Chapitre 3 ~ Partie 1

Il m'a fallu plusieurs jours afin de me remettre totalement de mes émotions en pagaille. Je me suis réfugiée dans ma chambre, en quête d'un peu de paix. Cassien ne m'a envoyé que très peu de messages et d'un sens, cela ne m'a pas dérangé. J'ai pu prendre le temps de formuler ce que je compte lui révéler. De tout ce que j'ai vécu, je n'ai jamais rencontré une telle situation aussi... surnaturelle. Je ne crois pas au paranormal, aux fantômes ou que sais-je. Pourtant, soit je m'attèle à le supposer, soit je vire complètement dans la déraison. Malgré cela, Siloé m'obsède. Il n'a pas eu tort dans ses propos : si son intention avait été de m'infliger de la souffrance, ou autre, il l'aurait déjà fait et je n'en doute pas qu'il en ai le pouvoir. De plus, en y réfléchissant bien, je ne me suis pas forcément sentie en danger en sa présence.
Je pousse un long soupire bruyant. Me voilà perdue. La sonnette tinte. Je dévale les escaliers en courant, évitant les planches douteuses, puis ouvre d'un geste brutal la porte d'entrée de ma maison. Cassien se tient devant moi. Il porte un bermuda noir ainsi qu'une chemise légère bleue. Ses cheveux sont toujours aussi impeccablement bien rasés, à quelques centimètres près. Il m'adresse un sourire franc que je lui rends. Je l'invite à rentrer et venir s'assoir sur le canapé. Pendant que je lui prépare un thé glacé, celui-ci m'annonce :

- Je sais que ça fait un bail qu'on n'a pas vraiment discuté. J'étais pas mal occupé à aider mon oncle. Tu te rends compte ! Je fais des heures supp' bien avant d'avoir signé un contrat. Bonjour l'exploitation ! se plaint-il en levant les yeux au ciel.

Je ricane, heureuse de retrouver la bonne humeur de mon ami. Je verse dans deux grands verres ma préparation que je décore avec un parapluie et des glaçons. Je pousse un fauteuil vers lui et y prend place.

- Comment ça se passe avec lui d'ailleurs ? m'intéressé-je, soucieuse que les conflits entre eux deux reprennent.

- Pour l'instant, rien d'explosif. Il a trop peur que je refuse de lui prêter main forte. Il est en manque de personnel. Tu m'étonnes ! S'il passait moins de temps à gueuler sur ses employés, peut-être qu'il parviendrait à garder quelqu'un plus de trois mois... Bref, comme tu le vois, j'ai pas mal été pris. J'ai aussi rencontré un gars qui venait envoyer sa voiture en réparation. Matthew. Le courant passe plutôt bien je dois dire ! Je compte te le présenter ce soir, à la soirée.

- La soirée ? sursauté-je désemparée.

- Ben, oui ! Ne me dis pas que tu as déjà oubliée ? Eh, ça t'arrive de m'écouter parfois ? me sermonne-t-il gentiment en pinçant mon oreille. C'est une soirée prévue pour fêter les résultats du bac. Il y aura tout le monde. C'est justement pour ça que je suis tôt, je pensais qu'on irait ensemble les consulter.

Je frappe mon crâne. Bien-sûr ! Avec tous ces événements, j'ai complètement oublié les résultats des épreuves.

- Ça ouvre à quelle heure ?

- Dix heures, soit dans vingt minutes. On y va ?

- Laisse-moi juste me changer.

Je ne compte pas arriver en pyjama... Je monte à l'étage et enfile une de mes tenues préférées : une salopette short brodée par Molly. Elle est complètement marronne avec un arbre sur la poche gauche du haut. Je brosse rapidement mes cheveux qui, pour une fois, ne font pas des siennes. Comparé aux jours précédents, j'ai meilleure mine, et pour cause : je ne rêve plus. Plus rien. Mes sommeils sont paisibles et réparateurs. Mes cernes disparaissent petit à petit. Quant à mon moral, il repart à la hausse. Siloé a écouté mes prières... Non, hors de question que je l'intègre dans mes pensées. Pas aujourd'hui. J'ai besoin de normalité, de retrouver un cercle social malgré mon côté introvertie.
Je redescends, rejoignant Cassien occupé à taper des sms sur son téléphone. Il me sourit encore et nous partons vers notre ancien lycée.

Une foule patiente devant les grilles. Un stresse modérer me préoccupe. Et si je ne l'avais pas... ?
Carole me bombarde de messages. Etant en Italie, elle ne peut pas être là avec nous. Ça me désole un peu, après tout elle fait partie intégrante de notre trio. J'aurais aimé pouvoir crier de joie avec elle.

« Te fais pas de bile Mérida. Tu vas l'avoir.

On verra. Apparemment ils ouvrent dans 5min.
Et alors, avec ta nouvelle conquête ?

Elle est bon délire. Mais je ne me fais pas d'illusion,
On coupera les ponts lorsque je rentrerai.

Mince. Ça ne match pas alors ?

Si, mais pas au point à ce qu'elle devienne la femme
de ma vie.

J'en connais un qui sera content de te revoir en tout cas...
Il va être déçu de ne pas te voir ce soir !

Arrête de dire des bêtises !!

Je te laisse ! C'est l'heure.

Je verrouille mon téléphone en le glissant dans ma poche arrière. Quelques personnes se mettent à courir, désireuses de connaitre leurs résultats avant tout le monde. Cassien, qui a attrapé ma main, marche tranquillement. Il m'observe du coin de l'œil, toujours un rictus placardé sur son visage. Notre proximité me réchauffe le cœur, j'avais peur que notre amitié s'étiole. Je constate avec plaisir que ce n'est pas le cas.
Nous approchons de la cour où des panneaux affichent les admissions. Je me fraye un chemin parmi les gens et trouve rapidement les fiches des noms en « B ». Du bout des doigts, je descends chaque prénom. Et là, le cœur palpitant, je trouve le mien : Mérida Bower – Admise. Je saute de joie, poussant des cris excités. Autour de moi, j'aperçois une majorité d'élèves s'étreindre tour à tour. D'autres, malheureusement en retrait, contiennent leurs larmes. Je me mets en quête de regagner Cassien lorsque celui-ci me surprend en m'enlaçant dans ses bras. Ses yeux pétillent. Je recule d'un pas, trop proche, et brûle d'impatience de savoir si lui aussi est admis ou non. Lisant dans mes pensées, il hoche la tête. Je saute à nouveau dans ses bras, trop heureuse.

- Le détail des notes est disponible sur Internet si tu veux ! m'informe-t-il en dégainant le sien.

Nous nous asseyons sur un banc. Je rentre mes informations personnelles sur le site et parcours les différentes matières. J'éclate de rire en voyant ma note de philosophie. J'ai eu treize !!! Dans tes dents, monsieur Bernie.
Je n'ai pas pu m'empêcher de zieuter la fiche de Carole. La veinarde, elle a son bac avec la mention « très bien » ! Néanmoins c'est amplement mérité, elle a travaillé dur pour atteindre ce niveau. Elle a tout d'une élève modèle et je ne doute pas qu'elle réussira en fac de droit.
J'appelle directement mes parents, espérant qu'ils ne sont pas encore couchés ; vu le décalage horaire. Au bout du fil, ma mère décroche en baillant.

- Coucou ma chérie. Comment tu vas ? Tout va bien ?? m'interroge-t-elle, un brin d'anxiété dans la voix.

- Je vais parfaitement bien. la rassuré-je. Tu peux mettre sur hauts parleurs, pour papa ?

- C'est fait.

- J'ai le plaisir de vous informer que votre fille préférée a eu son bac ! Avec en prime une moyenne de treize sur vingt en philosophie. Eh non, vous ne rêvez pas !!

- C'est super chérie !! Nous sommes vraiment très fiers de toi !! me félicite chaleureusement mon père. On fêtera ça dignement à notre retour.

- A ce propos, vous avez prévu quelque chose Cassien et toi ?

- Ouii, il y a une soirée d'organisée.

Je reste encore un moment en conversation avec eux. Je suis comblée de pouvoir les rendre fiers. Disons que c'est une sorte d'hommage pour les remercier de m'accueillir dans leur foyer alors qu'ils ne me doivent rien.
Cassien n'appelle personne, bien qu'il soit afféré à écrire des textos. Son geste me gêne en revanche, il a passé une main autour de ma taille. Jamais nous n'avions eu de contacts aussi... intimes. Je fais mine de ne rien m'apercevoir en raccrochant.

- J'aimerais passer voir Barbara pour lui annoncer la bonne nouvelle. Sans oublier Samuel, évidemment.

- Pas de souci. Mais on verra Samuel ce soir, c'est au bar que se déroule la soirée. On sera nombreux mais d'autres classes vont en boite.

J'acquiesce, pressée d'être ce soir.


Barbara contourne son comptoir en m'étreignant.

- Oh, Mérida. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureuse pour toi, pour vous ! déclare-t-elle en lançant une œillade à Cassien. Je n'ai jamais douté de tes capacités. Attendez, ne bougez pas ! J'ai une surprise.

Elle disparait une poignée de secondes pour réapparaitre avec des cadeaux emballés. Elle en offre un aussi à mon meilleur ami. Je déballe les miens. Les larmes coulent directement. Je déchire le premier papier, dévoilant des crayons de qualité pour dessiner. Le deuxième est encore plus somptueux : elle m'a acheté un couteau dont le manche est gravé par mon initiale. Je l'embrasse, émue par ses attentions magnifiques. Cassien a eu le droit à un superbe carnet en cuir pour qu'il puisse y écrire ses histoires.

- Barbara, c'est trop... m'émeus-je.

- Non non non. Tu le mérites. Et toi aussi, petit.

- Merci beaucoup, Barbara. remercie Cassien, touché.

- Vous avez travaillé d'arrache- pied pour parvenir à bout de ce diplôme. Je suis extrêmement fière de vous.

Nous enlaçons tour à tour la libraire. Barbara est d'une gentillesse infinie. C'est une femme aux cheveux châtains courts et bouclés, mesurant un mètre soixante je dirai. Elle porte des lunettes vertes rondes qui lui donnent un air encore plus doux. Je la connais depuis que j'ai appris à lire. Elle est dévouée pour sa petite boutique : en effet, elle est reléguée de génération en génération. Cette librairie a tout d'un endroit chaleureux : elle fait office de café, il y a des tables mises à dispositions, des canapés, des étagères montants jusqu'au plafond... Mais, ce que j'admire par-dessus tout, ce sont les fresques aux murs représentants la forêt. Elles ont un style un peu fantaisiste. On y voit principalement les grands arbres ainsi que l'une des nombreuses rivières.
Ce lieu n'est pas le préféré de Cassien, il ne passe pas son temps ici, bien qu'il apprécie y venir écrire.

La soirée approche à grand pas. J'avoue ne pas avoir envie de me changer, je trouve ma tenue plutôt convenable. Quant au maquillage, je n'aime pas ça. Je préfère être au naturel et laisser ma peau respirer. Cassien se prépare dans la chambre d'ami. Il opte pour un pantalon gris à carreaux ainsi qu'une chemise noire avec des baskets toutes simples.

- Tu es prête Mérida ?

- Ouaip ! réponde-je en descendant les escaliers.

Je ferme à clé derrière nous la maison et me tourne vers mon ami.

- Nous rejoignons directement le bar ?

- Avant nous devons retrouver mon pote Matthew.

- Ah oui, c'est vrai !

Nous marchons en silence, adoptant une distance convenable. En y repensant, Cassien s'est montré un peu plus tactile qu'habituellement. J'ignore pourquoi son comportement varie envers moi mais ça ne me plaît pas trop... bien que je sois contente qu'il n'ai rien contre moi. Nous arrivons dans une ruelle pavée où les commerces se préparent à leur fermeture. Au loin, un homme en costard nous salue de la main. Je présume que cela doit être Matthew. Il est encore plus grand que Cassien.

- Heyy salut mec !

- Bonsoir ! J'imagine que tu es Mérida ? suppose le grand blond aux yeux bleus.

- Exact. Enchanté.

Il me lance un sourire en coin ainsi qu'un regard perturbant. Une lueur que je ne saurais déchiffrer passe dans ses pupilles. Je frissonne malgré moi, mal à l'aise. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne le sens pas...

- Apparemment tu as été trouvé en forêt. déclare t-il de but en blanc.

- Euh... oui.

- C'est Cassien qui m'a affirmé cela. Etrange non ?

- Je peux savoir ce qui est étrange ?

- Ta situation. Le fait d'avoir été abandonnée en pleine jungle.

- C'est un interrogatoire sur ma vie ou bien... ?

- Désolé, Matthew peut paraitre un peu intrusif aux premiers abords, mais il cherche juste à apprendre à te connaître, formule Cassien en se passant une main dans ses cheveux. Tu comprends, je n'ai pas arrêté de parler de toi donc...

- Je vois. Bon, et si nous allions prendre un verre ? suggéré-je pour changer de sujet.

Les deux hommes acquiescent. Il nous faut une dizaine de minutes pour enfin entrer. Une musique techno résonne dans les enceintes. Le milieu de la salle a été dégagé : les tables et les chaises sont empilées sur le côté ou mises dehors sur la terrasse. Samuel est derrière le comptoir, occupé à servir une cliente. Dès qu'il nous voit, il nous accueille chaleureusement en attrapant trois pintes de bières.

- C'est la maison qui offre ! annonce t-il. Carole n'est pas là ?

- Elle est en Italie. Elle ne revient que fin aout, expliqué-je amusée. Merci, pour la bière.

- Et je peux savoir qui est notre nouvel invité ?

- Ah, oui. Je te présente Matthew, une connaissance de Cassien.

Nous nous asseyons sur des tabourets et les deux garçons se mettent à parler de voiture. Quant à moi, j'observe, peu intéressée, mes anciens camarades faire la fête. Je me sens toujours en décalage face à ce type de soirée, et je sais pertinemment que durant la nuit j'aurais besoin de m'éloigner pour recharger mes batteries. Pour l'instant, ça va. Je surprends plusieurs fois Matthew me scruter ce qui me dérange fortement.

- Je reviens, je vais aux toilettes. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top