29 - Grand frère (première partie)
Les coups redoublaient à la porte. Tout d'abord, Lukas s'était dit qu'en fermant hermétiquement les paupières et en enfonçant sa tête dans son oreiller, il pouvait les faire cesser. Mais tel ne fut pas le cas. Il finit par se redresser au prix d'un effort considérable et à jeter un vague regard vers l'heure affichée au-dessus de la station d'accueil de sa microstat. Il demanda d'une voix encore ensommeillée :
« C'est vous, Vodo ? Il est une heure plus tôt que d'habitude...
— Quelle habitude ? lança une voix enjouée de l'autre côté de la porte. Aujourd'hui est un jour spécial ! »
Il grogna en reconnaissant la voix d'Ayrith : ce type ne dormait donc jamais ? Pour quelqu'un qui avait besoin de temps pour se mettre en marche, il était rudement matinal. Surtout s'il travaillait jusqu'à des heures indues sur sa microstat.
« Un jour spécial ? marmonna-t-il. Quel jour spécial ?
— Le jour que j'ai décidé de rendre spécial, répondit le plongeur avec une bonne humeur frisant l'indécence.
— Spécial... de quelle manière ?
— Nous allons en ville ensemble ce matin.
— Et en quel honneur ? grommela Lukas qui commençait çà trouver toute cette histoire louche.
— Eh bien... J'ai pensé que ce serait bien pour toi d'apprendre à un peu mieux connaître Terra et l'Untercity. Et ensuite, je prévois de passer un peu de bon temps...
— Un peu de bon temps ? répéta-t-il avec suspicion.
— Tu verras bien. »
Lukas n'avait pas envie de voir, pas plus qu'il n'avait envie de se retrouver entre les rets d'un Ayrith persuadé par il ne savait qui - même s'il avait quelques suspicions - de se conduire en parfait grand frère. Ce n'était pas parce qu'il avait admis que le lien entre lui et monsieur Sig était légitime qu'il était prêt à le considérer comme tel. D'abord, il n'avait pas eu de grand frère jusqu'à présent et il s'en était très bien passé. Les grands frères n'étaient pas toujours les individus « cool » que la rumeur populaire faisait d'eux : c'était des gens qui aimaient se moquer de vous et se faire valoir sur votre dos. Des censeurs encore pires que les parents, qui adoraient mettre en lumière vos moindres faiblesses. Il avait pu observer ces situations avec un œil extérieur, et la personnalité d'Ayrith ne lui laissait pas espérer qu'il se conduirait différemment.
« Je t'attends à la cuisine ! Ne tarde pas ! »
Lukas enfouit sa tête dans son oreiller. Ayrith n'avait aucune position hiérarchique au-dessus de lui. Il n'avait pas à accepter. En aucune façon...
Il se redressa légèrement en se souvenant des recherches qu'il avait entreprises avec Shimmer et de leurs découvertes pour le moins troublantes. Jusqu'à présent ils n'avaient pas eu de preuve que leur piratage avait été repéré. Personne ne les attendait à leur retour au quai de Terra, deux jours plus tôt ; personne n'était venu les embarquer avec une voiture de police... Plus le temps passait, plus le risque d'être inquiété s'éloignait.
Mais cela n'enlevait rien au danger que courait probablement Ayrith quand il vaquait à ses petites affaires en ville. Et le garçon était curieux de savoir en quoi elles consistaient... Il allait sans doute plonger la tête la première dans les ennuis, mais puisqu'Ayrith avait choisi de se confier à lui, autant l'encourager dans ce sens.
Ce ramassis de motivations assez floues ne l'aida qu'assez peu à abandonner le confort de son matelas et à se diriger d'un pas traînant vers le cabinet sanitaire, d'autant que la vertu dynamisante de la douche faisait figure de mythe. Dix minutes plus tard, il quitta sa chambre, habillé de pieds en cap et sa microstat en bandoulière, mais pas plus frais pour autant.
En le voyant arriver, Ayrith lui adressa un sourire bien trop radieux pour être honnête et poussa vers lui un plateau qui supportait mug de pollune fumant et deux des petits pains aux graines dont Vodo les gavait presque à chaque repas, au grand désespoir de Shimmer.
« Eh bien, j'ai presque attendu !
— Depuis quand tu es debout ? grommela Lukas en le fixant d'un œil torve.
— Hum... Cela doit faire à peu près une heure et demie. Je te l'ai dit, il me faut du temps pour réactiver mes connexions nerveuses. »
Bien que surpris d'entendre le jeune homme évoquer son handicap avec tant de liberté et de naturel, Lukas choisit de ne pas répondre et se laissa tomber sur le siège le plus proche. À moitié avachi sur la table – une attitude qui aurait aussitôt attiré la désapprobation de Monsieur Sig –, il plongea son nez dans le pollune. Il ouvrit de grands yeux :
« Mais c'est qu'il est bon !
— Tu en doutais ? ricana Ayrith.
— C'est juste que je ne t'ai jamais vu le préparer.
— C'était ma mission la plus importante quand j'habitais avec Cluz et Maïa, répondit le plongeur avec bonne humeur. C'est du moins ce que disait Cluz... »
Lukas secoua la tête, tentant de dissiper les brumes qui lui encombraient encore l'esprit :
« Je ne suis pas sûre que j'ai envie de savoir, grommela-t-il.
— Envie de savoir quoi ?
— Les détails de ta vie dans l'Untercity. Je ne suis pas assez réveillé pour apprécier. Ça nous fera de bonnes histoires pour plus tard. »
Ayrith haussa les épaules :
« À ta guise. Mais dépêche-toi, je veux être parti avant que les autres ne déferlent...
–... Parce que sinon, ricana le garçon, monsieur Sig te mettra la main dessus et t'enverra à l'entraînement, peut-être ?
— C'est fort possible. Il n'a pas techniquement tort, répondit évasivement Ayrith.
— Alors ce n'est pas lui qui t'a dit de me prendre avec toi ? demanda Lukas, un peu surpris. Ni Vodo ?
— Ni l'un ni l'autre. C'est ma propre décision. Allez, mange, qu'on puisse décoller ! »
Lukas lança un regard vers le plateau que le plongeur plaçait dans le sanisateur : il était d'une propreté quelque peu troublante.
« Et toi, tu as déjeuné ?
— Juste le nécessaire... De toute façon, Maïa va vouloir me gaver ! » répondit le jeune homme avec une résignation amusée.
Lukas soupira, avala sa dernière bouchée de pain aux graines, la fit passer avec un fond de pollune et évacua à son tour sa vaisselle sale. Puis, traînant des pieds, il suivit le plongeur aux cheveux bleus vers le garage de la barge. Il esquissa une grimace en réalisant qu'Ayrith se dirigeait vers le camion de Vodo au lieu de son motoglisseur. Saisissant son regard, l'intéressé expliqua :
« J'aurais sans doute des choses à ramener qui ne tiendront pas sur un porte-bagages. Et de toute façon, ce n'est pas trop indiqué pour toi de circuler sur ton engin vert après ta petite excursion avec Blue.
— Ça veut dire qu'en plus, je vais être coincé avec toi... » grommela Lukas en enfonçant ses mains dans ses poches.
Le jeune homme lui lança un coup d'œil en coin :
« Je t'ai connu plus agréable... »
Il se détourna pour activer l'ouverture de la porte, avant de se tourner de nouveau vers le garçon :
« Je ne sais pas quand, en fait, mais ça a bien dû arriver.
— C'est malin, rétorqua Lukas. Donc, personne ne sait que je t'accompagne ?
— Sig et Vodo le sauront quand ils trouveront le mot que je leur ai laissé.
— Génial. »
Ayrith, qui était déjà en train d'embarquer dans la camionnette, se tourna vers lui en haussant un sourcil :
« Tu peux rester ici si tu veux. Je ne te force pas à venir. »
Sans attendre la réponse, il referma la portière de son côté et mit le contact. Lukas resta en arrière, un peu hésitant, s'imaginant retrouver la douceur de ses draps. Mais il savait que s'il ne suivait pas Ayrith dans son équipée, il le regretterait. Mais s'il le suivait aussi, d'ailleurs...
« Oh, puis zut... » maugréa-t-il en s'avançant d'un pas rapide pour monter à côté du plongeur.
Sitôt installé, il croisa les bras, cala sa nuque sur l'appui-tête et ferma les yeux, bien décidé à terminer sa nuit écourtée et à ignorer les regards amusés du conducteur.
oOo
La fourgonnette s'arrêta brutalement, projetant le garçon légèrement en avant – heureusement que sa ceinture l'avait maintenu en place. Il mit un moment à identifier l'endroit où il se trouvait – après avoir d'emblée éliminé sa chambre, puis la barge. Il reconnut enfin le charmant paysage de carcasses et fragments mécaniques de toutes sortes, sous la voûte grisâtre du socle de Stellae. L'Untercity, et le module préfabriqué qui servait d'atelier et de demeure à Maia et à Cluz. À côté, les boîtes à chaussures qui constituaient l'essentiel de Terra semblaient presque luxueuses. À sa première visite, tout à la pensée de récupérer son motoglisseur, il n'avait pas fait attention aux plaques de toute provenance qui renforçaient la structure et bouchaient les trous.
Lukas s'étira et grimaça légèrement en songeant à Cluz : l'homme ne lui avait pas fait la meilleure des impressions. Et puis, c'était de toute évidence une sorte de trafiquant. Maïa... Il se sentit rougir légèrement. La jeune femme était différente. Gentille, spontanée, sympathique... à l'excès même. Et belle aussi, d'une façon totalement étrangère à ce que Lukas avait pu connaître à Stellae. Elle ne semblait pas soucieuse de son apparence, pas comme pouvait l'être Sila avec ses tenues soigneusement provocantes. Elle devait enfiler la première chose qui lui tombait sous la main, mais cela lui seyait bien.
« Alors, tu rêves ? »
La voix moqueuse d'Ayrith l'arracha à ses pensées ; il rougit violemment.
— Hum, je n'ai pas forcément envie de savoir à quoi tu songeais, ironisa le jeune homme.
— Comme si j'allais te le dire... » grommela Lukas.
Il descendit du camion, plissant légèrement le nez en sentant les effluves humides de la glaise, les odeurs métalliques de pièces de la casse et ce vague relent de décomposition qui semblait flotter en permanence dans l'air. Comment pouvait-on habiter là... ?
La réponse était brève et cruelle. Parce qu'on n'avait pas le choix.
oOo
Ayrith entra sans s'annoncer, en poussant juste la porte, mais cela n'avait rien de très choquant : après tout, il y avait vécu six ans, c'était sans doute encore chez lui en un sens. Lukas le suivit, mais n'osa pas aller bien loin, toujours aussi surpris par l'absence de différentiation entre atelier et lieu de vie. Il baissa les yeux vers le sol, constitué de vieilles plaques de revêtement, élimées à certains endroits au point d'en être percées.
La kitchenette qui occupait l'un des angles n'avait pas de sanisateur, seulement un évier avec un distributeur de gel désinfectant, où s'entassait de la vaisselle sale qui devait bien dater de huit jours. Les lits consistaient en un châssis pliant avec un matelas de récupération, qui avait dû s'avachir sous le poids de Cluz, un meuble plus élégant qui aurait pu figurer à Stellae... une quarantaine d'années plus tôt – et qui accusait chacune de ces années, et un peu plus loin, une paillasse étroite aménagée à partir d'un assemblage de caisses usées. Sous le fatras qui l'envahissait à présent, il apercevait une couverture colorée, avec des motifs d'étoiles et de soleils. Sur l'étagère fixée de manière précaire au mur se trouvait un entassement d'objet et de bibelots qui auraient pu avoir été glanés par un enfant dans une décharge. Il imagina un petit garçon de six ans blotti dans ce coin à lui, cherchait à meubler de nouveaux rêves le vide absolu d'une existence privée de souvenirs. Gêné autant par les images évoquées que par la façon dont son cœur se serrait, il détourna les yeux.
« Eh, Crevette, tu es là bien tôt aujourd'hui ! vociféra la voix de Cluz, qui sortait de derrière un énorme assemblage de ferraille à l'usage incertain. Tu es tombé du lit ou quoi ?
— Pas forcément... J'avais envie d'aller à la Digue aujourd'hui... avant qu'il y ait foule sur les dunes.
— Mouais. Tu sais ce qu'on en pense... grommela le technotraffiquant en relevant ses lunettes, dévoilant un regard sombre et attentif. Je suppose que tu ne l'as pas dit à ton patron ? »
Ayrith haussa les épaules.
« Mouais... je ne suis pas vraiment surpris. Mais c'est mieux que te livrer... à d'autres pitreries.
— Chaque chose en son temps, répliqua le plongeur avec désinvolture. Aujourd'hui, je veux initier notre dernière recrue aux pratiques extrêmes du littoral de Margarita. »
Cluz porta son regard sur le garçon, sans grande surprise :
« Tu veux apprendre à monsieur le petit morveux de Stellae comment on s'amuse à Terra ? Ça pourrait lui faire du bien. »
Lukas ouvrit la bouche pour protester, mais décida de traiter la remarque par le mépris. Il fusilla Cluz du regard, mais l'homme aux cheveux rouges se contenta de ricaner en se grattant l'arrière du cou :
« Je ne sais pas si tu essayes de me faire peur, le morpion, mais c'est loupé. Je te souhaite bien du courage avec la Crevette. Si ça avait été moi le gamin, je ne suis pas sûr que j'aurais aimé qu'il prenne mon éducation en main. »
Ayrith lui adressa un sourire goguenard :
« Ça ne peut pas être pire que t'avoir comme mentor, Cluz... »
— Plains-toi, tu ne t'en es pas si mal sorti ! répondit le technotraffiquant.
— Parce que je me suis toujours appliqué à faire le contraire de ce que tu me disais, rétorqua Ayrith, moqueur.
— Sale petit ingrat... grommela Cluz en essuyant son front d'un revers de poignet. Allez, prends tes affaires et file de là. J'ai du travail, moi. »
Ayrith plongea la main dans la besace qu'il portait en bandoulière et en sortit une boîte de métal noire toute simple, avec un motif blanc étoilé sur l'un des côtés.
« Tu es sûr ? »
Les yeux de Cluz s'écarquillèrent et un sourire fendit en deux sa large face :
« Du pollune ! D'accord, tu as gagné. Dépêche-toi de le faire avant que Maïa ne rentre et qu'elle ait dans l'idée de s'en occuper elle-même !
— Maïa fait du mauvais pollune ? demanda Lukas, intrigué.
— Tu n'as pas idée », souffla Ayrith avec un frémissement d'horreur.
Il se dirigea vers la kitchenette et alluma l'infusoire qui, au moins, semblait raisonnablement propre. Il se lança dans la préparation en sifflotant, aussi à l'aise que s'il était chez lui. Mais après tout, il était chez lui, d'une certaine manière. Après la mission, il était revenu à sa tunique blanche à parements bleus, qui le faisait paraître particulièrement déplacé dans cet univers pauvre et dépareillé.
Cluz alla s'installer sur l'un des tabourets boiteux autour d'une sorte de table de bar et fit signe à Lukas d'en faire de même. Le garçon s'assit avec précaution, sentant le siège branler sous son poids. Il s'étonna que celui du propriétaire des lieux ne s'effondre pas sous son poids. Poussant un long soupir, il se demanda ce qu'il faisait là. Après tout, le technotraffiquant avait raison : même s'il s'était adapté à la vie dans le monde externe, il n'en demeurait pas moins, tout au fond de lui-même, un « petit morveux de Stellae ».
Il releva les yeux vers son vis-à-vis, qui suivait attentivement les gestes d'Ayrith avec un regard étrangement doux. Pourtant, dès que le jeune homme se tourna pour déposer le récipient de verre organique sur la table, ainsi qu'un lot de gobelets, il reprit son expression goguenarde.
« Comment s'est passée la mission ? Je me suis laissé dire que tu avais encore fait des étincelles ?
— Je n'ai fait que mon devoir ! proclama le jeune homme d'un ton dégagé.
— Mouais, je vais te croire...
— Qu'est-ce que tu en dis, toi ? » demanda Cluz à Lukas, en plissant les yeux d'un air scrutateur.
Le garçon baissa la tête, confus :
« Eh bien... commença-t-il d'un ton hésitant, c'est comme Ayrith l'a dit. Il a aidé une plongeuse en difficulté.
— Une plongeuse ? Elle était jolie au moins ? »
Il sentit un sourire se dessiner sur son visage. Une légère rougeur envahit ses joues :
« Enfin, Cluz, je ne pouvais pas voir si c'était une fille et encore moins si elle était jolie ! Son Paladion était juste en train de se faire désosser par un draco... »
— Un draco ? »
L'expression moqueuse du ferrailleur s'effaça pour laisser place à une mine plus grave.
« Tout... s'est bien passé ? demanda-t-il d'un ton hésitant et vaguement inquiet.
— Bien sûr que oui, Cluz. Si j'avais eu le moindre souci, est-ce que je serais là... et surtout sur le chemin de la digue ? »
L'homme aux cheveux rouges hocha la tête à contrecœur, mais il demeurait tendu. Il était évident que les événements qui s'étaient déroulés quatre ans plus tôt n'avaient pas atteint que l'équipe d'Armatis, et c'était logique en un sens. Ils étaient une famille aussi, à leur manière.
« Salut les garçons ! » lança une voix enjouée comme la porte s'ouvrait.
Maïa fit son apparition, emplissant de sa présence pétillante l'espace chaotique du module. Elle portait une simple brassière blanche par-dessus un léger T-shirt d'un rose vif, avec un pantalon bleu moulant. Ses lourdes bottes ne ralentirent en rien son allure tandis qu'elle se dirigeait vers la kitchenette :
« Tiens, tu es là aussi, Lukas ? C'est une bonne surprise. Ça se passe bien à Armatis ? »
La bouche sèche, le garçon hocha la tête ; il se sentait soudain envahi par une timidité profonde qui le figeait sur place. Maïa sembla s'en apercevoir ; elle laissa échapper un petit rire :
« Ne me regarde pas comme ça, je ne vais pas te manger. Tiens, du pollune ! C'est toi qui l'as apporté, Crevette ? »
Tout en parlant, elle se dirigea vers le jeune homme qu'elle étreignait brièvement avant de poursuivre :
« Tu n'aurais pas dû te donner cette peine, je m'en serais occupée ! »
Cluz et Ayrith échangèrent un regard paniqué à cette seule idée. Mais Maïa était manifestement consciente du manque de popularité de son pollune, car elle adressa un léger clin d'œil à Lukas avant de tirer un tabouret vers la petite table et de s'asseoir à son tour. Le plongeur attrapa un gobelet supplémentaire et servit le liquide sombre pour chacun d'entre eux. Lukas ferma à demi les paupières, savourant l'odeur riche et épicée qui faisait oublier les relents de ferraille, de crasse et de poussière de ce logis précaire.
L'impression qu'il ressentait était étrangement similaire à ce qu'il avait pu brièvement éprouver à Armatis : celle de faire partout d'un tout où il trouvait sa place, comme un rouage dans une mécanique bien rodée. Mais c'était très furtif, et il y avait toujours quelque chose ou quelqu'un pour lui rappeler qu'il n'était nulle part vraiment chez lui, en dépit de ce que tout le monde s'empressait de lui dire. Et à cet instant, il enviait Ayrith, malgré ses origines troubles et ses souvenirs absents, pour ses deux familles qui prenaient un tel soin que lui. Mais il savait aussi que personne ne lui fermait la porte, et qu'il lui incombait de faire le nécessaire pour occuper la place que chacun semblait si prompt à lui offrir.
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