sc (1). maison hantée
chapitre un
I. 1
[1990-1996]
"QU'EST-CE QUE TU FOUS PENDU À MON LIT?" ont été les premiers mots que Sage Oscar Spring adressa à Adonis Celeste Wilde. C'était une soirée chaude de fin d'été, la fenêtre de la chambre était grande ouverte sur la nuit - les vagues se brisaient au pieds de la falaise dans un bruit de tonnerre cent mètres plus bas - et la pièce sentait la bergamote, mais tout n'a pas vraiment commencé comme ça, en vérité.
Le début de l'histoire dépend de là où on la termine, mais selon plusieurs aspects, tout a probablement commencé la nuit où Xian est morte.
Plus tard, cette nuit aurait une importance cruciale et déjà à l'époque la mort de Xian avait été une onde de choc dans la petite société. Provocation éhontée au système des anciens, humiliation ultime des puristes de l'Arkhè, fait divers très divertissant, ça avait été une fin morbide : une mort silencieuse et rapide, au couteau - Xian s'était noyée dans son sang et la coupure était sale et commanditée par quelqu'un qui était déjà mort. Xian avait été une femme triste, trop mystérieuse, et après tout c'était mieux comme ça, parce que n'était-elle pas un tout petit peu terrifiante, toute habillée en noir aux repas de Noël des Wilde à Londres chaque année?. On avait fini par oublier. Une fois la nouvelle propagée, détournée et réinventée, une fois qu'en parler n'attirait plus que des soupirs et des baillements dans les salons européens ou pire, des échanges de regards embarrassés et des grimaces au dessus des verres de cocktails, l'excitation avait laissé place à une profonde, insurmontable terreur froide. Personne ne savait ce qu'il s'était réellement passé. Ils - qui que ça pouvait être - étaient allés jusque là, où allaient-il s'arrêter ? Qui allait être le prochain ? Si ne pas savoir était déjà une telle source d'angoisse, alors qu'en allait-il être de quand on saurait ? La brutalité du meurtre et les réponses étaient restées enfermées dans la grande maison vide de Xian, et c'était comme ça que ça devait rester.
C'était bien plus simple qu'il ne paraîssait, en vérité. La mort de Xian était un conte. Comme dans tous les contes, absolument tout est à propos d'une fleur, d'une femme triste et d'un enfant avec un couteau, et tous les trois aiment les fantômes.
1990, minuit sur le palais des illusions. C'était au milieu du mois d'août chinois et il faisait humide dans la pièce - un grand orage avait frappé la campagne cet après-midi et le jardin était très vert.
Xian était allongée dans ses draps de soie turquoise et ses long cheveux noirs faisaient un soleil autour de sa tête. Des lumières rouges et bleues dansaient paresseusement sur son visage, reflets des guirlandes de pierres précieuses qui pendaient devant la grande fenêtre et se prenaient dans les rayons d'une source de lumière que la silhouette ne pouvait pas identifier. Xian a légèrement tourné la tête et une goutte de sang a perlé à l'endroit où la lame du couteau appuyait sur sa peau, juste au-dessus de son pouls, pour se mélanger avec le miel coulant du couteau. Le souvenir est flou, mais c'était sûrement une jolie nuit pour mourir ou en tout cas un instant dont les poètes parleraient plus tard ou au moins un.
Le moment s'éternisait. Il faisait chaud. Xian gardait les yeux rivés sur la fenêtre comme si elle n'avait pas vu la silhouette penchée sur elle, mais elle l'avait vue, et c'est peut-être ici que la silhouette aurait dû lacher son couteau et fuire comme sa soeur l'en avait supplié les joues pleines de larmes une nuit plus tôt dans l'été, et peut-être - probablement - qu'elle en avait conscience à ce moment-là, mais elle n'en fit rien. Si cette maison était le seul endroit du monde où le destin était rééllement un choix, il avait été fait. Pardon, dirait la silhouette bien plus tard à quelqu'un et tous les deux seraient très embêtés, je suis vraiment désolé pour le couteau et tout le sang et tout le reste et j'espère qu'on est toujours amis. Pardon, elle dirait une autre fois à quelqu'un d'autre et tous les deux seraient très tristes, je n'ai jamais voulu te faire de mal, jamais vraiment. Un papillon de nuit s'est coincé dans la moustiquaire.
"Est-ce que," a demandé Xian au bout d'un lon moment, la voix si profondément et antiquement triste que la silhouette se dit que ce devait être la personne la plus seule du monde, "tu as déjà passé mille générations à essayer de comprendre le noir à l'intérieur de toi?"
L'histoire se répète. C'est toujours la même histoire.
Les lèvres de Xian s'étirèrent lentement en un dernier sourire fatigué. "Moi si. Mais en vérité, j'aurais dû le célébrer.", et une goutte de miel est tombée sur le drap.
La silhouette ne bougeait toujours pas. Elle tremblait toujours mais pas maintenant ; c'était une vilaine habitude que sa mère avait essayé de corriger et qui s'intensifiait parfois à cause du froid, parfois à cause des insomnies ou de la faim et plus rarement de la peur, mais sa main se figeait toujours autours des pinceaux et des armes. Cet enfant marche sur une partition entièrement différente de la notre, avait un jour dit un ami de la famille. À vous d'en faire quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. C'était sûrement ce qu'on disait des dieux et des hommes qui naissaient pour quelque chose, dans un but plus Grand, mais la silhouette avait toujours pensé que la significance ne résidait pas dans le pour quoi on naissait mais dans le pour quoi on mourrait. Restait à savoir quelle philosophie elle finirait par choisir. Elle s'était toujours dit que peindre et tuer étaient strictement la même chose, vraiment, et ce sera une autre histoire à un temps voulu, peut-être.
"Qu'est-ce que tu es?", a finit par dire Xian. Un battement. C'était une drôle de question.
"Oûtis,", répondit la silhouette machinalement.
"Ah,", fit Xian en tournant la tête sourire encore flottant sur ses lèvres avant de laisser échapper un soupir et, au moment où ses yeux se posèrent sur la silhouette - enfin, ils étaient si chargés de tristesse que la silhouette se dit que si la scène avait été une idée de peinture, elle aurait seulement utilisé des nuances de gris. "C'est une histoire de fantômes,", confia la vieille femme comme un secret et la lame brilla dans la nuit. Les criquets chantaient. Le papillon de nuit volait toujours dans la moustiquaire. "Il s'est remis à pleuvoir, c'est bon pour le jardin."
À ça, la silhouette a enfoncé la dague dans son cou.
La nuit était très claire et aucun nuage ne cachait le ciel. Le sang a dessiné un coquelicot sur les draps de soie et la boucle s'est bouclée.
Les fantomes viennent plus tard.
𓆣
Le bus 19 s'est arrêté au milieu de nul part.
Mais, vraiment arrêté, et vraiment au milieu de nul part. C'était un 29 août, 1996, il était vingt heures, ce qui voulait dire que la nuit n'était pas suffisamment tombée pour qu'il fasse noir, mais que les criquets s'étaient mis à chanter, et que comme l'été n'était pas suffisement fini pour qu'il fasse frais, l'air était lourd.
Non pas que Sage en ait eu une idée à ce moment-là – il était affalé sur un siège au fond du bus, jambes croisése posées sur le dossier devant lui, écouteurs dans les oreilles et les yeux mis clos rivés sur le reflet des néons du bus dans la vitre. Il était parti de Dalavich à six heures pour prendre le bus à Glasgow à huit heures ce matin et s'était tellement ennuyé qu'il en serait sûrement venu à parler aux autres passagers, si seulement il y en avait eu. À la place, il avait essayé de dormir (en vain), essayé de lire le livre de sa future professeure d'arts plastiques qu'il aurait probablement du étudier pendant l'été (en vain), écouté de la musique (très brièvement, puisque la batterie de son mp3 avait montré des signes de faiblesse inquiétants cet été et qu'il restait six heures de route) avant d'abandonner complètement et de regarder le paysage avec la radio du bus en fond pendant trois heures. Vers treize heures le car s'était arrêté près de Manchester. Le chauffeur avait mangé des oeufs dans une cabine téléphonique en criant sur la personne à l'autre bout du fil. Sage, desespéré pour des miettes de divertissement, avait essayé de toutes ses forces de comprendre la conversation l'oreille collée à la vitre, mais son gaéllique lui faisait défaut et bizarrement il n'entendait que des termes agricoles ; au bout d'un moment et après les termes prince, berger, arrière du tracteur, stupide et cerceuil, il avait realisé que le conducteur s'était mis à parler de lui. Avec sa peau très pale, ses yeux noirs toujours cernés et ses costumes sur mesure, on lui disait très souvent qu'il avait l'air de s'être habillé comme pour aller à un enterrement, et très souvent les gens parlaient du sien. Sage s'était enfoncé dans son siège, les bras croisés et son humeur encore plus mauvaise qu'avant. Puis le conducteur avait raccroché et était revenu une main sur le volant et l'autre autour d'une flasque douteuse, et Sage aurait probablement dû commencer à sérieusement s'inquiéter à ce moment-là mais il y avait bien longtemps qu'il s'était dit que sa situation ne pouvait littéralement plus empirer. Le reste de la journée avait filé dans un brouillard d'ennui, de fatigue et de faim, le tout rythmé par la pensée obsessive dans ses quatres langues maternelles, je préfererais être n'importe où ailleurs, alors que le soleil se couchait sur le patchwork de champs derrière la vitre du car.
Maintenant il faisait presque sombre et Sage commençait tout juste à s'endormir pour ce qui aurait pu être sa quatrième heure de sommeil en trois jours. Et sur tous les scénarios et possibilités qu'il avait développé quant au déroulement de cette journée, absolument aucun ne comportait une panne de bus de n'importe quelle sorte, pour ce que ça valait.
Avec un froncement de sourcil, Sage tira sur un de ses écouteurs et se redressa.
Les portes du car s'ouvrirent. La route avait pourtant l'air de continuer devant le bus - c'était un chemin de terre serré entre les arbres qui formaient comme une haie sur les côtés. Ils étaient très littéralement en train de traveerser une forêt.
Et puis le chauffeur s'est extirpé de sa cabine pour sortir du bus et Sage réalisa, avec un peu de retard sûrement, qu'il était peut-être arrivé.
Il leva les yeux vers le plafond du bus. Quelqu'un y avait collé un chewing gum. Maintenant que le moteur et la radio s'étaient tus le silence de la campagne était choquant ; Sage écouta le chant des criquets dehors, regarda les particules de poussière du car flotter dans la lumière, et poussa un long soupir.
Il était bien connu que les premières années qui venaient à Astréos se faisaient escorter de la gare jusqu'à l'école, qui était cachée quelque part dans les fins fonds de la campagne au sud de l'Angleterre. Maintenant qu'il y réflechissait, on lui avait offert un taxi dans le cas où il prendrait le train, mais alors il aurait dû arriver une semaine avant la rentrée avec toutes les premières années. Sage avait d'autres choses à faire que de passer ses derniers jours de libertés avec des enfants de douze ans. C'était probablement de sa faute. En même temps, personne d'autre n'entrait à l'Académie d'Astréos en septième année. Sage ne l'aurait certainement pas fait s'il avait eu quelconque désir de vivre passé ses dix-huit ans et pas le sort de sa famille sur les bras, et il était très clair que la décision la plus raisonnable, à l'instant présent, aurait été de s'enfoncer dans un siège et de repartir en Écosse, Mais.
Après un instant de réflexion, il fit tourner le fil de ses écouteurs entre son pouce et son index, claqua sa langue sur son palais et attrapa son mp3 posé sur le siège d'à côté. Il se trouvait que Sage avait encore dix-sept ans pour quelques mois et qu'il était, regrettablement, l'héritier des Spring.
Le chant des criquets était encore plus fort dehors et il y avait un vers luisant par terre. La chaleur étouffante de la nuit surprit Sage un instant lorsqu'il descendit du bus, parce qu'après tout même les mois d'aout étaient froids en Écosse, et puis il sentit la première vague de phosphorescence et ne pu s'empêcher de tituber.
Il l'avait déjà ressentie pendant les après-midi d'entraînement dans le bureau de son père et dans la bibliothèque du manoir à minuit (la porte refermée silencieusement derrière lui, visage dénué d'émotions depuis que l'habitude et le temps avaient effacé la peur tandis qu'il ouvrait les flacons colorés posés sur les étagère pleines de fleurs, les phosphorescence mêlées à l'odeur ocre du sang et de l'éthanol — la lumière de la lune au travers des vitraux bleus de la bibliothèque teintait la pièce comme si elle était loin sous l'eau), mais jamais aussi puissante.
La phosphorescence de la IIe Famille était grande, lumineuse mais sombre, elle sentait le soleil et l'été et la nuit et la chaleur et la couleur - et surtout quelque chose d'immense, d'antique, profondément ancien, trop grand pour que Sage n'en discerne le commencement et la fin. Titanesque. La sensation était comparable à celle d'avoir les oreilles bouchées ou la vision floue, mais - Sage pressa ses paumes sur ses yeux sous ses lunettes - ça allait. Bientôt Sage ne la sentirait plus vraiment. Il allait s'habituer. Il finissait toujours par s'habituer. C'était probablement une des pires journées de sa vie depuis longtemps.
"Ça va?"
Sage se tourna vers le conducteur du bus, qui s'était allumé une cigarette, adossé à la portière. Il l'observait du coin de l'oeil, l'air presque mefiant.
"Mal de transport,", Sage mentit. "On est arrivés?"
"Terminus. Le bus peut pas aller plus loin sur le chemin et c'est interdit de toute façon.", articula le conducteur, cigarette toujours entre les lèvres.
Sage réunit le peu de force qui lui restait pour s'empêcher de rouler des yeux et fit un pas sur la première marche du bus pour récupérer son sac de voyage et la cage d'Emilie, mais le conducteur fronça les sourcils avec un hochement de tête. "Première fois que tu viens en bus?"
Sage s'arrêta et le regarda par dessus son épaule. "Première fois que je viens tout court."
Le conducteur du bus cligna des yeux une fois avant de pousser une sorte de rire tonitruant qui annonçait une migraine infernale pour Sage. "Ah! J'aurais parié que t'avais au moins seize ans. Tu viens de quel coin de Dalavich?"
Sage, réellement bouche bée, le toisa du haut de son mètre quatre-vingt neuf, puis baissa la yeux sur ses propres mocassins, son pantalon de costume noir dont on voyait encore les plis de repassage, les pans de sa chemise qui dépassaient du pull en laine miteux qu'il avait enfilé par dessus le tout, et dévisagea le conducteur. "J'aurai dix-huit ans dans cinq mois,", il répondit platement en ignorant le reste de la question. Il n'était d'aucun coin de Dalavich. Il se trouvait simplement qu'il y avait passé une grande partie de sa vie.
L'homme s'étouffa sur sa fumée. "Ils te laissent entrer à l'académie à cet âge-là?"
Sage commençait vraiment à avoir mal à la tête, et la phosphorescence lui bouchait les oreilles douloureusement. Si le conducteur posait une question de plus, Sage ferait sûrement quelque chose de stupide, comme dire toute la vérité ou le tuer. "Ils essayent de me recruter à chaque rentrée depuis que j'ai 9 ans. J'avais rien d'autre à faire cette année."
"Ha. Je savais pas que j'avais un génie dans mon bus, j'aurais conduit un peu moins vite."
Sage esquissa un faux sourire et s'empressa de monter le reste des marches. Il était un peu tard pour regretter le choix d'avoir pris le bus, mais en rétrospective, la semaine avec les enfants de douze ans n'aurait probablement pas pu être bien pire que ça.
Il fallait être un prodige pour entrer à l'Académie d'Arts d'Astréos. N'importe qui du monde entier pouvait candidater à onze ans, mais l'école n'acceptait qu'une centaine de nouveaux étudiants. Il était d'autant plus difficile d'y entrer étant donné que l'Académie était divisée en départements ; le département d'arts plastiques était le plus grand et recrutait jusqu'à quarante élèves par an, puis suivait celui de musique, puis celui de théatre, puis de danse, puis de sciences, puis de littérature, puis d'audiovisuel, qui n'en recrutait que cinq. Autrement dit, il ne fallait pas être simplement bon dans son domaine - il fallait être le meilleur. Il était rare de se faire recruter par deux départements différents. Il était très rare mais pas impossible d'être accepté en deuxième année, mais la plupart des élèves qui intégraient le cursus en cours ne tenaient pas plus d'un semestre. Et il était extrêmement rare de se faire inviter à Astréos.
Sage avait reçu la première lettre du département des sciences à neuf ans, puis à dix ans, puis à onze et douze ans, puis celle du département d'arts plastiques en addition à treize ans et à quatorze ans, puis celles des départements des sciences, arts plastiques et littérature à quinze, seize et dix-sept ans. Il se trouvait qu'il se débrouillait plutôt bien avec un stylo, et puis evidemment, il était un descendants. Tous les enfants de toutes les familles allaient à Astréos. Pas Sage ; ses parents avaient jugé qu'une éducation différente lui conviendrait mieux. Ce qui était à moitié stupide, parce qu'Astréos était une école d'art et que Sage descendait d'Apollon, et à moitié utile, parce qu'absolument personne ne l'avait jamais battu quand il avait ses couteaux. Enfin, son tour était venu en fin de compte. La proviseure avait eu l'air plus que satisfaite quand le père de Sage avait téléphoné au mois de juin pour annoncer que Sage acceptait de faire sa rentrée à Astréos en août, mais elle ne pouvait pas vraiment se douter que les Spring envoyaient leur héritier prodige non pas pour qu'il reçoive l'enseignement internationalement reconnu (qu'ils méprisaient, bien qu'anciens étudiants d'Astréos eux-même) de l'académie mais en tant qu'espion et probablement kamikaze. Personne ne pensait réellement que Sage reviendrait pour les vacances d'été. Ce qui ne le dérangeait pas tant que ça, en y pensant ; il était même assez enthousiaste à l'idée du changement de décor, même si aller en Angleterre signifiait y mourir. S'il avait dit au Sage de treize ans qu'il fêterait son dix-huitième anniversaire à la résidence Spring à Dalavich seul avec son père, il aurait probablement tenté d'en finir bien avant cette nuit-là deux étés avant. Mais c'était probablement pas le moment de penser à tout ça. Sage s'accroupit sur la moquette turquoise du bus pour être face à face avec Emilie.
Emilie-Dickinson-William-Svetlana-Burrouette, extraordinaire specimen de boa imperator colombien albinos orange, rose, vert et bleu de deux mètres cinquante était enroulée dans une cage de métal rouillée que Sage avait déterrée dans le grenier de la maison de Dalavich, désespéré de trouver un contenant pour le voyage. Il s'était vaguement demandé sur le coup d'où venait la cage mais avait rapidement décidé que c'était juste une chose étrange de plus dans le grenier où se trouvait déjà le cercueil de sa grand-mère (était-il plein?), et c'était seulement quelques heures auparavant, alors qu'il observait le paysage de la campagne défiler par la fenêtre, qu'il s'était souvenu avec un choc du couple de perruches que Sìneag avait eu pour ses treize ans, mystérieusement introuvable au matin d'une nuit où Emilie s'était coïncidentalement echappée de la chambre de Sage. Oups. Emilie regardait maintenant Sage avec un air furieux. Sage roula des yeux, se releva, jeta son sac par dessus son épaule et souleva la cage qui devait peser une quinzaine de kilos, et entrepris de sortir du bus.
Chant des criquets, chaleur lourde, phosphorescence. Le conducteur avait sorti sa malle de la soute. Sage regarda la malle sans roues, la cage d'Emilie, puis le conducteur du bus.
"Je t'ai aussi sorti le diable sur roulettes que l'école met toujours dans le bus,", fit le conducteur, qui lui n'avait pas arrêté de regarder Emilie avec inquiétude. Le diable n'avait pas l'air fait pour supporter un boa de douze kilos et une malle lourde d'une trentaine de livres, et était encore plus rouillé que la cage. Un silence s'installa.
"C'est trop aimable,", finit par dire Sage avec un grand sourire, au lieu de Je vais me jeter sous vos roues dès que vous allez redémarrer le bus.
"C'est tout droit à droite.", fit le conducteur.
Sage se tourna vers la droite, où les arbres étaient si serrés qu'il y faisait nuit, puis de nouveau vers le conducteur.
"Le campus est grand, tu peux pas le rater,", ajouta le conducteur.
Sage le devisagea. Il lui apparu soudain la pensée qu'il pouvait vraiment remonter dans le bus et dire au conducteur de le déposer n'importe où. Londres n'était qu'à quelques heures d'ici. Il pourrait arriver dans la ville dans la nuit, dormir dans un hotel, prendre un avion et ne plus jamais revenir. Il pourrait aller n'importe où.
Un soir de juin, une eternité plus tôt mais en vérité seulement quelques semaines, dans un souvenir : dans la chambre de Sìneag à Dalavich, assis sur le lit éclairés par la lampe de chevet, des papillons de nuits collés à l'abat jour et le bruit de leurs ailes qui battent contre le tissus jaunis. Je pourrais prendre la voiture demain matin et t'emmener à Glasgow. Ou un autre jour, on a le temps d'ici la rentrée. Et tu prendrais le train jusquà Londres, et ensuite l'avion jusqu'à Moscou. Tu disparaitrais. Tu pourrais t'en sortir. Je dirais jamais rien à papa et maman. Le chat qui ronronne sur les genoux de Sìneag. Des posters de groupe de rocks qu'ils n'écoutent même plus gondolés par l'humidité sur les murs ; les livres d'histoire de l'art obsolètes rangés sur les étagères, sous des centimètres de poussière. Le bruit de l'océan au loin, et l'impression que c'est le dernier instant de calme sur terre, pour toujours. Le papillon de nuit qui se débat entre son pouce et son index, et un sourire un peu triste, après un long moment. On n'est plus des enfants. Ne sois pas stupide.
"Merci pour le diable,", dit finalement Sage au conducteur.
"Bonne chance,", répondit le conducteur en gaëllique, avant de remonter dans le bus.
Sage eu la sensation qu'il était censé observer le bus, le ciel du début de soirée, le conducteur et la route avant d'entrer dans la forêt, puisqu'il ne savait pas vraiment s'il en ressortirait un jour, mais être sentimental à ce stade-là était inutile. Il n'attendit pas que les portes du bus se ferment pour s'enfoncer dans le bois.
Une vague d'humidité et de fraicheur s'abattit sur Sage a l'instant où il dépassa les premiers arbres. Il faisait sombre, mais des raies de lumières passaient entre les troncs à certains endroits, et il était encore plus compliqué d'avancer que ce que Sage craignait, parce que le sol était tapissé de mousse constellée de vers luisants auxquels les roues du diable accrochaient. Sage se mis à implorer Apollon que le conducteur du bus n'ait pas exagéré sur les chances de Sage de ne pas pouvoir manquer l'école, parce que se perdre dans la forêt et devoir chasser pour sa survis n'était pas non plus dans sa liste de scénarios quant au déroulement de la journée, et sûrement pas la meilleure façon de se faire couronner roi du bal de promo par la même occasion. Alors qu'il n'avait fait qu'une cinquantaine de mètres dans la forêt et qu'il se demandait s'il serait bien vu de débarquer dans le batiment des dortoirs suivi par un serpent de deux mètres en liberté, Sage s'arrêta net.
À gauche, entre les arbres devant lui, de la lumière s'échappait des vitres d'une voiture.
La première fois que Sage avait vu un fantome, il avait douze ans.
Il était dans un avion et tous les passagers étaient endormis. Ils survolaient l'océan, mais on ne voyait que la nuit noire par la fenêtre, et les allées étaient seulement éclairées par une faible lueur bleutée au plafond. C'était un long vol qui s'étalait sur plusieurs jours, et Sage avait fini son dernier livre. Il avait sorti sa rame de papier et un crayon de son sac, parce qu'il avait décidé de dessiner un papillon de nuit ; seulement quand il avait commencé à traçer la courbe d'une aile, la ligne avait changé en celle d'un oeil. Sage avait froncé les sourcils et recommencé, mais l'esquisse du corps du papillon ne pouvait s'empêcher de devenir celle d'un cou. Cette fois-ci il avait décidé de continuer le dessin pour voir ce que - ce qui - les lignes voulaient dire, jusqu'à ce que le visage finisse d'apparaître. Sage s'était alors reculé dans son siège avec stupeur. Il avait regardé autour de lui, mais tout le monde dormait toujours, leurs visages ouverts colorés de bleu, dans le drôle de silence qui reignait par-dessus le bruit des réacteurs de l'avion. Sage s'était retourné vers sa feuille, et le visage était toujours là ; il l'avait si bien dessiné qu'il avait l'impression d'être de retour trois jours en arrière avec son couteau dans la main et le sang sur les draps comme une tache d'aquarelle. Sage noircit toutes les feuilles de sa rame ce soir là, recto, verso. Peu importe ce qu'il essayait de faire, peu importe par où il commençait - le début ou la fin, le résultat final était toujours le même. Toujours les mêmes traits, toujours le même visage. Toujours la même erreur.
Quelques jours plus tard, Sage était dans la salle d'étude de Dalavich avec Sìneag et leur mère, qui les faisaient traduire l'Odyssée. C'était le milieu de l'après midi ete Sage devait plisser les yeux pour voir sa feuille à travers le soleil. Il n'avait pas réessayé de dessiner depuis l'avion, et il avait peur que le visage se trace tout seul s'il laissait sa mine de stylo sur le papier trop longtemps. Finalement, parce qu'elle savait toujours ce que Sage pensait avant qu'il ne le pense, c'est Sìneag qui avait posé la question, en français, puisque leur père n'était pas là. "Ça existe vraiment, les fantomes?"
Leur mère avait eu l'air surprise. "Tout dépend de ce que tu appelles un fantôme."
L'expression de Sìneag était passée de l'angoissee à la confusion. Elle avait quatorze ans et avait déjà tué neuf personnes, cinq de plus que Sage. Quand il fêterai ses quatorze ans, Sage en aurait tué trente six.
"Je sais pas, des silhouettes. Qui viennent voir les vivants.", avait tenté d'expliquer Sìneag.
Leur mère avait levé les yeux au ciel avec amusement. "Ah, non,", elle avait répondu dans son anglais si particulier, et c'était la première fois que Sage réalisait que sa mère lui mentait, ou au moins qu'elle ne savait pas quelque chose qu'il savait. "Les fantomes ne sortent jamais de toi. Ils restent dans ta tête, avec les souvenirs. Les humains sont des maisons hantées, tu ne savais pas?"
Sage y avait souvent repensé après ça.
note honnêtement la pire chose que j'ai jamais postée sur wattpad, mais j'en ai trop marre et je veux avancer avec cette histoire. pacing? jamais entendu parler. rythme? surcoté! mise en page normale? pourquoi s'embêter avec ça quand on peut utiliser la mise en page absolument horrible en français des fanfiction anglophones sur ao3!!! le style d'écriture me donne envie de cracher au visage de la ava de 2020, mais j'ai pas la force de tout réécrire. j'espère quand même que vous lisez ça en vous disant que c'est le fruit d'un monde coincé dans ma tête depuis 3 ans qui est devenu si profond et complexe que j'ai du mal à l'expliquer, et pas en vous disant c'est quoi ce bordel. restez!! des explications arrivent. (ou est-ce qu'elles arrivent vraiment?) (?????????)
un peu chiant d'être dans les pensées d'un personnage pendant un chapitre entier je suis trop désolée mais la vérité est que dans mon google doc le premier chapitre faisait 35 000 mots et que j'étais obligée de le couper, ce qui justifie ce ?prologue? bizarre.
je suis jamais allée en écosse mais j'ai fait tellement de recherches que je pense sincèrement avoir les connaissance requises pour être guide touristique dans la région de dalavich. par contre j'ai passé la majorité des vacances de mon enfance à l'arrière d'une voiture avec ma mère, ma grand-mère et mon arrière-grand-mère à traverser la campagne et les côtes du sud-ouest de l'angleterre en long en large et en travers et il était plus que temps que j'exploite ces souvenirs-là, alors je suppose que cette histoire est ma lettre d'amour au devon et au cornwall de ma famille hihihihi
je sais pas trop quand je vais poster la suite parce que je dois m'occuper du chapitre 15 de laudd (!) mais à priori bientôt vu que j'ai décidé de vraiment plus me mettre la pression sur silk. je veux pas l'écrire en mode épisodes/feuilleton bizarre comme laudd donc c'est vraiment le premier draft, ce qui veut dire que je vais complètement réécrire l'histoire quand je l'aurai terminée (HHAHAHA) et aussi que c'est normal si y'a des trucs chelous qui se glissent dans les chapitres genre des plot holes ou un personnage qui change de prénom d'un coup. bon en vrai ça non parce que vous savez tous que je suis perfectionniste (psychopathe) et que je ferais jamais ça. mais vous m'avez comprise
bref, passez un bon weekend!! merci merci merci pour les retours toutes les dernières fois que g publié ce chapitre, ça en a pas l'air vu comme ça mais je vs jure silk c'est mon enfant mon chef d'œuvre ça me fait trop plaisir que vs soyez là malgré le grand écart de genre avec laudd et surtout le fait que je poste sur wattpad seulement en années bissextiles faites moi confiance ça va être une dinguerie (me faites surtout pas confiance) x
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