher ailleurs. Si Simaë a eu un enfant avec Enoch, elle doit être recencée dans un registe d'hérétiques. Peut-être à l'Eglise du Feu.
— C'est une blague ? Ils n'accepteront jamais de nous laisser entrer, ils ont été assez clairs à ce sujet.
— D'où l'avantage d'avoir le Troisième de l'Eglise de la Lumière à nos côtés. Nous devons retourner voir Théo pour lui en parler."
Le nain se releva et remercia chaleureusement les deux bibliothécaires qui se contentèrent d'une révérence cordiale avant de les raccompagner vers la sortie... où les attendaient trois paladins de l'Eglise du Feu en armure intégrale, arme à la main. Grunlek poussa un soupir lorsque la porte de la bibliothèque claqua sèchement derrière eux. Bien sûr qu'ils allaient être dénoncés. Nerveuse, Cyrielle porta la main à son épée. Son armure d'écuyère de paladine de la Lumière n'effrayait pas vraiment les soldats expérimentés, mais agit comme un avertissement sur eux. Si elle était armée, elle était dangereuse. Ils dégainèrent et les mirent en joue.
"Nous ne voulons pas d'ennuis, dit calmement Grunlek. Mais si vous me cherchez, vous allez le regretter.
— Ne me menace pas, demi-homme, grogna le chef de l'escouade, un cinquantenaire aux cheveux noirs. Tu n'es pas en état de négocier. Nous vous plaçons en garde-à-vue pour trouble à la tranquillité et hérésie.
— Je le répète, ne me touchez pas, menaça Grunlek alors que ses deux associés se rapprochaient."
Cyrielle sortit son épée et la pointa sur le soldat le plus proche d'elle. Il se figea et lui lança un sourire mauvais qui ne lui plut pas. Elle posa doucement le sac contenant les livres à ses pieds pour être plus libre de ses mouvements en cas d'attaque. Grunlek garda son calme, mais Cyrielle comprit que ce n'était qu'une façade lorsque ses poings se serrèrent dans un bruit de métal froid. Il allait frapper, et fort.
Toujours plein d'espoir, le soldat sortit deux paires de chaînes noires et s'approcha, attendant que le nain lui tende les mains. Oh, la main, il la lui tendit. Le bras également. A vrai dire, son poing se décrocha et s'encastra dans sa poitrine. Le garde vola sur plusieurs mètres avant de s'écraser contre le mur d'un restaurant, emportant quelques badauds trop curieux à sa suite. Abasourdis, les deux autres mirent du temps à réagir. Le premier chargea Cyrielle dans un beuglement de colère, mais elle l'esquiva agilement. Elle se retrouva dans son dos et eut juste à donner un coup franc d'épée qui l'embrocha de part en part. L'autre se jeta sur Grunlek. Le nain n'eut pas le temps de parer et mordit la poussière avec lui, dans un concert de grognements et d'insultes. Débarrassé de son assaillant, la jeune femme courut dans sa direction pour lui venir en aide.
Ses yeux devinrent uniformément rouge et une gigantesque flamme lui échappa des mains. Choquée par sa propre magie dont elle n'avait encore jamais vu la couleur, Cyrielle perdit totalement le contrôle. Elle dévia les flammes pour ne pas blesser le nain, mais incendia à la place au moins deux étals de marché qui s'embrasèrent en quelques secondes. Le chef des gardes, sonné mais toujours en vie, pointa un doigt horrifié vers elle.
"Demi-diable ! hurla-t-il rageusement."
La foule réagit immédiatement et se dispersa en hurlant de peur. La jeune femme, trop perturbée, n'eut pas le temps de se reculer pour éviter la charge de l'homme. Il la plaqua à terre et colla son épée sur son cou. Elle perdit son arme dans sa chute et, paniquée, commença à taper le sol pour la retrouver. Son démon lui hurler de tuer et elle n'avait plus assez de lucidité pour lui résister. Sa main se planta dans la poitrine de son agresseur qui hoqueta de surprise avant qu'elle ne lui broie le coeur d'une simple pression avec ses nouvelles griffes tout juste acquéries. Il s'effondra lourdement sur elle et ne bougea plus.
Grunlek vola à son secours en repoussant sèchement le corps d'un coup de pied. La jeune femme resta immobile, les mains tremblantes et les yeux rivés sur les écailles qui poussaient partout le long de ses bras. Elle paniquait. Elle n'arrivait plus à garder le contrôle. Elle allait exploser. Le nain essaya de lui parler, mais elle ne l'entendait plus vraiment, perdu dans un labyrinthe de sensations.
Soudain, elle se mit à hurler et se cabra au sol. Le nain recula vivement en arrière et écarta les bras pour écarter les curieux qui s'approchaient de trop près.
"Qu'est-ce qui se passe ici ?"
Elle tourna la tête vers les deux formes qui s'approchaient en courant. Théo et Balthazar, alertés par les cris, venaient d'arriver sur les lieux. Le paladin voulut s'approcher de son écuyère, mais Balthazar, prenant soudainement conscience de la situation l'arrêta net.
"Laisse... Laisse-moi faire, d'accord ?
— Qu'est-ce qu'elle a ? demanda Grunlek. Elle est blessée ?
— Non. Elle fait sa première transformation. Je... Je vais la guider, elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Théo, va chercher ton cheval, vite. On doit l'emmener dans la forêt le plus rapidement possible."
Le paladin ne posa pas plus de questions, alerté par le ton sérieux de son ami, et courut aux écuries. Le mage s'accroupit doucement devant la jeune fille, puis s'assit en tailleur. Cyrielle lui lança un regard agressif avant d'essayer de l'attaquer avec ses griffes au visage. Le mage lui attrapa les poignets au vol et l'empêcha d'aller plus loin. Ses yeux virèrent à son tour au rouge et il domina la jeune démone de tout son rang hiérarchique. C'était un démon supérieur, elle n'était qu'une bêta. Tant qu'il lui ordonnait de rester calme et qu'il ne lui tournait pas le dos, elle ne tenterait pas de le tuer. Les démons savaient d'instinct quand l'un de leur semblable était trop fort pour eux.
"Tu dois te détendre, ordonna le mage d'une voix sauvage et inhumaine. Plus tu lutteras, plus ça fera mal. Laisse-moi t'aider. On va se lever doucement, et on va partir d'ici. Tu n'es pas en sécurité. Fais-moi confiance."
Il se releva et, comme enchantée, la jeune femme en fit de même, yeux dans les yeux avec lui. Balthazar recula jusqu'au cheval de Théo, puis monta dessus d'un bond agile. Elle en fit de même.
"Je ne peux pas la lâcher du regard, expliqua Balthazar, ou elle va tenter de me tuer. Et éventuellement, mon démon va répondre et je ne suis pas sûr de pouvoir le contrôler. Je vais avoir besoin de vous pour nous guider. Surtout, quoi qu'il arrive, ne la touchez pas.
— Compris, grogna Théo."
Il dégaina son épée, par mesure de sécurité, puis vint tirer les brides de Lumière pour entraîner les deux démons en-dehors du village. Grunlek ramassa les livres et l'épée de la jeune femme avant de les suivre à son tour. Si les choses dérapaient, ils ne seraient pas trop de deux pour intervenir.
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