CHAPITRE 20
Coucou ! Vous vous rendez compte que ça fait déjà 20 semaines qu'on a commencé cette histoire ? Le drama est à son comble, et je vous enfourne encore un peu de Théo/Bob dans la bouche avant de reprendre le vrai fil de l'intrigue.
CHAPITRE 20
Théo récupéra rapidement. Deux jours à peine après sa discussion avec Balthazar, il était capable de marcher dans l'Académie. Tesla l'encouragea tout de même à se modérer pour éviter les blessures malencontreuses. Il devait faire attention à sa santé et éviter de jouer avec le feu. Son dos le faisait toujours souffrir, mais les onguents des mages atténuaient peu à peu la douleur.
Très vite, l'enfermement ne lui suffît plus et il entreprit d'explorer les alentours. Bien sûr, Balthazar, enthousiaste, fut le premier à l'accompagner. Le mage ne le quittait pour ainsi dire plus du tout. Il dormait comme un chat dans le creux de son cou la nuit et galopait autour de lui la journée, incapable de tenir en place. Partout où le paladin allait, le mage suivait ses traces.
Ce matin-là, les deux aventuriers exploraient la Tour des Pyromanciens. Théo avait juste besoin de marcher, mais Balthazar ne cessait d'interrompre ses pensées noires en déballant ses cours d'histoire sur absolument chaque porte, chaque statue, chaque potion bizarre qu'ils croisaient. Et il y en avait beaucoup. Beaucoup trop pour le guerrier qui s'agaçait petit à petit et ne le laissait même plus finir pour continuer sa promenade.
Le guerrier s'arrêta devant une énième porte. Mais celle-ci l'intrigua. Elle portait le nom de Balthazar. Il posa la main sur la poignée. Balthazar se jeta sur son bras pour l'en dissuader.
"N-non, ne rentre pas, s'il te plaît. Je... Je n'y suis pas allé depuis... Eh bien, depuis ce qui s'est passé, et je n'ai vraiment pas envie de..."
Théo le décrocha et le reposa à terre. Il ouvrit la porte et entra, un sourire carnassier aux lèvres. Il sut dès qu'il passa le pas de la porte qu'il n'aurait pas dû. Il perdit son sourire en seulement quelques secondes. La pièce était un désordre sans nom. Il y régnait une odeur d'ours. Le sol, les murs étaient tapissés de notes griffonnées à l'arrache. Dans la poubelle qui débordait, des seringues par dizaines étaient visibles. Balthazar n'avait jamais, jamais été désordonné. Il était même à l'opposé de ce mode de vie, contrairement à ses compagnons. Pour en venir à un tel niveau de laisser-aller, il avait vraiment perdu pied.
Il se tourna vers la petite créature de glace à ses pieds. Balthazar détourna immédiatement le regard et se frotta le bras, signe de grande nervosité.
"Je... Je sais, d'accord ? commença-t-il. Tu ne dois pas avoir l'habitude de voir un bordel pareil dans mes affaires. Mais depuis quelques semaines, je n'avançais plus, et ça m'a mis un peu sur les nerfs.
— Un peu ? reprit Théo en pointant la chambre.
— Bon, d'accord, j'ai peut-être laissé parler la colère une fois ou deux et ça ne s'est pas très bien fini. Les feuilles masquent en partie les dégâts..."
Théo fronça les sourcils et tira quelques papiers du mur. Celui-ci avait des impacts de boules de feu. De très grosses boules de feu.
"J'ai... J'ai un peu menti. Les cornes ne sont pas là depuis que j'ai eu ma première crise... Elles sont là depuis plusieurs semaines. Je n'arrive plus à les rentrer. Théo, je crois que je suis en train de perdre la tête. Il... Il n'en fait plus qu'à sa tête. J'ai de plus en plus de mal à le tenir. Mais j'y travaille...
— En te foutant en l'air avec de la drogue ?
— Pense ce que tu veux, ça fonctionne. Quand je suis... ailleurs, il n'a plus de contrôle sur moi. Et pendant quelques minutes, quelques heures parfois, il la ferme. Je... J'en peux plus de l'entendre constamment critiquer chacune de mes actions, chacun de mes choix. Je ne peux même plus dormir sans qu'il vienne me torturer avec les souvenirs du passé. Je pars en vrille, Théo. C'est pour ça que... Enfin que j'ai menti à Grunlek pendant tout ce temps. Je lui ai dit que tout allait bien pour qu'il me foute la paix."
Théo pouffa, et rit à gorge déployée.
"Je ne peux même pas t'en vouloir. J'ai fait exactement la même chose. Et... Je pars en vrille aussi. Je ne sais plus où j'en suis. Je ne sais plus ce que je veux faire, ou ne pas faire."
Il baissa la tête et se laissa tomber sur le lit.
"Si je dois me blâmer pour pas avoir réagi à temps pour le sauver, si je dois me sentir coupable pour ne pas avoir fait le bon choix en laissant Mani partir à la recherche de Finéas.
— Tu en veux vraiment à Mani, hein ?
— Je sais que ce n'est pas vraiment de sa faute, mais... Enfin, si on ne l'avait pas aidé, Shin aurait eu la force d'esquiver, de se battre plus. Tu ne peux pas me regarder dans les yeux et me dire que c'est faux.
— Non, tu as raison. Mais on ne construit pas le monde sur des "si", Théo. Shin s'en foutait de Finéas, il voulait juste aider Mani. Et, au fond de toi, tu le sais aussi. On a choisi de l'accompagner, on ne peut juste pas le lui reprocher parce qu'on a décidé de l'aider. On l'a fait pour Grunlek, alors pourquoi le laisser derrière lui ?"
Théo serra le poing.
"Parce que, lui, il fait pas partie de la famille. Il l'a jamais été. Il était là pour nous observer, pour nous analyser comme des sujets de laboratoire. Il n'a jamais été fiable, il n'a jamais... Il ne comprendra jamais ce que nous on a vécu, dans la Montagne, à Mirages, sur l'île des Intendants. Il est là par opportunisme. La preuve, il m'a accompagné juste pour échapper à Menki Dal.
— Tu es un peu dur, tu ne crois pas ? Certes, Mani a de mauvais côtés, je suis d'accord avec toi, mais quand même, il fait de son mieux.
— Ah oui ? Et nous trahir en pleine bataille de Castelblanc, ça faisait partie du plan ? Ouvre les yeux ! Il se sert de nous pour... Pour qu'on lui sauve la peau. Et Shin en a payé le prix fort."
Icy posa une main sur son bras.
"Théo... Tu sais, la colère, c'est quelque chose de normal dans le deuil. Chez certains, ça passe rapidement, chez d'autres, ça dure plusieurs années. Mais là, en tant qu'ami, je dois te demander de te remettre en question. Ce que tu dis, ce que tu fais, c'est mal. Tu rejettes la faute sur Mani, mais nous, on a fait quoi pour l'aider ?
— J'ai essayé de le sauver. Il... Il était juste devant moi, mais... Il est parti trop... J'ai pas pu...
— Eh, mon grand, calme-toi. On a tous déjà voulu revenir en arrière, essayer de tout changer. Mais on ne peut pas. Bon sang, si un jour on m'avait dit que je deviendrais le plus sage de nous deux, je l'aurais jamais crû."
Le paladin resta silencieux. Il regardait ses mains.
Le sang de Shin coulait le long de ses doigts. Shin serra sa main le plus fort qu'il put. Ses yeux le fixaient. Il était terrorisé. Pour la première fois de sa vie, il avait vraiment peur de la mort. Et puis, d'un coup, il se relâcha. Théo ne réalisa pas immédiatement qu'il était mort. Ce n'est pas le genre de choses qu'on réalise d'un coup. Il ne voyait que le sang couler du trou béant de son ventre.
"Théo ? Tu vas bien ? Tu trembles."
Il se tourna vers Manaril. Elle lui adressa un sourire victorieux. Elle venait de détruire leur groupe. Elle venait de retirer la seule chose qui retenait encore Théo parmi eux. Elle venait de tuer sa propre famille.
"Euh... Théo ? Tu me fais peur là. J'ai... J'ai fait quelque chose de mal ? Théo ?"
Le paladin tourna un regard meurtrier vers elle. Ses mains bouillonnèrent alors que l'électricité traversait son corps. Il allait la tuer, la massacrer comme elle venait de massacrer Shin. L'espace d'un instant, il lut la peur dans les yeux de la princesse de Lorimar, remplacée rapidement la détermination de Melancholia.
"Ne... Ne fais pas ça, je t'en supplie. Je... Je... Eh, c'est moi, Balthazar..."
Elle lança la première attaque. Théo se jeta dans un cratère. La douleur irradia son corps. Il avait presque oublié les tortures qu'ils lui avaient fait subir. Les plaies n'étaient pas cicatrisées. Mais il devait les cacher. Ses amis ne devaient jamais les voir. Ou le devaient-ils ? Il chargea l'électricité dans ses mains. Ses yeux prirent une lueur bleue électrique.
"AAAAAH ! Théo ! Arrête !"
Il cligna des yeux et revint à lui. Il lâcha précipitemment Balthazar sur le lit. Il le tenait tellement serré que la marque de ses doigts apparaissait sur le bleu pastel de la créature de glace. Balthazar était terrifié. Il pouvait le lire dans ses yeux. Théo ouvrit et ferma la bouche, choqué. Il recula, et trébucha. La crise recommençait, il la sentait venir. Il se força à inspirer et expirer, mais il n'y arrivait plus, totalement paralysé par la peur. Il l'avait presque tué, qu'est-ce qui n'allait pas avec lui ? Il était dangereux. Balthazar avait raison. Mani n'était pas le vrai monstre, c'était lui.
"Théo, eh, je... Je ne t'en veux pas, d'accord ? Tu... Tu m'as fait peur, mais c'est tout, tout va bien. Eh, tout va bien, je te le promets. Respire, s'il te plaît... Tu... Tu vas te faire mal."
Théo se concentra sur sa voix. Elle l'apaisa petit à petit et il retrouva son souffle après quelques secondes. Il tenta immédiatement de se redresser, mais son dos lui fit mal. Il avait sans doute fait un faux mouvement dans sa chute et en payait désormais le prix. Balthazar le rejoignit sur le sol et lui prit la main. Il tremblait, il pouvait le sentir.
"Je... Je vais rester là avec toi, d'accord ? Je ne m'en vais pas. Bordel, j'en ai pissé des glaçons."
Il se mit à rire nerveusement. Théo ne répondit pas, le regard fixé vers le plafond.
"Je t'ai menti, tu sais. Grunlek m'a demandé de le faire. Mais il m'a raconté pour ce qui t'es arrivé pendant... Enfin, pendant qu'on était pas là. Je me suis senti comme une merde. On n'a même pas su être là quand tu avais besoin de nous. Et pire, on a absolument rien vu. Je... C'est à cause d'eux ces crises, pas vrai ?"
Balthazar baissa la tête. Il savait qu'il n'obtiendrait pas de réponse dans l'immédiat.
"Je peux... Je peux essayer d'arranger ça quand j'aurais récupéré mon corps. Ce qu'ils t'ont fait, ça s'appelle de la surcharge psychique, et ce n'est pas bon pour toi, du tout. Ils ont dû te programmer des déclencheurs pour t'affaiblir, à partir de tes souvenirs. A chaque fois que l'on va te parler de certains sujets, ça va finir par se produire. Je ne te garantis pas de pouvoir effacer ce qu'ils ont fait, mais je me sentirais comme la dernière des merdes si je n'essayais pas."
Théo tourna la tête vers lui.
"Et si tu ne récupères pas ton corps ? demanda Théo d'une voix faible.
— Qu'est-ce que j'ai dit à propos des "si" ? répliqua le mage. Je vais récupérer mon corps. On va réparer les conneries de nos aïeux, on va récupérer ces putains de Codex et les brûler une bonne fois pour toutes, et ensuite on ira dans une taverne et on se saoûlera la gueule jusqu'à chanter des chansons païennes sous les tables. Je te le promets."
Une larme coula le long de la joue du paladin.
"Si je perds encore quelqu'un, je suis pas sûr de pouvoir le supporter. Ne... Ne fais pas des promesses en l'air.
— Ce n'est pas une promesse en l'air. On a commencé la route ensemble, on la finit ensemble. Je te l'ai dit. On est des ratés pour la vie, rien ne peut être pire que ce qu'on a déjà vécu. Alors ramasse ta foutue carcasse de ce sol crasseux, et on va trouver un moyen de nous sortir de la merde mutuellement."
Théo se redressa et lui obéit. Le mage grimpa sur son épaule et les deux aventuriers se dirigèrent, silencieux mais sereins, vers le bureau de Tesla.
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