CHAPITRE 2

Coucou ! Désolée pour mon absence ces deux dernières semaines, j'ai eu un petit soucis de PC qui a pris du temps à être réparé. Pour me faire pardonner, ce sont deux chapitres que je vous offre aujourd'hui. Vive le drama ! Bonne lecture !

SILVERBERG

CHAPITRE 2

Trois jours supplémentaires s'écoulèrent lentement, sans que rien ne change à Fort Tigre. Théo avait enfin obtenu l'autorisation de se lever et il avait repris ses déambulations dans l'enceinte de la forteresse, sans but. Le médecin lui avait dit de ne pas trop se fatiguer, mais il ne pouvait arrêter de marcher, sous peine de devenir fou. Sa jambe lui faisait mal, mais la douleur le rassurait, douce mélodie familière. Il avait reçu un oiseau de Grunlek la veille au soir pour prendre de ses nouvelles. Théo lui avait rédigé un mensonge éhonté mais réconfortant sur son état de santé. Il ne voulait pas de pitié, pas d'aide, pas de soutien. Il voulait qu'on lui foute la paix.

Dans la salle commune, une ombre somnolait près de la cheminée. Théo boîta vers Mani le Double, déplacé de sa chambre le temps de nettoyer probablement. Le paladin s'assit à ses côtés. L'elfe regardait les flammes danser, perdu dans ses pensées. Il tourna un instant la tête vers le paladin, mais celui-ci ne sut pas vraiment s'il s'agissait d'un réflexe ou s'il l'avait vraiment vu. Les médecins suspectaient qu'il ait perdu la vue du côté droit, mais l'elfe cloîtré dans un silence inquiétant refusait de confirmer leur diagnostic. Ils avaient tous une façon différente de gérer les événements. Grunlek avait repris les choses en main dans l'espoir de pouvoir faire mieux, Balthazar s'était enfermé à la Tour des mages pour noyer son chagrin dans les recherches, Mani s'était tu et lui avait simplement abandonné. Personne ne savait vraiment ce qui s'était déroulé à l'intérieur de l'Église de la Lumière ce jour-là, mais aucun des aventuriers n'avait envie de lever le secret sur cette bataille qui leur avait tant coûté.

"T'as été le voir ? demanda Théo d'une voix éteinte."

Mani ne répondit pas. Alors Théo continua.

"Je suis allé à la cérémonie hier. Il l'aurait aimé. On a enterré son arc, à défaut du corps. Il y avait de la musique. Et les gens pleuraient. Ils ne le connaissaient même pas. Leur hypocrisie, leurs condoléances, j'avais envie de leur faire bouffer."

Il se tourna vers l'elfe. Il fixait toujours le feu. Une larme coula le long de sa joue. Théo baissa la tête.

"Au moins, il est libre maintenant. Je suis sûr qu'il se moque de nous en ce moment. 

- Non, répondit Mani, le surprenant. Non, il n'est pas libre. Il est mort, Théo."

Le paladin serra brièvement les poings, refoulant l'envie de se défouler sur lui. Il lui adressa un regard noir comme la braise que l'elfe soutint, impassible. Il avait changé. Beaucoup changé. Théo ne lui faisait plus confiance, il avait l'impression de faire face à un parfait inconnu. Le paladin détourna le regard et poussa un soupir fatigué. Ses repères, sa vie, tout foutait le camp aujourd'hui. Même ceux sur qui il avait compté des années durant lui tournaient le dos un à un. Mani, il pouvait encore le supporter, leurs relations n'avaient jamais été très bonnes. En revanche, il ne réussissait pas à pardonner Grunlek et Balthazar. Ils avaient beau lui avoir expliqué qu'ils ne partaient pas "pour toujours", il n'arrivait pas à se faire à l'idée de leur absence. Les jérémiades de Bob lui manquaient, les conseils sages de Grunlek raisonnaient dans son esprit à chaque fois qu'il s'apprêtait à faire une bêtise. Il se sentait abandonné, un détritus laissé sur le côté de la voie. Et il en tenait Mani pour responsable. S'ils n'avaient pas fait un détour pour régler ses petites affaires, Shin aurait peut-être eu assez de force pour lutter une dernière fois contre Manaril. Il serait toujours en vie et ils seraient tous en train de se plaindre dans une chambre de Fort Tigre en comparant la taille de leurs blessures.

Soudainement, la vue de l'elfe devant lui, terriblement inexpressif, le mit hors de lui. D'eux tous, il était celui qui méritait le moins de s'en sortir. Théo serra les poings, avant de se lever et de jeter sa chaise à travers la pièce. Le morceau de bois s'écrasa dans l'armurerie, toujours intacte malgré la force. Voilà ce qu'était Mani. Le bout de bois inébranlable qui renverse tout autour de lui sans jamais se soucier des conséquences.

"C'est toi qui aurait dû crever, lui lâcha Théo méchamment. Tout ça c'est de la faute de toi et de ta putain de secte de merde."

Il ne réagit pas à la menace, ce qui augmenta sa colère. Il saisit l'elfe par le col et le balança au sol. Mani grimaça, mais ne répliqua rien.

"Qu'est-ce que t'en as à foutre de Shin ? Hein ? Tu le connaissais depuis deux mois. Mais lui, il est mort parce qu'on a dû réparer tes putains de conneries sur le chemin. Tu veux te barrer ? Bah ne te gêne pas ! Va crever sur la route comme la merde que t'es !

- Manaril a tué Shin, corrigea t-il, glacial. Je ne vais pas te servir de souffre-douleur juste parce que tu ne supportes pas l'abandon, siffla t-il."

Théo prit de l'élan et donna un grand coup de pied dans le ventre de l'elfe qui s'effondra au sol, le souffle coupé. Le paladin perdit l'équilibre dans l'action et se retrouva au sol. Il se jeta sur Mani, impuissant, et lui serra la gorge, les yeux injectés de colère.

"Tue... Tue-moi, déglutit l'elfe. J'en ai plus rien à foutre."

Il ne se débattait pas. Il attendait la mort. Théo serra un peu plus fort, jusqu'à lui couper la respiration. Il le regarda suffoquer avec un mélange de fascination morbide et de colère, jusqu'à ce qu'une poigne de fer ne le détache de force de l'elfe. Frustré, le paladin voulut repartir à la charge, mais une douche d'eau froide s'abattit sur lui, le repoussant. Il reprit ses esprits, trempé, face à une Victoria rouge sous l'effort physique qu'elle avait dû accomplir pour le faire lâcher. Mani se tordait de douleur au sol derrière elle, il reprenait sa respiration dans des râles d'agonie.

"Tu es fier de toi ? lui demanda t-elle froidement. Tu te sens mieux ? Je devrais te féliciter pour ça peut-être ?

- Fous-moi la paix.

- Non. Non, Théo, je ne vais pas te foutre la paix. Tu as manqué de le tuer ! Je crois que tu ne réalises pas... Tu ne me laisses pas le choix. Gardes !"

Incrédule, Théo vit quatre paladins passer timidement la tête par l'ouverture de la porte. Le guerrier chercha à se relever pour leur échapper mais il n'en n'eut pas la force.

"Enfermez-le dans les cachots et attachez-le.

- Quoi ?! hurla Théo. Tu n'es pas sérieuse là ?!

- Et qu'est-ce que je suis censée faire ?! Je ne peux pas te surveiller constamment Théo ! Je fais ça pour ton bien, n'oppose pas de résistance s'il te plaît."

Les gardes lui saisirent les bras et le forcèrent à se relever. L'un d'eux sortit une paire de menottes et Théo, fou de colère, commença à se débattre en criant de rage. Il frappa au hasard et toucha aléatoirement ses adversaires au visage, au ventre, pour les empêcher de le toucher. Pas loin de huit gardes, deux médecins et une bonne dose de chloroforme furent nécessaire avant que le guerrier ne s'effondre dans leurs bras, endormi de force et traîné vers les cachots sous le regard inquiet et coupable de sa sœur.

**********

Le cor résonna au loin, la bataille de Fort Tigre venait de commencer. La première ligne, quelques mètres devant lui, se mit à courir droit vers l'ennemi, euphorique et emportée par l'excitation des combattants. Théo, dressé sur Lumière, les regarda se faire massacrer, les uns après les autres. Les soldats de Kirov étaient bien plus doué au corps à corps que les agents de la Lumière. La plaine se transforma rapidement en bain de sang. Les cadavres criaient encore et les soldats progressaient rapidement vers la cavalerie. 

Les mains de Théo tremblaient sur la bride de Lumière. Il n'avait encore jamais participé à un champ de bataille en vrai, et maintenant qu'il en avait un sous les yeux, il n'était plus sûr d'avoir envie de se battre. Son regard était vissé sur le sang qui coulait sous les corps. Il lança une œillade vers Victoria. Concentrée, le cor à la main, elle surveillait les généraux un peu plus loin, qui se préparaient à lancer l'assaut. Le signe arriva beaucoup trop vite au goût du paladin. 

Victoria leva le cor et souffla dedans. Les cavaliers, pour la plupart des paladins expérimentés, se jetèrent dans la bataille. Théo baissa la visière de son casque, lui qui avait toujours détesté la porter, et lança sa jument au galop derrière la vague de chevaux qui déferla sur les soldats de Kirov. Les premiers réussirent à briser leurs barrières et à faire tomber la moitié de leurs hommes sous les coups des épées furieuses qui dansaient, impitoyables. Théo en toucha quelques uns lui-même, sans trop savoir comment. Au milieu de la cohue, il ne distinguait plus les alliés et les ennemis. Son cerveau s'était comme déconnecté pour se concentrer uniquement sur la survie.

Perdu au milieu des combats, il repéra trop tard un lanceur, à quelques mètres de lui. Il tenta d'éviter la hallebarde en faisant reculer Lumière, mais coincé par les autres combattants, il ne put rien faire. L'arme se planta dans l'encolure de sa jument qui poussa un hennissement de douleur. Elle se cabra, glissa sur le sang et tomba sur le dos, emportant le paladin dans sa chute. Théo atterrit lourdement au sol, incapable de se relever à cause du poids de sa monture qui s'agitait au-dessus de lui, complètement paniquée. Théo tenta de la rassurer, sans succès. Elle se vida de son sang en seulement quelques minutes.

Choqué par la disparition brutale de sa compagne d'aventure, Théo mit du temps à réagir, trop de temps. Un cheval paniqué, lui aussi blessé, recula et trébucha sur le corps de Lumière, écrasant le paladin qui se débattit. Il prit le coup de sabot dans la figure et se retrouva sonné, perdu, au milieu de cette guerre dont il ne voulait pas. Il allait mourir ici. Il en était sûr. Quand il parvint enfin à s'extirper de sous les chevaux après de longues minutes d'efforts, la pointe d'une épée se posa sur son cou. 

Les yeux écarquillés, le paladin n'osa plus bouger.

"Embarquez-le ! cria l'homme qui le tenait en joue, avec un fort accent du nord. On doit faire des prisonniers de guerre, vous avez entendu Manaril. En plus c'est Silverberg junior, il vaut un joli paquet."

Théo chercha son épée et ne la trouva pas. Impuissant, il vit le coup venir, violent. Le bouclier de son agresseur s'écrasa sur son crâne et il sombra dans l'inconscience.

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