CHAPITRE 12
C'est parti pour la réparation des conneries de Mani :D Une réparation qui va coûter cher, n'est-ce-pas ?
CHAPITRE 12
Les rares cloches qui avaient survécu à Manaril rugissaient à nouveau sur un air de fin du monde. Dans une chambre du palais, les aventuriers se préparaient à aller au combat. Grunlek aidait Théo à enfiler maladroitement son armure. Le paladin tenait difficilement debout mais serrait les dents. Derrière eux, Mani, l'air coupable, se faisait hurler dessus par une Victoria furieuse devant l'incompétence de l'elfe qui allait sûrement coûter la vie à des civils et des paladins inutilement.
"Tu es sûr que ça va aller ? demanda Grunlek à Théo une énième fois. Tu es vraiment pâle.
— M'en fous, répondit-il simplement."
Il ramassa son bouclier et se dirigea à grands pas vers la sortie, ses compagnons sur les talons. Menki Dal, qui faisait le chemin dans l'autre sens, bloqua net à la vue de Mani. L'elfe tenta de se cacher derrière Grunlek sans grand succès. Elle se jeta sur lui et le rua de coups.
"J'ai crû que tu étais mort, sombre crétin ! hurla-t-elle. Comment as-tu osé me laisser derrière ?!"
L'elfe, qui passait décidément une mauvaise journée, se confondit en excuses maladroites. Mais l'orage passa rapidement. Elle finit par se jeter contre lui pour le serrer dans ses bras. Mani, perdu, regardait ses compagnons, incapable de décider seul de la bonne tenue à adopter. Théo leva les yeux au ciel et poursuivit son chemin. Il capta brièvement le regard surpris de Grunlek sur sa jambe traînante, mais le nain ne fit aucun commentaire.
Arrivés devant les portes d'entrée, Victoria l'arrêta.
"Toto, n'oublie pas que tu es encore fragile. Si tu ne peux plus, ne force pas.
— Je ne suis pas en sucre. C'est pas du venin qui va me tuer, je l'ai déjà fait.
— Je ne parlais pas de ta condition physique."
Ils échangèrent un long regard. Théo ne répondit pas et sortit. Il croisa des gardes qui escortaient la reine. Elle encouragea les combattants d'un signe de tête et rentra avec les autres.
"Tes mâchettes peuvent l'atteindre ? demanda Grunlek à Mani en pointant l'ombre massive qui volait au-dessus de la ville.
— Je ne suis pas Shin, répondit-il en s'attirant une oeillade meurtrière de Théo. Mais je vais faire mon possible, bafouilla-t-il en détournant son unique oeil."
Il leva les bras et ses mâchettes se détachèrent de son dos pour voler autour de lui. Il en lança une. Elle vola sur quelques mètres avant de retomber pitoyablement au sol au milieu des soldats de la garde royale en pleine formation. Théo soupira, agacé.
"Si quelqu'un d'autre meurt à cause de toi, cracha le paladin, mauvais. Je te jure que tu t'en sortiras pas aussi facilement que la première fois.
— Théo ! le disputa Grunlek. Ce n'est pas de la faute de Mani, tu le sais comme moi.
— Bien sûr que si."
Il l'ignora et avança. Derrière lui, Grunlek tenta de rattraper son manque de tact, mais le mal était fait. Le regard de Mani s'était légèrement assombri et il avait serré les poings, terriblement silencieux. Théo ouvrit les écuries. Il grimaça à la vue du cheval noir qui avait volé le box de Lumière. Il prit sur lui et ouvrit la porte. Il commença à sceller l'animal. A l'entrée, Grunlek le regardait.
"Qu'est-ce qui t'a pris ? lui dit-il d'un ton accusateur. Tu as vu ce que tu lui as dit ?
— Il sait que je ne le pense pas.
— Théo, ce n'est pas ça le problème. Tu n'es pas le seul à être en deuil. Ce que tu lui as balancé au visage, c'est juste odieux. Tu ne peux pas lui reprocher d'être le coupable de la mort de Shin. La seule coupable, c'est Melancholia, personne d'autre.
— Laisse-moi tranquille. Je n'ai pas besoin de tes leçons de morale."
Il tira la bride de son cheval et grimpa dessus. Il le lança au galop, forçant Grunlek à reculer pour ne pas se faire piétiner. L'étalon traversa la ville à un rythme effrené. Théo gardait la bête en visuel, de plus en plus proche. Elle plongeait régulièrement pour emporter des civils qui retombaient au sol sans espoir de survie. Le cheval bloqua dès le premier passage de la créature au-dessus d'eux. Il se cabra et propulsa violemment Théo au sol. Il se protégea le visage juste à temps alors que, paniqué, l'animal lui passait sur le corps pour rebrousser chemin.
Quand il se redressa, le monde tanguait autour de Théo. Il prit de grandes inspirations pour essayer de se calmer et regarda les possibilités qui s'offraient à lui. Le cheval avait attiré l'attention de l'énorme créature qui fondit dessus. Elle arracha l'équidé du sol et le broya dans ses pattes puissantes. Elle le lâcha à une dizaines de mètres de haut et il s'écrasa au sol, brisé en deux sur le toit d'une tour de guet. Théo se concentra et un nuage noir se forma au-dessus de lui. La foudre s'abattit brutalement sur la bête qui poussa un cri de douleur et de rage. L'espace d'un instant, le paladin espéra que cela suffise à le mettre au sol, mais la bête monta en pique au dernier moment pour esquiver l'impact.
Il s'agissait d'un immense reptile fait d'ombres, pas tout à fait dragon, mais pas tout à fait oiseau non plus. Deux excroissances pendaient de chaque côté de sa tête, sans que le paladin ne réussisse à déterminer s'il s'agissait d'oreilles ou d'yeux. Le monstre essaya de l'attraper, il bondit sur le côté pour l'éviter.
Un deuxième éclair frappa la créature de plein fouet. Victoria passa à côté de lui au galop, son épée dans la main, concentrée. Grunlek la suivit quelques instants plus tard. La bête jeta son dévolu sur Théo une nouvelle fois. Le paladin se jeta au sol. Une griffe énorme lui lacéra l'armure et une partie du dos. Il poussa un cri plaintif avant de rouler sous les ruines d'une habitation pour pouvoir se soigner. Le monstre s'était posé devant lui et reniflait l'air avec insistance. Sa psyché hérétique, détournée, frappait le paladin de face. Il en eut des hauts-le-coeur.
Soudain, un poing métallique s'abattit brutalement sur le bec de la chose, qui poussa un cri de douleur étranglée. Grunlek chargea une nouvelle fois et frappa encore, forçant la bête à reprendre son envol. Paniqué, le nain hurla.
"Théo ?! Théo, où est-ce que tu es ?"
Le paladin fit la grimace et sortit de sa cachette. Grunlek poussa un soupir de soulagement, avant d'apercevoir sa mine crispée.
"Tu es blessé ?
— Ça va, c'est rien. Il faut buter ce truc."
Un éclair fendit le cieux, la bête retomba au sol. Ils entendirent le cri de Victoria et d'une bonne vingtaine de paladins qui chargeaient pour l'achever. Mais bien vite, ces cris se transformèrent en cris de confusion mêlés à de la douleur. Le temps qu'ils arrivent, c'était un massacre. Cinq paladins gisaient au sol, démembrés, d'autres se relevaient difficilement de l'attaque psychique que venait de leur faire endurer la créature. Victoria, déjà debout, retournait au combat.
Théo sentit sa respiration s'accélérer. Il ferma un instant les yeux, pour oublier les cadavres. Il n'avait pas le droit de paniquer maintenant. Grunlek s'aperçut immédiatement que quelque chose n'allait pas, mais le paladin l'ignora pour charger le monstre à son tour, dans un cri de rage. Il leva son épée et la planta de toutes ses forces dans le flan de l'animal qui poussa un cri de douleur. Le paladin fut brutalement rejeté en arrière par une boule de psyché. Le souffle coupé, il vit la patte du monstre au-dessus de lui s'abattre dans la direction. Il se tourna sur le côté pour se protéger. L'armure prit tout le poids et tira sur sa blessure au dos, le faisant hurler de douleur. Tout était noir autour de lui.
Tout était noir autour de lui.
Il tenta d'invoquer sa forme élémentaire. Elle lui donnerait assez de force pour s'en sortir. L'étau de la panique se reserrait autour de lui.
La montagne était tombée, il en était sûr. Où se trouvait-il ? Il hurla le nom de ses compagnons, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il ne pouvait pas être mort. Après la mort, la Lumière l'accueillait dans son palais. Il l'avait appris. On n'avait cessé de lui apprendre. Il trembla. Allait-il flotter ici pour l'éternité ? Il ne voulait pas rester ici.
Deux ailes jaunes se formèrent dans son dos alors qu'il tentait de reprendre le contrôle de ses pensées. Il n'était pas encore mort, il pouvait s'en remettre. Il ne retournerait pas là bas. Une énergie dorée chargea autour de lui avant d'exploser, repoussant la patte du monstre. Théo s'envola et sans réfléchir, frappa une nouvelle fois la créature avec un éclair surpuissant, gonflé de magie divine. La bête poussa un cri horrible et se mit à gonfler. Le paladin ne relâcha pas la pression. Il sentait qu'elle mourait, au moins autant que lui. Il ne devait pas appuyer autant sur sa psyché, elle rongeait déjà son essence vitale. La bête gonfla encore et se mit à gémir. Elle explosa brutalement. Son rayonnement psychique balaya tout autour d'elle : les hommes, le nain, les bâtiments et Théo.
Le paladin s'écrasa contre un vieux clocher et ne sauva sa vie qu'en freinant sa chute grâce à un tas de déchets en contrebas. La douleur irradia dans chacun de ses muscles et il se recroquevilla. Il ne pouvait plus bouger. Avait-il tué les autres ? Il l'ignorait. Son attente ne dura que quelques secondes. Grunlek sortit des décombres pour courir à sa rencontre. Hormis la poussière qui recouvrait son corps, il allait bien.
"Eh, mon grand, tu as réussi, lui dit-il doucement en s'acroupissant à côté de lui. Il est mort.
— Je... Je voulais pas retourner... Dans la montagne."
Ses mots troublèrent le nain. Il lui prit la main et la serra.
"Tu ne retourneras pas dans la montagne, Théo. Je te le promets. Tu es en sécurité."
Deux paladins accoururent dans sa direction avec un brancard. L'un d'eux cria à ses acolytes derrière :
"C'est bon, on a retrouvé le Troisième. Continuez à chercher après Victoria Silverberg. Elle doit se trouver dans les parages.
— Elle a été retrouvée ! répondit un garde dans le lointain. Elle est inconsciente et blessée, envoyez un brancard !"
A ces mots, le coeur de Théo rata un battement. Il s'appuya sur son bras et se releva. Grunlek tenta de le retenir, mais trop tard. A moitié à quatre pattes, à moitié debout, le paladin courait pour rejoindre sa soeur. Son sang se glaça quand il l'aperçut plus loin, alors que Grunlek venait de l'arrêter dans sa course. Elle hurlait de douleur, secouée de spasmes.
"Théo, laisse les médecins faire, elle va s'en sortir."
Il se laissa tomber à contre-cœur au sol, ses jambes ne pouvaient de toute façon pas le tenir plus longtemps.
"Je ne veux pas qu'elle meure, murmura le paladin. Je ne veux pas qu'elle meure."
Les brancardiers lui forcèrent la main pour qu'il se couche. Le paladin ne put décrocher le regard de sa soeur jusqu'à ce qu'elle ne soit plus dans son champ de vision. A ses côtés, Grunlek lui serrait la main. Théo comprit le message : il pouvait compter sur lui.
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