Chapitre 2 ~ Partie 1


1 mois plus tard...

Alléluia. C'est le premier mot qui me vient en tête après cet examen final. Je referme définitivement ma copie sans oublier d'insérer le sujet de dissertation que j'ai choisi, puis range mes affaires avant de la déposer sur le bureau du surveillant. Libre. Me voilà libre. Libre de me promener des heures dans ma forêt sans la contrainte de révisions ou de se coucher tôt pour, le lendemain, aller au lycée. Libre de tout. Durant deux mois environ, en tout cas...
Cassien et Carole sont sortis bien avant, Carole avec pratiquement une heure d'avance. Elle a carrément charbonné des semaines entières afin de recevoir une note convenable pour cette épreuve de philosophie. Quant à moi, je ne me fais pas trop d'illusions. Si j'arrive à obtenir ne serait-ce que la moyenne, cela relèverait du miracle !
Je rejoins donc mes deux amis m'attendant dans notre traditionnel café. Un endroit jovial où l'on retrouve des jeux de fléchettes, un billard, et même un panier de basket dans le fond de la salle. J'aime par-dessus tout leurs fauteuils en cuirs noirs dans lesquels je me suis endormie des tas de fois après avoir ingurgité mon fameux café noir. Avec le groupe, on affectionne particulièrement l'un des serveurs, Samuel. C'est un étudiant en fac de droit qui travaille ici à mi-temps. Son caractère toujours optimiste et fêtard fait qu'on passe à chaque fois de bons moments lorsqu'il est de service, comme c'est le cas aujourd'hui. L'un des privilèges à ce qu'il soit là, et que l'on s'entende bien, c'est qu'il nous permet de boire un peu d'alcool. Même si nous avons dix sept ans, sauf Carole, elle ayant redoublée sa seconde.

- Ahhh, là voilà ! Salut Mérida ! me lance Samuel en posant un torchon sur son épaule. Alors, comment s'est passé ton épreuve ? J'suis persuadé que tu as tout défoncé !

- Ne crois pas si bien dire, Sam'. Disons que je repose plus d'espoirs dans les autres matières.

- Allez, soit positive ! Une bonne nouvelle peut arriver. Je te sers quoi ?

- Hmm je crois que pour aujourd'hui je prendrai bien une bière.

- Ouh ouh, attention, mademoiselle joue les rebelles. Sérieux Mérida, c'est la fin du bac, tu dois absolument fêter ça dans les règles en te prenant un truc plus fort ! me réprimande-t-il en feignant de claquer son torchon sur le comptoir et en penchant la tête.

Bien que Samuel nous autorise à consommer ce que l'on souhaite, je n'ai pas vraiment l'envie de dépasser mes limites. En général je bois du soft -un café, une boisson fruitée, de l'eau pétillante- et très peu d'alcool. J'apprécie la saveur amer et épicée de la bière, malgré ça je n'abuse pas des bonnes choses car je suis consciente qu'à trop en profiter, on en devient accro... Je me dirige donc sur une table, mon demi dans la main, où mes amis m'attendent impatiemment. Ils m'accueillent en m'enlaçant tour à tour, aussi excités que moi à l'idée que cette grosse pression soit enfin finie. J'ai vécu ces derniers mois comme un enfer. Bien-sûr, le stresse à l'approche des exams est une première cause. Mais mes rêves ne me quittent jamais et m'intriguent énormément. J'ai passé mes nuits entières à épouser l'insomnie, à naviguer sur le web afin de trouver ce qu'il m'arrive, à comprendre pourquoi ils sont là, omniprésents. Mes songes n'ont pas été de tout repos. Ils se mélangeaient avec ma vie actuelle où Cassien apparaissait ainsi qu'un autre garçon qui, à l'heure actuelle, ne me dit toujours rien. Kovu me montrait parfois des endroits inconnus ou familiers, tel que ma forêt. L'élément principal est un grand château, mais les détails sont flous. Je ne parviens pas à le décrire ni à le dessiner. J'y distingue néanmoins certains contours : une grande tour, des habitations, des commerces... Je crois que je me prends trop la tête à essayer de rendre cela net. Peut-être est-ce là la raison de mes migraines incessantes...
Je n'entends plus Carole et Cassien discuter, bien que leur discussion paraisse animée. Mon amie a un fort tempérament et n'aime pas avoir tort. C'est pour cela que, lorsque Cassien lui expose sa vérité au sujet des réponses à apporter sur les sujets de philos, Carole, ayant de toutes autres réponses, s'enflamme et s'élance dans des arguments beaucoup trop poussés en gesticulant des mains. J'en perds donc le fil, désintéressée et égarée dans mes pensées. Celles-ci sont bien évidemment dirigées vers Kovu. Depuis quelques jours, j'ai pu entendre distinctement sa voix. Une voix ferme et douce qui m'intimait de me tenir prête. Mais à quoi ?? J'ai une étrange sensation, comme si mon quotidien allait être pleinement bouleversé. Seulement de quelle façon ? Une théorie complètement folle traverse mon esprit : et si j'allais le croiser, pour de vrai ? Non non, impossible. Je chasse cette idée, gênée d'avoir pu l'envisager une seule seconde.

- Allô, ici la Terre ! Tu me reçois ? murmure Carole à mon oreille, où je parviens à sentir son souffle alcoolisé de tequila sunrise.

- Cinq sur cinq. Vous parliez de quoi déjà ? m'enquis-je faussement enjouée, tentant de m'ouvrir à la conversation.

- Et toi, à quoi pouvais-tu bien penser ? Ohh laisse-moi deviner !! Tu réfléchissais à ton garçon rencontré sur ton appli ??

Je n'ai pas l'énergie pour la contredire ni pour assumer totalement. Connaissant Carole elle entreprendrait par n'importe quels moyens de me tirer les vers du nez.

- En quelque sorte, oui. En fait, j'ai l'impression qu'il est réel... m'exprimais-je prudemment en évitant le regard intense de Cassien, ce dernier muet.

- Attends attends... J'avoue ne plus trop comprendre, là. Euh, on parle bien de la même chose non ?

- Il me semble que la dernière fois tu t'es fourvoyée, Carole. explique-t-il, amusé qu'elle se trompe.

- Comment ça ? Mérida, tu es carrément secrète, allez, avoue. Tu fantasmes sur qui ?

- Euh je... bégéyais-je. 

- Tournée gratuite, c'est la maison qui paie !

Je soupir de soulagement. Sauvée par le gong. Samuel se ramène honorant sa pause avec un plateau entier de petits shots de madeleine. Cela suffit pour esquiver ses questions dérangeantes.
Les verres se constituent de jus d'ananas, de liqueur de café, et d'alcools dont je n'ai pas retenu le nom. Ça a pour but de recréer le goût d'une madeleine. Il s'avère que la ressemblance est plutôt frappante, pour y avoir goûter une fois. Le barman nous explique le jeu à suivre : il a une application sur son téléphone, « J'ai déjà, je n'ai jamais ». Une affirmation ou négation est écrite, et si nous n'avons jamais exécuté ce qu'il y est exposé, on doit boire un shot. Mes compères sont tellement euphoriques à cette proposition qu'en voyant leurs larges sourires je ne peux m'empêcher de refuser. Lors des premières phrases, personne ne boit.

- Je n'ai jamais eu de relation amoureuse. lit Carole en riant. Sérieux c'est quoi cette question stupide ? On n'a plus douze ans, passons aux questions plus pimentées quoi ! s'extasie-t-elle en tapant frénétiquement dans ses mains.

Sur ce coup-là, je suis étonnement la seule à avaler le contenu liquide. Je lance un coup d'œil incrédule en direction de Cassien. Nous sommes amis depuis quasiment notre naissance, nous savons tout l'un de l'autre. Pourtant il n'a pas bu. Jamais il n'a évoqué une quelconque relation avec une fille. Lui et moi sommes solitaires depuis petits, ne s'intéressant guère à ce genre d'histoire. S'il ne m'a rien confié sur ce sujet, c'est qu'il peut très certainement omettre de me raconter d'autres histoires. Qu'importe, chacun détient son jardin secret, ce serait égoïste de lui en vouloir étant donné que je ne lui avoue pas l'entière vérité concernant mes rêves...

La soirée suit son cours et je réalise que l'année scolaire est belle et bien terminée. J'observe mes deux amis légèrement bourrés bras dessus bras dessous, chantant à pleins poumons, et je ris intérieurement. Au début, ces deux-là se détestaient. Carole, la belle italienne aux longs cheveux noirs et brillants, a débarqué dans notre lycée lors de la terminale. C'est le genre de fille qui attire facilement l'attention de par son côté extraverti ainsi que sa facilité à créer des liens. Tout le monde voulait être son ami, mais c'est vers nous qu'elle s'est tournée, nous deux, aussi introvertis qu'étranges. Cassien et moi partageons la même passion pour les romans, particulièrement pour les romans fantastiques et fantaisistes. Je l'ai immédiatement appréciée pour son ouverture d'esprit, sa manière de nous rendre à l'aise. Concernant mon meilleur ami, ça s'est révélé un peu plus complexe. Il lui reprochait d'être trop énergique et bordélique tandis qu'elle le jugeait trop réservé et trop maniaque. Malgré les débuts électriques, Carole ne nous a pas quitté et s'est montré plus encline à fournir des efforts. Ils ont essayé de trouver des centres d'intérêts en commun et se sont directement alignés sur... le motocross. Je n'ai jamais compris en quoi une machine à deux roues roulant sur un terrain accidenté pouvait susciter un quelconque intérêt. Quand j'ai partagé mon opinion avec eux, ils ont instantanément défendu leur passion comme si leur vie en dépendait, en, bien-sûr, se moquant de la mienne : le tir à l'arc. J'adore tendre mes muscles et les relâcher afin d'atteindre ma cible. D'ailleurs, certains arbres de la forêt portent une petite trace de leurs pointes...
Mes amis sont très différents, que ce soit mentalement ou physiquement. En effet, Carole est plutôt petite en taille, Cassien et moi la dépassons facilement d'une tête, du moins pour ma part. Elle a une silhouette fine, ce qui semble plaire à Samuel qui la relook sans arrêt, ce dont elle ne se rend visiblement pas compte...

La soirée se déroule sans encombre, les shots se multiplient. Résultats des courses : j'en ai bu le plus et ça se ressent : mes joues sont rouges pivoines, mes yeux un peu trop vitreux et je me sens davantage allègre. La fatigue me tombe dessus, due aux émotions accumulées le long de la journée : le stresse des examens, le relâchement de la pression sur mes épaules, le soulagement, puis l'ivresse de l'alcool. Il est grand temps de rentrer. Cassien me raccompagne tandis que Carole décide de prolonger son moment auprès de Samuel qui ne cache pas son ravissement.

Sur le chemin du retour le silence règne sans être vraiment gênant. Le soleil est presque couché, permettant d'admirer encore quelques minutes les couleurs orange et roses du ciel. C'est splendide. Je ne me lasserai jamais de m'émerveiller face à la nature et ce qu'elle me fait ressentir : une paix et un bonheur infini. Lorsque la déprime pointe le bout affreux et crochu de son nez, je me réfugie parmi les éléments. Parfois le vent me fouette pour me rappeler à l'ordre, le feu des incendies me prouve que même si la nature me parait immense, elle est aussi sensible. La pluie est une poésie qui caresse les feuilles vertes des arbres, engrangeant une mélodie berçante qu'aucun musicien ne parviendrait à reproduire à la perfection. Quant à la terre, à ses racines, c'est comme si elles étaient profondément enfouies en moi, reliées à mes pieds, sporadiquement nus afin d'éprouver à cent pourcents les sensations.

Cassien m'attrape la main en continuant d'avancer. Depuis plusieurs minutes il ne pipe mots. Lui d'ordinaire taquin, le voilà plutôt... distant. Cependant je n'ose briser l'absence de bruit avec mes questions. Pas ce soir. Cela fait une semaine, voire deux, que Cassien s'est légèrement distancé du groupe, et plus particulièrement de moi. Il ne venait que très rarement au café réviser avec nous, prétextant devoir aider sa tante pour du bricolage ce qui est étonnant vu qu'il ne l'a jamais aimé. Carole ne s'est rendu compte de rien, ce serait inutile de lui en parler. Je ne suis pas certaine qu'elle comprendrait mes inquiétudes. Néanmoins, lui qui m'envoyait tous les matins un message me souhaitant une bonne journée, et ce même si l'on se voyait l'après-midi, il ne m'en écrit plus. Il semble tourmenté. A plusieurs reprises j'ai pu le surprendre en train de se ronger les ongles, lui qui les a plutôt longs d'habitude...
Trop absorbée par mes contrariétés, je ne réalise pas que nous sommes arrivés devant ma porte. Mon meilleur ami m'embrasse sur la joue et marmonne un simple « bonne nuit », puis tourne les talons sans un dernier regard. J'en suis persuadée, il me cache un truc. Mais je suis bien trop crevée pour lui poser mes interrogations, et l'alcool n'aide en rien. J'entre donc dans ma maison sans me retourner. Mes parents sont lovés sur le canapé, visionnant un film des années quatre-vingt. Lorsqu'ils entendent la porte se refermer, leurs têtes se braquent sur moi.

- Bonsoir ma chérie. Alors, comment se sont déroulés tes examens ? On t'a envoyé des textos mais nous n'avons pas eu de réponse. m'informe Stephan en enlevant ses lunettes de vue.

J'utilise très peu mon téléphone. En vérité, je ne m'en sers que très rarement sauf pour appeler ou bien pour envoyer des messages. Le reste du temps, il est soit oublié au fin fond de ma commode, soit mis sur le mode silencieux. C'était le cas ce soir, je voulais profiter du moment présent avec mes amis.

- Je suis confiante, je dirai. J'ai trouvé les sujets assez aisés concernant la plupart des questionnaires. Je crains un peu pour la philo mais bon... rapportais-je anxieusement en frottant mes yeux fatigués. Je vais aller me coucher, je suis vraiment exténuée. Bonne nuit.

- Repose-toi bien ma puce. me souhaite Molly, de nouveau absorbée par la télévision.

Je monte deux par deux les escaliers, las. Feignante, je ne prends même pas la peine de me déshabiller et plonge sans vergogne dans mes draps propres. Le sommeil m'engloutit en un rien de temps.

- Il est temps que tu vois la réalité, Mérida. Ta réalité. 

Dans une immense clairière, où l'on peut apercevoir des montagnes lointaines aux pics enneigés, une femme se balade, un panier en osier à la main, cherchant visiblement des herbes médicinales. Elle porte une robe blanche et un corset couleur crème, avec des oiseaux de pleins de coloris brodés dessus. Le ciel est d'un gris menaçant, de même que pour les nuages, chargés en électricité. L'orage ne va pas tarder à éclater. Une mèche rebelle de son chignon s'échappe. La dame se relève, repoussant ses cheveux grisonnants à l'arrière de son oreille. Elle porte une main à son dos en tirant la grimace. Elle a mal. Des flashs s'insèrent dans mon esprit. Je la vois dans un contexte différent, aux chevets de son enfant malade. La mère trempe un linge dans de l'eau qu'elle dépose sur le front brûlant de son fils. Visiblement il a une terrible fièvre qui pourrait lui être fatale. Nuits et jours elle concocte des tisanes et des remèdes afin que la maladie retombe, sans succès. Un autre flash, encore dans cette prairie n'inspirant pas confiance. Un chat blanc à première vue inoffensif s'approche de la vieille femme d'un pas nonchalant. Ses yeux rouges trahissent sa banalité. Elle tend sa main afin de le caresser mais celui-ci se transforme soudainement en un homme robuste qui la transperce d'une épée. La lame se retire, faisant gicler une trainée de sang, maculant l'herbe sèche autour. Le corps sans vie de la dame tombe dans un bruit sourd.
La première pensée qui me vint est pour son enfant, qui, sans sa maman pour l'aider, mourra probablement les jours suivants.

- Nous avons besoin de toi, Mérida. Il faut mettre un terme à ceci ! Sans toi, c'est peine perdue. Sans toi, d'autres habitants du Royaume périront. Sans toi, d'autres enfants perdront leurs mères, leurs pères... Aide-nous, Mérida. Ou la guerre frappera nos portes...

Mon réveil est brutal : je pousse un cri perçant et mon cœur est douloureux, ma poitrine tambourine violemment, en feu, comme si l'épée m'avait transpercée, moi... Les larmes roulent sur mon visage, leurs pointes me meurtrissent un peu plus... Je suis gonflée d'une souffrance sans nom. L'injustice se traduit par le goût amer sur ma langue pâteuse, un poison pour ma bouche encore un peu alcoolisée. La bile remonte et mes efforts sont surhumains afin de m'empêcher de vomir toute ma peine sur mon lit. Cette femme... morte sans raison... Le son violent de son cadavre retentissant par terre ne cesse de me hanter en boucle. Je suis traumatisée. Traumatisée par « juste » un rêve. Je refuse. Ce n'est pas qu'un cauchemar, c'est...
Ma phrase reste en suspens. Pour ne rien arranger, un atroce mal de tête fracasse mon crâne tandis que les nausées s'accentuent, ne m'offrant aucun répit. A cet instant je déteste Kovu. Je le haïs pour m'avoir partagé de telles images ! Il doit à tout prix sortir de mes nocturnes...

Ma mère ouvre d'un coup sec l'entrée de ma chambre et s'agenouille près de mon lit, affolée de m'avoir entendu hurler. Je la rassure en posant ma main sur son bras, la prévenant d'un mauvais rêve. Rassurée et m'embrassant affectueusement sur le front, elle repart se recoucher. Il est encore tard.
Malgré mes tentations désespérées afin de ne pas me rendormir, Morphée me tombe ironiquement dessus. Mes paupières s'alourdissent, comparables à du plomb, et perdant ma force, je referme les yeux priant intensément de ne pas revoir ces scènes douloureuses.

A dix heures du matin, mon état s'est empiré : j'ai régurgité l'alcool et la nourriture de la veille en redécorant mon tapis blanc. Molly s'est empressée de poser un gant de toilettes sur mon front et je n'ai pas pu m'empêcher de me remémorer la mère faisant de même avec son enfant mourant. Cette vision suffit pour me pencher une nouvelle fois au-dessus de la bassine. Une odeur nauséabonde empli mes narines, mais ce ne sont pas les effluves de mes relents que je sens. C'est celle du sang. Du sang qui éclabousse les fleurs fanées, les fleurs empoisonnées d'une vie avortée.

- Est-ce que ton état a un rapport avec ce garçon dont tu vois toutes les nuits ? m'interroge ma mère de sa douce voix.

- Non, me surpris-je à mentir, le défendant pour je ne sais quelle raison.

- Bon. Essaie de prendre une bonne douche. Cela te fera sans doute du bien. Tu veux que je t'aide à te lever ?

Je proteste en secouant la tête, incapable de soulever mes jambes bien trop fébriles. Je l'informe de mon souhait à me reposer, et elle tire mes rideaux, filtrant le soleil qui bizarrement me brûle aujourd'hui. Je ne le supporte pas. Comment peut-il briller alors qu'une femme est morte, et qu'un enfant est devenu orphelin, cette nuit ? Non, cette scène est irréelle. Alors pourquoi feins-je comme si cela l'était ? Pourquoi la mélancolie vient me frapper, me faisant ressentir une tristesse profonde qui me lacère les entrailles ? Pourquoi la révolte et l'envie de combattre ce meurtrier me parvient-elle alors que cet événement s'avère totalement fictif ? J'expire inlassablement, éreintée.

Ma journée s'est résumée à du repos, si bien que je n'ai rien avaler, pas même la délicieuse soupe aux légumes que mon père m'a préparée. Je sanglote toujours. Le vent dehors fouette mes volets qui me font sursauter à chaque fois. Ma santé ne s'améliore pas : la fièvre est encore aussi intense, mes yeux rouges sont gonflés à force d'avoir trop pleuré. A l'extérieur, la nuit est tombée depuis fort longtemps. Toute la maisonnée roupille. Ma langue est pâteuse, j'ai soif, mais je n'aurais pas le courage de descendre à la cuisine. Lassée, je me retourne, face à la fenêtre. Elle est ouverte. L'avais-je fermée, tout à l'heure ? Soudain, mes yeux se figent sur une silhouette qui se faufile. Cassien... ? Non, pas possible, il n'aime pas trop traîner la nuit, et de toute manière il m'aurait prévenu de son arrivée. Je m'efforce de penser à un quelconque scénario, mais mes méninges sont au ralenti, ce soir. Un mouvement furtif attire mon attention, alors je plisse mes pupilles malgré ma fatigue, et parviens à distinguer une silhouette pénétrant dans ma chambre. Non... J'hallucine encore ? Pourtant, le parquet grince bel et bien. A la respiration et au craquement qu'émet le parquet, je remarque qu'un homme s'est donc introduit chez moi. Il est tout près... A mon chevet, je crois. Je parviens néanmoins à relever son parfum boisé. Ce n'est définitivement pas Cassien, qui lui porte une odeur plutôt fruitée.

– Calme-toi... Ne t'affole pas je t'en prie... Viens, suis-moi... J'ai vraiment besoin de toi. me supplie l'individu qui s'est arrêté au bout de mon sommier. Bizarrement, l'intonation de la voix m'est quelque peu familière. Maisqui est-ce ?  

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