CHAPITRE 13

Eh eh eh. Encore un chapitre qui va faire hurler certains lecteurs, pour mon plus grand plaisir.

CHAPITRE 13

Les roches tombaient partout autour de lui, et Théo se tourna vers Vladimir Hannibal, résigné. Il n'aurait jamais le temps de quitter la montagne à temps. Grunlek l'avait su dès qu'il avait croisé son regard. Le voir traîner Balthazar à l'extérieur avait été pénible, mais ce n'était pas comme s'il avait le choix. Il se tourna vers l'homme à l'origine de ses ennuis. Affaibli, il tenait à peine sur ses jambes, mais s'apprêtait déjà à lui sauter dessus.

"Vous allez mourir avec moi, paladin.

 Ouais. Mais au moins, ce sera avec la satisfaction de vous avoir vu crever d'abord."

Hannibal lui sauta dessus, l'épée à la main. Théo l'évita de justesse. Le venin palpitait dans ses veines, il sentait que ça approchait du cœur. Combien de temps encore avant qu'il ne perde connaissance ? L'homme rugit et lui fonça de nouveau dessus. Sa dague transperça Théo de part en part. Le paladin lui saisit fermement les bras. Le sol sous leurs pieds se fissurait.

"Des ténèbres jaillissent la Lumière, articula-t-il difficilement."

Il ignorait jusqu'où le puits tombait. Il espérait se prendre un rocher sur la tête avant de s'écraser dans le fond. Ce serait moins douloureux. Les yeux de son ennemi s'agrandirent de peur en comprenant ce qu'il s'apprêtait à faire.

"Unis, nous ne craignons pas la peur. Où que vous vous cachiez sur Terre, tremblez."

Théo appuya sur la dague et se jeta dans le puits, entraînant Hannibal avec lui.

"Nous sommes les inquisiteurs !"

*********

Théo se releva en sursaut au milieu de la nuit. Un nouveau cauchemar récurrent, comme s'il n'avait pas déjà assez de problèmes avec les plus récents. Il se recoucha en poussant un grognement de douleur. Son dos était bien amoché et la morphine ne faisait de toute évidence plus effet. Il posa ses mains sur son visage et étouffa un juron. Il prit de grandes inspirations pour tenter de la faire disparaître, sans grand succès. La griffe de la créature avait fait bien plus de dégâts qu'il ne l'avait crû. Son armure avait fondu sous la psyché et avait fusionné avec sa peau. Lorsque les médecins l'avaient retirée, même la présence de Grunlek n'avait pas été suffisante pour le maintenir. Les brûlures le faisaient terriblement souffrir, mais pire encore, elles ne semblaient pas vouloir cicatriser. Même si personne ne l'avait formulé à voix haute, l'hypothèse que les blessures soient magiques et irréparables lui avait déjà traversé l'esprit. Juste comme Enoch.

Il entendit du bruit à côté de lui. En deux pas, Grunlek était à ses côtés. Le nain saisit un seau rempli et y mouilla une serviette qu'il apposa ensuite sur les brûlures de son ami. Le froid calma temporairement la douleur et permit à Théo de se calmer. Il se tourna vers le nain, soucieux. Il n'aimait vraiment pas la situation et il pouvait le lire dans ses yeux. Dans le lit d'à côté, Mani et Menki Dal dormaient dans les bras l'un de l'autre. L'elfe avait lui aussi été pas mal amoché par la bataille. Enfin, il s'était planté sa propre mâchette dans le ventre par accident, sans que ce ne soit trop grave.

"Tu veux en parler ? chuchota Grunlek pour attirer son attention. C'est la troisième fois que tu te réveilles cette nuit. C'est comme ça tout le temps ?

— Oui, avoua le paladin, sans rien ajouter.

— C'est depuis...

— Oui."

Il baissa les yeux. Ce qu'ils lui avaient fait là bas était à l'origine des cauchemars. Ils avaient tellement fouillé dans ses souvenirs, détourné certains, qu'il n'arrivait plus vraiment à trouver le sommeil. Il poussa un soupir et se redressa légèrement sur son lit pour regarder en face de lui. Victoria avait été installée dans le lit d'en face. Sa couverture tremblaient sous les soubresauts qui animaient la jeune femme. Elle n'avait toujours pas repris connaissance et Théo se sentait coupable de son état. Grunlek posa une main sur son bras pour détourner son attention.

"Elle va s'en remettre, elle a connu pire que ça.

— J'espère que tu as raison."

Le paladin poussa sa couverture et posa un pied à terre. Il boîta difficilement jusqu'à la chaise disposée à côté de sa sœur, sous le regard vigilant de son ami, prêt à intervenir au moindre signe de chute. Malgré la douleur lancinante, il réussit à se laisser tomber en grognant. Son absence de discrétion ne réveilla pas sa sœur pour autant. Le visage crispé, elle luttait intensément contre une douleur qui, les médecins l'avaient assuré, n'était pas physique. Son mal relevait de la psyché, mais sans mages vraiment compétents, difficile de savoir ce qui se passait. Théo en avait une idée, mais rejetait celle-ci avec force et véhémence. Elle n'avait pas quarante ans, ça ne pouvait pas déjà se déclencher.

"Tesla aura des réponses, tenta de le rassurer Grunlek."

Le nain avait chargé plusieurs paladins de contacter en urgence la Tour des Mages. Le contact avait été difficile avec les assistants de l'archimage, mais ils avaient fini par trouver un terrain d'entente. Dans quelques heures, ils seraient fixés sur son sort. Malheureusement pour Théo, cela passait aussi par risquer de croiser Balthazar. Même s'il doutait que le mage se pointe, il craignait une discussion musclée que son état physique ne lui permettrait pas de remporter.

Théo prit la main de sa sœur. Ses doigts se refermèrent sur sa main, ce qui le rassura un peu. Était-elle consciente de ce qui lui arrivait ? Où n'était-ce qu'un réflexe ? Grunlek se retira discrètement pour lui laisser un peu d'intimité. Comment faisait-il pour toujours deviner ses états d'âme ? Un vrai mystère pour Théo.

"Je sais qu'on est pas très proches toi et moi, dit-il à la jeune femme, mais t'es la seule famille de sang qu'il me reste. Je viens juste de te retrouver, alors ne m'abandonne pas maintenant, d'accord ? Il est trop tôt pour rejoindre Papa."

Il eut l'impression que la prise sur sa main s'était raffermie. Alors doucement, il poussa Victoria pour se coucher à côté d'elle. Son dos lui arracha un grincement de douleur, mais qui se calma une fois mieux installé. Il serra sa sœur contre lui et laissa le sommeil le gagner petit à petit, sous le regard bienveillant de Grunlek.

**********

Balthazar regardait ses mains avec une fascination morbide. Elles tremblaient toutes seules, sans aucune maîtrise. Pas pratique pour continuer d'expérimenter ce soir. A la lumière de la lune, il commençait à douter de nouveau. Ça faisait longtemps. Au moins dix minutes. Il poussa un soupir et se cala plus confortablement dans son fauteuil. Quelque chose n'allait pas chez lui, et pour la première fois de sa vie, ça n'avait pas de lien avec son démon. Il avait d'abord cru à un mauvais rhume, ou pire, à une pneumonie, mais les symptômes ne correspondaient pas. 

Son démon et lui luttaient ensemble contre le mal, ça aussi, c'était nouveau. Les défenses démoniaques repoussaient les crises et la partie humaine cherchait activement un remède en attendant. Le seul vraiment efficace qu'il avait trouvé pour l'instant, c'était la drogue. Du nuage blanc circulait dans l'Académie, et il se le plantait dans les veines quotidiennement. Bien sûr, les effets néfastes qui allaient avec ne s'étaient pas fait prier pour toquer à sa porte. La sensation de planer, les hallucinations visuelles, les petites pertes de contrôle ne trompaient pas.

Le seul avantage, c'était que pendant ces périodes-là, il ne pensait plus à ramener Shinddha. Ses recherches étaient toutes au point mort. Il n'avait même pas remis le nez dedans depuis un joli paquet de temps. Peut-être au fond qu'il commençait à l'accepter. Ou peut-être que Shin ne voulait tout simplement pas qu'il le ramène. Certes, il y avait eu cette pointe d'espoir avec l'arrivée d'Icy dans sa vie. La petite créature était sortie du puits un matin, de nulle part, et pendant des semaines il s'était accroché à l'espoir que quelque chose était encore possible. Mais il fallait se résigner. Il n'avait pas le niveau, Shin était toujours mort, et Icy ne servait que de substitut affectif pour son désespoir. 

"Encore debout, Lennon ?"

Il sursauta et se tourna vers la femme nonchalamment accoudée à la porte. Il tenta maladroitement de cacher la seringue devant lui sous un tas de papier, mais bien trop tard. Tesla n'était pas crédule et avait vite repéré son manège.

"La drogue va vous tuer. Un mauvais dosage et vous pourriez raser l'intégralité de l'Académie, le gronda-t-elle sans grande autorité.

— Je sais, plaida coupable le mage. Je fais attention pour garder l'esprit clair.

— Sauf que vous n'avez pas l'esprit clair. Entre le puits qui vous siphonne votre psyché et la renvoie à toute l'Académie et la drogue, vous ne donnez pas l'impression d'être maître de vos pensées."

Elle faisait allusion à sa quasi-présence continuelle à côté du puits de psyché. Aucun mage ne pouvait rester aussi longtemps exposé aux résidus psychiques sans perdre la tête. Mais persuadé que son démon le protégeait, Balthazar s'entêtait. Alors le puits lui siphonnait sa magie jusqu'à ce que ses jambes ne puisse plus le porter, puis il se reposait et recommençait le lendemain jusqu'à la prochaine chute. Son démon était aussi épuisé que lui, mais la drogue et la tristesse continuaient de le motiver à se lever chaque jour pour se faire encore plus de mal. Comme une punition qu'il s'infligeait pour la mort de Shin. Le pire ? Ce cadre de vie lui allait parfaitement. Jamais il ne se plaignait.

"Je gère la fougère, mentit-il avec un enthousiasme forcé. Rien ne peut m'arrêter.

— Si, moi, répliqua froidement l'archimage. Vous êtes mis à pied pendant une semaine."

Le mage fit la grimace, mais encaissa. Dans un soupir, il arracha la clé de la grande salle qui pendait autour de son cou et la lui tendit. Elle la récupéra délicatement et la rangea dans une poche de sa robe.

"Je ne fais pas ça pour vous punir. Vous êtes en train de vous tuer stupidement et de gâcher tout le potentiel que j'ai mis en vous. N'oubliez pas que si vous avez mon soutien, il vous faudra plus que l'invocation de votre ami disparu et quelques flammes pour convaincre les autres de vous octroyer le rang d'archimage. Vous êtes encore loin d'être au niveau. Et votre... tenue et odeur laisse sérieusement à désirer. Éloignez-vous de vos livres et profitez de l'Académie. Je vous donne une classe de première année cette semaine pour vous changer les idées."

Elle ramassa la seringue et quitta la pièce. Balthazar poussa un long soupir. Il ne manquait plus que ça. Elle n'avait pas tort cela dit. Sa barbe avait poussé de quelques centimètres, les nombreuses expériences avaient fait apparaître plus d'écailles sur son visage, lui donnant au moins dix ans de plus. Il devait se ressaisir. Il se releva et se fraya un chemin parmi les brouillons et les parchemins qui jonchaient le sol de son bureau-chambre.

Son démon s'affola soudain et il posa une main sur sa tête pour le faire taire, sans succès. Il insistait avec beaucoup d'empressement, signe que quelque chose de grave se passait dans son corps.

"Si c'est une ruse pour sortir, je te jure que je me jette dans le puits pour te décrocher de m..."

La barrière mentale céda brutalement. Le démon tambourinait dans son crâne non pas pour prendre le contrôle, mais pour sortir. Balthazar sentit ses jambes le lâcher avant le reste. Il appela Tesla, qui accourut à son chevet. A sa tête, ça ne devait pas être beau à voir. Une douleur inconnue lui paralysa le dos et l'esprit. Quelque chose venait d'entrer en lui, et ça faisait un mal de chien.

"Lennon, restez avec nous ! Vous avez surdosé ? Qu'est-ce qui se passe ?

— Le démon... Je... Je sais plus..."

Quelque chose frappa le démon en plein cœur. Il se métamorphosa brutalement en quelques secondes. L'humain et la bête hurlèrent de douleur à l'unisson. Quelque chose se produisait, et ça les tuait tous les deux.

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