CHAPITRE 17

Coucou ! Voici le retour des mésaventures de notre cher paladin, avec cette semaine le retour d'un personnage que vous attendez tous :D

CHAPITRE 17

Il faisait froid. Beaucoup trop froid. Théo entrouvrit faiblement les yeux. Il n'entendait que le bruit de sa respiration, comme à chaque fois qu'il reprenait connaissance. Une fine couche de neige le recouvrait, comme tout ce qui se trouvait autour de lui. Incapable de bouger, il se contenta de regarder les alentours. Depuis combien de temps se trouvait-il là à contempler cette charrette ? A chaque fois qu'il perdait connaissance, il perdait un peu plus ses repères. Plusieurs jours pouvaient s'être écoulés. Peut-être ne se réveillerait-il bientôt plus.

A quelques mètres de lui, le corps de Cyrielle gisait, inanimé. Et celui de Mani un peu plus loin. Etaient-ils morts ? Le paladin n'en était pas sûr. Enoch les avait eu par surprise, en pleine nuit. Il lui avait fait quelque chose, dans sa tête, sans qu'il ne réussisse à savoir quoi. Quand il avait repris connaissance la première fois, il avait vu impuissant son écuyère se jeter sur le démon. Il l'avait repoussé comme une vulgaire poupée de chiffon. Seul et malgré sa bonne volonté, Mani n'avait pas fait le poids, trop affaibli par ses récentes blessures. Trois loques à l'abandon qui crèveraient bientôt de froid.

Théo sentit son cœur se serrer. Victoria et Balthazar allaient mourir. Grunlek allait se retrouver seul. Le supporterait-il ? Perdre Shin avait déjà été dur, mais les perdre tous en même temps, aussi rapidement ? Le vieux nain ne s'en remettrait jamais. Il n'avait pas le droit de lui faire ça.

"... Ni ? appela-t-il d'une voix faible."

La masse de cheveux noirs bougea légèrement. L'elfe, recroquevillé en position fœtale, releva un regard triste vers lui. De sa main, il appuyait sur une blessure à son ventre qui saignait abondamment. 

"Co... Le co... insista Théo."

Les sourcils de l'elfe se froncèrent, avant qu'il ne comprenne de quoi il parlait. A un mètre du paladin, le collier télépathique que lui avait offert Grunlek gisait dans la poudreuse. L'elfe serra les dents et commença à ramper pour l'attraper. Il glissa et retomba sur le ventre dans un gémissement de douleur. Il tendit son bras et gratta un peu le sol jusqu'à réussir à saisir la chaine du talisman. Il plaqua le médaillon contre son cœur.

"Grunlek ? l'entendit-il appeler. Tu es là ?"

Le médaillon vibra, avant qu'un hologramme du nain apparaisse devant eux. Grunlek regarda autour de lui, au moins aussi surpris qu'eux de cette amélioration technique, avant que ses yeux ne s'écarquillent à la vision de Théo. De toute évidence, à son expression choquée, le paladin devait vraiment avoir une sale tête.

"Vous êtes blessés ? hurla-t-il. Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Disons qu'on a eu une visite nocturne, grogna l'elfe. Le papa de Bob est pas commode.

— Théo, tu vas bien ?"

Le paladin ne parvint qu'à articuler un grognement de souffrance qui ne rassura nullement son ami. 

"Je vais prévenir Tesla pour qu'elle vienne vous chercher. Vous allez mourir de froid dehors. Accrochez-vous d'accord ? Je... Je me dépêche, je vous promets. Ma... Mani, où est la petite ? Elle va bien ?

— Elle est derrière. Je... Je ne sais pas si elle est vivante, avoua Mani. Elle a voulu affronter le démon de face et il ne lui a laissé aucune chance."

Théo tourna légèrement la tête vers le corps étendu.

"... Mine ? ... Vante ?"

Elle ne bougea pas d'un poil. Cependant, Théo crut apercevoir sa poitrine se soulevant légèrement. Peut-être n'était-ce pas trop tard. Devant eux, ils virent Grunlek courir vers le portail de Tesla, puis hurler après l'archimage. Théo ne comprit pas trop ce qu'il disait. Il se sentait de plus en plus mal. Il baissa les yeux sur la neige. Beaucoup de sang recouvrait la poudreuse. Son sang. Et il coulait de sa tête, ce qui était rarement un bon signe.

"Théo, tu restes avec nous ? appela Mani, soudain alerte. Tu es tout pâle d'un coup. Eh ? Ne... Ne lâche pas, d'accord ? Tu... Il ne faut pas que tu fermes les yeux, même si tu es très fatigué. C'est... Enfin... Ne le fais pas. Je... Je vais essayer d'aller voir ce qu'a Cyrielle, et après je viens vers toi, d'accord ?"

Tout en parlant, l'elfe tira son corps vers la gamine, sous le regard inquiet de Grunlek qui suivait le moindre de ses mouvement tout en discutant avec Tesla des solutions qu'ils avaient. Théo tentait de rester concentré sur l'idée de rester conscient, mais il sentait ses paupières devenir de plus en plus lourde. Il avait aussi de plus en plus mal, comme si quelque chose tambourinait dans sa tête pour en sortir. Il sentit sa respiration s'accélérer à mesure que la panique grandissait.

"Théo, tu as entendu Mani ? reprit Grunlek à son tour. Ne... Ne ferme pas les yeux, je t'en supplie. Tu n'as pas le droit d'abandonner, c'est toi le pilier de ce groupe. Reste avec nous, l'aide arrive bientôt. Tesla est en train d'ouvrir un portail vous ramener à la Tour des Mages. Tu... Tu dois sauver Balthazar, tu t'en souviens ? Il compte sur toi, ne le laisse pas tomber."

Le paladin serra les poings. La situation était-elle catastrophique à ce point pour que Grunlek lui parle comme à un enfant ? Un bruit étrange retentit derrière lui. Théo releva la tête, une paire de bottes noires s'étaient posées derrière lui.

"Oh oui, Théo, cracha la voix, ironique, ce pauvre petit Balthazar a tellement besoin de toi... Au moins autant qu'un chat avec sa litière."

Enoch se pencha vers lui. Il mit une main derrière sa nuque et le força à se relever par télékynésie. Tous les muscles du paladin crièrent de douleur et il se cabra pour essayer de la dissoudre. Il se mit à hurler. Grunlek, impuissant, paniquait.

"Vous n'avez pas besoin de lui ! essaya Grunlek. Lâchez-le, Enoch. Votre fils est en danger, Théo ne cherche qu'à l'aider.

— Mon "fils" n'a pas besoin de ce parasite pour savoir ce qui est bon ou non pour lui. Je sais ce qu'il prévoit de faire à son "ami", et je ne le laisserais pas faire. Moi aussi je connais la prophétie, bien mieux que ce Silverberg de pacotille. S'il doit choisir, il sacrifiera ma chair pour sauver la peau de sa sœur. Mon fils le laissera faire, parce qu'il est trop naïf, mais pas moi."

La pression sur sa nuque se fit plus forte. Théo hoqueta de douleur. Des larmes s'échappèrent de ses yeux sans qu'il ne puisse rien contrôler. Il allait mourir, il le sentait. Son corps n'en pouvait plus. Pourtant, une boule de feu balaya le démon d'un seul coup. Théo s'effondra au sol comme une poupée désarticulée. Deux mages lui saisirent les bras et le soulevèrent. Le paladin ne comprit rien à ce qui se passait.

Alors que Grunlek hurlait son nom, il sombra dans l'inconscience.

**********

"Eh bien, nous voilà dans de beaux draps."

Pendus par les pieds au-dessus du vide, les bras dans l'air, Théo et Balthazar attendaient que quelque chose se passe. Le paladin ne se rappelait plus exactement comment ils en étaient arrivés là, mais de toute évidence, cela s'était produit dans son passé. Le mage souffla pour écarter une mèche de cheveux de sa figure.

"Tu ne pouvais pas choisir une table comme tout le monde pour discuter ? Ton cerveau est un vrai bordel, mon gars. Ou alors c'est encore ton absence de logique qui brille vers de nouveaux horizons."

Avaient-ils vécu cette scène ? Théo n'en était pas certain. Il lança un regard suspicieux au mage.

"Tu es quel Balthazar ? demanda le paladin."

Le demi-diable fronça les sourcils, avant que sa bouche ne se torde d'un sourire étrange. En quelques secondes, ses yeux virèrent au noir et des griffes poussèrent le long de ses doigts.

"Je ne suis pas Balthazar. Du moins, pas entièrement. Disons que je suis... En mission "chiens perdus". Mon autre partie a décidé de m'expulser temporairement pour te trouver. Il dit que tu peux l'... nous aider à nous en sortir.

— Tu es le démon de Balthazar ?

— Si c'est le nom que tu choisis de me donner. Vraiment, cet espace est inconfortable, il faut tout faire soi-même."

Le paysage s'obscurcit et la corde lâcha. Théo tomba un bref moment avant de se relever sur une chaise, face à ce Balthazar démoniaque, surpris. Deux verres de bière apparurent.

"Désolée de cette intrusion forcée dans ton cerveau, dit une voix plus douce, autour de lui. Je... Je n'ai plus trop le contrôle dans mon sarcophage, alors je fais ce que je peux pour garder le contact avec le monde extérieur.

— Balthazar, c'est toi ?

— Oui. Je suis là aussi. J'ai capté ton énergie quand tu es arrivé à la Tour des Mages.

— Très cher, le coupa la part plus sombre de son ami, tu pues le démon. Et pas n'importe lequel. Nous savons que tu as eu affaire récemment à notre géniteur. Et cela nous a rendu... curieux. Nous n'avons pas accès à tes souvenir, il les a verrouillé parce qu'il savait que nous irions fouiller dedans."

Théo resta silencieux, toujours un peu surpris. Le démon soupira. 

"D'accord, je le ramène, puisque tu ne comptes pas discuter avec moi. A croire qu'il n'y en a que pour Balthazar ici."

Il agita la main. Un deuxième Balthazar, plus humain, se matérialisa devant lui. Le mage remercia son double du regard, visiblement soulagé.

"Je suis désolé, Théo, commença Balthazar. Je sais que tout ça est précipité et plutôt hérétique, mais nous n'avons pas de temps à perdre. Qu'est-ce qui se passe avec mon père ? Tu étais presque mort lorsque tu es arrivé, j'ai eu la trouille de ma vie ! Enfin... Si tentais que je reste en vie encore longtemps, ce qui n'est pas gagné."

Théo ne répondit toujours pas, le regard planté dans celui de son ami.

"Quoi ?

— Tu es vraiment là ? demanda-t-il, la voix tremblante."

Balthazar sourit.

"Oui. C'est... compliqué. Disons que j'ai utilisé l'essence démoniaque dans le sarcophage pour extraire mon âme de mon corps. J'ai fait la même chose temporairement avec la tienne et j'ai créé cet espace mental pour qu'on puisse discuter.

 "J'ai créé" ? râla le démon.

 Nous avons créé... Mais ce n'était vraiment pas un plaisir. Mais c'est instable et on n'a pas beaucoup de temps. Je sais qu'on a... des choses à se dire, mais ça devra attendre. Je suis épuisé par les attaques psychiques et je ne suis pas certain de continuer à tenir encore longtemps, tu sais. Je fais ce que je peux pour tenir celui-là occupé, dit-il en pointant son double de la tête, mais la situation n'ira pas en s'arrangeant."

Théo baissa la tête et poussa un soupir.

"Ton père a tenté de m'empêcher de ramener Victoria ici. Ton âme est liée à la sienne parce que vous avez tous les deux été maudits. Pour faire court, le seul moyen de libérer l'autre est de tuer l'un de vous deux.

— Je vois. Dilemme compliqué.

— Compliqué de quoi ? Nous lui avons sauvé la vie des milliards de fois, s'exclama le démon. Il est évident qu'il va nous choisir !

— Il a peur que tu t'en prennes à moi parce que je détiens la dernière trace de ses pouvoirs, réfléchit le mage. C'est une théorie que j'avais il y a longtemps, mais je n'étais pas certain qu'elle puisse être vérifiée. Depuis quelques mois, je fais des cauchemars assez intenses à son propos... Je crois que je le maintiens en vie, d'une façon ou d'une autre."

Le paladin se pinça la lèvre.

"C'est pas tout. Comme je savais que ton père se ramenait à Castelblanc, j'ai demandé à Mani de virer les Codex de la ville.

— Tu as demandé quoi à Mani ? répéta le mage, interloqué. Dis-moi qu'il ne les a pas.

— Il a brisé le truc magique que tu as posé dessus et, si, il s'est barré avec. Je crois qu'il a fusionné avec.

— Je propose que nous tuions le paladin et l'elfe, s'enthousiasma le démon. Ils sont complètement idiots."

Balthazar lui demanda de se taire d'un signe de main. Le mage se mit à faire les cents pas devant lui, nerveux. 

"Quand est-ce arrivé ? demanda-t-il soudainement. 

— Je ne sais pas, il y a quelques jours. Quand il est venu me menacer, il n'était pas comme ça.

— Peut-être que les Codex ont eu un impact quelconque sur notre état et celui de Victoria. Les événements concordent. Papa n'est peut-être pas entièrement responsable, mais il est indéniable que l'influence de ces foutus parchemins ont augmenté l'intensité du phénomène. Ce n'est pas bon, pas bon du tout. Il ne faut pas les lui laisser, Théo, il faut que tu les récupères.

— Comme si c'était aussi simple. Il n'est pas franchement le genre à discuter.

— Mais on a pas le choix. Si on a pas les Codex sous la main, étudier leur influence sera compliqué. Sincèrement, si tu es toujours en vie, c'est qu'il te croit mort, ce qui est un avantage. Il aime se réfugier dans les plaines où se sont passées les guerres démoniques, tu sais là où il y a la tombe de ton p...

— Oui, je sais lesquelles, le coupa-t-il froidement."

Balthazar fronça les sourcils, surpris par son soudain changement d'attitude. Le paladin détourna le regard.

"Je... J'ai dit quelque chose de mal ? lui demanda Balthazar d'une voix incertaine.

— Non... Non, ce n'est pas toi. Tu savais que mon père et le tiens traînaient ensemble ? Ils ont même violé une femme ensemble. Ce qui explique ta situation et celle de ma soeur. Ce sont leurs conneries qui vous ont conduit dans cet état.

— Non... Enfin, oui. Je le suspectais fortement. En fouillant chez moi quand j'étais plus jeune, j'ai retrouvé des affaires de paladin, couvertes de sang. Je pensais que c'était un cadavre amené par mon père, mais des choses me troublaient. Mon père avait aussi beaucoup de correspondance avec de nombreuses personnes, tout doit traîner dans des boîtes dans mon grenier. C'est une piste à creuser. Mais..."

Il parut un peu embarrassé.

"Si tu y vas, reprit le mage, tu pourras dire à ma mère que je vais bien ? Je... Je lui en ai fait trop baver quand j'étais jeune, je préfère la tenir à l'écart pour ne pas trop l'inquiéter. Ma tante pourra sans doute également t'en apprendre plus sur notre passé commun, elle connaissait bien mon père. Tu te souviens d'où se trouve le comptoir ?

— Oui, je pense pouvoir retrouver la route.

— Tu trouveras la maison de ma mère à l'est. Demande après la maison du gosse problématique des Lennon, tu devrais trouver facilement. J'ai laissé quelques cicatrices là-bas.

— "Quelques" ? rit le démon, hystérique. Notre premier grand brasier, comment pourrais-je l'oublier ? Cette boulangerie intégralement réduite en cendres, les cris des gens découvrant ta vraie nature, le début de ta cavale dans les bois, tant de souven... Ah !"

Le démon se plia soudain en deux, rapidement suivi de Balthazar. Le paladin se redressa.

"Qu'est-ce qui se passe ?

— Temps écoulé, grogna le mage. Retour dans le sarcophage. Tu devrais y aller aussi. Je sais pas exactement à quel point tu es en mauvais état, mais rester trop longtemps en dehors de ton corps n'est pas bon. Je ferais au mieux pour te recontacter bientôt. J'ai ta trace psychique maintenant.

— Tu es sûr que ça va aller ?

— Je me porte comme un charme, ne t'en fais pas pour moi. Et... Fais attention à toi, d'accord ? Je ne me sens pas de perdre encore quelqu'un, ajouta-t-il d'une voix plus sombre."

Le paladin hocha la tête. Le mage recula d'un pas.

"Le réveil va être brutal, s'excusa-t-il."

Il casta une boule de feu et la lança sur lui. Théo étouffa une insulte avant de se manger le sort en pleine face.

*********

Théo se releva brutalement dans son lit, couvert de sueur et haletant. Il regarda autour de lui, complètement perdu. Il ne reconnaissait pas l'endroit dans lequel il se trouvait. Un bandage serrait son dos et son ventre, un autre entourait sa tête. Il avait la nausée et tout autour de lui tanguait violemment. Le guerrier posa une main sur sa tête.

Avait-il rêvé son entrevue avec Balthazar ? Il n'en était pas certain. Il se sentait trop étrange pour réfléchir. Dehors, le ciel était encore noir. Théo attendit quelques secondes assis, avant de se recoucher, pensif.

La nuit porterait conseil.

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