CHAPITRE 11
Hey :D On retrouve cette semaine un vieux compagnon ! Bonne lecture et à bientôt pour la suite de l'aventure !
CHAPITRE 11
"Il ne va pas bien du tout, chuchota une voix familière. Il y a des moments où il reste simplement là, le regard dans le vide, et il me fait de la peine, Grunlek. Je le regarde souffrir et je ne peux rien y faire. Il refuse de se laisser aider, parce que c'est comme ça qu'on lui a appris. Chez les paladins, on n'a pas le droit de pleurer, pas le droit de montrer ses émotions. C'est encore plus vrai lorsque l'on descend du plus grand paladin que l'Eglise de la Lumière a connu."
Théo entrouvrit les yeux difficilement. La lumière l'aveugla. Il se sentait bizarre, comme enveloppé dans du coton. Tout tournait autour de lui et il commençait sérieusement à avoir la nausée. Il se rappelait difficilement de comment il était arrivé ici, et ce fait l'angoissait. Une autre voix répondit à la première, toute proche.
"Je le sais bien. Au fond, même si ça fait des années que je le connais, je ne suis pas certain de vraiment le connaître. Il ne se plaint jamais, il refuse toute main tendue, il peut être aux portes de la mort qu'il s'entêtera à se relever. Peut être qu'on se trompe tous sur lui. Il a simplement besoin d'avancer pour mieux se relever. Le priver de ses mouvements, c'est ça la plus grande menace.
— Si tu le dis. La vérité, c'est que... On partage le même sang, c'est indéniable. Mais je ne suis pas sa famille. Je sais que même s'il fait des efforts, il ne parviendra jamais à se confier entièrement à moi. On est trop différents. Mais toi, tu le connais mieux que moi, et je suis sûre que tu pourras l'aider.
— L'emmener à Fort d'Acier est risqué. Les mentalités changent doucement, mais je ne suis pas certain que le palais soit prêt à l'accueillir immédiatement. Mais si ça peut l'aider à aller mieux, je trouverais une solution. Il a bougé, non ? s'alerta la voix."
Quelque chose tira sur ses paupières et la lumière lui fit cligner les yeux de détresse. Il chercha à se redresser, mais son corps était trop lourd. Immobilisé, il commença à paniquer.
"Théo, tu m'entends ? demanda la voix de Victoria. Tu es dans une cabine de stase, c'est normal que tu ne puisses pas bouger. Reste calme, c'est bientôt terminé. Tu es en sécurité, je te le promets. Regarde, Grunlek est là."
Le paladin tourna lentement la tête vers la personne à sa droite. Grunlek lui adressa un sourire réconfortant. Le nain lui tenait la main et son visage trahissait de l'inquiétude. Le sort de stase se dissipa progressivement et il retrouva peu à peu les sensations. La douleur revint, violente, et il ferma les yeux un moment pour tenter de la dissiper. Son bras le faisait terriblement souffrir. En baissant les yeux, il s'aperçut qu'il était bandé.
Mal à l'aise, il s'appuya sur le bord du lit pour se redresser. Grunlek lui soutint le dos alors qu'il prenait une position assise. Toujours dans les vapes, il jeta un regard nébuleux autour de lui, un peu perdu. Il ne se rappelait pas de comment il était arrivé là, mais d'autres détails bien plus inquiétants lui revinrent en mémoire.
"Menki Dal ! s'alerta-t-il soudain en faisant mine de quitter le lit.
— Elle va bien, le calma sa soeur. Elle est avec Timarée, tu l'as sauvée. Reste au lit, tu es trop faible pour marcher, le gronda-t-elle gentiment."
Elle le repoussa sur le matelas. Il prit quelques secondes pour calmer les battements affolés de son cœur et s'installa plus confortablement. Il reconcentra son attention sur Grunlek. Le nain ne disait rien, sourcils froncés. Théo remarqua rapidement que son visage était crispé par la douleur et qu'une grande bande blanche dépassait de sous son armure. Le paladin fronça les sourcils à son tour.
"Tu es blessé ?
— Des assassins m'ont attaqué en route, oui. Ils ont décimé mes hommes, mais ils n'ont pas réussi à avoir la peau du vieil ours. L'arrivée des paladins de la Lumière a aussi beaucoup aidé. Je m'en suis tiré avec une épée dans l'épaule. Je m'en remettrais. J'ai connu pire."
Théo serra les poings et baissa la tête. Victoria, se sentant de trop, s'éclipsa discrètement pour les laisser seuls. Grunlek la remercia du regard.
"C'est de ma faute, grogna Théo. Finéas cherche Mani.
— Il était en ville ?
— Oui. Je lui ai demandé d'emmener le Codex loin d'ici.
— Tu as confié le Codex à Mani ? Tu es sûr de toi, là ?
— Pas le choix."
Grunlek se gratta la barbe, avant de frapper directement là où ça faisait mal.
"Théo, tu vas bien ?"
Le paladin se crispa sur le lit. Son regard fuya immédiatement et il tourna la tête de l'autre côté, comme si ça effaçait le problème. Grunlek posa une main sur sa jambe.
"Je ne suis pas ton ennemi, dit calmement le nain. On a vécu la même chose, toi et moi, et donc je peux t'aider. Mais si tu ne parles pas, la situation ne s'arrangera pas.
— Non, coupa froidement Théo. On n'a pas vécu la même chose."
Grunlek sentit son coeur se serrer lorsque les mains de Théo se mirent à trembler. Il avait visé juste. Il resta silencieux, pour lui laisser le temps. Le paladin ouvrit la bouche pour parler, mais se ravisa à la dernière seconde. Grunlek l'encouragea du regard. Théo jeta un regard à la porte avant de se tourner vers lui et de se lancer.
"J'ai menti, dit-il. Lorsque je vous ai vu aux portes de Fort d'Acier, j'étais pas là depuis longtemps. Je m'en suis pas tiré pendant la guerre. Ils m'ont enlevé, séquestré, frappé, torturé pendant des jours et des jours. Je m'en suis sorti qu'avec l'aide d'Eden. Mon unité m'a abandonné derrière alors qu'ils savaient très bien que j'étais en vie. Quand les tortures physiques suffisaient plus, ils ont utilisé la psyché contre moi, et..."
Il suspendit sa phrase, réprimant un violent haut-le-coeur alors que les images revenaient avec force devant lui. Il ferma les yeux et réprima tant bien que mal les larmes qui menaçaient sérieusement de couler.
"Ils... Ils m'ont montré des choses horribles, articula-t-il difficilement, la voix brisée. Ils m'ont fait croire à votre mort, ils ont transformés des souvenirs en scènes de cauchemar. Je ne pouvais plus dormir, je ne savais plus ce qui était réel ou non. Et ils ont continué comme ça jusqu'à ce que j'abandonne et leur livre les informations qu'ils voulaient entendre. Si... Si Shin est mort, si Melancholia a pu prendre la forme de Manaril, c'est de ma faute, je leur ai dit comment faire. Je leur ai... Je les ai aidés... Je voulais pas... Je..."
Grunlek se releva. Lui aussi tremblait alors qu'il réalisait peu à peu que son ami avait passé la pire des périodes seul et qu'il ne leur avait rien dit pour les protéger.
"Calme-toi, Théo, c'est fini. Ce n'est pas de ta faute. Ils t'ont poussé à bout. Si tu n'avais pas parlé, ils auraient fini par te tuer. Regarde-moi."
Théo releva des yeux embués vers lui.
"Tu n'es pas responsable de la mort de Shinddha, lui dit fermement le nain. Ce n'est pas toi qui l'as tué, c'est Manaril. Personne d'autre. Te flageller pour ça ne te mènera nulle part. Tu n'es pas non plus responsable pour ce qu'ils t'ont fait. Théo, tu es une victime dans cette histoire, ni plus, ni moins. On ne peut pas être tout le temps fort, on ne peut pas sauver tout le monde. C'est comme ça. Je ne peux pas comprendre ce que tu as vécu là bas, mais je suis ton ami, je suis là pour t'écouter et t'aider à passer les mauvaises épreuves.
— Je sais. Mais j'aime pas en parler, tu le sais comme moi.
— Je le sais, oui. C'est pourquoi je ne te force pas à le faire tout de suite. Prend le temps de faire ton deuil et de passer à autre chose."
Théo hocha la tête, et choisit rapidement de dévier le sujet.
"J'ai appris des choses sur mon père, annonça-t-il de but en blanc. Et ça a peut-être un rapport avec Balthazar."
Grunlek haussa un sourcil et attendit qu'il s'explique. Théo lui raconta ses récentes découvertes, la malédiction qui pesait sur Victoria et Balthazar, ainsi que la mésaventure de Mani et Finéas, sa rencontre avec Enoch et le dilemme qui le rongeait. Le nain l'écouta sans broncher, plus d'une heure durant, absorbé par le récit. Il finit par hocher la tête et relever son oeil vert vers lui.
"Tu as contacté Balthazar ?"
Théo fit la grimace. Bien sûr que non qu'il ne l'avait pas pas fait. Il n'eut pas besoin de répondre, Grunlek poussa un soupir.
"Tu devrais, lui dit-il. J'essaye de garder le contact avec lui, mais il est à la dérive, juste comme toi, ajouta-t-il sur le ton de la raillerie. Il est perdu dans ses recherches et j'ai l'impression qu'il perd un peu l'esprit. Certaines de ses lettres sont... étranges. Te parler pourrait lui faire autant de bien qu'à toi. Et il s'inquiète de ton silence.
— Il s'inquiète, carrément ? rit Théo, persuadé que c'était une plaisanterie."
Balthazar ne lui avait jamais vraiment donné l'impression de s'inquiéter de quoi que ce soit à son sujet. Grunlek parut cependant blessé par sa réaction.
"Bien sûr que oui. Tu es peut-être traumatisé par ce qui est arrivé à Shin, mais lui est hanté par ce qui t'es arrivé à la Cité des Merveilles. Après ton retour, toutes les nuits, il restait éveillé à te regarder, il était persuadé que t'allait disparaître encore une fois. Il tient à toi, crétin, et bien sûr qu'il s'inquiète. Vous êtes comme chien et chat, d'accord, mais c'est toi qu'il a suivi le premier à l'aventure, bien avant que j'arrive, bien avant que Shin arrive. Vous êtes peut-être pas lié par le sang, mais il y a quelque chose qui vous attire l'un à l'autre à chaque fois, et tu ne peux pas le nier.
— On dirait que tu parles comme si j'en étais amoureux. C'est un demi-diable, se sentit obligé de rajouter Théo, gêné.
— C'est pas ce que je veux dire. Vous vous engueulez, vous vous détestez, mais vous continuez à vous côtoyer, il serait temps de découvrir pourquoi. Encore plus maintenant que tu sais que le mal qui risque de toucher Victoria va le toucher lui aussi."
Théo baissa la tête. Il n'avait jamais vu la situation sous cet angle. Bob, c'était juste Bob. Il était chiant, il parlait trop et il faisait des bourdes phénoménales. Mais il était vrai que lui aussi s'inquiétait dès qu'il boudait trop longtemps ou qu'il disparaissait sans raison dans la forêt plusieurs heures, même s'il ne se l'avouerait jamais. Le paladin releva la tête vers lui.
"Je pense que tu as raison, il faut que j'aille le voir. Mais... Enfin, je sais pas si c'est une bonne idée d'aller à la Tour des Mages.
— Pourquoi pas ? Je te parie qu'il sera ravi de te saoûler avec le portrait des cinquante archimages qui se sont succédés à la tête de l'Académie.
— Non, c'est pas ça. Ce sont ses recherches qui... Enfin..."
Il prit une inspiration et ferma un instant les yeux.
"A chaque fois que je vois quelque chose qui me rappelle Shin, je... J'ai comme des flashs, violents. Je ne peux plus bouger, plus respirer, je... Je ne sais pas comment y faire face.
— Oui, Victoria m'a raconté. Mais je ne suis pas certain que tu puisses guérir à Castelblanc, tu sais. Il y a trop de souvenirs, trop de... De restes. Pourquoi ne m'accompagnerais-tu pas à Fort d'Acier quelques temps ? Tu ne seras pas loin de la Tour des Mages, et je serais là si tu as besoin de te confier, comme un ami. Ce n'est pas le travail qui manque, et je suis certain qu'une paire de bras supplémentaire fera plaisir au conseil.
— Même si je suis humain ? l'interrogea le guerrier, septique.
— Bien sûr. Changer les mentalités, ça passe par affronter la différence de face."
Théo était tenté, bien sûr. Mais pouvait-il seulement claquer la porte de Castelblanc comme ça ? Tout était mieux que cette ville, et quelques temps sur les routes lui feraient le plus grand bien.
"Cela n'enlèvera rien à ton rang, ajouta Grunlek. La cérémonie est reportée à demain.
— T'es venu pour ça ?
— Bien sûr. Je n'allais pas laisser un de mes amis seul le jour le plus important de sa carrière. C'est un peu une réussite pour moi aussi, tu sais. Lorsque je t'ai connu, sans te vexer, tu ressemblais à tout sauf à un paladin. Regarde-toi aujourd'hui, jugé assez sage pour prendre les plus hautes fonctions. Je trouve que c'est une sacré évolution."
Théo rougit légèrement. Un bruit au carreau de la chambre les alerta. Contre la vitre, Mani était accroché en étoile, en équilibre fragile sur l'appui de fenêtre. Le nain et le paladin se lancèrent un regard surpris, avant que Grunlek ne daigne venir lui ouvrir, après moultes œillades de chien battu. L'elfe s'effondra sur la moquette et embrassa le sol sous les regards intrigués de ses compagnons. Il se releva ensuite précipitamment. Théo lut immédiatement dans son regard qu'il avait fait une grosse bêtise.
"Qu'est-ce que tu fous là ? Si c'est pour me dire que tu as perdu le Codex, je te jure que je te bute, l'agressa Théo.
— Alors, je ne l'ai pas perdu, dit Mani. Enfin, pas totalement. Enfin... En fait, il y avait cette vieille dame au bord de la route, et elle était malade. J'ai voulu l'aider à se relever. Sauf qu'en fait, c'était pas une vieille dame, mais un démon déguisé en vieille dame. Qui l'eut cru ? Pas moi, en tout cas. Bref, j'ai eu peur, il a voulu me tuer. J'ai combattu très, très fort. Mais pour faire court, il a gagné et il s'est envolé avec les Codex.
— Putain, Mani ! T'es vraiment un incapable !"
L'elfe baissa les yeux et mit ses mains derrière son dos, pris en faute.
"C'est pas tout, ajouta-t-il difficilement.
— Comment ça ? demanda Grunlek, de moins en moins amusé.
— Il se peut... Il se peut que le livre se soit ouvert et qu'un truc en soit sorti.
— Un truc ? Quel truc ?! cria Théo, interloqué.
— Je ne suis pas sûr. Ca ressemblait à un lapin, mais très gros et avec des écailles. Non, en fait, ça ne ressemblait pas vraiment à un lapin. Bref. Il se rapproche de Castelblanc là maintenant tout de suite, et je pensais que vous pourriez être content d'être au courant."
A peine eut-il fini sa phrase qu'un rugissement fit trembler les murs du palais. Théo se laissa retomber sur son lit, blasé. Qu'est-ce qui lui avait pris de lui faire confiance ?
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