CHAPITRE 10
Coucou ! On repart pour dramaland avec la suite des aventures de Théo à Castelblanc. Dans le chapitre de la semaine prochaine, on retrouve un copain :3
CHAPITRE 10
La semaine avait été longue et compliquée pour Théo. Entre les menaces de mort de Finéas et Enoch, celles qui pesaient sur la tête de Grunlek, Victoria et Balthazar, les tâches administratives et la reconstruction de la ville, il n'avait pas eu une minute à lui. Le matin de la cérémonie d'intronisation en tant que Troisième de la Lumière avait surgi par surprise et il n'y était absolument pas préparé.
Dès l'aube, des tas de serviteurs avait fait irruption dans sa chambre pour le coiffer, le laver, l'habiller. La préparation était codifiée et millimétrée. Chaque geste avait été répété afin d'être le plus efficace possible. La journée serait longue et le temps trop court pour achever tout ce qui avait été prévu. La matriarche du groupe de servantes lui expliqua brièvement le programme de la journée : sortie en carrosse jusqu'à la cathédrale de l'autre côté de la vie, une messe barbante, la remise des rangs et des épées, puis le serment sur l'honneur devant le Pape, venu spécialement pour eux. Il passerait après Victoria, suivi par les Quatrième et Cinquième de la Lumière, des soldats fiables recrutés par sa soeur qu'il n'avait pas encore eu le temps de rencontrer.
Malgré l'apparence jovialité de l'événement, l'Église de la Lumière avait payé un lourd tribut suite à l'attaque de Castelblanc. La cérémonie serait aussi l'occasion de rendre hommage à tous les paladins tombés au combat, ainsi qu'à, à son grand regret, Shinddha. Théo n'était pas certain de supporter une longue tirade bourrée d'hypocrisie sur son ami, alors même qu'il n'avait jamais pu blairer ses ordres. Mais Castelblanc en avait besoin. Comme Timarée lui avait expliqué, la ville a besoin de héros sur lesquels fondés leurs espoirs et sur qui prendre exemple. Il n'avait pas l'impression d'en être un, il avait commis autant de mal que de bien, mais la ville n'était pas de cet avis. Des rumeurs couraient le palais comme quoi il allait se voir être remis la légion de cristal, la plus grande décoration militaire obtenable par un paladin. Seuls deux l'avaient obtenue dans toute l'histoire des ordres : le Pape et son père.
Théo s'observa un instant dans le miroir. Plus les années passées et plus il prenait les traits de son géniteur. Plutôt que d'en jouer, il considérait cela comme un cadeau empoisonné, une condamnation à être comparé à lui jusqu'à la fin de sa vie. Sauf qu'il n'était plus certain de vouloir lui ressembler. Les preuves s'accumulaient, son père était tout sauf un saint, et pire, quelqu'un de peut-être mauvais. Qui aurait envie de se regarder dans un miroir en songeant qu'il possède les traits d'un monstre ou d'un meurtrier ?
Deux mains vinrent ceinturer sa taille et la tête de Victoria se posa sur son épaule. Théo en eut le souffle coupé. Les cheveux frisés, les lèvres brillant d'un rouge pimpant et une robe blanche où scintillait des éclats de diamants, il ne l'avait encore jamais vu comme ça. Elle sourit à son reflet dans le miroir.
"Si on m'avait dit qu'un jour le petit garçon qui courait après des rats dans le jardin les genoux plein de terre deviendrait ce jeune et charmant jeune homme, je ne l'aurais jamais cru."
Théo portait une chemise militaire noire au col et aux manchettes de la couleur jaune caractéristique des ordres. La tiare accrochée sur son front, jaune or elle aussi, ravivait l'intensité de son regard beau électrique. Le paladin rougit au compliment, mal à l'aise. Il était en plein dans l'âge recherché pour le mariage et il le savait. Déjà dans la rue, les jeunes femmes essayaient d'attirer son attention, en vain. La vie de couple, très peu pour lui. Il tenait trop à son indépendance et sa liberté de mouvement pour s'enticher d'une femme et de plusieurs gosses. Un chien, à la limite. C'était loyal, gentil, obéissant. Mais ça disparaissait. Comme Shinddha. Comme Viktor. Comme son père. Il déglutit difficilement pour ravaler le malaise qui lui rongeait l'estomac.
"Tu es magnifique aussi, dit-il pour changer de sujet. Je ne t'avais encore jamais vue en robe.
— Moi non plus, je ne m'étais encore jamais vu en robe. Je déteste ça. Ces manches courtes, l'impression de se promener sans pantalon, je ne sais pas comment font les femmes de la Cour. C'est ignoble."
Le paladin rit de bon coeur. Elle lâcha et le tourna vers elle, plus sérieuse.
"Tu vas tenir le coup ? Il va y avoir tout le gratin de Castelblanc, certains plus sympathiques que d'autres, et j'ai eu vent de ton premier contact avec eux. Je sais que tu ne les aimes pas, moi non plus d'ailleurs, mais ils comptent parmi les vétérans de cette ville, donc si tu pouvais faire preuve juste pour aujourd'hui de diplomatie, ça m'arrangerait.
— On verra, grogna-t-il.
— Ne t'inquiète pas, tu ne seras pas seul. J'ai une surprise pour toi. Mais la surprise est un peu en retard, donc je vais te laisser mariner jusqu'à ce qu'elle arrive."
Théo poussa un grognement de mécontentement, mais accepta. Ce n'est pas comme s'il pouvait faire autre chose de toute façon. Victoria lui sourit, avant de rabattre une de ses mèches sur sa tête. Elle resta silencieuse, yeux dans les yeux avec lui.
"Papa serait tellement fier de toi, confia-t-elle. Je suis contente que tu n'aies pas écouté Viktor lorsqu'il t'as demandé de ne pas devenir paladin. Tu as amplement ta place dans les ordres, même si tu n'en as pas conscience."
Il ne répondit rien, mais son regard trahit une petite montée d'ego. On toqua à la porte. Déjà, la cérémonie commençait. Ils quittèrent le palais main dans la main et s'engouffrèrent dans le carrosse devant les marches de marbre. La reine Timarée et Menki Dal se trouvaient déjà toutes les deux à l'intérieur. Ils se mirent immédiatement à discuter de la cérémonie alors que les chevaux se lançaient vers la sortie.
"J'ai entendu dire que Vendis sera présent, expliqua malicieusement la reine. Il a promis de m'apprendre à danser, puisque mon père était trop fatigué pour le faire. Avez-vous une cavalière, Théo ?
— Théo avec une fille ? le charria Victoria. C'est comme Théo sans son épée, ça n'arrivera jamais."
Le paladin grogna en cachant légèrement l'arme sous son siège. Bien sûr qu'il l'avait prise. Ils allaient être exposés, une zone de frappe idéale pour des assassins. Malgré la fête, la mission que Mani lui avait confiée restait une priorité et il comptait bien veiller sur Menki Dal. Silencieuse, cette dernière regardait le paysage défiler, mélancolique. Son cavalier se trouvait fort loin de Castelblanc. En tout cas, il l'espérait.
"Ou alors il préfère les mages frêles en robe rouge hérétiques."
Théo leva un sourcil au sous-entendu absurde de sa soeur. Il préféra regarder par la fenêtre plutôt que de subir ses moqueries. Il eut juste le temps de tourner la tête qu'un homme bondit sur le chariot avec une dague. Le paladin réagit au quart de tour et para l'agresseur avec son bras pour l'empêcher de toucher Menki Dal, tétanisée par la peur. Il serra les dents lorsque l'acier transperça sa peau, mais se resaisit rapidement pour frapper la tête de l'homme de sa main libre. Victoria saisit l'épée et acheva l'assaillant en le transperçant de part en part. Il s'écroula lourdement au sol, éclaboussant la reine, la jeune prêtresse et le paladin de sang. Le tout s'était déroulé en seulement une poignée de secondes et tous réalisèrent avec effroi qu'ils venaient de passer à deux doigts d'un drame. Les gardes royaux accoururent, choqués.
"Vous allez bien ? demanda l'un d'eux, le visage rougi par l'effort.
— Oui, répondit la reine difficilement. Nous allons bien.
— Théo, ton bras, pointa Victoria, blême."
Théo baissa les yeux. La dague était plantée profondément dans la chair et la plaie saignait abondamment. Le paladin arracha l'arme d'un coup et poussa un juron de douleur. Il posa sa main sur la plaie et une fine magie commença à réparer les tissus. Ses mains tremblaient toutes seules.
"Ça ne suffira pas, dit calmement Victoria en posant une main du son épaule. On va rentrer et te faire des points de suture. La cérémonie est reportée, annonça-t-elle aux gardes. Renforcez la sécurité autour du palais. Et envoyez une unité à la rencontre de Grunlek von Krayn. Escortez-le jusque là bas, je ne veux aucun autre mort aujourd'hui.
— Grunlek ? s'étonna Théo.
— Oui, madame, obéit le soldat."
La jeune femme arracha un des rideaux et l'enveloppa délicatement autour du bras de son frère. Il tremblait comme une feuille et son regard semblait absent. Quelque chose n'allait pas.
"Tu vas bien ? demanda-t-elle une nouvelle fois. Tu es vraiment pâle. Tu nous fais une nouvelle crise ?
— Je... Je ne sais pas trop. Je me sens pas bien."
Inquiète, elle posa une main sur son front, puis saisit vivement la dague pour l'examiner de plus près. Elle poussa une exclamation en repérant les fines runes ancrées dans l'acier.
"Il a été empoisonné, dit-elle calmement, en tentant de garder son sang froid. Toto, allonge-toi, je vais te maintenir en stase pour ralentir le poison. Gardes ! hurla-t-elle. Au galop jusqu'au palais, on a un blessé !"
Théo se laissa faire, la bouche de plus en plus pâteuse. Les chevaux se lancèrent à vive allure alors qu'il perdait lentement connaissance sous la main impuissante de sa soeur qui ne pouvait que réciter quelques versets de la lumière en priant pour que les dégâts ne soient pas trop importants.
**********
L'eau s'infiltrait par tous les orifices de son visage. D'abord calme, Théo commença à s'agiter brusquement en réalisant qu'ils ne le relâchaient pas. L'air manqua rapidement et il tenta de frapper le bras qui lui maintenait fermement la tête pour se libérer. Après de longues secondes de souffrance supplémentaires, on lui tira brusquement la tête en arrière. L'air lui brûla les poumons alors qu'il luttait de toutes ses forces pour respirer.
"Qu'ont prévu les généraux de Castelblanc ? rugit une nouvelle fois son bourreau. Tu vas parler, ou je te jure que tu vas crever.
— Va te faire foutre, cracha difficilement Théo."
Un poing lui frappa le ventre avec force et il s'écroula une nouvelle fois à terre, plié en deux sous la douleur. Le contact du sol froid le fit frémir de terreur. Depuis quand était-il ici ? Quelques heures ? Quelques jours ? Il avait perdu toute notion du temps. Les séances de torture, les coups, la lumière avaient noyé ses repères dans un océan de brouillard. Il vit le pied de l'homme partir et se protégea le visage par réflexe. Sa mâchoire craqua, mais il tint bon.
Deux hommes le relevèrent de force. Il ne tenait plus vraiment debout. Ses jambes couvertes de bleus le faisait souffrir et il n'avait plus la force de résister depuis bien longtemps. Tout ce qui lui restait, c'était la provocation, défense ultime contre la mort qui se rapprochait inexorablement. Il s'était fait à l'idée qu'il allait crever ici. Encore une fois.
"On sait que tes amis sont sur les traces de Manaril, reprit l'homme. Tu vas nous donner leur position.
— Non.
— Ce n'était pas une question.
— Ils vont vous crever, vous savez. Quand ils auront appris ce que vous m'avez fait, ils vont vous traquer comme des chiens et vous buter les uns après les autres. Et il y aura rien pour vous sauver. On a vaincu un titan, vous êtes rien qu'une sous-merde sous une chaussure."
Il cracha un caillot de sang sur son visage. L'homme ne bougea pas, son rictus toujours plaqué sur le visage.
"Fouettez-le jusqu'à ce qu'il parle."
Ils le jetèrent contre le mur. Une pluie de coups s'abattit sur lui. Théo sentit les larmes dévaler son visage sous la douleur. Il ne dirait rien. Ils allaient venir. Ils venaient toujours quand il avait besoin d'aide. Il avait juste à patienter. En espérant ne pas mourir avant. Il ferma les yeux, pour effacer temporairement la douleur. Ses amis n'avaient aucune idée d'où il se trouvait, peut-être même le croyait-il déjà mort. Personne ne viendrait pour lui. Il était seul.
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