«L'amour est un oiseau rebelle, disait Carmen.»

 Jimin fut tiré de son sommeil par une odeur qu'il ne connaissait pas. Son ventre gargouilla et il ouvrit doucement les yeux. Il allait pour se redresser mais son abdomen lui rappela les événements de la veille. Il grogna et força un peu sur son corps pour se lever et avancer jusqu'à la cuisine.

Jungkook était là, spatule à la main, habillé d'un simple jogging, son torse impudique à la vue du rouquin qui s'appuya au mur pour économiser ses forces.

«Qu'est-ce que tu fais ? Il est à peine 7h...
— Des pancakes. Tout le monde n'a pas un mode de vie aussi dévergondé que le tiens.
— Des pancakes ?», se conta-t-il de répondre.
« Tu n'aimes pas ? Tu as besoin de reprendre des forces.
— Oh... Si.»

Jimin le regarda faire silencieusement, son regard vagabondait dans la pièce, passant du détail de la décoration au contenu de la poêle à la peau nue de son hôte.

«Tu ne renvoies pas vraiment l'image d'un tueur lorsqu'on te voit comme ça...
— Tu me prenais pour un psychopathe ?
—Tu n'en es pas un ?
— Non.
— C'est exactement ce que dirait un psychopathe.»

Jungkook laissa alors échapper un petit rire en retournant son pancake. Depuis le début, il ne détachait pas ses yeux du contenu de sa poêle, comme s'il lui était interdit d'en détourner le regard.

«Je ne suis pas fou, l'humanité me rebute, tout simplement.
— L'humanité rebute sûrement plus d'une personne sur cette terre, mais tous ne s'amusent pas à tuer l'objet de leur haine.
— Parce qu'ils sont faibles. Si tu veux quelque chose il faut agir pour l'obtenir, se contenter d'attendre que tout nous tombe tout cuit dans le bec c'est bien humain ça...
— Peut-être...»

Jungkook posa alors le pancake dans une assiette et posa ses mains sur le plan de travail, se tournant enfin vers Jimin.

«Assez parlé de moi. Je serai curieux de savoir ce qui pousse un certain Jimin à tuer.
— N'avais-tu pas déjà essayé de dresser mon portrait psychologique à notre première rencontre ?», demanda Jimin en prenant un raisin du bout des doigts depuis une corbeille à sa portée.
«Les psychologues communs te traiteraient sûrement de sociopathe. Tu ne voulais pas te mettre à tuer massivement, mais la personne que tu voulais voir morte t'as échappé des mains. Tu as tué pour la première fois en étant frustré, mais ces sentiments ne t'ont pas quitté car ce n'était toujours pas "cette" personne, alors tu continus encore et encore...»

Jimin regardait à cet instant Jungkook avec fascination puis se mit à rire et croqua le raisin.

«Je suis réellement fasciné par ta capacité à déduire tout ça d'une simple flaque... Qui te dit qu'après le premier meurtre je n'ai tout simplement pas pris goût à la vision du sang sur mes mains?
— Oh mais tu l'as sûrement pris... mais ce n'est sûrement pas ça qui te pousse à tuer, ta motivation est bien plus profonde qu'un simple désir pervers, elle s'y additionne. Du moins c'est ce que je pense. Qu'en dis-tu ?
— Hmm... Pour tout te dire je ne m'étais jamais posé la question... de savoir pourquoi j'avais envie de tuer, pourquoi je tuais...
— C'est ton petit côté sociopathe. Leurs normes ne t'intéressent pas... C'est sûrement pour ça que tu me... Hmm.. Laisse.»

Jimin rit et prit un pancake que Jungkook lui tendait.

«Que je te ..?», lui demanda le rouquin avec un sourire taquin alors qu'il croqua dans l'aliment.
« Que tu me ressembles.»

Un sourire mi-moqueur mi-timide étira les lèvres de Jimin qui détourna le regard.

La matinée avança, Jimin était retourné se reposer sur le sofa après une nuit qui, pour lui, avait été particulièrement courte. Pourtant Jungkook leva le store et laissa la lumière matinale envahir la pièce. Le rouquin grogna.

«Qu'est-ce que tu branles..?
— Je me mets de la lumière pour pouvoir travailler. Va dans la chambre si elle te gêne.
— Hmmpf... Tu travailles sur quoi..?»

Jungkook ouvrit le classeur qui rassemblait les informations qu'il avait récupéré de diverses sources, dont Jin.

«J'écris une série d'articles sur... sur toi, en fait.
— Oh, vraiment ?
— Ça t'étonne on dirait ? Tu pensais que je te mentais lorsque je t'avais dit être journaliste ? Pourtant tu n'as pas hésité à courir vers celui que tu pensais être un menteur lorsque tu étais blessé. Tu as un drôle instinct de survie.
— C'est plus sur le fait que tu écrives sur moi...
— Je n'aurais peut-être pas été assez intéressé par toi si je n'avais pas eu à demander plus de renseignements sur tes meurtres justement car j'écrivais dessus.
— Et..?», Jimin s'approcha dans le dos de Jungkook et positionna ses lèvres au niveau de son oreille avant de murmurer. «Est-ce que je t'intéresse, maintenant ? Tu as aimé ce que tu as vu ?
— Ces corps ressemblaient à des toiles brillamment peintes en rouge. J'avais l'impression de voir une galaxie dans les éclaboussures de leur sang. Tu tues magnifiquement. Mais mon tout premier avis n'a pas changé...
— Qui est..?
— C'est un miracle que tu n'ai pas déjà été arrêté. Tu manques de finesse dans le choix de tes victimes, dans le lieu des meurtres, tu leur laisses le corps, tu leur donnes tout pour qu'ils te trouvent.
— Peut-être.»

Jungkook le regarda alors avec un regard surpris.

«Tu as envie qu'ils t'arrêtent?
— Peut-être. Peut-être pas... Je ne me contrôle pas. Je n'étais pas comme ça avant. Parfois je me demande ce que je suis devenu.
— Tu es devenu supérieur, Jimin. Tu n'as aucune raison de t'arrêter. Tu t'en veux de tuer ces gens ?»

Mais Jimin ne répondit pas. Jungkook soupira.

«Vas dans la chambre pour te reposer, tu en as besoin, moi je vais bosser.»

Et Jimin s'exécuta en silence, le rompant simplement lorsqu'il grogna doucement sous la douleur lorsqu'il se leva. Il s'assit avec précaution sur le lit de son hôte et le considéra un instant du regard avant de s'y allonger. Son visage se fourra dans les oreillers d'où l'odeur du brun lui emplissait les narines. Une odeur si délicate, raffinée, une odeur qui lui rappelait qu'il n'était pas seul aujourd'hui, qui le rassurait. Il prit une grande inspiration et ferma les yeux avant de sombrer dans le sommeil.

Des traces de pieds laissaient leur marque dans la neige. Les siens, et ceux d'un autre. Ils marchaient ensemble vers une destination inconnue, sans détour, toujours tout droit. La notion de temps avait disparu lorsqu'il se rendit compte que l'autre paire de pieds ne l'accompagnait plus. Il se retourna et observa autour de lui. Il se sentit crier son nom sans qu'un son ne sorte de sa bouche. Il se sentait paniqué, perdre pied, mais un loup apparut au loin. Il s'approcha de lui et découvrit le jeune homme près de lui, son compagnon de route. Mais quand ses yeux se levèrent vers lui, Jimin comprit: il avait changé. La couleur de sa peau devint livide, blanche, puis bleue. Le loup ouvrit la gueule et se mit à rire, un rire démentiel qui faisait écho dans son esprit, un rire qu'il ne parvenait pas à arrêter même en se couvrant les oreilles. Prit de panique, il attrapa la main du jeune homme au teint bleu et tenta de le tirer vers lui de toutes ses forces. "Viens! Lèves-toi!" mais il restait là, à genoux aux côtés du loup. "je t'en supplis, viens!" Jimin se sentait pleurer, implorer, mais rien n'y faisait. Sa main devint bleue à son tour et les yeux de l'homme se levèrent enfin vers lui, des yeux pourpre infusés de sang "je suis désolé, jimin... désolé...".

Le rouquin ouvrit les yeux, pantelant, couvert de sueur. Ses sens en alerte, ses orbites tournaient frénétiquement dans chaque direction, détaillant la pièce.

«Jimin... Jimin, calme toi...»

La main apaisante de Jungkook vint se poser sur sa joue, pourtant ses iris étaient froids, comme s'il le jugeait. Il se surprit même à sentir les pouces du brun effacer les larmes qui bordaient ses yeux. Jimin s'accrocha à cette main, l'empêchant de s'éloigner de lui.
Puis laissa son souffle se calmer et ses yeux se refermer jusqu'à sombrer à nouveau dans le sommeil.

Le journaliste se retrouvait maintenant face à une page blanche, un stylo dans sa main. Cela faisait des dizaines de minutes qu'il la fixait sans y toucher, ses pensées vagabondant. Puis il soupira et sortit son téléphone.

Jungkook
Désolé de ne pas t'avoir répondu la dernière fois.
Tu veux passer à la maison ce soir ?
Je voudrais m'excuser comme il se doit...

Hoseok
lol.
Ne me parle plus, t'es qu'un crétin.
Ce n'est pas que la dernière fois.
Tu ne m'as plus répondu depuis qu'on s'était vu au bar il y a plus d'un mois.
Je pensais qu'on étaient amis mais en fait j'étais juste un joujou.
Si t'as trouvé plus intéressant alors amuse toi bien avec.
Moi je t'emmerde. ♥

Jungkook
Je suis sincère, Hoseok...
Je voudrais vraiment m'excuser.

Hoseok
Heureux que tu te souviennes de mon nom.
Mais vas te faire foutre.

Jungkook soupira et reposa son téléphone, de toute évidence il allait être compliqué de revoir sa prochaine proie. Il l'avait bien trop négligée. A ce stade, autant en chercher une nouvelle. Il fallait qu'il occupe son esprit autrement que par les pensées de celui qui dormait actuellement dans son lit.

Il était aux environ de 23 heures lorsque Jimin émergea de la chambre après une journée entière de sommeil. Il appela Jungkook mais ne reçut aucune réponse. Il se traîna dans chaque pièce de la petite maison sans le voir et se laissa tomber dans le sofa, le regard dans le vide. Il était là, il n'y avait rien à faire, personne à qui parler. Une fois de plus il était seul. Alors il se releva, chercha son paquet de cigarettes à l'intérieur de la poche de sa veste souillée par son propre sang puis marcha doucement jusqu'à la fenêtre. Il l'entre-ouvrit et plaça le filtre entre ses lèvres alors que le vent froid de l'hiver vint se poser sur la peau de son visage.

Il l'alluma, illuminant l'espace d'une seconde son visage de la lueur de la flamme, puis, lorsqu'il expira, son regard se perdit sur le ciel nuageux qui lui interdisait même de voir les étoiles. Tout ce qu'il pouvait contempler était la lumière de la ville qui se reverbait contre eux, leurs donnant une couleur orangée, mais ce spectacle lui suffisait amplement pour les heures à venir.

Il écoutait le vent comme la mélodie de la plus douce de chansons et attendit des heures durant. La solitude laissait ses pensées vagabonder à son tour: il repensait à ce cauchemar incessant qu'il faisait encore et encore, qui le hantait sans jamais s'arrêter, ne le laissant jamais dormir. Mais dans sa détresse, le souvenir des doigts de Jungkook contre son visage, son baiser réconfortant contre sa tempe, le ton de sa voix si calme, tout ceci le calma.

«Revient vite...», murmura-t-il en laissant sa tête basculer vers l'arrière jusqu'à trouver appuis contre le mur.

Sa prière fut exhaussée lorsqu'environ une heure après, la porte d'entrée grinça. Jungkook scanna rapidement la pièce qui était dans le noir complet, si ce n'est la lumière naturelle qui passait par la porte vitrée du séjour devant laquelle était assis une silhouette.

«Hey.», murmura la silhouette.
« Hey.», répondit le brun en posant son manteau sur un cintre.

Jimin ne lui demanda pas où il était parti, il se contenta de le regarder s'approcher de lui, poser un genou sur le sol pour se mettre à son niveau et prendre son visage dans ses mains, leurs regards se connectant.

«Tu es glacé. Tu aurais mieux fait de rester au chaud.
— Je ne suis pas malade, je suis blessé.
— Et tomber malade ne t'aidera pas à te remettre vite sur pied.»

Sur ces mots, Jungkook referma la fenêtre et aida Jimin à se relever, l'installant dans le sofa avant de l'abandonner pour aller lui cuisiner quelque chose après avoir mis un peu de musique dans les enceintes aux quatre coins des murs du salon.

«Geroges Bizet.», annonça-t-il alors que les violons entamaient doucement leur mélodie. «Connais-tu l'histoire de Carmen, Jimin?»

Le rouquin soupira et se contenta de répondre non d'un signe de tête alors que Jungkook s'affaire autour des légumes. Cette histoire ne l'intéressait pas tant que ça, pourtant il se leva volontiers pour rejoindre Jungkook dans la cuisine et s'abandonner à la discussion.

«C'est l'histoire d'une femme qui se fait arrêter pour avoir déclenché une bagarre, mais le brigadier qui l'emmène en prison en tombe fou amoureux, la laisser s'échapper et quitte tout pour elle. Mais elle va ensuite l'abandonner malgré tout ce qu'il a fait pour elle, et va tomber amoureuse d'un autre homme.
— C'est d'un banal...», soupira Jimin avec un sourire taquin sur les lèvres.
« La fin est également banale. L'ancien brigadier va devenir fou de jalousie et va la tuer.
— Tu aimes cette histoire ?
— Elle me rappelle que parfois, les humains les plus communs sont capables d'un peu de bon sens. Mais au fond ce n'est qu'une impulsion, juste après ils se mettent à regretter, changés à jamais, meurtris par ce qu'ils considèrent comme un crime.»

Jimin réfléchissait à ce que venait de dire Jungkook, un reflet triste dans ses yeux.

«Tu penses qu'ils ne sont pas moins humains après avoir tué?
— Pas s'ils regrettent. Ils restent faibles. Et l'amour... tssk... c'est un concept bien propre à eux.
— J'ai été amoureux... par le passé...»

Le regard inquisiteur se posa alors sur Jimin, un regard froid.

«Comment c'est ?
— C'est comme porter un bandeau sur les yeux. Un bandeau qu'on refuse nous même d'enlever. On se laisse guider par l'autre sans rien remettre en question. C'est un peu comme être au paradis et en enfer en même temps. On est prêt à se vendre son âme pour acheter un peu de bonheur à l'autre.
— Tu y crois ? Au paradis, à l'enfer....
— Non, c'était une métaphore. Et toi ?
— Dieu n'est qu'une création pour se raccrocher à quelque chose, car seuls ils ne sont rien.»

Jimin sourit. Jungkook l'observa. Rares étaient les fois où il le voyait étirer cette grimace qu'il détestait pourtant. Mais celui du rouquin ne le dérangeait pas. Un sourire amusé, sincère, doux. Un sourire qui ne lui donnait pas envie de le tuer, mais de le dévorer, d'entendre ses cris d'une autre manière. Son cœur palpitait de cette envie de l'enlacer, de le porter sur le comptoir, de se fondre sur ces lèvres, de presser ses hanches contre les siennes, de-

«Jungkook?»

Le brun cligna des yeux, sortant de ses pensées perverses.

«Excuse-moi, j'étais ailleurs l'espace d'une seconde.
— Les légumes sont en train de prendre au fond de la poêle.
— Ah...»

Jungkook se concentra à nouveau sur sa cuisine, ajoutant maintenant la viande alors que Jimin le regardait faire silencieusement, picorant des raisins de temps à autre. Il ne quittait pas le brun des yeux, comme un ornithologue qui venait de rencontrer un oiseau rare.

Cela faisait maintenant des semaines que Jimin était là. Chaque jour qui passait, Jungkook se demandait ce qui pouvait bien le retenir ici, pourtant il ne lui demandait pas, le laissant faire. Lui qui n'appréciait pas la compagnie appréciait pourtant celle du roux. Elle lui rappelait qu'il n'était pas seul en ce monde. Il montrait parfois son côté rebelle et provocateur, mais rien que le brun ne détestait véritablement.

Ce soir, à nouveau, Jimin était seul. Il savait que ce n'était pas lui qui allait empêcher le brun de vivre sa vie, et il avait appris à connaître sa méthode de prédation. Il ne disait donc rien quant à ses absences qui laissaient néanmoins un vide incontestable dans la petite maison. Un vide qui lui donnait des envies d'aventures, à lui aussi. Il attrapa sa veste en cuir et sortit par la fenêtre, il s'avança dans le jardin mal entretenu, sentant l'herbe jusqu'à la moitié de ses mollets et inspira. Il sortit une cigarette qu'il alluma puis redressa le visage vers le ciel, plissant face à la luminosité si pure de la lune. Il aimait le ciel hivernal. Instinctivement, il monta sur une fenêtre puis posa le pied sur une poutre qui ressortait sur l'extérieur du mur. Il se hissa dessus puis sauta sans aucune hésitation, s'accrochant à la gouttière qui se courba dans un crissement, sous son poids.

Il se dit un instant que Jungkook allait sûrement lui en vouloir pour ce désagrément, mais ce n'est pas ce qui l'empêcha de finir son ascension jusqu'à se tenir debout sur les tuiles. Il préféra éviter davantage de dégâts et s'allongea alors, passant ses mains à l'arrière de sa tête jusqu'au moment où il extirpa enfin la cigarette d'entre ses lèvres, expirant.

Son regard fixait le ciel étoilé. Les nuages avaient cessé de le couvrir depuis la fin d'après-midi, rendant la nuit particulièrement froide et annonçant du givre lorsque le soleil se lèvera.

Il ferma alors les yeux, se demandant ce que Jungkook était en train de faire. Il était sûrement en train de repérer la clientèle d'un bar pour choisir sa prochaine victime et s'en approcher. Ou peut-être l'avait-il déjà choisi et bavardait-il tranquillement avec, mensongeant ses sourires et ses rires? Il l'enviait. Lui n'osait plus sortir seul pour chasser. Il avait peur de cet instant où les victimes se rendaient compte de ce qu'il se passait et luttaient. Il venait de monter sur ce toit mais avait peur que, contre un homme qui frapperait au mauvais endroit, ses blessures se rouvrent. Il avait peur de commettre une erreur, et dans ce domaine, les erreurs signifiaient "Game Over".

Perdu sans ses pensées, sa cigarette se consuma seule, la cendre tombant sur sa joue sans le déranger. Le froid commençait à ronger ses os, mais il ne le sentait qu'à peine. Ce qui lui importait à cet instant était le fait de sentir le vent sur sa peau: se sentir libre. Apaisé, il ne se sentit même pas s'endormir.

Lorsque Jungkook arriva, il ne fut pas surpris de voir la fenêtre ouverte une fois de plus. Il se jura de faire payer au rouquin les factures de chauffage de ce mois-ci et le chercha dans la maison, en vain. Il prit son téléphone et appela.

Il entendit une sonnerie. Elle paraissait loin. Il sortit et fronça les sourcils en se rendant compte qu'elle venait du bord de sa toiture. Il prit du recul et vit les pieds de Jimin installés contre la gouttière. Un instant, il eut peur qu'il ne lui soit arrivé quelque chose, d'autant plus qu'il ne répondait pas malgré la sonnerie. Il attrapa une échelle qui était contre l'un des murets en béton qui entourait la petite propriété et la posa contre la maison, montant, rejoignant le corps allongé de Jimin.

Lorsqu'il l'eut atteint, il allait appeler son nom, mais il n'eut pas le temps, saisit par la beauté de la vision offerte à ses yeux.

La lumière de la lune et des étoiles éclairait le visage de Jimin d'une lueur blanche, presque bleue. Ses lèvres départies ressortaient du teint pâlement éclairé dans un rose aussi doux qu'attendrissant, seule pointe de couleur dans ce tableau. C'était comme un appel à venir les goûter, comme le seul fruit mûre qui pendait des branches d'un arbre mort. Il serait si facile de les cueillir dans le sommeil de cet arbre qui ne bougeait pas.

Jungkook était là, à le fixer, son visage, ses yeux fermés, le contour de son nez, la moindre parcelle de sa peau offerte à la lune, jusqu'à ce que le bout de ses doigts ne se joigne à ses yeux dans le dessin de ce visage si fin devant lui. Il les passait sur sa peau dans un frôlement subtile, n'osant presque pas le toucher, comme si ce qu'il avait devant lui était une porcelaine fragile.

Puis il se rendit compte du ridicule de ses pensées. Il soupira, agacé contre lui même et s'autorisa à balayer les mèches orangées qui flottaient sur son front au grès du vent.

Il la coinça derrière son oreille et remarqua alors un tremblement dans le corps de son compagnon. Il posa le dos de sa main contre sa joue et remarqua qu'il était glacé, comme un cadavre, ou peut-être bien que Jimin n'était effectivement que de la porcelaine ?

Jungkook n'osait pas rompre le silence offert par le sommeil des Hommes, il n'osait pas siffler autre chose que la mélodie du vent. Alors il approcha ses lèvres de l'oreille du rouquin et murmura.

«Tu as froid.»

Mais Jimin ne réagit pas. Ce n'était pas forcément une surprise: il n'avait pas été par la sonnerie de son téléphone, pourquoi un murmure le sortirait-il de son sommeil? Jungkook soupira et posa sa main contre sa joue, la pressant délicatement, passant le bout de ses doigts en caresse en dessous de son œil jusqu'à extirper un grognement d'entre ce fruit défendu.

Il sourit alors que Jimin ouvrit ses yeux lentement, le fixant.

«Qu'est-ce que tu fais ici ?», demanda Jungkook avec une voix douce.
«J'étais venu regarder le ciel.
—J'imagine qu'il est plus beau d'ici que depuis la fenêtre du salon.»

Jimin acquiesça, provoquant une friction semblable à une caresse contre la paume sur sa joue.

«J'ai plié ta gouttière...», avoua-t-il alors, encore à moitié endormi.

Mais en cet instant, Jungkook n'avait pas la force de se mettre en colère contre lui.

«Nous devrions rentrer, tu es frigorifié.
—Non. Encore un peu...
—Pourquoi s'entêter ?.», demanda le brun avec une réelle pointe de curiosité.
«J'aime cette sensation.
—Le froid ?
—Tout... Le froid n'est qu'une conséquence de tout ça... Le vent sur mon visage, le ciel hivernal... La nuit... J'aime tout de cet instant.»

Jungkook esquissa un sourire et retira sa main, se posant aux côtés de Jimin, mettant à son tour ses mains derrière sa tête pour observer ce ciel qui fascinait tant le roux.

«J'imagine que je peux comprendre pourquoi..», fit-il dans un murmure en fermant les yeux pour se concentrer sur la sensation de la brise.«On se sent libres. Seuls.
—Hmm...»

Jimin pencha alors sa tête vers Jungkook, l'observant à son tour silencieusement.

«Je déteste la sensation d'être enfermé.
—Tu es fait pour être libre Jimin. Nous deux, en fait... Que ces barreaux soient physiques ou qu'ils ne soient construits que des règles imposées par les humains. Toi et moi, nous faisons ce que nous voulons.»

Jimin ne répondit pas. Il replaça sa tête dans ses mains et regarda à nouveau le ciel, droit devant lui alors que Jungkook reprit.

«Qu'est-ce que tu ferais, toi, s'ils t'enfermaient?
—Ils ne m'enfermeront pas.
—Je te trouve bien présomptueux pour quelqu'un d'aussi insouciant dans son mode d'action que toi.
—Je n'ai pas dit qu'ils ne me trouveront pas, un jour... Ce que je veux dire, c'est que je préfère mourir que de tomber entre leurs mains...»

Jungkook tourna alors le visage, regardant son compagnon.

«Mourir n'est pas toujours facile. Se tuer sois-même n'a rien d'aisé. »

Jimin tourna alors le visage à son tour vers Jungkook. Leurs regards se connectèrent sous la lumière de la lune, se reflétant dans leurs iris comme une œuvre d'art.

«Tu me tuerais si je te le demandais ? Si mourir était l'ultime solution, tu accepterais de le faire?
—Te tuer serait un plaisir, mais pas si c'était l'ultime solution. Je voudrais te tuer dans un moment bien plus doux que la précipitation. Tu mérites cette mort lente, douce...
—Le ferais-tu quand même?
—Hmmm...»

Devant l'hésitation de Jungkook, Jimin se redressa et s'installa sur son bassin, baissant son visage jusqu'à ce que le bout de ses mèches ne caressèrent le cou du brun et que sa voix ne se transforme en un murmure suppliant.

«Ne les laisse pas m'enfermer... Jamais... »

Jungkook se mordit alors la lèvre et sa main se perdit dans la nuque du rouquin, remontant doucement jusqu'à l'arrière de son crâne.

«D'accord...», murmura-t-il à son tour.

Jimin sourit alors. Il ne voyait pas ses lèvres, mais le devinait au mouvement de la peau du contour de ses yeux: un sourire sincère, heureux, reconnaissant. Le sentit alors s'avancer plus près de son visage et murmurer aux portes de ses lèvres.

«Merci...»
Puis ce fruit rosé se posa contre les siennes, s'offrant à lui comme s'il n'y avait plus de péché à venir les cueillir.

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