CHAPITRE 19

Hey ! Et un nouveau chapitre plus calme avec les vraies retrouvailles de Théo et Balthazar ahah. Je sais que vous attendiez ça avec impatience, bande de shippeurs de Thélthazar :3

CHAPITRE 19

Théo se sentait impuissant. D'immenses secousses faisaient trembler les murs de l'Académie des Mages et il ne pouvait rien faire, contraint à l'immobilisation. Les attaques psychiques du monstre dehors avaient coupé le lien du portail. Balthazar et le paladin étaient seuls désormais. La petite créature de glace était assise sur le bord du matelas, le dos posé contre le paladin. Elle exerçait un contact froid désagréable, mais Théo n'arrivait même plus à se plaindre. Il n'était plus qu'une loque inutile et incapable de bouger.

"Ce n'est pas si grave, lâcha Balthazar pour combler le silence pesant. Il y a des milliers de mages ici, cette bestiole ne pourra pas passer à travers eux. Certains sont des légendes vivantes ici. Je t'ai déjà parlé de comment Protemus avait abattu un dragon en plein ciel ? Je ne sais plus. Peut-être que je me répète. Je deviens un vieux mage gaga. Il ne me manque plus que la barbe jusqu'en bas des pieds et ce sera la fin."

Le mage se tut un instant, et releva la tête vers lui. Théo fronça les sourcils. Malgré sa voix fluette, le paladin sut qu'il devenait subitement plus sérieux.

"J'ai merdé, Théo."

Il poussa un soupir et se frotta le visage de ses petites mains de glace.

"Je pensais vraiment pouvoir ramener Shinddha, parce que j'étais triste et en colère, mais c'était vraiment pas une bonne idée. Je me suis embarqué dans un engrenage insurmontable, où j'en viens à ressasser le passé et attendre que quelque chose de nouveau vienne effacer tout ça. Le seul truc que j'ai trouvé pour ça, c'est la drogue. Je suis devenu un camé, Théo. Je peux plus m'en passer, je suis en train de foutre ma vie en l'air et j'en ai conscience. Mais... Je... Je ne peux plus continuer comme ça. Mon démon est en train de prendre le contrôle, tu sais. Plus je me fous en l'air et plus je deviens faible, et il en profite. J'ai peur qu'avec le manque, je ne sois même plus capable de lui faire face s'il décide de prendre ma place quand on me réveillera. Je ne sais même plus pourquoi je me bats avec lui. Est-ce que ça vaut seulement le coup ?"

Théo poussa un grognement menaçant. Le paladin n'aimait vraiment pas la tournure des événements, mais ne pouvait pas le dire. Il n'en revenait pas. Il avait attendu qu'il soit incapable de lui faire du mal pour lui lâcher une bombe pareille. Il enrageait. Pourquoi maintenant ? Pourquoi fallait-il qu'il baisse les bras maintenant ?

"Je sais ce que tu vas me dire, pas besoin de mots pour ça. Mais, la vérité, c'est que je pensais que tu voulais plus me revoir. Je t'ai écrit des tas de lettres, tu n'as jamais répondu à aucune d'entre elle. Je croyais que... Enfin, au début, je croyais que je devais te laisser de l'espace, mais plus le temps passait et plus je commençais à me demander si... Enfin si j'avais fait quelque chose de mal ou qui t'avait mis en colère. Je me suis beaucoup inquiété. Plus que de raison. Et c'est pas normal, je n'avais pas à réagir de cette façon. Mais c'est plus fort que moi ! J'ai l'impression de revivre ce qui s'est passé il y a quatre ans, lorsqu'on a été séparés après Mirages. Et la fois d'avant, lorsque tu... Je nage dans le brouillard et j'ai peur de ta réaction. Tu vas me trouver lâche, t'as le droit de le penser et de le dire. Mais je sais que lorsque tu seras remis sur pieds, on ne pourra pas en reparler sans que tu détournes le regard ou dévie la conversation. Alors je le fais maintenant."

Il se tut un instant, avant de pousser un soupir. Le paladin était trop fatigué pour réagir à ses propos, mais une flamme colérique et impuissante brûlait dans son regard. Il voulait lui hurler dessus jusqu'à s'en casser les cordes vocales, mais même ça lui était interdit. 

Une nouvelle vibration parcourut les murs de l'établissement. A l'extérieur, Théo voyait plusieurs rayons de couleur gagner le ciel. Les mages se battaient pour la Tour. Théo se crispa. Des gens allaient encore mourir à cause d'eux. Même s'ils abattaient la créature, il y aurait des pertes, des pleurs et des familles détruites. Le cercle infernal se perpétuerait encore et encore. Si eux peinaient à maintenir l'équilibre du monde, que se passerait-il quand ils n'auraient plus l'âge de le sauver ?

Tesla ouvrit la porte furieusement. Elle jeta un coup d'oeil nerveux à la fenêtre, avant de se tourner vers le guerrier.

"Il réclame votre âme, annonça-t-elle au guerrier. Nous avons sécurisé les cercueils dans les cellules des sous-sols, et vous y allez aussi. Tous les deux, compléta-t-elle à l'attention de la créature de glace. La bête est coincée sur votre enveloppe psychique, on doit vous faire disparaître et le plus vite possible. Il a percé le bouclier et décime mes hommes."

Elle leva la main vers le paladin et annula le sort. La douleur revint d'un coup et Théo se cabra de douleur. Il hurla à plein poumons et Balthazar, impuissant, s'agita autour de lui.

"Ce n'est que temporaire, expliqua l'archimage. Lennon, maintenez sa tête. Son dos est encore fragile."

Le mage obéit et se plaça derrière son cou. Il coinça sa tête entre ses deux minuscules mains de glace. Tesla fit avancer le lit magiquement jusqu'à la sortie. Dans les couloirs, des mages couraient dans tous les sens. Certains portaient des blessés, d'autres ramenaient des potions de mana et des sortilèges plus puissants. Peu importe ce qui se passait dehors, c'était suffisamment grave pour souder toutes les écoles de magie. L'archimage accompagna Théo vers les sous-sols. Plusieurs cellules étaient fermées et contenaient des animaux étranges. Tesla poussa le lit dans la plus grande d'entre elle, où les deux cercueils de psyché se trouvait déjà. Elle réactiva le sort de récupération.

"Lennon, j'ai déposé des parchemins dans un coin de la pièce. Si jamais... Si jamais il réussit à passer, vous serez le dernier rempart. Je vais sceller la pièce magiquement, mais ce ne sera peut-être pas suffisant. Voici le collier qui lie la Tour à votre ami nain, si vous avez besoin de lui. Je dois y retourner, faites attention à vous.

- Compris, répondit gravement Balthazar."

Il relâcha Théo. Le paladin avait sombré dans l'inconscience à cause de la douleur. Il était seul désormais.

********

Le sommeil fit du bien à Théo. Il ne sut dire après combien de temps il émergea, mais la douleur s'était calmée. Icy, ou plutôt Balthazar, était roulée en boule sur son torse et dormait paisiblement, accrochée à sa robe de chambre blanche. Le paladin se releva doucement sur son lit en serrant les dents. La pièce était plongée dans l'obscurité, mais il ne se trouvait plus dans la cellule. En face de lui, les deux sarcophages de psyché brillaient d'une lueur rassurante.

Dérangé par le mouvement, la créature de glace piailla. Agacé, Théo décrocha le mage et le reposa maladroitement sur le lit. Il s'appuya tant bien que mal sur le bord du lit pour se relever. Tout tanguait autour de lui. Il se dirigea immédiatement vers la fenêtre que les rideaux fermés recouvraient. Son coeur rata un battement.

Il ne restait plus rien des jardins de la Tour des Mages. Tout avait été brûlé et retourné. Des mages erraient ici et là, l'air hagard, d'autres transportaient des blessés. Une immense forme était encastrée dans un mur, la créature, à en juger par le nombre de magiciens occupés à faire des prélèvements dessus. Ils avaient réussi à l'arrêter. Mais pour combien de temps ? Enoch savait qu'il était en vie et ne s'arrêterait pas en si bon chemin.

Il poussa un soupir et s'approcha des cercueils. Victoria dormait paisiblement. Le cercueil était différent, les mages avaient sans doute essayé de la réveiller. A côté d'elle, Balthazar était lui aussi allongé. Théo fut immédiatement frappé par sa barbe et sa perte de poids. Il était maigre, bien plus maigre que jamais il ne l'avait été. Des écailles rouges recouvraient ses jambes et ses bras, et des liens avaient été serrés autour de ses poignets et chevilles.

"C'est pas beau à voir, hein ?"

Le paladin se retourna. Icy était assis sur le lit et se frottait les yeux. 

"Tu vas mieux ? s'empressa de demander le mage pour détourner la conversation. Tu as dormi un peu plus de trois jours. Il s'est passé beaucoup de choses. Tu te rappelles de ce qui s'est passé ?

- Un peu, répondit-il d'une voix faible. 

- Ah, tu reparles, c'est une bonne nouvelle !"

Icy descendit du lit et entreprit de l'escalader pour se poser sur son épaule. Théo regarda un instant Balthazar contempler son propre corps en se disant que cette sensation devait franchement être étrange. Le poids sur son épaule réveilla un peu la douleur, mais elle n'avait rien de comparable à celle subie avant qu'il ne tombe dans les vapes. 

"Ils ont essayé de nous réveiller, expliqua Balthazar. Ca n'a pas été... Une expérience agréable. Tesla pense que nous sommes comme deux aimants. Si l'on est trop proches l'un de l'autre, il y a risque de surcharge psychique. C'est pour ça que j'ai cette tronche d'hérésie. Ca ne se voit pas, mais j'ai même des cornes, je peux les sentir. Mon démon n'a pas vraiment apprécié. Mais la bonne nouvelle, c'est que je peux à peu près tenir debout trente secondes. Tesla cherche à me stabiliser pour que je puisse t'accompagner chez ma mère. Non pas que je n'ai pas confiance en toi, mais si cette affaire nous concerne, je n'ai pas envie d'être mis à l'écart. Même si je dois venir sous la forme d'Icy. Ce n'est pas si dérangeant.

- Ouais, tu devrais la garder. Tu feras moins chier quand il fera froid, le tâcla gentiment le paladin.

- Oh, directement dans l'humour vaseux ! Je t'ai manqué à ce point ?"

Théo ne répondit pas. Son regard s'assombrit légèrement et il détourna les yeux. Il retourna s'asseoir sur le lit. Balthazar garda le silence un moment, avant de reprendre.

"Toi aussi, donc."

Le paladin grogna, il savait où il voulait en venir. Ils n'avaient jamais eu besoin de mots pour se parler.

"C'est pour ça que t'as coupé les ponts ? Tu as eu du mal à passer à autre chose ? Si ça peut te rassurer, t'es pas le seul. J'ai fait quelques grosses bêtises pendant ton absence. 

- J'ai presque tué Mani, lâcha le paladin. Il m'avait rien fait, mais... Je ne sais pas. Je... Je ne pouvais pas. Je deviens complètement cinglé. Je me fais peur. Je fais des cauchemars qui n'ont aucun sens, je fais des crises qui n'ont aucun déclencheur. Et ma soeur veut me faire monter en grade, mais j'en suis incapable, je... Je ne veux pas être un putain de héros, je ne veux pas sauver le monde, je veux juste que tout redevienne comme avant."

Balthazar glissa le long de son bras pour s'asseoir à côté de lui. Il chercha ses mots un instant.

"Et ça a un rapport avec ce que tu refuses de me dire ?"

Théo déglutit et se crispa sur le lit.

"On n'a pas beaucoup eu le temps de parler depuis Castelblanc, mais j'ai bien vu que quelque chose avait changé dans ton regard. Mais t'as rien dit, donc je me suis dit que ce n'était qu'une mauvaise passe. Il s'est passé quelque chose, pas vrai ? C'est de ça que tu as peur. 

- Je... No... Enfin, oui. Mais, je ne pense pas être capable d'en parler maintenant.

- Je comprends, je ne te force pas la main. Mais, eh, ne te mets pas trop la pression ? Tu n'as pas besoin de te la jouer héros ou paladin des dieux. Parfois, il faut apprendre à dire non, même si ça fait mal. Si la situation ne s'améliore pas, c'est que ça ne te rend pas heureux. Et si ça ne te rend pas heureux, pourquoi tu continues de courir après ? Tu sais, j'ai été le premier surpris quand tu as dit vouloir rester à Castelblanc. Théo, t'as pas la tronche d'un dirigeant. Tu vas tourner en rond dans une cage dorée jusqu'à t'en bouffer la queue. C'est dur à entendre, mais je peux pas te regarder te foutre en l'air sans rien dire. C'est pour ça que je suis là. Que Grunlek est là. Je suis pas ton ennemi, et je m'en fous royalement de ce que tu vas faire. Mais si ça te rend malheureux, je serais derrière ton cul pour faire changer les choses, tu peux compter sur moi."

Le paladin ne répondit rien, mais le mage sut qu'il avait touché une corde sensible. Il était bien plus ébranlé que ce que son masque laissait paraître. Les mots du mage comptaient bien plus que ceux de Grunlek, et Balthazar en avait parfaitement conscience.

"Alors, dis-moi, elle sort d'où la jolie minette dans la chambre d'à côté ?

- Elle est mineure, réagit immédiatement le guerrier, sur un ton ferme. C'est mon écuyère.

- Je vois. Une écuyère, carrément ? Et elle fait quoi au juste ? Elle lustre ton épée ? Elle poli ton armure ? ajouta-t-il en ronronnant. Elle borde tes couvertures le soir ?

- Elle botte les fesses des hérésies comme toi, râla le guerrier."

Le mage éclata de rire, provocateur. Théo, saisit un vase et lui posa sur la tête. 

"Eh ! piailla Balthazar sous la porcelaine."

Le paladin ne se l'avouerait jamais, mais retrouver le mage, même sous cette forme, lui avait fait plus de bien en quelques minutes qu'en plusieurs mois à Castelblanc. Les deux ne remarquèrent pas, accoudé à la porte, Tesla qui les regardaient, le visage soucieux. 

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