Chapitre 5 ~ Partie 2
A première vue, les remparts d'Oneiros paraissent immenses. Elles renferment des centaines d'habitations. Quant au château, il est configuré en forme de U, avec seulement deux tours carrées de chaque côté. La place devant lui est gigantesque, c'est là qu'à priori se dressent les commerces et le marché permanent. Nous arrivons à la lisière du pont levis. Deux gardes sont postés là, et saluent Charles et Siloé. Ils nous laissent passer, non sans m'inspecter du coin de l'œil. C'est vrai que j'avais omis un détail : je suis apprêtée d'un short noir, d'un tee-shirt provenant d'un groupe de rock et de baskets flamboyantes. On repassera pour la discrétion... La splendeur du royaume m'émerveille. Ce qui me frappe est cette différence d'époque, de technologie moins développée.
Alors que nous avançons, des gens vaquent à leurs occupations, sans pour autant nous prêter attention.
- Tu verras, en pleine après-midi, la place est davantage remplie, chuchote Siloé à mon oreille.
Nous franchissons une petite porte reculée nous donnant accès à l'intérieur du château, guidés par Charles, saluant ceux qu'il croise sur le chemin. Les couloirs que nous traversons me paraissent sans fin !
Enfin, nous entrons dans une grande salle lumineuse. Des tableaux y sont accrochés un peu partout, représentants la nature environnante ainsi que des portraits qui me sont inconnus. Le milieu de la salle abrite deux grandes tables en longueur, ce doit être là que se tiennent les banquets. Une des portes de gauche mène à priori aux cuisines. Je reconnais que j'ai le souffle coupé, jamais je n'avais visité de château de ma vie. Avec mes parents, nous partions plutôt en randonnée ou bien nous visitions des expositions. Rien que de penser à eux, mon cœur s'alourdit. Que va bien pouvoir expliquer Éric ? Je suis partie sans un mot pour eux. Un sentiment de culpabilité me fouette sauvagement, je déglutis péniblement.
- Ici, c'est la salle des trônes et des réceptions. Depuis des décennies, nous n'en organisons plus, malheureusement...
Pour souligner ses propos, Charles m'indique l'emplacement de deux trônes vides. Ils sont de taille égale, avec des ornements dorés bien que différents. Quant aux sièges, ils sont de couleur rouge.
- Au fait, où sont le Roi et la Reine ? demandé-je subitement.
- C'est une longue histoire que nous devrions éviter de raconter ici. Mais pour résumer brièvement la situation, ils ont préféré fuir, répond Mr. Francisco de manière évasive.
- Quoi ?! m'effaré-je en laissant retomber mes mains contre mes hanches. Comment des dirigeants peuvent-ils abandonner son peuple ?!
- Je te promets que je répondrais plus en détails à ton interrogation, cependant j'ai des affaires urgentes à régler. Mérida, je te renouvelle mes sympathies et le ravissement que provoque ta présence. Je laisse à Siloé le loisir de te guider dans le reste du château.
Il se retire. Je soupire, vidée d'énergie.
- Est-ce-que tu désires voir tes appartements ?
- J-j'ai des appartements ?
- Naturellement, acquiesce-t-il comme si c'était une évidence. Une grande partie de la forteresse recueille de nombreuses chambres. Le côté gauche est réservé pour nous et les invités que nous recevons, et le droit est uniquement pour le personnel.
Mon espace est gigantesque, bien que vide d'affaires. Je remarque un immense lit à baldaquin sur la gauche, avec un énorme coffre à ses pieds. A droite, un bureau en bois massif n'attend plus que d'être utilisé. Derrière un paravent, je constate la présence d'une bassine, faisant office de baignoire, placée en face d'une fenêtre. C'est plus que ce que je n'aurais espéré !
Siloé dépose mon unique bagage près du lit et esquisse un sourire satisfait.
- J'imagine que tu nécessites d'un peu de temps seule. Je vais t'apporter de quoi manger et des habits convenables. Non pas que les tiens ne le soient pas mais, euh... ils te vont bien, c'est juste que euh...
- Qu'ils ne sont pas adéquats à cette époque, complété-je en riant de sa timidité soudaine. Je te remercie. Sans toi... je serais perdue.
- C'est normal, Mérida. A tout à l'heure.
Je me retrouve alors sans personne, dans une contrée inconnue. A combien de kilomètres déjà ? Je n'en ai pas la moindre idée, si kilomètres il existe... J'ai du mal à concevoir que ce monde git en parallèle du mien... Et personne ne semble au courant ?? C'est invraisemblable ! Une chose est sûre : je ne suis pas dans un rêve. Je ressens tout : la surprise, la fascination, la peur, également. Dans quoi est-ce-que je m'embarque ? Qu'attendent-ils de moi ? Je m'affale sur le lit, épuisée. Dehors, le soleil décline légèrement vers le bas. Le coucher est splendide. Les rayons illuminent la pièce et font rayonner mes cheveux.
En si peu de temps, j'ai encaissé un nombre incalculable d'événements chaotiques. D'abord, mon séjour à l'hôpital à la suite de ma première rencontre bouleversante avec Siloé, l'éloignement précipité de Cassien puis l'aveu sur ses sentiments, la venue de Matthew... Sans compter ma fugue, mon kidnapping, mon renoncement d'une réalité pure et dure... Vient la séparation avec mes parents, dans l'urgence, sans leur avoir dit « au revoir ». Inconsciemment, les larmes dévalent sur mes joues. Encore. J'attrape un oreiller en plume d'oie, sanglotant. Suis-je assez résistante pour supporter cela ?
Je n'entends pas la porte s'ouvrir, trop secouée par des spasmes. Siloé m'apporte sur un plateau de la nourriture. Il le dépose sur le bureau et vient à mes côtés. Son regard est si tendre que je cesse de pleurer, mon cœur battant rapidement.
- Mes mots ne seront pas assez forts pour te consoler. Sache que ma chambre jouxte la tienne, si tu en ressens le besoin de venir. C'est normal que tu te sentes angoissée et isolée. Tu ne connais personne, tu ignores comment Oneiros fonctionne, tu es loin de tes repères, de ta famille... J'avoue me sentir un peu coupable.
- Te sentir coupable ?? Mais Siloé, tu as été plus que parfait ! Je veux dire, même lorsque je ne t'ai pas cru tu as veillé sur moi.
- Je veille sur toi depuis si longtemps...
- Depuis quand es-tu un contrôleur de rêves ?
- Je crois que ça a toujours été ma destinée. J'ai été formé à partir de mon enfance, dans l'unique but de te protéger.
J'ai sans cesse pensée qu'une bonne étoile veillait sur moi. Désormais, j'ai son prénom, elle s'appelle Siloé. Je n'ai jamais eu de souci particulier, mais plutôt eu des sortes de prémonitions qui se déroulaient lors de mes nuits. Je conclue que c'est grâce à lui.
- Comment, en dehors de mes rêves, pouvais-tu me défendre ?
- Je venais dans ton monde sans que tu ne t'en rendes compte et j'intervenais si nécessaire. Je me souviens qu'à tes quinze ans, une voiture avait failli te percuter. Si je n'avais pas crié tu ne te serais pas retournée...
- La voix ! C'était toi !! Pendant si longtemps je me suis demandé qui avait hurlé mon prénom. Tu viens de résoudre l'un des plus grands mystères de ma vie... Oh, tu m'as donc sauvée...
- J'ai été formé très tôt, mais j'ai la sensation d'être lié à toi depuis ta naissance.
- Combien d'écart nous séparent ?
- Trois.
Silence. C'est le moment le plus opportun où mon ventre se met à férocement gargouiller.
- Mange avant que ça ne refroidisse. Athénaïs, la cuisinière attitrée d'Oneiros, t'as préparé du sanglier, accompagné de pommes de terre ainsi qu'une sauce au poivre.
Bizarrement, l'évocation du sanglier me coupe l'appétit... Je propose à Siloé de dîner avec moi, mais celui-ci refuse en m'expliquant qu'il doit rejoindre Charles et l'aider à régler quelques formalités concernant ma venue et d'autres affaires importantes. Il quitte ma chambre tandis que je m'installe face à ma table improvisée. Ça va être la première fois que je goûte à de la viande de sanglier, l'expérience n'est pas très tentante... Malgré cela, quelqu'un s'est donné du mal pour me cuisiner ce repas, de plus ma famine s'agrandit. Etonnement, une fois en bouche, ce n'est pas si mauvais. La sauce cache un peu le côté musqué de la viande.
Pour me rincer la gorge, je bois le liquide dans une choppe en fer et recrache instantanément. Du vin rouge, beurk ! J'ai dix-sept ans, pas trente !!
Finalement repue et à bout de force, je m'endors dans ce grand lit vide.
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